Mandat apparent : 13 décembre 2022 Cour d’appel d’Angers RG n° 19/01088

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Mandat apparent : 13 décembre 2022 Cour d’appel d’Angers RG n° 19/01088

COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – CIVILE

YW/CG

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 19/01088 – N° Portalis DBVP-V-B7D-EQKL

jugement du 01 Avril 2019

Tribunal de Grande Instance de LAVAL

n° d’inscription au RG de première instance 16/00080

ARRET DU 13 DECEMBRE 2022

APPELANT :

Monsieur [N] [D]

né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 5] (53)

‘[Adresse 6]’

[Localité 3]

Représenté par Me Sonia BERNIER de la SARL ILIRIO LEGAL, avocat postulant au barreau d’ANGERS et par Me Ivan JURASINOVIC, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMEE :

SNC AGCO FINANCE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Sophie DUFOURGBURG, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 19052 et par Me Jessica CHUQUET, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 26 Septembre 2022 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. WOLFF, Conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame MULLER, Conseillère faisant fonction de Présidente

M. WOLFF, Conseiller

Mme ELYAHYIOUI, Vice-présidente placée

Greffière lors des débats : Mme LEVEUF

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 13 décembre 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MULLER, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Aux termes d’un bon de commande du 12 juillet 2011, M. [N] [D] a acquis auprès de la société Romet 53 un tracteur de marque Massey Ferguson 7465 portant le numéro de série B326047, moyennant le prix de 37 076 euros TTC. Ce prix, qui était initialement de 81 000 euros HT, tenait compte de la reprise d’un véhicule du même modèle, pour un montant de 50 000 euros, et d’une TVA de 6 076 euros.

Par acte d’huissier de justice du 22 octobre 2015, la société AGCO Finance (la société) a fait signifier à M. [D] une ordonnance du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Laval du 20 août 2015, portant injonction de délivrer ce tracteur à la société, qui invoquait alors une offre de crédit que M. [D] aurait acceptée ce même 12 juillet 2011 pour un montant total de 83 252 euros, incluant un ‘ Rachat crédit 46 176  , et un taux effectif global de 2,53 %. Ce crédit était remboursable du 20 janvier 2012 au 20 janvier 2017, en une échéance de 6 076 euros et six autres de 13 708 euros.

M. [D] a formé opposition à cette ordonnance par lettre recommandée datée du 4 novembre 2015 et reçue le 5 novembre 2015.

La société l’a donc fait assigner devant le tribunal de grande instance de Laval par acte d’huissier de justice du 31 décembre 2015.

Par jugement du 10 juillet 2017, ce tribunal, faisant suite à la dénégation par M. [D] de la signature figurant sur l’offre de crédit datée du 12 juillet 2011, a ordonné une expertise en écriture dont le rapport a été établi le 24 février 2018.

Par jugement du 1er avril 2019, le tribunal, après avoir dit que le contrat de prêt daté du 12 juillet 2011 ne pouvait servir de base aux demandes formées par la société, a néanmoins :

condamné M. [D] à payer à la société la somme de 41 124 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2015 ;

ordonné la capitalisation des intérêts ;

rejeté la demande de restitution du tracteur formée par la société ;

rejeté la demande indemnitaire formée par M. [D] ;

rejeté les autres demandes des parties ;

condamné M. [D] à verser à la société la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné M. [D] aux dépens ;

mis les frais de l’expertise judiciaire à la charge de la société ;

dit n’y avoir lieu à statuer sur les frais relatifs à la saisie-appréhension ;

ordonné l’exécution provisoire.

Par déclaration du 27 mai 2019, M. [D] a relevé appel de l’intégralité de ce jugement, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de restitution du tracteur formée par la société et mis les frais de l’expertise judiciaire à la charge de celle-ci.

La société a formé quant à elle un appel incident par conclusions notifiées par voie électronique le 22 octobre 2019, critiquant le jugement en ce qu’il a rejeté sa demande de restitution du tracteur, mis les frais de l’expertise judiciaire à sa charge, et dit n’y avoir lieu à statuer sur les frais relatifs à la saisie-appréhension.

La clôture de l’instruction est ensuite intervenue le 31 août 2022.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 janvier 2020, M. [D] demande à la cour :

d’infirmer le jugement ;

de rejeter les demandes de la société ;

de mettre à néant l’ordonnance aux fins de saisie-appréhension du 20 août 2015 ;

de condamner la société à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la tromperie dont il estime avoir été victime ;

de condamner la société à lui verser la somme de 9 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

de la condamner aux dépens, en ce compris ceux de la saisie-appréhension et les frais d’expertise judiciaire, qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

M. [D] soutient que :

Le bon de commande qu’il a signé le 12 juillet 2011 avait uniquement pour objet le remplacement d’un tracteur défaillant, acheté trois ans plus tôt au moyen d’un crédit qu’il avait souscrit auprès de la société et qu’il a continué de rembourser jusqu’à son échéance le 20 janvier 2014 ;

Il n’a jamais contracté ni exécuté d’autre prêt et le contrat de crédit daté du 12 juillet 2011 est un faux pour lequel il a déposé plainte, la signature qui y figure n’étant pas la sienne. Il a ainsi été victime d’une escroquerie de la part de la société Romet 53 ;

La société ne peut, y compris au moyen de la théorie du mandat apparent qui ne s’applique pas en l’espèce, faire produire des effets juridiques à ce faux alors qu’il n’a jamais eu connaissance de l’opération juridique correspondante ;

La société ne peut davantage invoquer à son profit les mentions contenues dans le bon de commande du 12 juillet 2011, lequel constitue un document contractuel dont elle n’est pas partie. Ce bon ne saurait équivaloir en outre à un contrat de crédit, en l’absence notamment de stipulation d’un taux d’intérêt ;

Il n’a pas été souscrit de contrat d’assurance ;

La clause de réserve de propriété contenue dans le contrat falsifié ne peut produire aucun effet.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 octobre 2019, la société demande à la cour :

de confirmer le jugement, sauf en ce qu’il a :

rejeté sa demande de restitution du tracteur ;

mis les frais d’expertise à sa charge ;

dit n’y avoir lieu à statuer sur les frais de la saisie-appréhension ;

de l’infirmer sur ces points ;

de condamner M. [D] à lui restituer le tracteur, et ce, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du prononcé de l’arrêt ;

de l’autoriser à l’appréhender en quelque lieu et en quelques mains qu’il se trouve, au besoin avec le recours de la force publique ;

de condamner M. [D] au paiement des frais d’expertise ;

de le condamner également à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société soutient que :

La signature est la même sur l’intégralité des documents contractuels (contrat de crédit et procès-verbal de réception du matériel), sur la fiche d’information sur le crédit, sur l’autorisation de prélèvement et sur les différentes lettres recommandées ;

Le crédit litigieux, dont les échéances étaient totalement différentes de celle du précédent prêt conclu en 2008, a reçu pendant deux ans un commencement d’exécution, la première échéance impayée étant celle de janvier 2015 ;

Conformément à la théorie du mandat apparent, la société a pu croire légitimement que M. [D] avait régulièrement signé le contrat de crédit. L’intéressé a en outre ratifié le mandat et régularisé le contrat en procédant à son exécution ;

Quoi qu’il en soit, c’est à juste titre que le tribunal a jugé que le bon de commande trouvait à s’appliquer ;

Les conditions générales du contrat de crédit stipulent à leur article 10.3 une clause de réserve de propriété.

MOTIVATION

1. Sur la demande de mise à néant de l’ordonnance d’injonction

Il résulte de l’article R. 222-15 du code des procédures civiles d’exécution que la conséquence de l’opposition formée à l’encontre d’une ordonnance portant injonction de délivrer ou de restituer un bien meuble déterminé n’est pas la mise à néant de cette ordonnance, mais l’impossibilité pour le requérant de demander au greffe d’y apposer la formule exécutoire.

Il n’y a donc pas lieu en l’espèce de prononcer la mise à néant, sollicitée par M. [D], de l’ordonnance rendue par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Laval le 20 août 2015.

2. Sur la demande en paiement

2.1. Sur la preuve du contrat de crédit

Aux termes de l’article 1359 du code civil, l’acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant 1 500 euros doit, en principe, être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique.

Selon l’article 1367 du même code, la signature est nécessaire à la perfection de cet écrit, en ce qu’elle identifie son auteur et manifeste le consentement de celui-ci aux obligations qui découlent de l’acte.

Si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée, le juge doit vérifier l’écrit contesté, et ce, conformément à l’article 287 du code de procédure civile.

En l’espèce, M. [D] dénie la signature qui lui est attribuée sur l’offre de crédit, datée du 12 juillet 2011, qui est invoquée par la société (pièce n° 1 de la société).

Il ressort à cet égard du rapport d’expertise judiciaire du 24 février 2018 (pièce n° 8 de M. [D]) que cette signature ne présente effectivement aucune véritable correspondance avec celles, ‘ remarquablement homogènes  bien que s’étalant sur une douzaine d’années selon l’expert, qui figurent sur les nombreuses pièces de comparaison que celui-ci a retenues. L’expert en conclut sans hésitation que ‘la signature de M. [D] a manifestement fait l’objet d’une tentative d’imitation par un tiers, qui n’a pas su reproduire la souplesse, le schéma d’exécution d’ensemble (ossature), ni le délié naturel du graphisme pris en modèle.  Une telle tentative d’imitation est d’ailleurs évidente lorsqu’on compare la signature déniée par M. [D] à celles, non contestées, qu’il a apposées sur les autres documents ‘ bon de commande (pièce n° 3 de M. [D]), fiche d’information (pièce n° 8 de la société) et autorisation de prélèvement (pièce n° 9 de la société) ‘ censés avoir été signés le même jour.

Il en résulte que M. [D] n’a pas signé l’offre de crédit litigieuse et que celle-ci ne peut constituer la preuve par écrit, au sens de l’article 1359 du code civil, du contrat de prêt correspondant, ni produire elle-même aucun effet juridique.

Pour autant, l’écrit n’étant qu’un mode de preuve de ce contrat et non une condition formelle de sa validité (elle ne l’est, selon l’article 1907 du code civil, que pour la stipulation d’un taux d’intérêt conventionnel), la société reste recevable à prouver le crédit qu’elle allègue par un autre écrit ou par l’un des moyens de preuve prévus à l’article 1361 du même code, et notamment par un commencement de preuve par écrit défini à l’article 1362 comme tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu’il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué.

Or il est produit à cet égard la copie du bon de commande que M. [D] ne conteste pas avoir signé le 12 juillet 2011.

Ce bon stipule tout d’abord un prix de 81 000 euros HT, ramené à 31 000 euros HT (37 076 euros TTC) après déduction d’un montant de 50 000 euros correspondant à la reprise d’un ancien tracteur. Cette stipulation expresse d’une reprise et de son montant, ainsi que d’un prix de vente final d’un montant conséquent contredit la version actuelle de M. [D], selon laquelle l’opération concernée avait uniquement pour objet le remplacement à l’identique d’un véhicule défaillant. Ainsi, c’est bien à l’achat d’un nouveau tracteur que M. [D] a procédé. C’est d’ailleurs ce que lui-même avait reconnu lors de sa plainte (sa pièce n° 1), en indiquant : ‘ Le 12 juillet 2011, j’ai signé un bon de commande avec le représentant de la société ROMET, monsieur [F] [E] pour l’achat d’un nouveau tracteur et la reprise de l’ancien. 

Ce bon de commande mentionne ensuite, à la rubrique Modalités de règlement :

‘ Rachat crédit 45 325 + 31 000

Financement AGCO 76 325

6 x 13 708 au 20-01-2012

TVA 6076 

Ces termes, explicites, rendent plus que vraisemblable le recours par M. [D] à un nouveau crédit souscrit auprès de la société, remboursable à compter du 20 janvier 2012 en six échéances de 13 708 euros, et ce, afin de financer son nouvel achat, mais aussi de restructurer sa dette issue du prêt précédent (sa pièce n° 2), lequel correspondait à des échéances différentes de 12 813,07 euros et voyait ainsi sa continuation exclue. M. [D] ne produit d’ailleurs aucune pièce justifiant qu’il a poursuivi le remboursement de cet ancien prêt.

En cela, le bon de commande signé par M. [D] le 12 juillet 2011, et qui émane donc de lui, constitue un commencement de preuve par écrit du crédit allégué par la société, commencement dont celle-ci peut se prévaloir quand bien même elle n’était pas partie à l’acte de vente correspondant (une telle condition n’est pas exigée par l’article 1362 du code civil).

Ce commencement de preuve par écrit est corroboré par d’autres commencements portant eux aussi la signature, non contestée, de M. [D] :

une fiche d’information ‘ crédit classique  signée le 12 juillet 2011, et qui ne pouvait l’être, y compris dans l’esprit de M. [D], qu’en vue de la souscription d’un nouveau crédit ;

une autorisation de prélèvement signée ce même 12 juillet 2011 en faveur de la société, laquelle ne peut s’expliquer elle aussi que par la conclusion d’un nouveau prêt ;

un avis de livraison daté du 27 décembre 2011, que M. [D] a signé alors que le document mentionnait clairement la société en tant que prêteur (pièce n° 3 de la société).

Tout cela est également corroboré par la plainte que M. [D] a déposée, lors de laquelle, d’une part, il a confirmé à l’enquêteur qui lui demandait s’il était bien conscient d’être redevable de la somme de 37 076 euros pour son nouvel achat : ‘ Oui tout à fait. J’étais d’accord pour payer ce montant  , et, d’autre part, il a ajouté sans ambiguïté : ‘ j’étais même d’accord pour effectuer un nouveau contrat de financement, cependant, je n’ai jamais signé de nouveau contrat de financement. [Le représentant de la société Romet 53] m’a bien dit qu’il allait refaire un contrat de financement, j’étais d’ailleurs d’accord  . M. [D] ne prétend pas à cet égard qu’il a réglé autrement le prix de son achat.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments, et sans qu’il soit besoin d’examiner un quelconque mandat apparent, la preuve suffisante que :

S’il n’a pas signé de contrat écrit, M. [D] n’en a pas moins été d’accord pour souscrire auprès de la société un crédit d’un montant total de 76 325 euros (45 325 + 31 000) remboursable à compter du 20 janvier 2012, et ce, afin notamment de financer l’achat de son nouveau tracteur ;

M. [D] a effectivement eu recours à ce crédit pour payer cet achat ;

Depuis, les échéances du crédit sont toutes devenues exigibles.

2.2. Sur la somme restant due

Si les éléments qui viennent d’être développés prouvent l’emprunt par M. [D] de la somme de 76 325 euros à la société, ils sont insuffisants pour établir, conformément à l’article 1361 du code civil, le caractère onéreux de cet emprunt. En effet, ce caractère n’est rendu vraisemblable que par le bon de commande du 12 juillet 2011, qui mentionne effectivement des échéances excédant le montant emprunté, mais n’est corroboré par aucune autre pièce et ne précise pas le taux d’intérêt appliqué.

Dans ces conditions, M. [D] ne peut être condamné qu’au remboursement du capital emprunté restant dû après déduction des sommes qu’il a déjà réglées.

Comme il a déjà été dit, le capital emprunté était de 76 325 euros.

Selon le décompte (sa pièce n° 7) et le tableau d’amortissement (sa pièce n° 2) produits par la société, le montant total des règlements effectués par M. [D] avant la première échéance impayée de janvier 2015 était quant à lui de 47 903,82 euros (20 001,61 + 13 916,38 + 13 985,83).

M. [D] ne reste donc redevable vis-à-vis de la société que de la somme de 28 421,18 euros (76 325 – 47 903,82), et non, comme les premiers juges l’ont retenu, de la somme de 41 124 euros.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point et M. [D] ne sera condamné à payer à la société que la somme de 28 421,18 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 31 décembre 2015, cette date n’étant pas critiquée par la société.

Le jugement, qui a fait à cet égard une exacte appréciation des faits et des droits des parties, lesquelles ne discutent d’ailleurs pas cet élément, sera en revanche confirmé en ce qu’il a ordonné la capitalisation des intérêts.

3. Sur la demande de restitution et d’appréhension du tracteur

Selon l’article 2367 du code civil, la propriété d’un bien peut être retenue en garantie par l’effet d’une clause de réserve de propriété qui suspend l’effet translatif d’un contrat jusqu’au complet paiement de l’obligation qui en constitue la contrepartie. La propriété ainsi réservée est l’accessoire de la créance dont elle garantit le paiement.

Aux termes de l’article 2371 du même code, à défaut de complet paiement à l’échéance, le créancier peut demander la restitution du bien afin de recouvrer le droit d’en disposer. La valeur du bien repris est imputée, à titre de paiement, sur le solde de la créance garantie. Lorsque la valeur du bien repris excède le montant de la dette garantie encore exigible, le créancier doit au débiteur une somme égale à la différence.

En l’espèce, les conditions générales figurant au dos du bon de commande conclu le 12 juillet 2011 entre M. [D] et la société Romet 53 stipulent, à leur article 6 intitulé Réserve de propriété, que les ‘établissements se réservent la propriété des matériels vendus et livrés jusqu’au paiement intégral du prix .

En outre, M. [D] et la société Romet 53 ont également signé le 27 décembre 2011 un avis de livraison mentionnant comme prêteur la société et prévoyant qu » à l’instant même et du seul fait [du] paiement, LE FOURNISSEUR subroge LE PRÊTEUR, conformément aux dispositions de l’article 1250 1° du code civil, dans tous ses droits et actions contre L’EMPRUNTEUR […] attachés à la clause de réserve de propriété dont est assortie la créance du prix de vente et affectée à la garantie de son paiement  .

Contrairement à ce que le tribunal a jugé, la société apporte donc bien la preuve de la stipulation à son profit d’une clause de réserve de propriété l’autorisant, dès lors que le crédit qu’elle a octroyé à M. [D] et donc le prix de la vente litigieuse n’ont pas été intégralement payés, et qu’aucun autre obstacle n’est opposé par celui-ci, à réclamer la remise du tracteur concerné.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a refusé la restitution du véhicule, qui sera ordonnée sous astreinte.

Pour le reste, si la société souhaite procéder à la saisie-appréhension du tracteur, elle devra le faire conformément aux articles R. 222-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, sans que cette saisie n’ait à être autorisée à ce stade.

4. Sur la demande de dommages et intérêts

M. [D] motive lui-même sa demande de dommages et intérêts par la tromperie dont il estime avoir été victime de la part de la société Romet 53. Il n’explique pas à cet égard en quoi la société AGCO Finance aurait participé de quelque manière que ce soit à cette tromperie. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande.

5. Sur les frais du procès

Il y a bien lieu de statuer sur les frais de la procédure de saisie-appréhension qui a été le préalable à l’introduction de la première instance. Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à le faire. Néanmoins, en application des articles L. 111-8 et R. 222-11 du code des procédures civiles d’exécution, ces frais doivent rester à la charge de la société dès lors que la procédure de saisie-appréhension engagée sur le fondement de cet article R. 222-11 l’a été, par définition, sans titre exécutoire.

Les premiers juges doivent en revanche être approuvés en ce qu’ils ont mis les frais de l’expertise judiciaire à la charge de la société. En effet, c’est la production par celle-ci d’un écrit portant une fausse signature qui a rendu cette expertise nécessaire et utile à la résolution du litige.

Perdant le procès, M. [D] doit bien être condamné aux autres dépens.

Il se trouve de ce fait redevable vis-à-vis de la société, en application de l’article 700 du code de procédure, d’une indemnité que les premiers juges ont appréciée équitablement pour la première instance, et qui sera fixée de la même manière à 2 000 euros pour la procédure d’appel.

La demande faite par M. [D] sur le fondement de ce même article 700 sera quant à elle rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour :

INFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu’il a :

ordonné la capitalisation des intérêts ;

rejeté la demande indemnitaire formée par M. [N] [D] ;

condamné M. [N] [D] à verser à la société AGCO Finance la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné M. [N] [D] aux dépens ;

mis les frais de l’expertise judiciaire à la charge de la société AGCO Finance ;

Statuant à nouveau :

Rejette la demande de M. [N] [D] tendant à ce que l’ordonnance rendue par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Laval le 20 août 2015 soit mise à néant ;

Condamne M. [N] [D] à payer à la société AGCO Finance la somme de 28 421,18 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2015 ;

Condamne M. [N] [D] à remettre à ses frais à la société AGCO Finance, en un lieu et dans les conditions indiquées par celle-ci, le tracteur de marque Massey Ferguson 7465 portant le numéro de série B326047, et ce, dans un délai de huit jours à compter de la signification du présent arrêt ;

Dit qu’à défaut d’exécution du fait de M. [N] [D] au terme de ce délai, celui-ci sera redevable d’une astreinte de 35 euros par jour de retard, et ce, pendant une durée de quatre mois à l’issue de laquelle il sera de nouveau statué en tant que de besoin ;

Condamne M. [N] [D] au paiement de cette astreinte ;

Dit que la valeur du bien repris devra être imputée, à titre de paiement, sur le solde de la créance garantie et que si cette valeur excède le montant de la dette garantie encore exigible, la société AGCO Finance devra à M. [N] [D] une somme égale à la différence ;

Rejette la demande formée par la société AGCO Finance aux fins d’être autorisée à appréhender le véhicule ;

Laisse les frais de la procédure de saisie appréhension ayant donné lieu à l’ordonnance du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Laval du 20 août 2015 à la charge de la société AGCO Finance ;

Y ajoutant :

Condamne M. [N] [D] aux dépens de la procédure d’appel ;

Condamne M. [N] [D] à verser à la société AGCO Finance la somme complémentaire de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande faite par M. [N] [D] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

C. LEVEUF C. MULLER

 


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