N° RG 22/02110 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JDRT
COUR D’APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 10 MAI 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
22/00200
Président du tribunal judiciaire de Rouen du 17 mai 2022
APPELANTE :
SCPI PFO2
RCS de Paris 513 811 638
[Adresse 5]
[Localité 7]
représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de Rouen et assistée de la SCP BRIGNON LEBRAY, avocat au barreau de Paris plaidant par Me BRISSET
INTIMEE :
Syndicat de copropriétaires de l’immeuble Le Rive Droite situé [Adresse 10] représenté par son syndic SQUARE HABITAT
[Adresse 9]
[Localité 8]
représenté et assisté par Me Edouard POIROT-BOURDAIN de la SELARL HERCE MARCILLE POIROT-BOURDAIN, avocat au barreau de Rouen
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 6 mars 2023 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseillère, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,
M. Jean-François MELLET, conseiller,
Mme Magali DEGUETTE, conseillère,
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme [Z] [G],
DEBATS :
A l’audience publique du 6 mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 10 mai 2023.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 10 mai 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
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* *
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La Scpi PFO2 est propriétaire d’un ensemble immobilier situé [Adresse 3], qui jouxte l’immeuble Le Rive Droite situé au 34 de la même rue et soumis au statut de la copropriété. Sur les parcelles cadastrées section CP n°[Cadastre 1], [Cadastre 2], et [Cadastre 4] appartenant à la société PFO2, est implanté un parking semi-enterré comportant les trois niveaux suivants :
– au rez-de-chaussée, un toit végétalisé,
– au n-1, des emplacements de stationnement souterrains appartenant à la société PFO2 n°1 à 37,
– au n-2, des emplacements de stationnement souterrains appartenant à la copropriété de l’immeuble Le Rive Droite, n°601 à 648, et constituant le bâtiment F.
Le 6 novembre 2017, la Sas Eurisk a effectué une expertise amiable à la demande de la Sa Allianz Iard, assureur dommages-ouvrage, à qui la Sas Scaprim Property Management, gestionnaire de l’immeuble de la société PFO2, avait déclaré un sinistre d’infiltration d’eau au droit de la place de stationnement n°636 dénoncé par le syndicat des copropriétaires. Elle a constaté l’existence de fissurations infiltrantes du gros oeuvre. Des travaux de mise en place d’un auvent anti-pluie au rez-de-chaussée du bâtiment financés par la Sa Allianz Iard ont été réceptionnés le 31 mai 2018.
Une nouvelle expertise amiable a été réalisée par la Sas Eurisk le 20 mars 2019 à la suite de la survenue d’une nouvelle infiltration au niveau de la place n°636 déclarée par la Sas Scaprim Property Management à l’assureur dommages-ouvrage. Aux termes de son rapport d’expertise du 21 août 2019, elle a imputé les désordres à un défaut d’étanchéité des murs enterrés et proposé la réalisation de travaux d’étanchéité en partie haute.
Ces travaux, réalisés sous la maîtrise d’ouvrage de la société PFO2, ont été réceptionnés le 23 juillet 2021.
Par acte d’huissier de justice du 16 mars 2022, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Rive Droite, reprochant un trouble anormal de voisinage à la société PFO2, l’a faite assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Rouen, aux fins notamment de réaliser sous astreinte les travaux nécessaires à la cessation définitive des désordres.
Suivant ordonnance du 17 mai 2022, le juge des référés du tribunal a, au visa de l’article 835 du code de procédure civile :
– fait injonction à la société FPO2 de faire procéder aux travaux nécessaires à la cessation définitive des désordres affectant les parkings du bâtiment F de la résidence [Adresse 10], et plus précisément affectant les places de parking et voies de circulation décrites dans le constat d’huissier du 7 février 2022, et ce dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir et passé ce délai sous astreinte de
1 000 euros par jour de retard,
– dit que le juge des référés se réserve la liquidation de l’astreinte,
– fait injonction à la société FPO2 de notifier par lettre recommandée adressée au syndic de la résidence ‘Le Rive Droite’ l’achèvement des travaux,
– fait injonction à la société FPO2 de faire établir un constat d’huissier contradictoire à ses frais à l’issue des travaux, afin d’en vérifier la réalisation et leur efficacité, dans les huit jours suivant la réception de la lettre recommandée notifiant l’achèvement desdits travaux,
– condamné la société PFO2 à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence ‘Le Rive Droite’ représenté par son syndic Square Immobilier la somme de
2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société PFO2 aux entiers dépens qui comprendront le coût du constat d’huissier en date du 7 février 2022.
Par déclaration du 23 juin 2022, la société PFO2 a formé un appel contre l’ordonnance en toutes ses dispositions.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 1er décembre 2022, la Scpi PFO2, représentée par sa gérante la société Perial Asset Management, sollicite de voir en vertu des articles 114, 144 et suivants, 648 du code de procédure civile et 1153 du code civil :
à titre principal,
– annuler l’ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire de Rouen du 17 mai 2022 en raison de la nullité de la signification de l’assignation délivrée par le syndicat des copropriétaires le 16 mars 2022 et du non-respect du principe du contradictoire,
– condamner le syndicat des copropriétaires à rembourser la somme de 36 700 euros HT, soit 44 040 euros TTC, qu’elle a déboursée au titre des travaux d’étanchéité réalisés à la suite de la signification de ladite ordonnance,
– débouter le syndicat des copropriétaires de toutes ses demandes,
à titre subsidiaire,
– infirmer ladite ordonnance dans toutes ses dispositions,
– condamner le syndicat des copropriétaires à rembourser la somme de 36 700 euros HT, soit 44 040 euros TTC, qu’elle a déboursée au titre des travaux d’étanchéité réalisés à la suite de la signification de ladite ordonnance,
– débouter le syndicat des copropriétaires de toutes ses demandes,
à titre très subsidiaire,
– infirmer ladite ordonnance et, statuant de nouveau, surseoir à statuer sur son appel,
– ordonner une expertise judiciaire,
– désigner l’expert judiciaire qu’il plaira avec pour mission de :
. convoquer l’ensemble des parties et leurs conseils,
. se rendre dans les locaux litigieux en présence des parties et de leurs conseils afin de constater l’existence ou non des fuites alléguées dans le constat d’huissier du 7 février 2022, le cas échéant, en déterminer leur origine, leur cause et leur ampleur, indiquer si ces fuites portent atteinte à la destination, à la solidité, ou à l’usage du parking du syndicat des copropriétaires, décrire et évaluer les éventuels travaux/actions correctives/réparations nécessaires à la reprise de ces fuites,
. plus généralement, se rendre en tout lieu qu’il estimera utile pour mener à bien sa mission,
. se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission,
. entendre tout sachant et les parties en leurs explications,
. répondre aux observations (dires) formulées par écrit par les parties dans le délai qu’il aura préalablement fixé, ces dires étant annexés au rapport,
. procéder à toutes mesures utiles dans les lieux concernés,
. caractériser d’éventuels manquements aux prescriptions législatives, réglementaires, normatives ou contractuelles et aux règles de l’art, pouvant avoir un lien avec les désordres allégués,
. fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre, le cas échéant, à la juridiction compétente de déterminer les responsabilités éventuellement encourues et d’évaluer tous les préjudices subis,
. dire que l’expert pourra s’adjoindre tout sapiteur de son choix,
. dire que l’expert transmettra aux parties un pré-rapport afin de recueillir leurs observations éventuelles et répondra aux dires des parties,
. dire que l’expert effectuera sa mission conformément aux dispositions du code de procédure civile et déposera son rapport dans un délai de trois mois,
. fixer la provision qui sera consignée au greffe, à titre d’avance sur les honoraires de l’expert, dans le délai qui sera imparti par l’arrêt à intervenir,
– ordonner la mise à la charge du syndicat des copropriétaires de la provision concernant les frais d’expertise qui devra être consignée par celui-ci,
en tout état de cause,
– condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.
Elle fait valoir que l’assignation en référé du 16 mars 2022 n’a pas été délivrée à son siège social au [Adresse 5], mais à l’adresse de la Sas Scaprim Property Management au [Adresse 6] Paris, ce qui n’est pas conforme à l’article 648 du code de procédure civile ; que, s’il existe un contrat de mandat de gestion immobilière entre elle et la Sas Scaprim Property Management, le syndicat des copropriétaires y est tiers et ce contrat ne donne aucun pouvoir à cette dernière pour la représenter en justice, que le mandat apparent de gestion invoqué par l’intimé n’est pas applicable à la vente et à la gestion immobilière ; que l’élection de domicile mentionnée par l’huissier instrumentaire en première page de l’assignation n’est pas justifiée et se contredit avec la mention indiquée en dernière page ; que Mme [D], qui n’était pas sa salariée et qui a reçu l’assignation, n’y était pas habilitée ce que l’huissier de justice ne pouvait ignorer ; que sa connaissance de l’assignation ne peut être tirée du fait que la signification de l’ordonnance de référé a été faite à la même adresse et qu’elle a pu interjeter appel car ce sont deux actes distincts ; que la manoeuvre du syndicat des copropriétaire, qui produit des mises en demeure adressées en 2020 et 2021 à son siège social, semble délibérée.
Elle précise que le vice de forme affectant l’assignation lui a causé un grief, car elle n’a pas été informée de l’existence de cette procédure, n’a pas pu comparaître, ni être représentée, ni faire valoir sa défense notamment quant aux travaux qu’elle a fait réaliser en juillet 2021 et dont la méconnaissance par le juge des référés a donné lieu à sa condamnation ; qu’elle a été privée du double degré de juridiction, garantie du principe du contradictoire ; que, subséquemment, en application de l’article L.111-10 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution, le syndicat des copropriétaires doit lui rembourser le montant des travaux d’étanchéité complémentaires auxquels elle a été contrainte de procéder à titre conservatoire et sans reconnaissance de responsabilité en juillet 2022 à la suite de la signification de l’ordonnance de référé sous peine de voir courir l’astreinte dont celle-ci était assortie.
Elle soutient à titre subsidiaire que le syndicat des copropriétaires n’apporte pas la preuve d’un quelconque désordre dans ses parkings dont elle serait à l’origine ; qu’elle a effectué les travaux retenus par l’expert amiable les 21 et 22 juillet 2021 malgré l’affirmation mensongère du syndicat des copropriétaires qui en avait été informé par ses soins ; qu’en outre le procès-verbal de constat du 7 février 2022 n’est pas contradictoire et ne permet pas de prouver que des désordres d’infiltrations existent dans les locaux du syndicat des copropriétaires et qu’ils proviendraient du niveau supérieur lui appartenant ; qu’il n’est pas établi qu’un parking a vocation à être entièrement étanche, que celui de l’intimé est d’ailleurs pourvu de cunettes qui permettent l’évacuation de l’eau.
Par dernières conclusions notifiées le 20 octobre 2022, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Rive Droite, représenté par son syndic Square Habitat, demande de voir en application des articles 114 du code de procédure civile et 544 du code civil :
– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire de Rouen le 17 mai 2022,
– débouter la société PFO2 de l’ensemble de ses prétentions à son encontre,
– condamner celle-ci à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en plus de tous les dépens.
Il expose que la société PFO2 s’est toujours exprimée par le truchement de la Sas Scaprim Property Management qui dispose d’un mandat apparent de gestion des affaires techniques immobilières de celle-ci ; que l’assignation lui a donc été délivrée au siège social de cette dernière ; que Mme [D] qui s’est présentée comme directeur de gestion et a reçu l’acte le 16 mars 2022 était habilitée à cet effet ; que si la société PFO2 n’a pas cru utile de se faire représenter devant le juge des référés, elle a interjeté appel instantanément à réception de la signification de l’ordonnance faite à son représentant apparent la Sas Scaprim Property Management, ce qui démontre qu’elle avait une parfaite connaissance de la procédure ; qu’en outre la société PFO2 est parfaitement informée de ce dossier pour participer depuis 2018 à des réunions d’expertise dans l’immeuble ; que cette dernière n’a subi aucun grief.
Il ajoute que le défaut d’étanchéité qu’il a dénoncé au niveau de ses places de stationnement comme provenant des niveaux supérieurs est caractérisé puisque des travaux pour y pallier ont été réalisés en juillet 2021, mais qu’ils se sont révélés inefficaces comme il ressort du constat d’huissier de justice du 7 février 2022 ; que ces éléments démontrent la persistance des infiltrations reliées par l’assureur dommages-ouvrage et son expert au bâtiment supérieur appartenant à la société PFO2 ; que le caractère non contradictoire de ce constat ne lui enlève rien de sa force probante jusqu’à inscription de faux ; qu’enfin, cette action a été menée sur le fondement des troubles anormaux de voisinage quelle qu’en soit la cause ; que les travaux effectués en juillet 2022 sur injonction judiciaire étaient nécessaires même s’ils n’y ont pas totalement mis fin.
Il précise, s’agissant de la demande de remboursement formulée par l’appelante, qu’elle n’est pas fondée, car elle ne repose sur aucun texte et car cette dernière n’a pas été condamnée à lui payer une somme mais à exécuter des travaux nécessaires sur sa propriété qui vont lui profiter en la mettant à l’abri d’une action indemnitaire pour les troubles de voisinage causés par les infiltrations.
Il soutient enfin que la demande susbidiaire d’expertise ne présente pas d’intérêt car les lieux ont été profondément modifiés par les travaux effectués par l’appelante en juillet 2021 et 2022 et que son action est fondée sur les troubles anormaux de voisinage.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 6 mars 2023.
MOTIFS
Sur la demande d’annulation de l’ordonnance
L’article 649 du code de procédure civile précise que la nullité des actes d’huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.
L’article 114 du même code indique qu’aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
– Sur le vice de forme de l’assignation
Selon l’articles 648 du code précité, tout acte d’huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs, si l’acte doit être signifié à une personne morale, sa dénomination et son siège social. Ces mentions sont prescrites à peine de nullité.
Les articles 654 et 655 du même code précisent que la signification doit être faite à personne. La signification à une personne morale est faite à personne lorsque l’acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet. Si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence. L’huissier de justice doit relater dans l’acte les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification.
Aux termes de l’article 690 du même code, la notification destinée à une personne morale de droit privé ou un établissement public à caractère industriel ou commercial est faite au lieu de son établissement. A défaut d’un tel lieu, elle l’est en la personne de l’un de ses membres habilité à la recevoir.
En l’espèce, il est mentionné à la page 1 de l’assignation critiquée du 16 mars 2022 qu’elle est adressée à la société PFO2, dont le siège social est [Adresse 5], ‘prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
Et domiciliée pour les besoins de sa gestion chez SCAPRIM Property Management, […] dont le siège social est [Adresse 6]’.
Le procès-verbal des modalités de remise de l’acte indique que cette assignation en référé devant le tribunal judiciaire a été signifiée à ‘Société PFO2 dont le siège social est Chez SCAPRIM PROPERTY MANAGEMENT [Adresse 6].
Cet acte a été signifié le 16 mars 2022, par Clerc assermenté, dans les conditions ci-dessous indiquées, et suivant les déclarations qui lui ont été faite :
Parlant à Madame [D] [X], directeur de gestion, ainsi déclaré(e), rencontré(e) dans les lieux, qui se déclare être habilité(e) à recevoir copie de l’acte, laquelle lui est remise.’.
Or, il ne résulte pas des pièces versées aux débats par le syndicat des copropriétaires que la société PFO2 a mandaté la Sas Scaprim Property Management pour recevoir des actes judiciaires et, plus généralement, pour la représenter en justice, ni qu’elle a habilité une personne à cet effet dans les locaux de cette dernière, ni encore qu’elle l’a laissé penser aux tiers. Il ressort du pré-rapport de l’expertise judiciaire confiée à M. [U] en juin 2018, à l’occasion d’un litige concernant d’autres désordres dans les mêmes lieux, que la société PFO2 y est partie en son nom personnel.
Si la Sas Scaprim Property Management est le mandataire de la Scpi PFO2 pour la gestion de son immeuble en exécution du mandat d’assistance technique immobilière conclu entre elles et a pris en charge le suivi du traitement des infiltrations dénoncées au niveau de la place de stationnement n°636, notamment auprès de l’assureur dommages-ouvrage, cette circonstance est insuffisante à caractériser un mandat apparent de représentation judiciaire en sa faveur, comme avancé par l’intimé. D’ailleurs, aux termes de sa mise en demeure pour ce litige de la société PFO2, et non pas de la Sas Scaprim Property Management, le 14 avril 2021, le conseil du syndicat des copropriétaires la lui a envoyée à l’adresse de son siège social au [Adresse 5]. Cette adresse est d’ailleurs visée à la première page de l’assignation.
A aucun moment, la Scpi PFO2 n’a induit en erreur le syndicat des copropriétaires sur son siège social. Il est constant qu’une société est réputée conserver celui-ci au lieu fixé par les statuts et publié au registre du commerce et des sociétés tant qu’elle n’a pas fait le choix d’un nouveau siège social et sous réserve de la preuve de son caractère fictif ou frauduleux.
Il s’ensuit que l’assignation du 16 mars 2022 est affectée d’un vice de forme. Le fait que cet acte ait été remis à une personne se disant habilitée à le recevoir et qui est un cadre de direction de la Sas Scaprim Property Management est inopérant à pallier cette irrégularité dès lors que la délivrance de cet acte a été réalisée en-dehors des conditions édictées à peine de nullité par le code de procédure civile. En effet, l’huissier de justice avait l’obligation de signifier au lieu du siège social dont l’existence n’était pas contestée et inconnue.
N’a pas davantage d’incidence la circonstance selon laquelle la Scpi PFO2 a réagi à l’issue de la signification de l’ordonnance de référé qui a été effectuée le 10 juin 2022 à l’adresse de la Sas Scaprim Property Management. La régularité d’un acte de procédure est appréciée par rapport aux mentions et aux diligences procédurales obligatoires qu’il contient ou non et non pas par rapport à celles concernant un autre acte dès lors que ce premier acte n’en est pas le support.
– Sur l’existence d’un grief
L’irrégularité affectant l’assignation en référé du 16 mars 2022 a porté atteinte aux droits de la défense de la société PFO2. Elle n’a pas été mise en mesure de comparaître ou de se faire représenter à l’instance de référé, ni de faire valoir ses moyens pour s’opposer à l’injonction de faire qui était sollicitée contre elle, alors que la preuve de la réalisation de travaux en juillet 2021 et de l’insuffisance de la force probante des pièces adverses était susceptible d’être apportée.
Elle justifie en effet qu’elle a fait effectuer des travaux d’étanchéité, pour stopper les infiltrations au niveau des parkings, qui ont été réceptionnés sans réserves le 23 juillet 2021.
L’efficacité de ces travaux est niée par le syndicat des copropriétaires au motif que la persistance des infiltrations a été relevée le 7 février 2022 par Me [O], huissier de justice qu’il avait mandaté.
Les constatations matérielles ainsi effectuées font foi jusqu’à preuve du contraire, et non pas jusqu’à inscription de faux.
Or, dans son pré-rapport d’expertise judiciaire du 14 octobre 2022 versé aux débats par la société PFO2, à la page 68, M. [U] précise que le procès-verbal de constat du 7 février 2022, qui indique que l’ensemble des murs périphériques du parking en sous-sol (n-2) est infiltré par l’eau et que les autres emplacements de parking suivants présentent également des flaques d’eau, ne mentionne aucune localisation précise pour les murs périphériques et ne contient aucun cliché concernant les places n°601 à 608 qui sont côté bassin. Il ajoute que les coulures constatées pour cette paroi lors de la réunion d’expertise du 12 novembre 2018 avaient disparu lors de celle du 16 octobre 2019. Il souligne enfin que les goulottes et les canalisations d’évacuation doivent être régulièrement nettoyées ; que de légères infiltrations sont admises et normalement reprises par les cunettes périphériques et que, pour les planchers, il n’y a aucune indication sur la provenance de cette eau.
Le vice de forme affectant l’assignation en référé a donc causé un grief à la société PFO2, qui n’a pas constitué, a été privée du double degré de juridiction, et a été obligée d’exécuter l’ordonnance de référé du 17 mai 2022 la condamnant notamment à effectuer sous astreinte des travaux.
Cette assignation est nulle, ce qui entraîne la nullité de l’ordonnance de référé subséquente.
Sur les demandes à titre principal de la Scpi PFO2
Par exception à l’article 562 alinéa 2 du code de procédure civile, si l’appel tend à l’annulation du jugement, la dévolution du litige ne s’opère pour le tout, lorsque l’acte introductif d’instance est annulé, que lorsque l’appelant a conclu au fond à titre principal devant la cour d’appel. Tel est le cas en l’espèce.
– Sur le remboursement des travaux exécutés
L’article L.311-10 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que l’exécution forcée peut être poursuivie jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire à titre provisoire. L’exécution est poursuivie aux risques du créancier. Celui-ci rétablit le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre est ultérieurement modifié.
L’exécution d’une décision de justice exécutoire à titre provisoire n’a lieu qu’aux risques de celui qui la poursuit, à charge par lui, si le titre est ultérieurement modifié, d’en réparer les conséquences dommageables.
Dans le cas présent, la Scpi PFO2 justifie qu’elle a fait réaliser des travaux de reprise de l’étanchéité des places de parking afin de stopper les infiltrations en parking intérieur et extérieur, qui ont été réceptionnés le 8 juillet 2022, à la suite de la signification le 10 juin 2022 de l’ordonnance de référé du 17 mai 2022 assortie d’une astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de ladite signification.
L’existence d’un lien de cause à effet est caractérisée.
A la suite de l’annulation de ladite ordonnance, la Scpi PFO2 doit être rétablie dans ses droits par la restitution de la somme équivalente aux travaux qu’elle a fait accomplir et qui reste à sa charge de manière indue, égale à 30 250 euros HT selon l’ordre de service du 24 juin 2022 et le procès-verbal de réception de travaux du 8 juillet 2022. Le surplus demandé, uniquement visé dans un devis, sera écarté. Le syndicat des copropriétaires sera condamné à payer à la Scpi PFO2 la somme de
36 300 euros TTC (30 250 euros HT x taux de TVA de 20 %).
– Sur le débouté du syndicat des copropriétaires
Selon l’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En l’espèce, pour les motifs développés ci-dessus, le syndicat des copropriétaires ne démontre pas l’existence d’un dommage imminent, ni d’un trouble anormal de voisinage manifestement illicite.
Il sera débouté de toutes ses demandes.
Sur les demandes accessoires
Partie perdante, le syndicat des copropriétaitres sera condamné aux dépens.
Il n’est pas inéquitable de le condamner également à payer à la Scpi PFO2 la somme de 4 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés pour cette procédure.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mise à disposition au greffe,
Annule l’ordonnance entreprise en suite de la nullité de l’assignation en référé du 16 mars 2022,
Condamne le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Rive Droite à payer à la Scpi PFO2 la somme de 36 300 euros TTC,
Condamne le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Rive Droite à payer à la Scpi PFO2 la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus des demandes,
Condamne le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Rive Droite aux dépens.
Le greffier, La présidente de chambre,