Mandat apparent : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 20/02049

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Mandat apparent : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 20/02049

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 26/01/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/02049 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TAVT

Jugement n° 19/04096 rendu le 12 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer

Ordonnance n° 21/252 rendue le 07 octobre 2021 par le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Douai

Arrêt avant dire droit n° 22/339 rendu le 07 juillet 2022 par la cour d’appel de Douai

APPELANTE

Madame [F] [N] veuve [Y]

née le 19 janvier 1960 à [Localité 4], de nationalité française

demeurant [Adresse 1] -[Localité 5]

représentée par Me Anne Painset Beauvillain, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué

INTIMÉ

Monsieur [J] [L]

né le 29 juin 1969 à [Localité 6], de nationalité française

demeurant [Adresse 3] – [Localité 4]

représenté par Me Alex Dewattine, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Dominique Gilles, président de chambre

Pauline Mimiague, conseiller

Clotilde Vanhove, conseiller

———————

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

DÉBATS à l’audience publique du 17 novembre 2022, le dossier a été instruit par Clotilde Vanhove, conseiller.

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président, et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 09 novembre 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

Les époux [Y] étaient propriétaires d’un local commercial sis [Adresse 2] à [Localité 4], donné à bail à M. et Mme [O] le 26 octobre 2006. Le fonds de commerce établi dans ce local a fait l’objet d’une cession à M. [L] par ordonnance du juge commissaire du tribunal de commerce de Boulogne sur Mer du 16 octobre 2014.

En 2015, des infiltrations étaient constatées au niveau de la toiture terrasse de l’immeuble et des travaux d’étanchéité s’avéraient nécessaires.

Par requête du 13 novembre 2019, Mme [N] [Y] a sollicité l’homologation d’un protocole transactionnel signé le 2 juillet 2019 avec M. [L] portant sur les conditions de réfection de la toiture terrasse de l’immeuble.

Par jugement contradictoire du 12 mai 2020, le tribunal judiciaire de Boulogne-sur- Mer a :

dit n’y avoir lieu à homologation de l’accord transactionnel signé le 2 juillet 2019 entre Mme [N] [Y] et M. [L],

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

condamné Mme [N] [Y] aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 12 juin 2020, Mme [N] [Y] a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.

Par ordonnance du 7 octobre 2021, le magistrat de la mise en état a :

ordonné le renvoi de l’affaire devant la cour pour qu’il soit statué à la fois sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir soulevée par M. [L],

dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

dit que les dépens suivront le sort de l’instance au fond.

Par arrêt du 7 juillet 2022, la cour a :

révoqué l’ordonnance de clôture,

ordonné la communication au ministère public de la présente affaire gracieuse,

réservé toutes les demandes.

Le 10 août 2022, le dossier a été communiqué au ministère public.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 8 mars 2022, Mme [N] [Y] demande à la cour de :

la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

la recevoir en ses demandes,

y faisant droit :

infirmer la décision du 12 mai 2020 en toutes ses dispositions,

en conséquence, statuant à nouveau :

débouter M. [L] de l’ensemble de ses demandes,

homologuer le protocole d’accord transactionnel du 2 juillet 2019 établi entre elle et M. [L],

condamner M. [L] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner M. [L] aux dépens, y compris les dépens de première instance.

Elle fait valoir que suite au décès de son époux le 29 janvier 2018, elle bénéficie du quart en toute propriété de l’universalité des biens et droits mobiliers et immobiliers composant la succession et que suivant acte authentique reçu le 17 janvier 2018 par Maître [I], notaire à [Localité 7], son époux l’a instituée légataire universelle.

Elle souligne que, sur le fondement de l’article 815-2 du code civil, tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d’urgence. Elle précise que les actes conservatoires désignent tous les actes nécessaires sans lesquels une perte serait subie, et que la demande d’homologation du protocole d’accord transactionnel est qualifiable d’acte conservatoire en ce qu’il porte sur la réalisation de travaux nécessaires à la réfection et à la conservation du bien.

Si la transaction devait être considérée comme un acte de disposition, elle précise qu’il y a lieu de considérer, en application des dispositions de l’article 800 du code civil et de la théorie du mandat apparent qu’elle pouvait transiger seule sans avoir à solliciter l’autorisation des autres héritiers ou une autorisation judiciaire.

Elle soutient qu’elle avait donc qualité à agir seule pour le litige portant sur l’immeuble.

Elle précise avoir également un intérêt à agir puisque, si l’immeuble a été vendu le 2 décembre 2021, l’acte de vente contient une clause « procédure de contentieux » qui met à la charge du vendeur le contentieux relatif à l’immeuble litigieux et toutes ses suites, notamment la réalisation des travaux et le versement des indemnités.

Sur le fond, elle fait valoir que l’article 2066 du code civil permet de solliciter du juge l’homologation d’un accord transactionnel, qu’elle a fait réaliser les travaux de réfection de la toiture terrasse de l’immeuble courant janvier 2020, soit quelques jours en retard par rapport à la date du 1er janvier 2020 fixée, ce qui n’est cependant pas de son fait. Elle ajoute avoir fait également réaliser les travaux de placo et d’isolation, finalisés le 21 décembre 2020.

Elle met en avant la mauvaise foi de M. [L] qui, contrairement aux dispositions du bail, ne l’a jamais informée des désordres de l’immeuble et n’a pas effectué les travaux qui lui incombaient aux termes du bail.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 15 mars 2022, M. [L] demande à la cour de :

in limine litis, déclarer irrecevable l’action intentée par Mme [N] [Y],

en conséquence, rejeter l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

en tout état de cause, condamner Mme [N] [Y] à lui payer la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens de l’appel.

Il fait valoir, sur le fondement des articles 122 et 31 du code de procédure civile, que Mme [N] [Y] n’avait pas qualité pour signer seule le protocole d’accord, dès lors que l’immeuble appartient à l’indivision [Y] et que la signature du protocole d’accord ne saurait être considérée comme un acte conservatoire puisque son seul objet est l’abandon par lui de ses réclamations en cas de réalisation des travaux avant le 1er janvier 2020. En outre, il ajoute que l’appelante n’a pas d’intérêt à agir puisque l’immeuble a été vendu.

Sur le fond, il soutient que la demande d’homologation du protocole d’accord doit être rejetée puisqu’alors que l’appelante s’était engagée à procéder aux travaux avant le 1er janvier 2020, ils n’ont toujours pas été réalisés et l’appelante ne pourra plus respecter la condition de réalisation des travaux avant le 1er janvier 2020.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 novembre 2022. Plaidé à l’audience du 17 novembre 2022, le dossier a été mis en délibéré au 26 janvier 2023.

MOTIVATION 

Sur la recevabilité de l’action de Mme [N] [Y]

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix la chose jugée.

M. [L] sollicite que l’action intentée par Mme [N] [Y] soit déclarée irrecevable. Il développe deux moyens au soutien de cette prétention : d’une part Mme [N] [Y] n’avait pas qualité pour signer seule la transaction et d’autre part elle ne dispose d’aucun intérêt à agir compte tenu de la vente de l’immeuble intervenue.

S’agissant du premier moyen, il doit être relevé que le défaut de qualité constituant une fin de non-recevoir est le défaut de qualité à agir en justice, ce que M. [L] ne remet pas en cause. La contestation du pouvoir qu’avait Mme [N] [Y] pour transiger seule relève du fond du litige et de l’examen de la transaction.

Quant au défaut d’intérêt à agir soulevé par M. [L], l’acte par lequel l’immeuble a été vendu contient une clause prévoyant que le vendeur s’oblige à faire son affaire personnelle de la procédure en cours concernant le protocole d’accord signé le 2 juillet 2019. Mme [N] [Y] dispose donc d’un intérêt à agir malgré la vente de l’immeuble intervenue.

Son action sera donc déclarée recevable.

Sur l’homologation de la transaction

Aux termes de l’article 1565 du code de procédure civile, l’accord auquel sont parvenues les parties à une médiation, une conciliation ou une procédure participative peut être soumis, aux fins de le rendre exécutoire, à l’homologation du juge compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée. L’article 1567 du même code rend ces dispositions applicables à la transaction conclue sans qu’il ait été recouru à une médiation, une conciliation ou une procédure participative.

L’article 2045 du code civil prévoit que pour transiger, il faut avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction.

Dès lors qu’il résulte des articles 924 et suivants du code civil qu’en principe le legs est réductible en valeur et non en nature, il n’existe aucune indivision entre le légataire universel et les héritiers réservataires. Ce n’est qu’en cas de réduction en nature du legs, opérant retour du bien dans la masse à partager, qu’il se crée une situation d’indivision entre réservataires et légataire.

En l’espèce, le bail commercial a été consenti par Mme [N] [Y] et son époux M. [Y], qui étaient tous deux propriétaires de l’immeuble donné à bail. M. [Y] est décédé le 29 janvier 2018 et il résulte de l’attestation notariée produite que le défunt a laissé pour recueillir sa succession son épouse et ses cinq enfants.

Aux termes d’un testament authentique du 17 janvier 2018, M. [Y] a institué son épouse légataire universelle. Il n’est pas établi qu’il ait été dérogé au principe de la réduction du legs en valeur compte tenu de l’existence d’héritiers réservataires, ce qui exclut l’existence d’une indivision entre Mme [N] [Y] et ses enfants, héritiers réservataires.

Ainsi, conformément aux dispositions de l’article 1014 du code civil, la transmission de la propriété du bien objet du bail s’est opérée au profit de Mme [N] [Y], en sa qualité de légataire universelle, au jour du décès de son époux.

En conséquence, celle-ci pouvait transiger seule avec M. [L] concernant le bail commercial.

Le protocole d’accord signé le 2 juillet 2019 entre Mme [N] [Y] et M. [L] prévoit que Mme [N] [Y] s’engage à procéder à la réfection complète de l’étanchéité de la toiture terrasse à l’origine d’infiltrations d’eau avant le 1er janvier 2020 et que M. [L] s’engage à abandonner toute réclamation par l’intermédiaire de sa compagnie d’assurance « protection juridique » concernant la réfection de la toiture terrasse.

Mme [N] [Y], qui sollicite l’homologation de la transaction, admet ne pas avoir respecté ses engagements pris dans le cadre de ce protocole d’accord puisqu’elle indique et justifie que les travaux d’étanchéité de la toiture terrasse n’ont été réalisés que pendant la deuxième quinzaine de janvier 2020 et non avant le 1er janvier 2020.

Le fait qu’elle indique que ce retard des travaux ne lui est pas imputable est inopérant dès lors que le protocole d’accord prévoyait une date limite de réalisation des travaux, qui n’a pas été respectée, ce qui a pour conséquence de faire obstacle à son homologation, à laquelle s’oppose M. [L].

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à homologation de l’accord transactionnel et en ce qu’il a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a condamné Mme [N] [Y] aux dépens et elle sera également condamnée aux dépens de la procédure d’appel.

Mme [N] [Y] sera condamnée à payer à M. [L] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare recevable l’action de Mme [N] [Y] ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [N] [Y] aux dépens de la procédure d’appel ;

Condamne Mme [N] [Y] à payer à M. [L] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Valérie Roelofs

Le président

Dominique Gilles

 


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