N° RG 21/01118 – N° Portalis DBV2-V-B7F-IW25
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 6 OCTOBRE 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
15/01899
TRIBUNAL JUDICIAIRE DU HAVRE du 28 Janvier 2021
APPELANTE :
S.C.I. KAMEL
[Adresse 6]
[Localité 7]
représentée par Me Philippe BOURGET de la SCP BOURGET, avocat au barreau du HAVRE
INTIMES :
Monsieur [J] [H]
né le 24 Janvier 1951 à [Localité 9]
[Adresse 5]
[Localité 7]
non constitué bien que régulièrement assigné par acte d’huissier de justice le 22 mars 2022 à étude
S.A. ENTREPRISE DE LOCATION INTERIMAIRE TOUS TRAVAUX
[Adresse 1]
[Localité 4] / FRANCE
représentée par Me Marie LESIEUR-GUINAULT de la SCP SAGON LOEVENBRUCK LESIEUR LEJEUNE, avocat au barreau du HAVRE substituée par Me Farid KACI, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 19 Mai 2022 sans opposition des avocats devant M. MANHES, Conseiller, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Mme FOUCHER-GROS, Présidente
M. URBANO, Conseiller
M. MANHES, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. GUYOT, Greffier
DEBATS :
A l’audience publique du 19 Mai 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 15 Septembre 2022, prorogé au 6 octobre 2022
ARRET :
DEFAUT
Rendu publiquement le 6 octobre 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Mme Foucher-Gros, Présidente et par Mme Chevalier, Greffière.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :
Suivant acte sous seing privé du 1er septembre 2002, M. [U] a consenti à la SA Entreprise de Location Interimaire Tous Travaux (Elitt) un bail commercial de 9 ans portant sur des locaux situés [Adresse 3].
Par acte du 27 février 2010, M. [U] a cédé ces locaux commerciaux à M. [H].
Le 4 juin 2013, M. [H] a fait délivrer à la SA Elitt un congés au 31 décembre 2013 avec offre de renouvellement à compter du 1er janvier 2014.
Par acte du 26 septembre 2013, M. [H] a vendu ces locaux commerciaux à la SCI Kamel. L’acte de vente précisait que les locaux vendus étaient loués et un bail commercial conclu entre M. [H] et la SA Elitt, signé le 25 juillet 2013 par M. [H] et à effet au 1er janvier 2013 était annéxé à l’acte de vente.
La SA Elitt ayant cessé de régler les loyers à compter du mois de janvier 2015, la SCI Kamel l’a mise en demeure par courrier recommandé du 19 février 2015 de lui régler la somme de 3.130,47 €.
Le 26 février 2015, le bailleur a fait délivrer à la locataire une sommation de payer la somme de 6.782,78 € correspondant au solde de loyers des premiers et troisième trimestre 2015, outre le montant de la clause pénale.
Par ordonnance rendue le 23 juin 2015, le président du tribunal judiciaire du Havre a enjoint à la SA Elitt de payer à la SCI Kamel la somme de 6.573,98 € en principal, outre celle de 208,80 € pour frais et accessoires, à la SCI Kamel.
La société Elitt a fait opposition à cette ordonnance.
Parallèlement, par acte du 3 mai 2017, elle a fait assigner M. [H] pour obtenir sa garantie en cas de condamnation au paiement des loyers.
Les deux affaires ont été jointes le 28 septembre 2017.
Par acte d’huissier du 26 juin 2018, la SA Elitt a donné congé à la SCI Kamel, tout en rappelant qu’elle contestait le bien fondé de l’action en paiement engagée à son encontre.
Un procès verbal d’état des lieux de sortie a été établi le 4 janvier 2019.
Par jugement du 28 janvier 2021, le tribunal judiciaire du Havre a :
– débouté la SCI Kamel de sa demande en paiement de loyers impayés formulée contre la SA Entreprise de Location Interimaire Tous Travaux,
– débouté la SCI Kamel de sa demande en paiement formulée sur le fondement de la clause pénale formulée contre la SA Entreprise de Location Interimaire Tous Travaux,
– débouté la SCI Kamel de sa demande en paiement du coût du procès verbal de constat,
– débouté la SCI Kamel de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour dol formulée contre M. [H],
– débouté la SCI Kamel de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive formulée contre la SA Entreprise de Location Interimaire Tous Travaux,
– débouté M. [H] de sa demande de mise hors de cause,
– débouté M. [H] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive formulée contre la SA Entreprise de Location Interimaire Tous Travaux,
– dit n’y avoir lieu à indemnité en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
– condamné la SCI Kamel aux dépens de la présente procédure,
– autorisé conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, la SCP Sagon Loevenbruck Lesieur Lejeune, avocat, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision.
La SCI Kamel a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 15 mars 2021 en intimant la SA Elitt.
Par acte du 3 août 2021, la SA Elitt a assigné M. [H] en appel provoqué.
La déclaration d’appel et les conclusions de la SA Elitt ont été signifiées à l’étude de l’huissier instrumentaire.
M. [H] n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 mai 2022.
PRETENTIONS DES PARTIES :
Vu les conclusions du 30 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments de la SCI Kamel qui demande à la cour de :
– recevoir la SCI Kamel en son appel et l’en déclarer bien fondée,
– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire du Havre le 28 janvier 2021 dans l’intégralité de ses dispositions,
– consécutivement, infirmer le jugement du tribunal judiciaire en date du 28 janvier 2021 en ce qu’il a :
-débouté la SCI Kamel de sa demande en paiement des loyers impayés,
-débouté la SCI Kamel de sa demande en paiement de la clause pénale,
-débouté la SCI Kamel de sa demande en paiement du coût du procès verbal de constat,
-débouté la SCI Kamel de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,
-débouté la SCI Kamel de sa demande en paiement des frais irrépétibles,
-condamné la SCI Kamel aux dépens.
Et, statuant à nouveau, par arrêt se substituant à l’ordonnance d’injonction de payer,
A titre principal,
– condamner la SA Elitt à payer à la SCI Kamel la somme de 50.087,52 € au titre de l’arriéré locatif arrêté au 31 décembre 2018 et correspondant aux 1er, 2ème, 3ème & 4ème trimestre 2015, aux 1er, 2ème, 3ème & 4ème trimestre 2016, aux 1er, 2ème, 3ème & 4ème trimestre 2017, et aux 1er, 2ème, 3ème & 4ème trimestre 2018, sauf à parfaire,
– condamner la SA Elitt au paiement d’une somme de 5.008,75 € au titre de la clause pénale, sauf à parfaire,
– condamner la société Elitt au paiement d’une somme de 324,09 € correspondant au coût du procès verbal de constat établi le 7 novembre 2017,
– condamner la SA Elitt au paiement d’une somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts pour opposition abusive et injustifiée,
– condamner la société Elitt au paiement d’une somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SA Elitt au paiement d’une somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,
– condamner la SA Elitt aux entiers dépens de première instance et d’appel qui comprendront les frais de la sommation de payer, les frais de la requête en injonction de payer, les frais de signification de la requête en injonction de payer,
Subsidiairement,
– condamner la société Elitt à payer à la SCI Kamel la somme de 36.658,88 € au titre de l’indemnité d’occupation due à raison de l’occupation des locaux sis [Adresse 2] par la société Elitt pour les années 2015, 2016, 2017 & 2018,
– condamner la SA Elitt au paiement d’une somme de 3.665,88 € au titre de la clause pénale, sauf à parfaire,
– condamner la société Elitt au paiement d’une somme de 324,09 € correspondant au coût du procès verbal de constat établi le 7 novembre 2017,
– condamner la SA ELITT au paiement d’une somme de 1500 € à titre de dommages et intérêts pour opposition abusive et injustifiée,
– condamner la SA Elitt au paiement d’une somme de 4000 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SA Elitt au paiement d’une somme de 5000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,
– condamner la SA Elitt aux entiers dépens de première instance et d’appel qui comprendront les frais de la sommation de payer, les frais de la requête en injonction de payer, les frais de signification de la requête en injonction de payer.
Vu les conclusions du 16 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments de la SA Entreprise de Location Intérimaire Tous Travaux ( Elitt )qui demande à la cour de :
Sur l’appel principal de la SCI Kamel :
– confirmer le jugement du tribunal judiciaire du Havre en date du 28.01.2021 (RG n° 15/01899) en toutes ses dispositions
En conséquence,
– débouter la SCI Kamel de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause,
– débouter la SCI Kamel de ses demandes visant à solliciter l’octroi d’une indemnité d’occupation pour la période courant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2018, s’agissant d’une demande nouvelle formulée pour la première fois en cause d’appel,
Subsidiairement et si par extraordinaire la cour venait à consacrer la validité du bail litigieux,
– dire que la date de la fin d’occupation des locaux par la société Elitt, doit être fixée au 31 décembre 2015, ‘dans la mesure il convient’ de s’en référer à la première période d’occupation triennale du bail litigieux, et ce en raison de la décision non équivoque de la société Elitt de ne plus occuper les locaux, et limiter en conséquence la condamnation de la société Elitt au paiement des loyers et charges jusqu’à cette date,
En tout état de cause,
– débouter la SCI Kamel de sa demande formée au titre de l’indemnité d’occupation pour la période courant du 1 er janvier 2016 au 31 décembre 2018,
Sur l’appel incident de la société Elitt :
Subsidiairement, si par extraordinaire la Cour venait à réformer le jugement déféré, et faire droit aux demandes financières de la SCI Kamel en tout ou partie,
– consacrer la responsabilité contractuelle de M. [H] du fait des fautes par lui commises dans le cadre de l’élaboration du bail,
– dire et juger que la SA Elitt sera relevée et garantie de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre par M. [H],
– condamner la SCI Kamel et M. [H] in solidum à la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de la SCP Sagon Loevenbruck Lesieur Lejeune sur son affirmation de droit.
MOTIVATION DE LA DECISION :
Sur l’opposabilité à la société Elitt du bail à effet du 1er janvier 2013 :
Moyens des parties :
La SCI Kamel soutient que :
* un nouveau bail à effet au 1er janvier 2013 a été établi postérieurement au congé avec offre de renouvellement du 4 juin 2013,
* il n’est pas démontré que ce bail serait irrégulier pour avoir été signé et paraphé par une personne non habilitée,
* la date du 1er janvier 2013 apposée par le représentant de la SA Elitt n’est pas la date de signature mais la date d’effet du nouveau bail,
* l’absence tant du tampon de l’entreprise sur le bail que d’annexes n’a aucune incidence,
* la SA Elitt a poursuivi l’occupation des lieux et leur location sur la base des dispositions du nouveau bail,
* le dépôt de garantie du premier bail n’a pas été restitué à l’expiration du délai de 6 mois suivant le congé avec offre de renouvellement du 4 juin 2013 mais a été transféré sur le nouveau bail,
* la SA Elitt n’a pas contesté l’existence et la validité du nouveau bail lorsque le cabinet chargé de la gestion du bien lui a rappelé qu’elle était contractuellement liée par ce bail,
* la SA Elitt a donné congé le 26 juin 2018 à effet du 30 décembre 2018 en vertu du nouveau bail.
La SA Elitt réplique que :
* elle a donné congé du précédent bail au 31 décembre 2014,
* elle s’est acquittée de ses obligation jusqu’à cette date,
* elle n’a jamais entendu régulariser un nouveau bail,
* le nouveau bail litigieux, qui ne lui a été communiqué qu’en juillet 2014 et seulement en copie et non en original, ne lui est pas opposable dès lors que sa date d’effet est le 1er janvier 2013 alors que le congé avec offre de renouvellement vise une date de renouvellement au 1er janvier 2014, et qu’il ne comporte :
ni son tampon,
ni la signature de son dirigeant, M. [F] [I],
ni la signature d’un représentant dûment habilité,
ni aucune des annexes exigées par la loi,
*le fait qu’elle se soit maintenu dans les lieux au delà de la date du 1er janvier 2014 fixée par le congé qui lui a été délivré le 4 juin 2013 ne vaut pas acceptation automatique de renouvellement, et elle a libéré les lieux à compter du 31 décembre 2014 conformément au congé qu’elle a elle-même donné,
* elle a fait délivrer un nouveau congé pour le 31 décembre 2018, relatif cette fois au bail contesté dans le seul but de préserver ses droits compte tenu de la mauvaise foi de la SCI Kamel.
Réponse de la cour :
Il résulte des dispositions de l’article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, et doivent être exécutées de bonne foi.
Par ailleurs, en applications des dispositions des articles 1985 et 1998 du code civil, le mandat peut être donné par acte authentique ou par acte sous sein privé, mais également verbalement, l’acceptation du mandant pouvant être tacite et résulter de l’exécution qui lui a été donnée par le mandataire, le mandant étant tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire conformément au mandat qui lui a été donné. Il n’est tenu de ce qui a pu être fait au delà, qu’autant qu’il l’a ratifié expressément ou tacitement.
Une personne peut être engagée sur le fondement d’un mandat apparent, même en l’absence d’une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire a été légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient ce tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs.
La SCI Kamel produit un bail à l’en tête de la société Orpi, signé par le précédent propriétaire, M. [H], le 25 juillet 2013, aux termes duquel ce dernier donne en location à la SA Elitt les locaux litigieux pour une durée de 9 ans à compter du 1er janvier 2013, moyennant un loyer annuel de 9.901 € payable par trimestre, outre les taxes, les charges et la taxe foncière et la taxe sur les ordures ménagères, le dépôt de garantie correspondant à la somme de 1.715 € versée ‘ le 01 septembre 2002 à la signature du bail d’origine’.
Toutes les pages de ce bail portent les paraphes ‘CB’ et ‘GV’.
Ce bail comporte également pour le preneur, dont il est précisé qu’il s’agit de M. [F] [I] pour la SA Elitt, une date de signature au 1er janvier 2013 à Pont de Claire, avec la mention manuscrite ‘Lu et approuvé’ et une signature précédée de la mention ‘PO’,
Les parties s’opposent sur l’opposabilité de ce bail à la société Elitt.
La chronologie des faits telle qu’elle résulte des pièces produites est la suivante :
– le 4 septembre 2002, M. [U] a donné à bail à la SA Elitt, représenté par M. [F] [I] en sa qualité de Président du Conseil d’Administration, le local commercial litigieux, pour une durée de 9 ans, moyennant un loyer de 6.860 € par an, payable par trimestre, soit 1714,99 € par trimestre, auquel s’ajoutaient la TVA, les charges locatives et la taxe foncière,
– le 30 août 2011, le bail commercial a été tacitement renouvelé,
– le 21 mai 2013, la société Orpi, gestionnaire du bail commercial, a informé par mail M. [H], nouveau propriétaire du bien, qu’elle était en contact avec la SA Elitt dont le représentant lui avait confirmé sa volonté de signer le renouvellement du bail, et qui reviendrait vers eux lorsque ses services juridiques auraient examiné l’exemplaire du nouveau bail qui lui avait été remis,
– le 4 juin 2013, M. [H] a fait délivrer par acte d’huissier à la SA Elitt un congé pour le 31 décembre 2013, avec offre de renouvellement du bail à compter du 1er janvier 2014 moyennant un loyer porté à 9.900 € par an, outre les charges et les taxes,
– le 26 septembre 2013, M. [H] a cédé le bien immobilier à la SCI Kamel, l’acte authentique précisant que le bien est loué à la SA Elitt suivant bail commercial sous seing privé signé le 1er janvier 2013 pour le preneur et le 25 juillet 2013 pour le bailleur, bail consenti pour une durée de 9 années à compter du 1er janvier 2013, moyennant un loyer annuel de 9.901 € hors taxes et hors charges, soit 2.475,24 € payable par trimestre, outre la provision pour charges , le montant de l’impôt foncier et la taxe sur les ordures ménagères, le dépôt de garantie de 1.715 € étant remboursé prorata temporis par le vendeur à l’acquéreur,
– le 27 septembre 2013, le cabinet Optia a informé par courrier la SA Elitt de la vente des murs intervenue au profit de la SCI Kamel, que cette dernière l’avait chargée de la gestion du bien immobiler, qu’elle prenait connaissance du bail signé par elle le 1er janvier 2013 et elle lui a précisé que son loyer demeurait inchangé,
– le 27 décembre 2013, le cabinet Optia a transmis par courrier à la SCI Kamel l’avis d’échéance du 1er trimestre 2014 ainsi que son RIB,
– la SCI a réglé son loyer trimestriel de 2.475,47 € outre une provision sur charges de 90 € jusqu’au 30 décembre 2014,
– le 1er juillet 2014, la SA Elitt a adressé un mail au cabinet Optia lui indiquant qu’à la suite du congé signifié par voie d’huissier le 4 juin 2013, elle n’entendait pas renouveler le bail et qu’elle quitterait les locaux le 31 décembre 2014,
– ce même jour, le cabinet Optia lui a fait part de son étonnement, lui a rappelé le bail qu’elle a signé à effet au 1er janvier 2013 et lui a demandé de lui transmettre copie du congé du 4 juin 2013 dont la SCI Kamel n’avait pas connaissance,
– le 2 juillet 2014, le cabinet Optia a indiqué à la SA Elitt qu’elle transmettait au bailleur le congé du 4 juin 2013 et a attiré son attention sur le fait que ce congé avait trouvé sa conclusion dans le bail signé par les deux parties à effet du 1er janvier 2013, le congé n’ayant eu pour but que d’offrir le renouvellement du bail dans de nouvelles conditions au demeurant reprises dans le bail à effet du 1er janvier 2013. Elle lui a précisé qu’il lui appartenait de signifier une nouvelle résiliation afin de parfaire son intention de restituer les locaux,
– à compter du 1er janvier 2014, la SA Elitt a cessé dé régler le loyer,
– le 30 mars 2015, la SA Elitt a demandé au cabinet Optia de procéder au relevé des compteurs en indiquant ne plus occuper le local depuis le 31 décembre 2014,
– le 10 avril 2015, le cabinet Optia lui a rappelé le bail qu’elle a signé, que le local était toujours sous son autorité et qu’elle n’y avait, quant à elle, pas accès, tout en lui rappelant les loyers en souffrance,
– le 29 mai 2015, le cabinet Optia a rappelé à la SA Elitt qu’elle restait titulaire du bail dont les clauses lui étaient donc opposables, et l’a incité à se rapprocher de l’huissier de justice chargé de procéder au recouvrement des loyers impayés,
– le 6 février 2017, la société Orpi a répondu à l’avocat de la SA Elitt qui l’interrogeait sur la gestion du bien, que son mandat s’était arrêté avec la vente du bien par M. [H] à la SCI Kamel, en précisant que :
‘ Dès les premiers jours du mois de janvier 2013, nous avons informé la société Elitt que le bail commercial des locaux qu’elle occupait au Havre était arrivé à son terme. Nous avons proposé de rédiger un nouveau bail commercial.
Nous avons fait parvenir par mail un exemplaire de ce bail aux parties, soit à la société Elitt et au bailleur, afin de receuillir leurs éventuelles remarques sur les termes de ce bail, plusieurs semaines plus tard.
Le locataire ne nous a jamais fait parvenir le bail signé en retour.
C’est pourquoi, à la date du 27 mai 2013, nous avons prévenu l’occupant que, sur décision du bailleur, nous allions faire délivrer un congé avec offre de renouvellement par voie d’huissier.
Ce qui a été fait par l’Etude [L], Huissier de Justice à [Localité 8] le 04 juin 2013.
Après cette date nous n’avons plus eu à connaitre de retour de la part de l’occupant concernant son renouvellement de bail.
Il ne nous a pas fait de réponse à ce congé.
Nous n’avons pa eu à superviser la signature du bail commercial par l’une ou l’autre des parties.
Nous n’avons pas émis de facture d’honoraires à ce propos.
Le bailleur a mené la vente de son local avec un confrère, nous n’avons pas eu à intervenir jusqu’à la remise de l’ensemble du dossier au nouveau proprétaire.’
– le 7 novembre 2017, la SCI Kamel a fait établir un procès-verbal de constat aux termes duquel l’huissier mandaté a relevé que le rideau de la porte d’entrée au local était fermé, que l’enseigne Elitt et le numéro de téléphone de l’agence figuraient sur les bandeaux tant de la rue Casimir Delavigne que la rue Michelet, et qu’à travers la devanture sale, il avait constaté la présence de deux buraux, d’une armoire basse, d’un tableau, d’un calendrier, de posters, et de consignes de sécurité fixés sur les murs, le bureau placé près de la vitre étant encombré d’un amoncellement de classeurs et de dossiers d’archives, quelques cartons remplis de documents étant également posés sur le sol de la pièce,
– le 7 mars 2018, la SCI Kamel a fait établir un nouveau procès verbal de constat, aux termes duquel l’huissier mandaté à cette fois constaté que si l’enseigne Elitt et le numéro de téléphone de l’agence figuraient toujours sur les bandeaux de la rue Casimir Delavigne et la rue Michelet, l’intérieur des locaux tels qu’il pouvait les voir de l’extérieur apparaissait vides de tout mobilier, les sols étant propres et aucune affiche n’étant fixée sur les murs,
– le 26 juin 2018, la SA Elitt a donné congé par acte d’huissier pour le 31 décembre 2018, l’acte précisant que ce congé était donné afin d’éviter toute nouvelle contestation ‘quant à la poursuite du bail contesté, sans présumer de sa validité, sans attendre la décision du Tribunal de Grande Instance et dans le seul but de préserver ses droits pour l’avenir et d’éviter toute revendication en reconduction du bailpour une nouvelle période triennale…’
Sur la date du bail :
Au 1er janvier 2013 la société Orpi n’avait pas encore transmis le nouveau bail à la SA Elitt, comme le démontre son mail adressé à M. [H] le 21 mai 2013 et son courrier du 6 février 2017. Il en ressort que le bail a été antidaté. Mais ce fait n’est pas de nature à retirer au bail sa validité.
En outre, il ne peut être tirée aucune conséquence juridique du fait que la date d’effet du renouvellement (1er janvier 2013) est antérieure à la date du congé (1er janvier 2014), dès lors que les parties pouvaient parfaitement convenir de faire rétroagir le renouvellement, et ce d’autant que le bail initial n’avait été renouvelé que tacitement à compter du 30 août 2011.
Sur l’absence d’intervention de l’agence Orpi :
Par des motifs pertinents que la cour adopte, le tribunal a constaté que l’absence d’intervention de l’agence Orpi dans la conclusion du bail est indifférente à sa validité.
Sur l’absence de tampon :
L’apposition d’un tampon ne correspondant pas à une obligation légale, son absence sur le bail litigieux est dénuée de toute portée, d’autant que le bail d’origine n’en comportait pas non plus.
Sur l’absence de pièces annexes :
Le bailleur ne conteste pas qu’aucun document annexe n’a été joint au bail litigieux.
Toutefois, si des diagnostics doivent être joints au bail commercial, cette obligation n’est pas prescrite à peine de nullité et peut seulement constituer une cause de résolution en cas de manquement grave.
Sur la signature du représentant de la SA Elitt :
La comparaison de la signature apposée sur le bail en date du 4 septembre 2002, dont il n’est pas contesté qu’elle correspond à celle de M. [F] [I], Président du Conseil d’Administration de la SA Elitt, et de la signature figurant sur la copie du bail litigieux permet de constater qu’elles sont radicalement différentes.
La mention ‘PO’ qui la précède, et qui signifie ‘pour ordre’ confirme qu’elle n’émane pas de M. [I], mais qu’elle a été apposée par un tiers en son nom.
En l’absence un mandat écrit et explicite qui aurait autorisé un tiers à signer le bail au nom de M. [I] et plus généralement au nom de la SA Elitt, il demeure que cette dernière peut être engagée si la croyance à l’étendue des pouvoirs du mandataire était légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient M. [H] à ne pas vérifier l’existence de ce pouvoir.
L’appréciation du caractère légitime de la croyance du tiers aux pouvoirs du mandataire repose sur un faisceau d’indices.
Le bail litigieux n’a pas été signé par les parties en un même lieu et à une même date, puisque M. [H] l’a signé au Havre le 25 juillet 2013 alors que la mention relative au preneur porte la date du 1er janvier 2013 à [Localité 10], lieux qui correspond au siège social de la SA Elitt, comme le confirme l’extrait kbis produit par cette dernière.
Il ressort des éléments rapportés ci-dessus que:
– la société Orpi avait précédemment informé M. [H], par mail du 21 mai 2013, qu’elle avait adressé au représentant de la SA Elitt un exemplaire du nouveau bail, lequel lui avait confirmé sa volonté de signer le renouvellement du bail,
– la SA Elitt n’avait pas réagi à la suite du congé avec offre de renouvellement du bail moyennant un loyer porté à 9.900 € par an, outre les charges et les taxes,
– le bail litigieux qui est précisément à l’en-tête de la société Orpi, contient les mêmes stipulations que l’offre de renouvellement, soit un loyer annuel de 9.901 € payable par trimestre, outre les taxes, les charges et la taxe foncière.
Il résulte de ces éléments que le bailleur qui n’était pas présent lorsque le représentant de la SA Elitt a signé le bail a légitimement pu croire que le tiers qui a signé en lieux et place de M. [I] disposait du mandat de le faire.
Surabondamment, il est relevé que la société Elitt s’est maintenue dans les lieux postérieurement au congé qui lui a été délivré, et n’a pas contesté l’existence du bail litigieux notamment lorsque le cabinet Optia l’a expressément visé en l’informant le 27 septembre 2013 de la vente des murs intervenue au profit de la SCI Kamel. Enfin la société Elitt a réglé jusqu’au 31 décembre 2014 le loyer revalorisé par ce bail.
Il résulte de tout ceci que le bail a effet du 1er janvier 2013 est opposable à la société Elitt.
Sur la demande en paiement des loyers jusqu’au 31 décembre 2018 :
Moyens des parties :
La SCI Kamel soutient que, conformément au bail litigieux la SA Elitt lui doit les loyers à compter de janvier 2015 jusqu’au 31 décembre 2018, date à effet du congé qu’elle a donné le 26 juin 2018 et ce, qu’elle ait ou non occupé les lieux.
La SA Elitt affirme :
* ne rien devoir dès lors qu’elle a quitté les lieux le 31 décembre 2014, conformément au congé délivré par le précédent propriétaire le 31 mai 2014, le congé qu’elle a fait délivrer le 26 juin 2018 ayant pour seul but de préserver ses droits face à la mauvaise foi du bailleur,
* à titre subsidiaire, qu’en raison de sa décision non équivoque de ne plus occuper les locaux, la date de fin d’occupation des locaux doit être arrêtée au plus tard au 31 décembre 2015, première période d’occupation triennale du bail litigieux.
Réponse de la cour :
Il résulte des dispositions de l’article 1728 du code civil, que le preneur est tenu de payer le prix du bail aux termes convenus.
Il résulte de ce qui précède que la SA Elitt est tenue par le bail renouvelé à effet du 1er janvier 2013.
La société Elitt a écrit le 30 mars 2015 à la société Optia pour l’aviser qu’elle n’occupait plus les locaux et lui demander de relever les compteurs. Il ressort de la réponse du 29 mai 2015, rappelée ci-dessus, que le bailleur n’a pas entendu reconnaître que le bail avait cessé de produire ces effets. Contrairement à ce que soutient la société Elitt, il lui appartenait, par la remise des clés, de mettre le bailleur en mesure de reprendre possession des locaux. Elle ne peut utilement soutenir que l’absence de remise des clés est due au refus du bailleur.
A défaut de reprise des locaux par le bailleur, elle doit régler à la SCI Kamel le loyer et les charges prévus audit bail et ce jusqu’à ce qu’elle ait valablement donné congé de ce bail, l’absence d’occupation des locaux ne pouvant, en tout état de cause, exhonérer le locataire de son obligation.
La SCI Kamel reconnaît avoir cessé de régler les loyers à compter du 31 décembre 2014, ce que confirment les décomptes produits par la SCI Kamel.
Elle a donné congé le 26 juin 2018 à effet au 31 décembre 2018.
Il s’ensuit qu’elle reste devoir à la SCI Kamel les loyers, charges et taxes prévus au bail à compter du 1er janvier 2015 jusqu’au 31 décembre 2018.
La SA Ellit a contesté le principe de l’arriéré locatif mais ne présente aucune constestation sur le montant de cet arriéré, tel que demandé par la SCI Kamel.
La SA Elitt sera en conséquence condamnée à verser à la SCI Kamel la somme de 50.087,52 € à ce titre.
Sur la clause pénale :
Le bail à effet du 1er janvier 2013 prévoit en son article 10 du bail litigieux une indemnité complémentaire forfaitaire de 10% du montant des sommes dues en cas de non paiement à leur échéance des loyers, charges et accessoires.
La SA Elitt sera, en conséquence, condamnée à payer à la SCI Kamel une somme de 5.008,75 € à titre de clause pénale.
Sur la demande en paiement au titre du procès-verbal de constat :
La SCI Kamel sollicite une somme de 324,09 € correspondant au coût du procès-verbal de constat établi le 7 novembre 2017.
Ce procès verbal n’est pas au nombre des frais de recouvrement visés à l’article 10 du bail et la SCI Kamel ne précise pas le fondement de cette demande.
En conséquence, elle en sera déboutée.
Sur les dommages et intérêts pour opposition abusive et injustifiée :
L’exercice du droit d’agir en justice pour faire valoir ses droits ou former un recours à l’encontre d’une décision de justice est libre. Ce n’est que par exeption que le droit d’agir en justice peut dégénérer en abus et être sanctionné.
En l’espèce, la SCI Kamel se borne à solliciter des dommages et intérêts sans préciser en quoi la SA Elitt aurait fait dégénérer en abus son droit d’agir en justice.
Sa demande ne peut dès lors être accueillie.
Sur l’appel incident de la société Elitt:
Moyens des parties :
La SA Elitt soutient que les fautes commises par M. [H] lors de l’établissement du bail litigieux engagent sa responsabilité et justifient qu’il soit tenu de la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre.
Réponse de la cour :
La société Elitt se borne a alléguer que M. [H] a commis des fautes lors de l’établissement d’un bail litigieux sans le démontrer et sans même préciser de quelles fautes elle entend se prévaloir.
A défaut pour la SA Elitt de caractériser les fautes qu’elle reproche à M. [H], et a fortiori d’en justifier, elle ne peut qu’être déboutée de sa demande.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant par arrêt rendu par défaut,
Confirme le jugement rendu le 21 janvier 2018 par tribunal judiciaire du Havre en ce qu’il a débouté la SCI Kamel de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive, et de sa demande en paiement au titre du procès-verbal de constat du 7 novembre 2017 ;
L’infirme pour le surplus et statuant à nouveau ;
Condamne la SA Elitt à payer à la SCI Kamel la somme de 50.087,52 euros au titre de l’arriéré locatif arrêté au 31 décembre 2018 ;
Condamne la SA Elitt à payer à la SCI Kamel la somme de 5.008,75 euros à titre de clause pénale ;
Déboute la SA Elitt de toutes ses demandes ;
Y ajoutant ;
Condamne la SA Elitt aux entiers dépens de première instance et d’appel ;
Condamne la SA Elitt à payer à la SCI Kamel la somme de 3.000 euros au titre des ses frais irrépétibles exposés tant en première instance qu’en appel.
La greffière La présidente