Mandat apparent : 6 décembre 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/01860

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Mandat apparent : 6 décembre 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/01860

RG 21/01860 – N° Portalis DBVM-V-B7F-K2ZY

N° Minute :

C1

Notifié par LRAR aux parties

le :

Copie exécutoire délivrée aux avocats le :

Me Claire CHABREDIER

Me Sarah IVANOVITCH

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

STATUANT EN MATIÈRE DE BAUX RURAUX

ARRÊT DU MARDI 06 DECEMBRE 2022

Appel d’une décision (N° RG 51-20-003)

rendue par le Tribunal paritaire des baux ruraux de ROMANS SUR ISERE

en date du 25 mars 2021

suivant déclaration d’appel du 21 Avril 2021

APPELANT :

Monsieur [P] [R]

[Adresse 3]

[Localité 10]

comparant en personne, assisté de Me Vincent BARDET de la SELARL BARDET LHOMME, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES, avocat plaidant et de Me Claire CHABREDIER, avocat au barreau de GRENOBLE, avocat postulant

INTIMES :

Madame [K] [A]

[Adresse 16]

[Localité 13]

Monsieur [U] [R]

[Adresse 8]

[Localité 12]

Monsieur [G] [R]

[Adresse 9]

[Localité 15]

représentés par Me Sarah IVANOVITCH, avocat au barreau de VALENCE

Monsieur [O] [R]

[Adresse 2]

[Localité 11]

non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Laurent Grava, conseiller, faisant fonction de président,

Madame Anne-Laure Pliskine, conseillère,

M. Frédéric Dumas, vice-président placé, en vertu d’une ordonnance en date du 29 juin 2022 rendue par la première présidente de la cour d’appel de Grenoble,

DÉBATS :

A l’audience publique du 10 Octobre 2022, Anne-Laure Pliskine, conseillère, a entendu seule les parties en leurs explications et les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, assistée de Mme Caroline Bertolo, greffière, en présence de Céline Richard, greffière stagiaire, conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Il a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu à l’audience de ce jour.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant acte authentique reçu le 26 janvier 2001, M. [I] [R] et Mme [C] [H], épouse [R], ont fait donation en pleine propriété à leurs quatre enfants, M. [O] [R], M. [U] [R], Mme- [K] [R], épouse [A] et M. [G] [R] de divers biens immobiliers dont les parcelles suivantes situées sur la commune d'[Localité 42], figurant au cadastre de cette commune, section A comme suit :

– lieudit ‘[Adresse 37]’, n°[Cadastre 25],

– lieudit ‘[Adresse 34]’, n°[Cadastre 14] et [Cadastre 4],

– lieudit ‘[Adresse 38]’, [Cadastre 39], [Cadastre 20] et [Cadastre 21],

– lieudit ‘[Adresse 36]’ n°[Cadastre 22], [Cadastre 23] et [Cadastre 24],

– lieudit ‘[Adresse 44]’, [Cadastre 41], [Cadastre 26], [Cadastre 27] et [Cadastre 28],

– lieudit ‘[Adresse 43]’, n°[Cadastre 5].

M. [I] [R] est décédé en 2018.

Par lettre recommandée en date du 25 mars 2020, Mme [K] [A], M. [U] [R] et M. [G] [R], par l’intermédiaire de leur conseil et en qualité de propriétaires indivis des parcelles concernés suivant acte de donation entre vifs du 26 janvier 2001, ont dénoncé à M. [P] [R] (petit-fils des donateurs initiaux et fils de [O] [R]) son occupation sans droit ni titre des parcelles suivantes sur la commune d'[Localité 42], section A ;

– lieudit ‘[Adresse 34]’, n°[Cadastre 14] et [Cadastre 4],

– lieudit ‘[Adresse 38]’, [Cadastre 39], [Cadastre 20] et [Cadastre 21],

– lieudit ‘[Adresse 36]’ n°[Cadastre 22], [Cadastre 23] et [Cadastre 24],

– lieudit ‘[Adresse 44]’, [Cadastre 41], [Cadastre 26], [Cadastre 27] et [Cadastre 28],

– lieudit ‘[Adresse 43]’, n°[Cadastre 5],

– [Adresse 17], n°[Cadastre 35],

– [Adresse 18], n°[Cadastre 6],

– [Adresse 19], n°[Cadastre 7].

Suivant lettres recommandées avec demande d’avis de réception distribuées le 2janvier 2020, M. [P] [R] a adressé à Mme [K] [A], M. [U] [R] et M. [G] [R] un chèque chacun en paiement du fermage pour les années 20l8 et 20l9.

Suivant courrier électronique en date du 3 juin 2020, Mme [K] [A], M. [U] [R] et M. [G] [R], par l’intermédiaire de leur conseil, ont mis en demeure M. [P] [R] de quitter les terres concernées au 1er septembre 2020 et de régler à chaque membre de l’indivision la somme de 4 930,50 euros pour la période du 25 mars 2014 au 25 mars 2020.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 22 juillet 2020, M. [P] [R] a sollicité la convocation de Mme [K] [A], M. [U] [R], M. [G] [R] et M. [O] [R] devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Romans-sur-Isère aux fins de :

– se voir reconnaître un bail à ferme relevant des articles L. 411-1 et suivants du code rural ;

– voir dire et juger que la dénonciation du bail par les consorts [R] ne répond pas aux conditions légales et l’annuler ;

– voir dire et juger qu’il se maintiendrait dans les lieux ;

– voir condamner solidairement les bailleurs à lui payer la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Après échec de la conciliation, le dossier renvoyé en bureau de jugement.

Par jugement contradictoire du 25 mars 2021, le tribunal paritaire des baux ruraux de Romans-sur-Isère a :

– retenu la compétence du tribunal paritaire des baux ruraux de Romans-sur-Isère pour statuer sur les demandes de M. [P] [R] ;

– débouté M. [P] [R] de l’intégralité de ses demandes ;

– condamné M. [P] [R] aux entiers dépens ;

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rappelé que la présente décision est assortie de droit de l’exécution provisoire.

Par déclaration du 21 avril 2021, M. [P] [R] a interjeté appel de la décision.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 février 2022, M. [P] [R] demande à la cour de :

– rejeter toutes écritures contraires ;

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

« – débouté M. [P] [R] de l’intégralité de ses demandes ;

– condamné M. [P] [R] aux entiers dépens ;

Et en ce qu’elle a rejeté les demandes de M. [P] [R] de :

– dire et juger que M. [R] [P] bénéficie d’un bail à ferme relevant des articles L. 411-1 et suivants du  ode rural ;

– dire et juger que la dénonciation du bail par les consorts [R] ne répond pas aux conditions légales et de l’annuler ;

– dire et juger que M. [R] [P] se maintiendra dans les lieux ;

– débouter les consorts [A]- [R] de l’ensemble de leurs demandes fins et prétentions comme étant irrecevables et infondées » ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

Vu les articles L. 411-1 et suivants du code rural,

– dire que M. [P] [R] bénéficie d’un bail à ferme soumis aux dispositions d’ordre public du statut du fermage ;

– dire que la dénonciation du bail par les consorts [R] ne répond pas aux conditions légales et de l’annuler ;

– dire que le bail se poursuivra sous les charges et conditions du contrat type départemental ;

– débouter les consorts [A]-[R] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

A titre subsidiaire,

Vu l’article 815-3 du code civil,

– dire que le bail sera inopposable aux les consorts [A]-[R] ;

– dire que les effets du bail seront subordonnés aux effets du partage à intervenir ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner les consorts [K], [U] et [G] [R] à verser à M. [P] [R] une somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Vu l’article 696 du code de procédure civile,

– condamner les consorts [K], [U] et [G] [R] aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel.

Au soutien de ses prétentions, il expose les principaux éléments suivants :

– il revendique l’existence d ‘un bail rural depuis 2012 ;

– il affirme exploiter depuis cette date les parcelles concernées, ainsi qu’en atteste son inscription en tant qu’exploitant des parcelles litigieuses à la MSA Ardèche Drôme Loire et en toute connaissance des membres de l’indivision [R], ainsi qu’en atteste l’achat d’un agneau par son oncle, [U] [R], au cours du mois d’août 2018 ;

– la vocation agricole des parcelles est incontestable comme établie par leur engagement dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) ;

– il invoque également la théorie du mandat apparent compte tenu des liens familiaux, ainsi que le retient la jurisprudence ;

– cette exploitation agricole des parcelles laissées à disposition l’a été à titre onéreux ;

– à la suite de son père [O] [R] de 2001 à 2012, il a régulièrement payé un fermage à sa grand-mère, Mme [C] [R], jusqu’en 2017, ainsi que cette dernière l’atteste par écrit (attestation du 16 août 2019), puis a tenté de le faire auprès des membres de l’indivision à compter de 2018 par des chèques dont l’encaissement a été refusé par les consorts [R] ;

– il indique avoir également payé les taxes foncières incombant normalement aux bailleurs ;

– la validité de l’attestation rédigée par Mme [C] [R] n’a pas à être remise en cause, le certificat médical versé au débat par les consorts [R] détaillant l’altération de ses facultés mentales étant postérieur d’un an à l’attestation ;

– si par extraordinaire la cour d’appel ne reconnaissait pas la qualité de propriétaire apparent de Mme [C] [R], il devra être retenu a minima que le bail a été consenti par un seul indivisaire, M. [O] [R] ;

– si le bailleur est l’attributaire de la propriété agricole, le bail est définitivement consolidé ;

– à l’inverse, il est sans effet si l’exploitation louée n’est pas mise dans son lot ;

– il conviendra dès lors d’attendre le résultat d’un partage de la propriété, étant toutefois souligné que M. [O] [R], qui a exploité pendant plus 10 ans la propriété familiale, fera valoir une attribution préférentielle ;

– il est donc fort probable, si ce n’est certain, que le lot actuellement exploité par son fils lui sera attribué.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 septembre 2022, Mme [K] [A], M. [U] [R] et M. [G] [R] demandent à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris ;

– constater que les terres occupées par M. [P] [R] relèvent du régime de l’indivision depuis acte notarié du 26 janvier 2001 ;

– constater que M. [P] [R] exploite les terres agricoles avec cette vocation ;

– constater que M. [P] [R] ne rapporte pas la preuve du paiement régulier et certain d’un loyer pour l’occupation desdites terres ;

– constater que M. [P] [R] ne rapporte pas la preuve de l’existence de contrepartie dans la mise à disposition des terres ;

– constater, en conséquence, que M. [P] [R] ne bénéficie pas d’un bail rural consenti par l’indivision [A]-[R] ;

– juger, en conséquence, que l’occupation par M. [P] [R] desdites terres est illégale puisque sans droit ni titre et ce depuis le 1er janvier 2012 ;

– prononcer, en conséquence, à l’encontre de M. [P] [R] l’expulsion des terres litigieuses et la remise en état des terres agricoles illégalement occupées ;

– condamner M. [P] [R] au paiement d’une indemnité d’occupation des terres illégales du 25 mars 2014 au 25 mars 2022, d’un montant de 26 296 euros à l’endroit de l’indivision [R]-[A], en versant le quart à chacun des coïndivisaires ;

– condamner en sus M. [P] [R] au paiement de la somme de 273,92 euros par mois, à compter du 25 mars 2022 et ce jusqu’au complet départ des terres agricoles, au titre de l’indemnité d’occupation illégale des terres litigieuses à l’endroit de l’indivision [R]-[A], en versant le quart à chacun des co-indivisaires ;

– constater que les coïndivisaires ont subi un préjudice moral en ne pouvant jouir de leurs biens immobiliers indivis, et notamment de les faire fructifier ;

– condamner M. [P] [R] au paiement d’une indemnisation du préjudice moral subi par les co-indivisaires à hauteur de 1 500 euros chacun ;

– condamner M. [P] [R] à la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [P] [R] aux entiers dépens.

Ils exposent les principaux éléments suivants au soutien de leurs écritures :

– les terres litigieuses n’ont jamais été mises à disposition par l’indivision, composée des quatre enfants du couple de donateurs, [I] et [C] [R], mais occupées illégalement à titre privatif d’abord par M. [O] [R] sans paiement d’aucun loyer, puis par son fils M. [P] [R], avec le consentement de son père, mais sans l’accord de ses oncles et tante ainsi que l’imposent pourtant les dispositions de l’article 815-9 du code civil ;

– M. [P] [R] ne justifie d’aucune contrepartie financière à l’occupation des terres litigieuses, l’attestation sur l’honneur de Mme [C] [R] ne comportant aucune précision tant sur le prix du loyer versé que sur la date du 1er versement et la régularité de celui-ci ;

– Mme [C] [R] présente un état de santé fortement dégradé ainsi qu’en atteste un certificat médical du Dr [X] en date du 15 septembre 2020 ;

– de plus, en application de l’acte notarié du 26 janvier 2001, elle ne bénéficie que d’un droit d’usage et d’habitation ;

– elle n’avait donc pas qualité pour percevoir les fruits d’un bail rural ;

– M. [P] [R] ne rapporte pas la preuve du versement d’un loyer tant à ses oncles et tante qu’à sa grand-mère ;

– quant au paiement de la taxe foncière pour les années 2018 et 2019, si M. [P] [R] justifie du paiement de celle-ci à la suite d’un accord entre son père, M. [O] [R], et lui-même, il ne rapporte pas la preuve en revanche d’un accord de ses oncles et tante ;

– les indivisaires ne peuvent conclure un bail rural qu’avec le consentement de tous ;

– l’usufruitier ne peut pas conclure un bail rural sans le concours du nu-propriétaire, sauf s’il en est autorisé judiciairement ;

– les intimés contestent que les terres soient exploitées en fermage depuis 2001, et donc la vocation agricole des terres depuis cette date ;

– M. [P] [R] est en réalité occupant sans droit ni titre des terres litigieuses et ne peut s’y maintenir ;

– il doit être expulsé et l’indivision doit être indemnisée.

M. [O] [R], intervenant volontaire en première instance, n’est ni présent ni représenté en cause d’appel.

Les parties représentées ont repris leurs conclusions écrites à l’audience du 10 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Dans le cadre du présent appel, la question de la compétence n’est plus soulevée.

À titre liminaire :

Il convient de rappeler qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties.

Par prétention, il faut entendre une demande en justice tendant à ce qu’il soit tranché un point litigieux.

Par voie de conséquence, les expressions telles que « juger » «  dire et juger », « déclarer », « dégager » ou « constater » ne constituent pas de véritables prétentions, mais en réalité des moyens qui ont leur place dans le corps des écritures, plus précisément dans la partie consacrée à l’examen des griefs formulés contre la décision entreprise et dans la discussion des prétentions et moyens, mais pas dans le dispositif même des conclusions.

En conséquence, il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.

Sur l’existence d’un bail à ferme :

L’article L. 411-1 du code rural définit le bail rural comme toute mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l’article L. 311-1.

La preuve de l’existence d’un bail rural peut être rapportée par tout moyen.

De plus, la mise à disposition à titre onéreux ne peut être que le fait du ou des propriétaires de l’immeuble en question.

Dans le présent dossier, les parcelles en cause sont propriété de l’indivision constituée des 4 enfants des époux [I] et [C] [R], soit M. [O] [R], Mme [K] [A], née [R], M. [U] [R] et M. [G] [R], en leur qualité de donataire suivant acte authentique reçu le 26 janvier 2001.

Cet acte authentique précise que, leur vie durant, les donateurs se sont réservés un droit d’usage et d’habitation sur une partie des biens immobiliers donnés.

Il s’ensuit que les parcelles litigieuses étant propriété d’une indivision, il convient, outre les dispositions de l’article L. 411-1 du code rural de faire application des dispositions des articles 815-2 et suivants du code civil relatifs à la gestion des biens indivis.

Ainsi, l’article 815-9 du code civil précise que la conclusion d’un bail rural nécessite l’accord de tous les indivisaires.

L’article 815-3 du même code ajoute que, si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les seuls actes d’administration mais aucunement les actes de disposition ou la conclusion ou le renouvellement des baux, comme dans le cas de la présente espèce.

Concernant le bail rural, la conclusion d’un tel bail par un seul indivisaire nécessite que celui-ci justifie d’un mandat spécial, le preneur ne pouvant se prévaloir d’un mandat apparent de l’indivisaire concerné, surtout s’il connaît parfaitement la situation familiale.

En l’espèce, si l’exploitation des terres litigieuses par M. [O] [R], qui en est propriétaire indivis au vu et sans opposition de ses frères et soeur, pouvait être assimilée à un acte d’administration, voire à un acte conservatoire, destiné à entretenir les terres agricoles concernées et à en préserver la valeur, M. [O] [R] n’avait pas qualité pour consentir à M. [P] [R] un bail rural.

Il en était de même pour sa mère [C] [R], simple détentrice d’un droit d’usage et d’habitation de la maison située sur la parcelle [Cadastre 30], ainsi que des bâtiments à usage de grange et hangar situés sur la parcelle [Cadastre 33] et d’un droit d’exploitation d’une surface de 2 hectares 87 ares et 45 centiares à prendre sur les parcelles [Cadastre 31], [Cadastre 32] et [Cadastre 29] en vertu de l’acte de donation entre vifs du 26 janvier 2001.

M. [P] [R], même s’il justifie exploiter effectivement les parcelles litigieuses avec une vocation agricole, ne rapporte pas la preuve du consentement de chacun de ses oncles et tante, pas plus que celle du paiement d’un fermage à ces derniers qui seuls, outre son propre père, M. [O] [R], pouvaient y prétendre en leur qualité de propriétaires indivis.

De plus, le paiement de la taxe foncière pour les années 2018 et 2019 ne saurait caractériser le paiement d’un fermage dont seule l’indivision propriétaire était créancière.

Concernant la taxe foncière, il convient de rappeler que son paiement incombait pour partie à Mme [C] [R] en vertu de l’acte de donation du 26 janvier 2001, ainsi que le versement de certaines sommes à cette dernière, ceci de façon dérogatoire et sans que sa qualité d’usufruitière ou de propriétaire ne le justifie.

Les éléments ci-dessus ne permettent donc pas de retenir l’existence d’un bail rural au bénéfice de M. [P] [R], qui sera ainsi débouté de l’intégralité de ses prétentions.

Le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur l’expulsion et la remise en état des terres :

L’expulsion est la seule mesure de nature à permettre aux coïndivisaires de recouvrer la plénitude de leur droit sur leurs terrains.

Il n’y a aucune disproportion entre l’expulsion de l’occupant illégal et le respect des droits de l’occupant sans droit ni titre.

En conséquence, l’expulsion de M. [P] [R] sera ordonnée et de la remise en état des terres agricoles occupées en l’absence de bail rural sera prononcée aux frais de M. [P] [R].

Sur l’indemnité d’occupation :

Même sans droit ni titre, l’occupation des terres ne peut pas être considérée comme étant à titre gratuit.

En conséquence, la fixation d’une indemnité d’occupation est légitime et sera fondée sur l’évaluation de l’expert [S] [E], évaluation estimée au loyer annuel d’un bail rural pour les terres de l’indivision à la somme de 3 287 euros pour des terres situées sur la commune d'[Localité 42], soit 273,92 euros par mois.

Ainsi les sommes dues se décomptent comme suit :

– du 25 mars 2014 au 25 mars 2022 : 8 x 3 287 = 26 296 euros,

– depuis le 24 mars 2022 : 273,92 euros par mois.

L’indemnité pour cette occupation illégale sera due jusqu’au complet départ de M. [P] [R], à concurrence de 273,92 euros par mois.

Cette somme doit revenir à l’indivision composée de 4 personnes, chacun recevant un quart de la somme due.

Sur le préjudice moral :

Le préjudice moral allégué de l’indivision consisterait à ne pas avoir pu louer à qui l’indivision aurait voulu.

Force est de constater qu’un tel préjudice n’est pas établi et qu’aucun élément probant ne vient l’étayer.

En conséquence, la demande indemnitaire au titre du préjudice moral sera rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

M. [P] [R], dont l’appel est rejeté, supportera les dépens d’appel.

Pour la même raison, il ne sera pas fait droit à sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [K] [A] née [R], de M. [U] [R] et de M. [G] [R] les frais engagés pour la défense de leurs intérêts en cause d’appel. M. [P] [R] sera condamné à leur payer la somme unique de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Ordonne l’expulsion de M. [P] [R], et de tous occupants de son chef, des terres occupées sans droit ni titre, sur la commune d'[Localité 42] (26), section A, à savoir :

– lieudit ‘[Adresse 34]’, n°[Cadastre 14] et [Cadastre 4],

– lieudit ‘[Adresse 38]’, [Cadastre 39], [Cadastre 20] et [Cadastre 21],

– lieudit ‘[Adresse 36]’, [Cadastre 40], [Cadastre 23] et [Cadastre 24],

– lieudit ‘[Adresse 44]’, [Cadastre 41], [Cadastre 26], [Cadastre 27] et [Cadastre 28],

– lieudit [Adresse 1], n°[Cadastre 5],

– [Adresse 17], n°[Cadastre 35],

– [Adresse 18], n°[Cadastre 6],

– [Adresse 19], n°[Cadastre 7] ;

Ordonne la remise en état des terres occupées sans droit ni titres désignées ci-dessus, par M. [P] [R] et à ses frais exclusifs ;

Condamne M. [P] [R] à payer la somme de 26 296 euros à l’indivision composée de Mme [K] [A], M. [U] [R], M. [G] [R] et M. [O] [R] au titre de l’arriéré d’indemnités d’occupation, soit la somme de 6 574 euros (six mille cinq cent soixante-quatorze euros) à chaque coïndivisaire ;

Condamne M. [P] [R] à payer chaque mois la somme de 273,92 euros à l’indivision composée de Mme [K] [A], M. [U] [R], M. [G] [R] et M. [O] [R] au titre de l’indemnité mensuelle d’occupation jusqu’à son départ effectif des terres illégalement occupées, soit la somme mensuelle de 68,47 euros (soixante-huit euros et quarante-sept centimes) à chaque coïndivisaire ;

Déboute Mme [K] [A] née [R], M. [U] [R] et M. [G] [R] de leur demande de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

Condamne M. [P] [R] à payer à Mme [K] [A] née [R], M. [U] [R] et M. [G] [R] la somme unique de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Condamne M. [P] [R] aux dépens.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Laurent Grava, conseiller, faisant fonction de président de la deuxième chambre civile et par la greffière Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,

 


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