République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 4
ARRÊT DU 16/03/2023
N° de MINUTE : 23/262
N° RG 21/05428 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T5JD
Jugement (N° 51-20-0019) rendu le 21 Septembre 2021 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de Saint Omer
APPELANTS
Madame [B] [U] [R] [K]
née le 28 Février 1976 à St Omer (62500) – de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Madame Geneviève Anne-Marie Raymonde [K] [S]
née le 03 Août 1951 à [Localité 8] ([Localité 9]) – de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 9]
Madame [P] [Z] [R] [K]
née le 02 Décembre 1973 à St Omer (62500) – de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 9]
Monsieur [E] [G] [I] [K]
né le 23 Mars 1982 à [Localité 6] ([Localité 9]) – de nationalité Française
chez Mme [R] [K] – [Adresse 2]
[Localité 9]
Représentés par Me Vincent Bué, avocat au barreau de Lille
INTIMÉS
Monsieur [D] [J]
né le 09 Juillet 1959 à [Localité 9] ([Localité 9]) – de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 9]
Monsieur [A] [J]
né le 22 Novembre 1981 à [Localité 6] ([Localité 9]) – de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 9]
EARL [J]
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentés par Me Jean-Charles Courtois, avocat au barreau de Dunkerque
DÉBATS à l’audience publique du 19 janvier 2023 tenue par Véronique Dellelis et Emmanuelle Boutié, magistrates chargées d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, ont entendu les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS Ismérie Capiez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Véronique Dellelis, président de chambre
Emmanuelle Boutié, conseiller
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Selon attestation de propriété du 23 février 2001, [I] [K] est décédé le 4 avril 2000 laissant pour lui succéder son épouse, Mme [R] [S], et leurs trois enfants Mmes [P] et [B] [K] et M. [E] [K]. Dépendent de la succession deux parcelles sises à [Localité 9], le drueze, cadastrée [Cadastre 7] d’une superficie de 2 hectares 10 ares et 93 centiares et à [Localité 8], cadastrées B33 camp Lambert pour une superficie de 20 ares 34 centiares.
Faisant valoir que lesdites parcelles avaient été données à bail sans le concours des nus-propriétaires, Mme [B] [K] a attrait M. [D] [J], M. [A] [J] et l’EARL [J] devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Omer, lequel, par jugement du 21 septembre 2021 auquel il expressément référé pour un rappel des éléments de fait et de procédure, a :
– déclaré irrecevable comme prescrite l’action de Mme [B] [K] en nullité du bail verbal consenti à M. [D] [J] portant sur les parcelles :
* la commune de [Localité 9] C630 le drueze d’une superficie de 2 ha 10 a et 93 ca,
* la commune de [Localité 8] B33 camp Lambert pour une superficie de 20 a 34 ca
mises à disposition de l’EARL [J]
– rejeté la demande de Mme [B] [K] en résiliation du bail rural verbal concédé à M. [D] [J] portant sur les parcelles :
* la commune de [Localité 9] C630 le drueze d’une superficie de 2 ha 10 a et 93 ca,
* la commune de [Localité 8] B33 camp Lambert pour une superficie de 20 a 34 ca
mises à disposition de l’EARL [J]
– rejeté la demande de Mme [P] [K], Mme [R] [S] et M. [E] [K] de remboursement de frais de géomètre
– rejeté le surplus des demandes des parties
– condamné Mme [B] [K] à verser à M. [D] [J], M. [A] [J] et l’EARL [J] la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– condamné Mme [B] [K] aux entiers frais et dépens de l’instance,
– rappelé que la décision est assorti de droit de l’exécution provisoire.
Mme [B] [K] a interjeté appel du jugement, la déclaration d’appel critiquant chacune des dispositions du jugement entrepris.
Mme [B] [K] a demandé à la cour de :
– rejeter les demandes adverses
– prononcer la nullité de la convention verbale de ‘bail à ferme’ portant sur les parcelles cadastrées:
* commune de [Localité 9] C630 le drueze de 2 ha 10 a et 93 ca,
* commune de [Localité 8], B33 camp Lambert 20 a 34 ca
– en conséquence, prononcer la résiliation de la convention de ‘bail à ferme’
– dire M. [D] [J], M. [A] [J] et l’EARL [J] sans droit ni titre sur les parcelles cadastrées :
* commune de [Localité 9] C630 le drueze de 2 ha 10 a et 93 ca,
* commune de [Localité 8], B33 camp Lambert 20 a 34 ca
– ordonner l’expulsion de ces parcelles de MM. [J] et de toute personne morale ou physique de leur chef dans le délai de 2 mois du jugement à intervenir sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard passé ce délai durant 3 mois renouvelable
– dire que la juridiction paritaire des baux ruraux se réserve le droit à la liquidation de l’astreinte ainsi prononcée
– condamner M. [D] [J], M. [A] [J] et l’EARL [J] in solidum à payer à Mme [B] [K] une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– condamner M. [D] [J], M. [A] [J] et l’EARL [J] solidairement aux dépens.
M. [D] [J], M. [A] [J] et l’EARL [J] ont demandé à la cour de :
– confirmer le jugement,
A défaut :
– constater l’existence d’un bail rural unissant l’EARL [J] à M. [K] puis à l’indivision [K]
– Au principal, débouter Mme [B] [K] de l’intégralité de ses demandes
– subsidiairement confirmer l’existence du bail rural et la débouter de ses demandes
– à titre encore plus subsidiaire : dire que Mme [R] [K] avait mandat apparent et revêtait la qualité de nue propriétaire, entériner l’existence du bail et débouter Mme [B] [K] de ses demandes, à défaut en cas de résiliation du bail, condamner Mme [R] [K] ou à défaut l’ensemble des consorts [K] à la somme de 6 000 euros au titre du préjudice subi
En toutes hypothèses :
– les condamner à la somme de 2 000 euros par application au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– dire n’y avoir lieu à exécution provisoire
Y ajoutant :
– condamner Mme [B] [K] ainsi que l’ensemble des consorts [K] à la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Mme [P] [K], Mme [R] [K] et M. [E] [K] n’ont pas comparu.
Par arrêt en date du 29 septembre 2022, auquel il est expressément renvoyé ,cette cour autrement composée :
-a rectifié le jugement querellé en ce que dans son dispositif il convient de lire ‘[S]’ au lieu de ‘Marquant’ ;
-a confirmé le jugement ainsi rectifié en ce qu’il a débouté Mme [P] [K], Madame [R] [S] et M. [E] [K] de leur demande de remboursement de frais de géomètres ;
-l’a infirmé en ce qu’il a :
– déclaré irrecevable comme prescrite l’action de Mme [B] [K] en nullité du bail verbal consenti à M. [D] [J] portant sur les parcelles :
* la commune de [Localité 9] C630 le drueze d’une superficie de 2 ha 10 a et 93 ca,
* la commune de [Localité 8] B33 camp Lambert pour une superficie de 20 a 34 ca
mises à disposition de l’EARL [J] ;
– rejeté la demande de Mme [B] [K] en résiliation du bail rural verbal concédé à M. [D] [J] portant sur les parcelles :
* la commune de [Localité 9] C630 le drueze d’une superficie de 2 ha 10 a et 93 ca,
* la commune de [Localité 8] B33 camp Lambert pour une superficie de 20 a 34 ca
mises à disposition de l’EARL [J]
Statuant à nouveau et y ajoutant :
-a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription opposée par M. [D] [J], M. [A] [J] et l’EARL [J] à la demande de nullité du bail formée par Mme [B] [J] ;
-a prononcé la nullité du bail consenti par Mme [R] [S] sans le concours de Mme [B] [K] sur les parcelles sises à [Localité 9], le drueze, cadastrée [Cadastre 7] d’une superficie de 2 hectares 10 ares et 93 centiares et à [Localité 8], cadastrées [Adresse 5] pour une superficie de 20 ares 34 centiares à M. [D] [J] ;
-a ordonné l’expulsion de M. [D] [J], ainsi que de tous occupants de son chef, dont notamment M. [A] [J] et l’EARL [J] , des parcelles sus-désignées dans un délai de deux mois courant à compter de la signification du présent arrêt et ce, passé ce délai de deux mois et pendant un délai de six mois, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard;
-a dit n’y avoir lieu à se réserver la liquidation de l’astreinte ;
-a dit n’y avoir lieu à examiner la demande de résiliation du bail formée par Mme [B] [K]
Avant dire droit :
-a ordonné la réouverture des débats à l’audience du 19 janvier 2023 à 14 heures de la 8ème chambre section 4 de la cour d’appel de Douai afin que MM. [D] et [A] [J] et l’EARL [J] régularisent à l’encontre de Madame [R] [S], Mme [P] [K], et M. [E] [K] leur demande incidente d’indemnisation dirigée contre Mme [R] [S] à titre principal et contre Mmes [B] et [P] [K], Madame [R] [S] et M. [E] [K] à titre subsidiaire par voie d’assignation, à défaut de quoi il sera statué sur la recevabilité de cette demande ;
-a sursis à statuer sur ce chef de demande, les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Les consorts [J] et L’EARL [J] ont fait assigner Mme [R] [S], Mme [P] [K] et M. [E] [K] par acte d’huissier en date du 5 décembre 2022 devant cette cour.
Les débats ont effectivement eu lieu lors de l’audience du 19 janvier 2023.
Mme [R] [K] épouse [S], Mme [P] [K], M. [E] [K] et Mme [B] [K] sont après réouverture des débats tous représentés par Maître Vincent Bué.
Ils soutiennent les conclusions après réouverture des débats déposées lors de l’audience et visées par le greffe par lesquelles ils demandent à cette cour de :
-mettre hors de cause les nus-propriétaires à savoir M. [E] [K], Mme [B] [K] et Mme [P] [K] ;
-condamner solidairement M. [D] [J], M. [A] [J] et l’EARL [J] à payer à Mme [S] veuve [K] la somme de 1734,52 euros au titre de la contrepartie onéreuse à l’exploitation des parcelles pour les années non
prescrites ;
Au principal,
-rejeter en l’état la demande de dommages et intérêts présentée par MM [J] et l’EARL [J] ;
-subsidiairement limiter la condamnation de Mme [R] [S] veuve [K] à la seule somme de 1200 euros à titre de dommages et intérêts ;
Dans tous les cas,
-ordonner la compensation entre les sommes dues ;
-condamner solidairement M. [D] [J], M. [A] [J] et l’EARL [J] à payer la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
-condamner les mêmes aux dépens.
Les parties intimées, représentées par le greffe, ont maintenu leur demande de dommages et intérêts telle qu’elle avait été antérieurement formulée.
MOTIFS
Il sera observé que la réouverture des débats ne concerne que la seule demande des consorts [J] et de l’EARL [J] tendant à la condamnation de l’usufruitière à titre principal et des nu-propriétaires à titre subsidiaire à des dommages et intérêts à hauteur d’une somme de 6000 euros.
La réouverture des débats n’autorisait pas Mme [R] [S] à formuler une demande nouvelle.
Dès lors, la demande de Mme [R] [S] tendant à la condamnation de M. [D] [J], de M. [A] [J] et de l’EARL [J] à payer la somme de 1734,52 euros au titre de la contrepartie onéreuse à l’exploitation des parcelles pour les années non prescrites n’est recevable qu’en ce qu’elle tend à opposer la compensation comme moyen de défense à l’encontre de la demande de dommages et intérêts des parties intimées.
MM. [J] et L’EARL [J] demandent la condamnation de l’usufruitière à titre principal au paiement d’une somme de 6000 euros à titre de dommages et intérêts au titre d’un manque à gagner ou une perte subie sur la base d’un rendement de 1200 euros l’hectare pendant deux années sur une superficie de 2 hectares 31 ares 27 centiares.
La cour estime cependant que la demande de condamnation de Mme [S] [K] à des dommages et intérêts ne se justifie pas.
En effet, d’une part le bail consenti est un bail purement verbal, avec simple mise à disposition par l’usufruitière de parcelles à titre onéreux et sans que Mme [R] [Y] ait fait de promesses particulières à la personne qui a été installée dans les terres.
D’autre part, la réalité du préjudice subi par M. [D] [J] n’est pas suffisamment démontrée alors que nonobstant le caractère irrégulier du bail rural, il a pu néanmoins exploiter les parcelles litigieuses sur la longue durée de 20 années et jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de la retraite, l’intéressé étant né en 1959. Par ailleurs, la possibilité de cession de son bail rural était compromise alors que cette faculté est réservée au preneur de bonne foi et que les consorts [K] relèvent un défaut d’information au titre de la mise à disposition des parcelles. Par ailleurs, il n’a pas été soutenu que dans la limite non atteinte par la prescription , la somme réclamée par l’usufruitière a été en réalité réglée.
Par ailleurs, un usufruitier dont les droits n’ont pas été pas été pris en compte lors de la conclusion d’un bail rural ne peut se voir condamner à des dommages et intérêts lorsque le bail rural est annulé pour ce motif.
Il convient dès lors de débouter les parties intimées de leur demande de dommages et intérêts tant à l’égard de Mme [R] [Y] que de Mme [P] [K], M. [E] [K] et Mme [B] [K].
Sur les dépens et sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Au regard de ce qui est jugé dans le présent arrêt et au regard de ce qui a été décidé dans le cadre du précédent arrêt rendu le 29 septembre 2022, il convient pour la cour, réformant le jugement querellé, de condamner in solidum MM, [D] et [A] [J] et l’EARL [J] aux dépens de première instance et d’appel et de les condamner dans les mêmes termes au paiement d’une indemnité procédurale d’un montant modéré repris au dispositif du présent arrêt au profit des trois nus-propriétaires .
PAR CES MOTIFS, LA COUR
Statuant après réouverture des débats,
Vu son précédent arrêt en date du 29 septembre 2022,
Déclare la demande de Mme [R] [S] veuve [K] tendant à la condamnation de MM [J] et de l’EARL [J] au paiement de la somme de 1734,52 euros au titre de la contrepartie onéreuse à l’exploitation des parcelles pour les années non prescrites irrecevable en ce qu’elle ne se limite pas à opposer la compensation à la demande de dommages et intérêts formée contre elle ;
Déboute MM., [D] et [A] [J] et L’EARL [J] de leur demande de dommages et intérêts tant à l’égard de Mme [R] [S] veuve [K] que de Mme [P] [K], de M. [E] [K] et de Mme [B] [K] ;
Condamne in solidum MM, [D] et [A] [J] et l’EARL [J] aux dépens de première instance et d’appel ;
Les condamne dans les mêmes termes au paiement d’une indemnité de 1200 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [P] [K], M. [E] [K] et Mme [B] [K]
Le greffier
[T] [M]
Le président
[V] [L]