Mandat apparent : 28 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/02893

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Mandat apparent : 28 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/02893

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 8

ARRÊT DU 28 JUIN 2022

(n° 2022/ 146 , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/02893 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBONJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Janvier 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS RG n° 17/05527

APPELANTS

INTIMES A TITRE INCIDENT

Monsieur [E] [L] [J] [I]

Villa Casa di Babbu – Route des Sanguinaires

20000 AJACCIO

Né le 3 mars 1952 à MARSEILLE

Monsieur [P] [D] [I]

1825 avenue de Valescure

83700 ST RAPHAEL

Né le 20 octobre 1957 à MARSEILLE

Représentés par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assistés de Me Jacques DUFOUR, avocat plaidant, avocat au barreau de LYON,

INTIMÉE

APPELANTES A TITRE PRINCIPAL

S.A.M.C.V. LES ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR société d’assurance mutuelle entreprise régie par le code des assurances, à directoire et conseil de surveillance, représentée par le Président du Directoire domicilié en cette qualité au siège 59 rue de la Faisanderie 75116 PARIS

59 rue de la Faisanderie

75781 PARIS 16

N° SIRET : 311 85 2 7 50

Représentée et assistée de Me Danièle GUEHENNEUC, avocat au barreau de PARIS, toque : B0571

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 05 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

M. Julien SENEL, Conseiller

Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET

ARRÊT : Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 21 juin 2022, prorogé au 28 juin 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de Chambre et par Laure POUPET, greffière présente lors de la mise à disposition.

******

EXPOSÉ DU LITIGE :

[F] [I] et [N] [M] se sont mariés et ont eu deux enfants : [E] et [P] [I].

[F] [I] est décédé le 15 mars 2007 à AJACCIO laissant à sa succession son épouse et ses deux enfants.

[N] [I] est elle-même décédée le 25 janvier 2016 laissant à sa succession ses deux fils, [E] et [P].

Arguant de ce qu’ils avaient retrouvé la trace de nombreux contrats d’assurance-vie « MULTIVALOR » souscrits par leur père pendant la période d’avril 1995 à janvier 2002 auprès de la société LES ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR, [P] et [E] [I] ont le 26 septembre 2016, par l’intermédiaire de leur conseil, mis l’assureur en demeure d’avoir à leur communiquer la totalité de ces contrats ainsi que des contrats similaires qui auraient, selon eux, également été conclus par [F] [I].

Par courrier du 10 octobre 2016, la société ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR leur a répondu qu'[F] [I] n’avait souscrit aucun contrat « MULTIVALOR », faisant état de son adhésion à quatre contrats d’épargne viagère et à quatre contrats de groupe prévoyance, tous déjà résiliés.

Les consorts [I] ont adressé une nouvelle mise en demeure en date du 14 octobre 2016 en l’accompagnant de documents de nature, selon eux, à démontrer les souscriptions alléguées pour un actif en début d’année 2002 de l’ordre de 307.417,18 euros.

Par courrier du 14 novembre 2016, l’assureur a répondu que ces documents constituaient des faux ne correspondant à aucun contrat souscrit par [F] [I] et les a invités a engager la responsabilité de M. [X] [R] par l’intermédiaire duquel les contrats auraient été souscrits.

Par courrier du 23 novembre 2016, le conseil des consorts [I] a indiqué que M. [X] [R] étant un salarié de la société LES ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR, cette dernière devait en conséquence indemniser ses clients à concurrence de la somme de 445.359,83 euros.

Par acte d’huissier en date du 27 mars 2017, MM. [E] et [P] [I] ont assigné la société LES ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR devant le tribunal judiciaire de PARIS demandant, au visa des articles 56 du code de procédure civile, 1134 et 1147 anciens du code civil et L.132-22 du code des assurances, sa condamnation à leur payer, avec exécution provisoire :

– 741.553,64 euros, somme arrêtée au 31 mars 2017 au titre de douze « investissements » réalisés par leur père sur huit contrats d’assurance-vie « MULTIVALOR » entre 1995 et 2002, capitalisés au taux moyen constaté pour des produits de même nature (de 5,90 % à 1,90 %) ;

– les intérêts légaux sur cette somme à compter de l’assignation ;

– 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement aux obligations de diligence et d’information ;

– 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Par jugement du 21 janvier 2020 le tribunal, a :

– rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par l’assureur ;

– débouté [E] et [P] [I] de l’ensemble de leurs demandes ;

– débouté la compagnie les ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– condamné [E] et [P] [I] à payer aux ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

– condamné [E] et [P] [I] aux entiers dépens de l’instance.

Par déclaration électronique du 6 février 2020, enregistrée au greffe le 18 février 2020, [E] et [P] [I] ont interjeté appel du jugement.

Par ordonnance du 20 septembre 2021, le conseiller de la mise en état a débouté les consorts [I] de leur demande de communication sous astreinte de pièces relatives à la rupture des relations contractuelles entre l’assureur et M. [X] [R] le 8 février 2004.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées par voie électronique le 25 octobre 2021, les appelants, demandent à la cour, au visa de l’article 56 du code de procédure civile, des articles 1242 et 1998 du code civil, du code des assurances, notamment ses articles L. 132-22 et L511-1, recevant leur appel comme régulier, de :

– REFORMER le jugement et l’INFIRMER en ce qu’il les a :

o déboutés de l’ensemble de leurs demandes.

o condamnés à payer à la société LES ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR la somme de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles ;

o condamnés aux entiers dépens de l’instance.

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

– condamner la société les ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR à leur payer la somme de 774.210,81 euros, sauf à parfaire, au titre des investissements réalisés par [F] [I] capitalisés au taux moyen constaté pour des produits de même nature ;

A titre subsidiaire,

– condamner la société les ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR au paiement de l’investissement réalisé initialement par [F] [I], soit 369.307,73 euros, outre intérêts au taux légal sur la somme de 307.417,18 euros à compter du 14 octobre 2016, date de la première lettre de mise en demeure et pour la totalité à partir du 27 mars 2017, date de l’assignation ;

En toute hypothèse,

– débouter la société LES ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR de l’intégralité de leurs demandes.

– condamner la société les ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– la condamner également aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS sur son affirmation de droit.

Aux termes de ses dernières écritures d’intimé et d’appel incident notifiées par voie électronique le 5 novembre 2021, la société LES ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR, demande à la cour, de :

A titre principal,

Vu l’article 2224 du code civil,

Recevant l’appel incident de la société LES ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR,

– INFIRMANT sur le rejet de la fin de non recevoir tirée de la prescription ;

Et statuant à nouveau,

– déclarer l’action de [E] et [P] [I] prescrite et la rejeter comme irrecevable;

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour considèrerait l’action comme non prescrite et en tout état de cause,

Vu les articles 6 et 9 du code de procédure civile et le nouvel article 1353 (ancien 1315) du code civil, les articles 1103 et 1104, 1242 et 1998 du code civil, l’article L 511-1 du code des assurances, l’article L 132-22 du code des assurances, l’article 32-1 du code de procédure civile, tous les textes visés dans le corps des présentes, de :

– déclarer que [E] et [P] [I] succombent dans l’administration de la preuve qui leur incombe pour n’apporter ni la preuve des contrats d’assurance-vie allégués, ni la preuve de règlements conformes à leurs demandes, ni la preuve de l’un quelconque des versements prétendument opérés par leur père ;

– déclarer que [E] et [P] [I] n’apportent pas la preuve qu’ils seraient en droit de réclamer l’exécution d’une quelconque obligation à l’encontre de la défenderesse;

– déclarer que [E] et [P] [I] n’apportent aucunement la preuve ni d’un fait générateur de responsabilité ni d’un quelconque préjudice ni d’un lien de causalité ;

En conséquence,

– les débouter de leur demande principale en paiement de la somme de 774 210,81 euros;

– les débouter de leur demande subsidiaire en paiement de 369 307,73 euros outre intérêts au taux légal sur la somme de 307.417,18 euros à compter du 14 octobre 2016, date de la première lettre de mise en demeure et pour la totalité à partir du 27 mars 2017 ;

– les débouter de l’ensemble de leurs demandes ;

– CONFIRMER le jugement en ce qu’il a débouté [E] et [P] [I] de l’ensemble de leurs demandes,

– CONFIRMER le jugement en ce qu’il a condamné [E] et [P] [I] à lui payer 3 500 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens de l’instance.

INFIRMANT sur la réparation du préjudice de la société LES ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR

Et statuant à nouveau,

– condamner [E] et [P] [I] conjointement et in solidum à payer à la société LES ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR la somme de 7.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

En toute hypothèse,

– condamner en outre [E] et [P] [I] conjointement et in solidum à lui payer la somme de 7.000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure devant la cour d’appel ;

– condamner [E] et [P] [I] conjointement et in solidum aux entiers dépens de l’instance d’appel dont distraction au profit de Maître Danièle GUEHENNEUC, avocat aux offres de droit et l’autoriser à les recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

– débouter les appelants de toutes demandes, fins et conclusions contraires aux présentes.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter aux conclusions ci-dessus visées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture est intervenue le 6 décembre 2021

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription

Le tribunal a considéré que l’assureur a échoué à démontrer que MM [I] ont eu connaissance des documents litigieux avant 2006 et a en conséquence rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de leur action.

La société LES ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR forme appel incident et sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée tirée de la prescription de l’action des consorts [I] et contestent la version des consorts [I].

Les consorts [I] quant à eux sollicitent la confirmation du jugement sur ce point faisant essentiellement valoir qu’ils n’ont retrouvé trace des contrats invoqués dans la présente procédure qu’en 2016 lors de l’inventaire des biens suite au décès de leur mère.

Sur ce,

Les consorts [I] ont assigné LES ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR le 27 mars 2017.

L’article 2224 du code civil dispose que :  » les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

Il appartient à l’assureur de démontrer que l’action des consorts [I] est prescrite dès lors qu’ils avaient connaissance des documents sur lesquels ils fondent leur action avant le 28 mars 2012.

L’assureur fait valoir que le courrier du 10 octobre 2002 qu’il a adressé à [F] [I], corroboré par l’attestation du 31 juillet 2002 signée d'[F] [I], démontre que son fils M. [E] [I] connaissait à cette date l’existence des contrats d’assurance vie sur lesquels les appelants fondent leur action.

Ce courrier est ainsi libellé :

 » Monsieur,

Monsieur [E] [I], votre fils a remis récemment à l’une de nos collaboratrices des photocopies de documents de souscription et des arrêtés de compte vous concernant. Après étude, ceux-ci sont des faux et n’émanent pas de notre société (…) ».

L’attestation rédigée par [F] [I] est quant à elle ainsi rédigée :

 » Langeac le 31 juillet 2002 -Attestation – Suite à notre conversation téléphonique du 30 courant, je vous confirme par la présente que je possède dans vos livres que des titres de capitalisation ».

Le tribunal a considéré à juste titre qu’il n’est pas démontré que ces documents ont été connu des fils d'[F] [I].

L’assureur a ensuite soutenu qu’il résultait d’un courrier du 21 janvier 2009 que lui a adressé M. [P] [I], ainsi que d’un courrier simple que l’assureur lui a adressé le 28 mai 2009, que celui-ci avait à cette date connaissance des documents litigieux.

Le tribunal a justement constaté notamment que le premier courrier manque de précision s’agissant d’une « escroquerie de 2001 » et n’établit pas que M. [P] [I] avait déjà connaissance de l’existence des documents sur lesquels les demandeurs fondent leur action.

Il a également justement relevé que M. [P] [I] conteste avoir reçu le courrier simple qui lui aurait été adressé le 28 mai 2009 de sorte que l’assureur ne démontre pas que les consorts [I] en ont bien eu connaissance.

La fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action des consorts [I] sera en conséquence rejetée et le jugement confirmé.

Sur le fond

Les consorts [I] demandent à la cour de réformer le jugement et de condamner les ASSURANCE MUTUELLES LE CONSERVATEUR à leur payer :

A titre principal, la somme des investissements réalisés par [F] [I] capitalisés au taux moyen constaté pour des produits de même nature, soit 774.210,81 euros (somme arrêtée au 30 avril 2020), sauf à parfaire ;

Subsidiairement, l’investissement réalisé initialement, soit 369.307,73 euros, outre intérêts au taux légal sur la somme de 307.417,18 euros à compter du 14 octobre 2016, date de la première lettre de mise en demeure et pour le tout à partir du. 27 mars 2017, date de l’assignation.

Ils reprennent pour l’essentiel l’argumentation développée en première instance considérant justifier suffisamment de l’existence des contrats d’assurance-vie, des versements effectués par leur père au mandataire de l’assureur à l’origine de graves malversations, ainsi que du préjudice subi.

LE CONSERVATEUR sollicite la confirmation du jugement contestant toute responsabilité, arguant de la défaillance des consorts [I] dans l’administration de la preuve tant de l’existence des contrats d’assurance-vie que de quelconques versements, contestant l’application de la théorie du mandat apparent ajoutant qu’en tout état de cause M. [R] n’aurait pu qu’agir hors du cadre de son mandat, sans autorisation

et à des fins étrangères à ses attributions. Il conteste enfin tout préjudice et tout lien de causalité.

Sur la demande d’exécution des contrats

Les consorts [I] sollicitent l’infirmation du jugement et l’exécution des contrats d’assurance-vie énoncés dans leurs écritures.

L’assureur sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a rejeté toutes les demandes des appelants.

En application des dispositions de l’article 9 du code de procédure civile et de l’alinéa 1er de l`article 1353 du code civil, il incombe aux consorts [I] de démontrer l’existence des contrats qu’ils alléguent.

Une convention supposée entre des cocontractants déterminés ne peut être invoquée qu’à la condition qu’elle soit démontrée et qu’il y ait eu une intention véritable de conclure ce contrat entre eux et une sommation faite au défendeur ne peut pallier la carence du demandeur dans l’administration de la preuve.

Il résulte de l’article L. 112-3 al 1 du code des assurances dispose que « le contrat d’assurance est rédigé par écrit, en français, en caractères apparents ».

Si le contrat d’assurance est un contrat consensuel, la preuve de son existence doit donc être rapportée par écrit. Tout écrit peut être utilisé comme moyen de preuve pour établir l’existence du contrat d’assurance dès lors qu’il émane de l’assureur. Ainsi à défaut de production d’un contrat écrit, la preuve peut être rapportée par la production d’un commencement de preuve par écrit émanant de l’assureur le rendant vraisemblable et régulièrement corroboré.

Les dispositions générales et les dispositions particulières constituent un tout indissociable et forment ensemble le contrat d’assurance-vie.

En l’absence d’élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu’elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties en ce qu’il a considéré que les consorts [I] au soutien de leur demande n’ont versé que des documents qui ne peuvent être considérés ni comme les contrats allégués, ni comme des commencements de preuve par écrit sans équivoque et que ces documents ne sont en outre pas corroborés par la preuve de versements.

Il ne peut être tiré aucune conséquence utile du fait que les consorts [I] prétendent désormais tardivement et pour la première fois en cause d’appel que leur père ne serait pas le signataire du courrier manuscrit daté du 31 juillet 2002 aux termes duquel il a reconnu n’avoir souscrit aucun contrat d’assurance-vie MULTIVALOR.

La cour constate donc avec le tribunal qu’ils échouent à démontrer l’existence des contrats dont ils demandent l’exécution et doivent être déboutés de leur demande d’exécution de ces contrats.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour faute du mandataire

L’article L. 511-1 III du code des assurances dans sa rédaction applicable au litige dispose que « pour l’activité d’intermédiation de l’intermédiaire d’assurance, l’employeur ou mandant est civilement responsable dans les termes de l’article 1384 du code civil du dommages causé par la faute, l’imprudence ou la négligence de ses employés ou mandataires agissant en cette qualité, lesquels sont considérés pour l’application du présent article, comme des préposés, nonobstant toute convention contraire ».

L’assureur ne conteste pas que jusqu’en 2004, M. [R] était son mandataire.

Cependant, il incombe aux consorts [I] pour engager la responsabilité de l’assureur de démontrer la faute, l’imprudence ou la négligence de ce mandataire.

Le tribunal a justement relevé que si le nom de M. [R] est écrit en caractère d’imprimerie sur les conditions particulières et les deux relevés de compte produits, il n’est versé aucun élément susceptible de démontrer que M. [R] est intervenu dans la rédaction des documents litigieux ni qu’une quelconque somme lui a été versée par [F] [I] ; que les demandeurs n’explicitent même pas dans leurs écritures quel rôle M. [R] aurait eu dans la rédaction de ces documents, et se contentent de faire valoir qu’il était le mandataire de l’assureur et qu’il était intervenu en qualité d’intermédiaire pour la conclusion des contrats de tontines.

En l’absence de démonstration relative aux agissements de M. [R] la responsabilité de l’assureur pour le fait de son mandataire ne peut être recherchée.

Les appelants invoque également la théorie du mandat apparent.

L’article 1998 du code civil dispose : «Le mandant est tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné. Il n’est tenu de ce qui a pu être fait au-delà, qu’autant qu’il l’a ratifié expressément ou tacitement».

Pour invoquer l’apparence d’un mandat, il faut désigner le mandataire, caractériser son lien avec le mandant, définir les agissements qu’il aurait commis et les engagements qu’il aurait pris au nom de son mandant. Il faut en outre que le tiers ait pu légitimement croire que le mandataire agissait dans les limites de son mandat.

En l’espèce, la théorie du mandat apparent ne peut pas plus fonder une condamnation de l’assureur dès lors que la preuve d’une intervention dans la rédaction des contrats irréguliers de M. [R] n’a pas été rapportée.

Le moyen relatif à l’obligation d’information annuelle de l’assureur n’est pas formellement repris dans les motifs des conclusions des appelants et doit donc être considéré comme abandonné.

En tout état de cause, il ne peut pas plus être reproché à l’assureur d’avoir manqué à son obligation légale d’information annuelle énoncée puisque les consorts [I] ont échoué à rapporter la preuve de l’existence des contrats.

Les consorts [I] seront en conséquence déboutés de leur demande et le jugement sera confirmé.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts

La société LES ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR forme appel incident en ce que le tribunal a rejeté sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et sollicite la condamnation des consorts [I] à ce titre au paiement d’une somme de 7.000 euros. Les consorts [I] s’y opposent arguant de leur bonne foi.

L’exercice d’une action en justice par une partie qui fait une appréciation inexacte de ses droits n’est pas en soi constitutif d’une faute, à moins que cet exercice ne soit accompagné de circonstances particulières de nature à le faire dégénérer en abus par malice, légèreté blâmable ou intention de nuire.

Le tribunal a considéré à juste titre que l’assureur ne caractérise pas un tel comportement à l’encontre des consorts [I] de sorte qu’il sera débouté de cette demande et le jugement sera confirmé.

Sur les autres demandes

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné les consorts [I] au paiement d’une somme de 3500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

En cause d’appel, les consorts [I] qui succombent seront également condamnés à payer à la société LES ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR une indemnité de 2500 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens d’appel et seront déboutés de leurs propres demandes.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant en dernier ressort par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement ;

Y ajoutant,

CONDAMNE MM. [E] et [P] [I] à payer à la société LES ASSURANCES MUTUELLES LE CONSERVATEUR une indemnité de 2500 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens d’appel dont distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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