Mandat apparent : 5 janvier 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/00216

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Mandat apparent : 5 janvier 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/00216

Chambre des Baux Ruraux

ARRÊT N° 4

N° RG 22/00216 – N° Portalis DBVL-V-B7G-SMFM

M. [A] [C]

Mme [L] [R] épouse [C]

C/

M. [E] [M] [I] [TE]

Mme [G] [Z] [B] épouse [TE]

Mme [I] [W]

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Moalic

Me Bergeron Kerspern

Me Picard

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 JANVIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Isabelle GESLIN OMNES, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 03 Novembre 2022, devant Madame Virginie PARENT, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

contradictoire, prononcé publiquement le 05 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [A] [C]

né le 14 Septembre 1958 à [Localité 12], de nationalité française

[Adresse 10]

[Localité 5]

Madame [L] [R] épouse [C]

née le 22 Juin 1963 à [Localité 17], de nationalité française

[Adresse 10]

[Localité 5]

Représentés par Me Jean-François MOALIC, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMÉS :

Monsieur [E] [M] [I] [TE]

né le 05 Novembre 1986 à [Localité 6], de nationalité française, agriculteur

[Adresse 11]

[Localité 5]

Madame [G] [Z] [B] épouse [TE]

née le 17 Juin 1988 à [Localité 7], de nationalité française

[Adresse 11]

[Localité 5]

Représentés par Me Yohann KERMEUR avocat au barreau de Rennes substituant Me Christine BERGERON-KERSPERN, avocat au barreau de LORIENT

Madame [I] [W]

née le 15 Février 1948 à [Localité 17], de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Sébastien PICART de la SELARL BEAUVOIS PIERRE-PICART SEBASTIEN-BERNARD HELENE, avocat au barreau de LORIENT

Par acte authentique du 29 décembre 1983, M. [F] [W] et Mme [V] [T] ont consenti une donation entre vifs, à titre de partage anticipé, au profit de leurs trois enfants au terme de laquelle leur fille, Mme [I] [W], s’est vue attribuer diverses parcelles comprenant la parcelle XE n° [Cadastre 9] situé au lieu-dit [Adresse 16] à [Localité 13].

Par acte authentique du 9 avril 1986, Mme [I] [W] a donné à bail rural au profit de M. [S] [TE] et son épouse, Mme [Y] [H], diverses parcelles de terre sur la commune de [Localité 13] comprenant la parcelle XE n° [Cadastre 9] située au lieu-dit [Localité 14] pour une durée de 9 années entières et consécutives pour se terminer le 29 septembre 1994.

Par acte authentique du 10 décembre 2003, Mme [I] [W] a consenti à M. [S] [TE] et son épouse, Mme [Y] [H], un bail rural à long terme pour une durée de 18 années entières et consécutives à compter du 29 septembre 2003 pour expirer le 29 septembre 2021 portant sur les mêmes parcelles que celles données à bail initialement par l’acte du 9 avril 1986.

L’exploitation agricole a été reprise par leur fils, M. [E] [TE].

Par actes authentiques des 13 et 20 septembre 2019, Mme [I] [W] a vendu plusieurs parcelles agricoles situées sur la commune de [Localité 13] pour une surface de 31 ha 32 a 59 ca au profit des époux [TE] dont la parcelle XE n° [Cadastre 9] située au lieu-dit [Adresse 15].

Par acte d’huissier de justice en date du 2 novembre 2020, les époux [TE] ont assigné M. [A] [C], devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lorient, aux fins de voir juger qu’ils étaient propriétaires de diverses parcelles dont celle cadastrée section XE n° [Cadastre 9] au lieudit [Localité 14], que préalablement à l’achat de ces parcelles, ils bénéficiaient d’un contrat de bail et que M. [A] [C] exploitait sans droit ni titre cette parcelle, ainsi que de constater l’occupation sans droit ni titre de M. [A] [C] et d’ordonner son expulsion.

Par acte d’huissier de justice en date du 8 décembre 2020, les époux [C] ont assigné les époux [TE] ainsi que Mme [I] [W] devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Lorient invoquant le bénéfice d’un bail verbal sur la parcelle XE n° [Cadastre 9] située au lieu-dit [Localité 14] et la nullité de la vente intervenue pour violation de leur droit de préemption.

Par ordonnance du 26 janvier 2021, le juge des référés, considérant qu’il y avait une contestation sérieuse entre les parties, a jugé qu’il revenait au tribunal paritaire des baux ruraux de trancher la question de l’existence éventuelle d’un bail rural au profit de M. [A] [C] et a ainsi rejeté les demandes des époux [TE].

Suivant jugement contradictoire rendu par mise à disposition du greffe le 30 décembre 2021, le tribunal paritaire des baux ruraux de Lorient a :

– rejeté l’exception d’incompétence soulevée par M. [E] [TE] et Mme [G] [TE] et s’est déclaré matériellement compétent,

– débouté M. [A] [C] et Mme [L] [R] de leur demande de reconnaissance de l’existence d’un bail rural portant sur la parcelle XE n° [Cadastre 9] sise au lieu-dit [Adresse 16] à [Localité 13] conclu avec Mme [I] [W] et de leur demande subséquente de nullité de la vente intervenue par actes authentiques des 13 et 20 septembre 2019 entre Mme [I] [W] d’une part et M. [E] [TE] et Mme [G] [TE] d’autre part portant sur cette parcelle,

– débouté M. [A] [C] et Mme [L] [R] de leur demande de reconnaissance de l’existence d’un bail rural portant sur la parcelle XE n° [Cadastre 9] sise au lieu-dit [Adresse 16] à [Localité 13] conclu avec M. [E] [TE] et Mme [G] [TE],

– jugé en conséquence que M. [A] [C] et Mme [L] [R] sont occupants sans droit ni titre de la parcelle XE n° [Cadastre 9] sise au lieu-dit [Adresse 16] à [Localité 13],

– condamné in solidum M. [A] [C] et Mme [L] [R] à payer à Mme [I] [W] d’une part et à M. [E] [TE] et Mme [G] [TE] d’autre part la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum M. [A] [C] et Mme [L] [R] aux dépens.

– rappelé que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

Suivant déclaration en date du 12 janvier 2022, les époux [C] ont interjeté appel de cette décision.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 28 mars 2022, M. [A] [C] et Mme [L] [C] née [R] demandent à la cour de :

– réformer la décision du 30 décembre 2021,

– juger qu’un bail rural soumis au statut des baux ruraux lie les époux [C] avec Mme [I] [W] portant sur la parcelle XE n° [Cadastre 9] située au lieudit [Adresse 15] d’une contenance de 3 ha l4 a 50 ca,

– juger nulle la vente reçue par Maître [N] [U], notaire associé de la SCP et titulaire d’un office notarial à [Localité 13] situé [Adresse 4], les 13 et 20 septembre 2019 :

* par Mme [I] [W],

* au profit de M. [E] [TE] et Mme [G] [B], son épouse,

* les époux [TE] font acquisition de la manière suivante :

° M. [E] [TE] acquiert la pleine propriété indivise des biens objet de la vente à concurrence de moitié (1/2).

° Mme [G] [TE] née [B], acquiert la pleine propriété indivise des biens objet de la vente à concurrence de moitié (1/2),

* identification du bien et désignation : à [Localité 13]

° diverses parcelles de terres, figurant notamment au cadastre : Section XE n° [Cadastre 9], Lieudit [Localité 14], 3 ha 14 a 50 ca

* nulle avec toutes ses conséquences de droit :

° pour les besoins de la publicité foncière, l’arrêt à intervenir précisera les mentions obligatoires prévues par le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955.

° article 5 : ‘Tout acte ou décision judiciaire sujet à publicité dans un service chargé de la publicité foncière doit contenir les nom, prénoms dans l’ordre de l’état civil, domicile, date et lieu de naissance et profession des parties, ainsi que le nom de leur conjoint’.

° article 7 : ‘Tout acte ou décision judiciaire sujet à publicité dans un service chargé de la publicité foncière doit indiquer, pour chacun des immeubles qu’il concerne, la nature, la situation, la contenance et la désignation cadastrale (section, numéro du plan et lieu-dit). Le lieu-dit est remplacé par l’indication de la rue et du numéro pour les immeubles situés dans les parties agglomérées des communes urbaines’,

– condamner les époux [TE] et Mme [I] [W], au paiement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens au bénéfice des appelants,

Subsidiairement si par impossible, la vente n’était pas annulée :

– juger que les époux [C] sont liés aux époux [TE] par un bail rural verbal d’une durée de 9 années ayant commencé à compter du 20 septembre 2019.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 19 mai 2022, Mme [I] [W] demande à la cour de :

– confirmer le jugement déféré,

Et y ajouter,

– condamner solidairement les époux [C] à lui payer une somme de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner aux entiers dépens.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 12 mai 2022, M. et Mme [E] et [G] [TE] demandent à la cour de :

– débouter les époux [C] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

– confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :

* débouté les époux [C] de leur demande de reconnaissance de l’existence d’un bail rural portant sur la parcelle XE n° [Cadastre 9] sise au lieu-dit [Adresse 16] à [Localité 13] conclu avec Mme [I] [W] et de leur demande subséquente de nullité de la vente intervenue par actes authentiques des 13 et 20 septembre 2019 entre Mme [I] [W] d’une part et les époux [TE] d’autre part portant sur cette parcelle,

* débouté les époux [C] de leur demande de reconnaissance de l’existence d’un bail rural portant sur la parcelle XE n° [Cadastre 9] sise au lieu-dit [Adresse 16] à [Localité 13] conclu avec les époux [TE],

* jugé en conséquence que les époux [C] sont occupants sans droit ni titre de la parcelle XE n° [Cadastre 9] sise au lieu-dit [Adresse 16] à [Localité 13],

– dire et juger que les époux [TE] sont propriétaires de diverses parcelles sur la commune de [Localité 13] et plus précisément de la parcelle section XE n° [Cadastre 9] au lieudit [Adresse 15], pour une contenance de 3 ha 14 a 50 ca,

– dire et juger que préalablement à cette vente M. [E] [TE], et avant lui son père M. [S] [TE], bénéficiaient d’un contrat de bail sur ces parcelles,

– dire et juger que l’occupation sans droit ni titre de M. [A] [C] constitue un trouble manifestement illicite qu’il y a lieu de faire cesser,

– condamner les époux [C] au paiement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner les époux [C] aux dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément aux articles 946, 455 et 749 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Liminairement, il sera constaté une erreur matérielle dans la première page du jugement en ce qu’il mentionne comme défenderesse :

Mme [W] [I]

au lieu de :

Mme [W] [I].

Cette erreur est rectifiée par la cour conformément à l’article 462 du code de procédure civile.

– sur l’existence d’un bail sur la parcelle XE [Cadastre 9] entre Mme [W] et les époux [C]

Au soutien d’une telle analyse, les époux [C] se prévalent d’un échange de parcelles intervenu avec les époux [TE] en accord avec les propriétaires M. [O] [D] et M. [F] [W].

Ils rappellent que M. [P] [D] a loué à M. [C] des terres sises à [Localité 13] au lieudit [Localité 8] de 12 hectares, puis lui a proposé un bail sur un lot de terres de 67 hectares à compter de 1986, que M. [S] [TE], également agriculteur, a fait connaître son intérêt pour une partie de ces 67 hectares, que les bailleurs des deux agriculteurs M. [O] [D] (M. [P] [D] étant décédé) et M. [F] [W] ont été contactés pour obtenir leur accord sur un échange de parcelles de terres et ont accepté le principe de cette proposition. Ils soulignent que M. [D] a confirmé ce choix dans une correspondance du 28 décembre 1988 en donnant son accord pour le transfert des quotas laitiers au bénéfice de M. [TE].

Au terme de cet échange, il a donc été convenu en accord avec le représentant de Mme [W] (Me [K], notaire) d’une résiliation par M. [TE] du bail consenti sur les parcelles cadastrées section XE n° [Cadastre 9] et section G n° [Cadastre 3] à compter du 29 septembre 1988, mais que cet accord n’a finalement pas abouti s’agissant de la parcelle G n° [Cadastre 3].

M. [C] indique avoir obtenu une autorisation d’exploiter pour la parcelle XE n° [Cadastre 9], que nonobstant l’absence de rédaction d’un bail par le notaire afférent à cette parcelle, il a réglé auprès du notaire, mandataire des bailleurs, ses loyers jusqu’en 2004 et a exploité cette parcelle depuis 1987, sans que M. [S] [TE] ne dise rien. Il souligne avoir, le 9 novembre 1989, émis une facture à M. [F] [W] pour le défrichage des bois et talus sur le champ XE n° [Cadastre 9].

Les appelants considèrent que le notaire a donc commis des erreurs manifestes et qu’il appartient à la propriétaire de se retourner contre lui.

Estimant que la vente des 13 et 20 septembre 2019 portant sur la parcelle XE n° [Cadastre 9] est intervenue sans respecter le droit de préemption du preneur, ils en sollicitent la nullité.

Mme [W] s’oppose aux demandes, rappelle que la parcelle litigieuse lui appartient et qu’elle a seule qualité pour la donner à bail, qu’elle a précisément donné la parcelle XE n° [Cadastre 9] à bail aux époux [TE] selon acte notarié du 9 avril 1986 puis à bail à long terme de18 ans par acte du 10 décembre 2003.

Elle conteste avoir donné un mandat quelconque à son père de gérer ses affaires pour les parcelles lui appartenant.

Elle fait valoir que M. [C] ne s’est jamais rapproché d’elle pour obtenir un accord sur un changement de preneur concernant la parcelle XE n° [Cadastre 9].

Elle observe que le registre parcellaire et le relevé MSA produits par M. [C] sont des documents unilatéraux et ne peuvent valoir preuve d’un bail rural, que les relevés de fermages dont il est fait état ne font pas référence à la parcelle litigieuse, étant rappelé que jusqu’en 2004, M. [C] était preneur à bail de plusieurs autres parcelles appartenant à l’indivision [W] et que par acte du 9 décembre 2004, les consorts [W] ont cédé aux époux [C] des parcelles agricoles sises à [Localité 13] exploitées jusqu’alors par lui en qualité de preneur.

S’agissant de l’engagement de résiliation de bail portant sur la parcelle XE n° [Cadastre 9] transmis par Me [K] dans un courrier du 26 octobre 1990, elle indique en avoir pris connaissance dans le cadre de cette procédure, et considère qu’un tel courrier ne peut valoir preuve d’un mandat apparent du notaire, alors que, d’une part, cette correspondance ne mentionne nullement que le notaire agit en qualité de représentant du bailleur et que, d’autre part, le document n’est de toute façon pas signé par le notaire. Elle estime donc qu’il ne s’agit là que d’un engagement unilatéral du preneur qui ne peut l’engager.

Elle observe que le projet initial invoqué portait sur deux parcelles et que M. [TE] est revenu sur cet accord, ne souhaitant plus résilier le bail pour la parcelle G n° [Cadastre 3], de sorte que le notaire n’a plus poursuivi ses démarches et sollicité la propriétaire pour la finalisation d’un tel échange et les époux [TE] n’ont pas engagé de démarches auprès d’elle pour résilier leur bail sur la parcelle XE n° [Cadastre 9].

Elle ajoute que la novation par changement de débiteur devant résulter clairement d’un acte, celle-ci n’est pas intervenue.

M. et Mme [E] et [G] [TE] contestent un quelconque accord donné par les parents de M. [E] [TE] pour un échange portant sur la parcelle XE n° [Cadastre 9] et entendent voir confirmer le jugement qui déboute les époux [C] de leur demande tendant à voir reconnaître l’existence d’un bail sur cette parcelle, dont les époux [TE] étaient preneurs avant d’en être propriétaires.

Aux termes de l’article L411-1 du code rural et de la pêche maritime, toute mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter pour y exercer une activité agricole est régie par le statut des baux ruraux.

La preuve de l’existence d’un bail rural peut être apportée par tous moyens.

En l’espèce, il est prétendu par les époux [C] que, si par acte authentique du 6 avril 1986, Mme [W] a donné à bail rural aux époux [TE] diverses parcelles (reçues en donation de ses parents) dont la parcelle XE n° [Cadastre 9] d’une superficie de 3 ha 14 a 50 ca, les preneurs ont résilié le bail sur cette parcelle, et que depuis 1987, les époux [C] sont titulaires d’un bail rural sur celle-ci, en lieu et place des précédents preneurs, et ce dans le cadre d’un échange de parcelles.

Cet échange de parcelles est notamment expliqué par M. [C] dans un courrier au notaire de Pluvignier du 18 mars 2020 dans lequel il indique avoir échangé diverses parcelles avec M. [TE] en 1988 en accord avec leurs propriétaires respectifs, M. [D] et M. [J], que cet accord prévoyait notamment que M. [C] recevait toutes les parcelles situées sur la droite de la route communale de Keihuel dont la parcelle XE n° [Cadastre 9] et la parcelle G n° [Cadastre 3], que M. [J] donnait son accord pour défricher durant l’hiver 1987-1988 la parcelle XE n°[Cadastre 9] et que Me [K], notaire, a fait une demande de résiliation de bail aux époux [TE] pour les deux parcelles précitées. M. [C] précise cependant n’avoir jamais pu récupérer la parcelle G n° [Cadastre 3].

La cour note que le contenu exact de cet échange de parcelles n’est pas précisé par les époux [C]. L’accord exprimé par M. [D], bailleur de M. [C], dans un écrit du 28 décembre 1988 portant sur un transfert des quotas laitiers au profit de M. [TE] ne permet pas de rapporter la preuve requise en l’espèce.

Pour justifier l’existence d’une résiliation du bail sur la parcelle en litige, leur donnant, selon eux, qualité de preneurs, ils évoquent ainsi :

– un engagement de résiliation de bail signé le 28 décembre 1988 par M. [S] [TE] et [Y] [H] épouse [TE], aux termes duquel ces derniers déclarent donner leur accord pour résilier le bail à compter du 28 septembre 1988 en tant qu’il concerne la parcelle cadastrée XE n°[Cadastre 9] d’une contenance de 3 ha 14 a 50 ca et indiquent qu’ils s’obligent à réitérer le présent engagement par acte authentique à première demande,

– deux courriers de Me [K] notaire en date du 26 octobre 1990, le premier adressé aux époux [TE] leur adressant copie de l’engagement précité, et le second adressé à M. [X] [C], lui communiquant la copie du courrier adressé aux époux [TE].

Compte tenu de la donation intervenue en 1983, un prétendu accord de M. [W] survenu en 1988 en vue d’un telle résiliation n’apparaît avoir aucun effet, ce dernier n’étant plus propriétaire à cette époque de la parcelle XE n° [Cadastre 9].

Il en est d’ailleurs de même d’une facture adressée à M. [F] [W] le 3 novembre 1989 pour le défrichage des bois et talus sur le champ XE n° [Cadastre 9], qui ne peut justifier d’une connaissance par Mme [I] [W] d’une exploitation de cette parcelle par M. [C].

Il n’est pas allégué que M. [J] aurait bénéficié d’un mandat de sa fille pour gérer les biens de celle-ci. Au demeurant, il est rappelé que c’est bien elle en personne qui intervient à l’acte du 9 avril 1986 consentant bail rural aux époux [TE] sur des parcelles lui appartenant.

Les époux [C] soutiennent à tort que Me [K], notaire, est intervenu en qualité de mandataire de la bailleresse et qu’ainsi, cette résiliation a été régulièrement portée à la connaissance de celle-ci, alors que la preuve d’un tel mandat n’est pas rapportée et qu’au demeurant, quand bien même un tel mandat apparent pourrait être invoqué par eux, le seul acte signé le 28 décembre 1988 prévoyant une réitération par acte authentique, ils ne peuvent prétendre à une résiliation effective à cette date.

Mme [Y] [TE] dans une attestation, précise :

Dans le courrier de Me [K] du 26 octobre 1990, il mentionne l’engagement de résiliation pris par moi-même et mon mari le 28 décembre 1988. Il y figure seulement la signature de mon mari et les miennes à mon nom de jeune fille et d’épouse. En aucun cas le notaire ou un clerc a signé ce document car ce n’était qu’un engagement pour que M. [C] puisse faire une demande auprès de la propriétaire.

La cour approuve donc l’analyse des premiers juges qui retiennent que cet acte signé le 28 décembre 1988 est un acte unilatéral dépourvu de portée.

Il ne peut être allégué une quelconque novation par changement de débiteur dans les termes de l’article 1271 ancien du code civil alors qu’une telle novation suppose une volonté non équivoque de nover résultant clairement des faits et actes intervenus entre les parties, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

De tels moyens ne permettent donc pas d’établir l’existence d’un bail rural sur la parcelle XE n° [Cadastre 9] liant Mme [W] à M. [C] à compter de 1988.

M. [C] produit des relevés cadastraux mentionnant entre autres, la parcelle XE n° [Cadastre 9], ainsi que plusieurs attestations indiquant qu’il a exploité de longue date cette parcelle.

À juste titre, les premiers juges ont cependant relevé que la mise à disposition d’une terre pour l’exploiter n’établit l’existence d’un bail rural sur celle-ci qu’à la condition d’être onéreuse, de sorte qu’il incombe aux appelants de rapporter la preuve du paiement d’un fermage pour celle-ci, ce qu’ils échouent à faire, les seuls décomptes de fermages versés aux débats, justifiés notamment par le fait qu’ils ont été preneurs de parcelles appartenant à la famille [W] (avant d’en devenir propriétaires en 2004) ne portent aucune référence de parcelle.

La preuve d’un bail rural liant les consorts [C] à Mme [W] sur la parcelle XE n° [Cadastre 9] n’est donc pas établie. Ils ne peuvent prétendre à aucun droit de préemption sur celle-ci et sont donc infondés à solliciter, en raison du non respect d’un tel droit, la nullité de la vente intervenue par actes des 13 et 20 septembre 2019 entre Mme [W] et les époux [TE] portant sur cette parcelle.

La cour confirme le jugement sur ces points.

– sur l’existence d’un bail sur la parcelle XE n° [Cadastre 9] entre M. et Mme [E] et [G] [TE] et les époux [C]

Les époux [C] soutiennent être liés par un bail rural avec les époux [TE] sur la parcelle XE n° [Cadastre 9] depuis le 20 septembre 2019.

Les époux [TE] s’opposent à cette demande, contestant tout bail rural. Ils demandent à la cour de juger qu’ils sont bien propriétaires de cette parcelle, que cette occupation sans droit ni titre constitue un trouble qu’il convient de faire cesser.

Pas plus que devant le tribunal, les époux [C] ne produisent de quelconques éléments probants permettant d’étayer leurs affirmations en ce sens, leur seul moyen invoqué étant l’existence d’un bail consenti sur cette parcelle depuis 1988, ce qui a été précédemment écarté.

La cour confirme le jugement les déboutant de cette demande.

La qualité de propriétaires des époux [TE] n’est pas discutée, de sorte qu’il n’y a aucun intérêt à le préciser. Le tribunal a jugé que M. [A] [C] et Mme [L] [R] étaient occupants sans droit ni titre sur cette parcelle. La cour confirme les termes du jugement sans qu’il soit nécessaire d’ajouter que cela constitue un trouble qu’il convient de faire cesser alors que les époux [TE] ne formulent expressément aucune demande de nature à faire cesser ce trouble.

– sur les frais irrépétibles et les dépens

La cour confirme le jugement en ses dispositions de ces chefs, condamne les époux [C] au paiement d’une somme de 1 200 euros à Mme [I] [W] et d’une somme de 1 200 euros à M. et Mme [E] [TE]. Les appelants supporteront les entiers dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à rectifier une erreur matérielle survenue en page 1 du jugement ;

Rectifie cette erreur matérielle et dit qu’en page une au lieu de lire :

Mme [W] [I]

il convient de lire :

Mme [W] [I].

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [A] [C] et Mme [L] [C] née [R] à payer à :

– Mme [I] [W] la somme de 1 200 euros,

– M. et Mme [E] et [G] [TE] la somme de 1 200 euros,

sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne in solidum M. [A] [C] et Mme [L] [C] née [R] aux dépens d’appel.

Le Greffier La Présidente

 


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