Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 25 MAI 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 16/01808 – N° Portalis DBVK-V-B7A-MQYL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 02 février 2016
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 15/02423
APPELANTS :
Monsieur [T] [M]
né le [Date naissance 6] 1946 à [Localité 19]
de nationalité Française
[Adresse 15]
[Localité 13]
et
Madame [I] [M] épouse [A]
née le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 18]
de nationalité Française
[Adresse 16]
[Localité 9]
et
Monsieur [P] [M]
né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 18]
de nationalité Française
[Adresse 12]
[Localité 14]
Représentés par Me Déborah MARTOS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocate postulante, substituée à l’audience par Me Nicolas BEDEL DE BUZAREINGUES de la SCP BEDEL DE BUZAREINGUES, BOILLOT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
INTIMEE :
SCP [G] PONCIE LASCOMBES ZANONE anciennement dénommée SCP [G] [V] [G] BRAUN
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 17]
Représentée par Me Gilles LASRY de la SCP D’AVOCATS BRUGUES – LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 15 février 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 mars 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Thierry CARLIER, conseiller
M. Fabrice DURAND, conseiller
qui en ont délibéré.
En présence de Mme Stéphanie JEAN-PHILIPPE, avocate stagiaire (PPI)
Greffier lors des débats : Mme Camille MOLINA
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour fixée au 11 mai 2023 prorogée au 25 mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE :
Monsieur [J] [N], né le [Date naissance 3] 1916 et Madame [O] [E] épouse [N], née le [Date naissance 10] 1914, se sont mariés le [Date mariage 5] 1945 devant l’Officier d’État civil de [Localité 20] (Oise), sans faire précéder leur union d’un contrat de mariage. Aucun enfant n’est issu de leur union. Ils demeuraient de leur vivant à [Localité 17] (Hérault), [Adresse 7].
Monsieur [N] est décédé le [Date décès 4] 1996 à [Localité 17].
Les opérations de succession ont été confiées à l’étude notariale [G] [V] [G] Braun, Monsieur [D] [C], clerc de notaire, assurant le suivi habituel de ces opérations.
Par jugement en date du 17 février 1999, le Juge des Tutelles de Tribunal d’instance de Montpellier a ordonné la mise en place d’une mesure de curatelle simple à l’égard de Madame [N] et a désigné l’Union Départementale des Associations Familiales (UDAF) de l’Hérault en qualité de curateur.
Le 18 juin 1999, la curatelle simple de Madame [N] a été transformée en curatelle aggravée, toujours confiée à l’UDAF.
Le 26 septembre 2000, une plainte contre X… a été déposée auprès de Monsieur le procureur de la république au nom de Madame [N] et de l’UDAF des chefs d’abus de faiblesse et d’escroquerie, invoquant une alerte donnée par le Crédit Lyonnais sur des opération suspectes et des ventes de titre contraires à la volonté de celle-ci. Cette plainte a été classée sans suite.
Madame [N] est décédée le [Date décès 11] 2001.
Maître [U] [K], notaire, a été chargé de liquider la succession.
La défunte avait institué pour légataires universels, en cas de pré-décès de son mari, indivisément chacun pour 1/3, ses trois neveux et nièce, Monsieur [T] [M], Madame [I] [M] épouse [A] et Monsieur [P] [M].
Par assignation en date du 25 octobre 2002, les trois légataires universels ont fait citer en référé la SCP [G] [V] [G] Braun, l’UDAF, le crédit Lyonnais, la SARL Sami Manelli, Monsieur [B], la compagnie AGF, Madame [X] [H] et Monsieur [C], afin d’obtenir la désignation d’un expert judiciaire.
Les consorts [M] soutenaient que des opérations surprenantes avaient été réalisées par leur tante, ainsi l’acquisition de bons au porteur, des opérations affectant son portefeuille de valeurs mobilières souscrit auprès de la Compagnie AGF réalisées avec le concours de Madame [X] [H], conseillère en assurance. Ils relevaient également des travaux de serrurerie facturés par Monsieur [B] artisan et par la société Sami Manelli à hauteur de 100 000 FF.
Le 28 novembre 2002, Monsieur [S] [F] a été désigné en qualité d’expert, et a déposé son rapport le 26 février 2006.
Courant 2003, les consorts [M] ont déposé plainte contre X… pour vols aggravés et abus de faiblesse. Une information judiciaire a été ouverte.
En août 2012, le juge d’instruction rendait une ordonnance de non-lieu.
Le 25 janvier 2013, le Parquet Général de Montpellier signifiait aux consorts [M] la confirmation par la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Montpellier de cette ordonnance de non-lieu.
Le 21 janvier 2014, la Cour de cassation rejetait le pourvoi formé contre l’arrêt de non-lieu.
Lui reprochant d’avoir par l’intermédiaire de son salarié, Monsieur [D] [C], profité de la faiblesse de Madame [N] pour lui faire réaliser des placements financiers inconsidérés et contraires aux dispositions testamentaires, les consorts [M] ont, par acte d’huissier en date du 17 novembre 2010, fait assigner la SCP [G] [V][G] Braun devant le Tribunal de grande instance de Montpellier.
Le 15 novembre 2010, les consorts [M] ont fait parallèlement assigner l’UDAF devant la même juridiction, en invoquant les manquements commis dans la gestion du patrimoine de leur tante, placée sous curatelle.
Par requête en date du 25 mai 2011, la SCP [G] [V] [G] Braun a sollicité la jonction entre les deux instances.
Par ordonnance du 8 novembre 2011, le Juge de la mise en état a rejeté la demande de jonction, considérant que s’il existait des liens entre les deux instances, ceux-ci n’étaient pas tels qu’ils commandaient de les instruire et juger ensemble, eu égard à la confusion et à la profusion des faits et demandes, sauf à rendre le dossier totalement incompréhensible.
Par une nouvelle requête en date du 4 juillet 2012, la SCP [G] [V] [G] Braun a sollicité la jonction entre les deux procédures, invoquant notamment le fait que les consorts [M] n’avaient désormais plus qu’un seul conseil pour les deux affaires.
Par ordonnance en date du 1er octobre 2012, le Juge de la mise en état a rejeté cette demande.
Par jugement du 19 mars 2013, le tribunal a sursis à statuer, dans l’attente d’une décision définitive à intervenir dans le cadre de l’instance pénale introduite par les consorts [M] en 2003, renvoyant l’affaire à la mise en état électronique.
Tenant l’absence de diligences des demandeurs, le juge de la mise en état, par ordonnance du 18 novembre 2013, a radié l’affaire.
Celle-ci a été à nouveau inscrite au rôle le 27 avril 2015, à l’initiative du nouveau conseil des demandeurs.
Par un jugement contradictoire rendu le 2 février 2016, le tribunal de grande instance de Montpellier a :
– débouté les demandeurs de l’intégralité de leurs demandes ;
– rejeté, toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
– condamné solidairement Monsieur [T] [M], Madame [I] [M] épouse [A] et Monsieur [P] [M] à payer à la SCP [G] Braun Poncie Lascombes une somme de 10 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu’elle a subi du fait de la présente procédure ;
– condamné les consorts [M] solidairement à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné solidairement les consorts [M] aux entiers dépens.
Le 2 mars 2016, les consorts [M] ont interjeté appel de ce jugement à l’encontre de la SCP [G] [V] [G] Braun.
Par ordonnance sur requête du 13 septembre 2017, la demande des consorts [M] consistant à être autorisée à se rendre dans les locaux de la SCP [G] accompagnés d’un huissier de justice pour consulter les testaments originaux des époux [N] a été rejetée.
Par requête en date du 15 novembre 2020, les consorts [M] ont saisi le conseiller de la mise en état d’un incident de sursis à statuer.
Une ordonnance sur requête a été rendue le 25 novembre 2021, disant n’y avoir lieu à sursis à statuer.
Vu les dernières conclusions des consorts [M] remises au greffe le 14 février 2023 ;
Vu les dernières conclusions de la SCP [G] Poncie Lascombes Zanone remises au greffe le 5 janvier 2023 ;
MOTIFS DE L’ARRÊT :
Sur le testament de Monsieur [J] [N] :
Les consorts [M] soutiennent que la SCP [G] était dépositaire d’un testament olographe de Monsieur [J] [N] qu’elle dissimule, refusant de le présenter aux héritiers de Madame [N].
Or, il résulte d’une ordonnance du conseiller de la mise en état du 13 septembre 2017 que s’agissant du testament de Monsieur [N], les consorts [M] ont produit un procès-verbal de description et de dépôt de testament daté du 13 février 1997 démontrant qu’ils ont bien eu communication de cet acte.
Les consorts [M] ont donc été déboutés de leur demande de consultation dudit testament.
Par conséquent, il résulte de l’ordonnance du conseiller de la mise en état, qui n’a pas été déférée à la cour, que le testament de Monsieur [N] n’a pas été dissimulé par la SCP [G].
Sur les testaments de Madame [N] :
En l’espèce, il résulte de l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 13 septembre 2017 que les trois testaments olographes de Madame [N] ainsi que le testament olographe de Monsieur [N] ont été déposés au rang des minutes de la SCP [G].
Suite au décès de Madame [N], la SCP [G] a transmis à Maître [U] [K], notaire chargé de la succession, une copie du procès-verbal d’ouverture et de description des trois testaments de la De Cujus qu’il a dressé le 2 octobre 2001.
Le conseiller de la mise en état ajoute ‘ Suite à la perquisition effectuée au sein des locaux de la SCP [G]-Braun-Poncie-Lascombes, laquelle était consécutive à un dépôt de plainte contre X des consorts [M], le juge d’instruction a fait procéder à un inventaire et à une mise sous scellés des pièces relatives à la succession de [O] [N], et à cette occasion une copie de l’original des trois testaments de cette dernière a été effectuée et communiquée, dans le cadre de l’instance, aux consorts [M] ‘.
Le ‘procès-verbal d’ouverture et de description des testaments dont deux testaments dans un pli cacheté ‘ établi le 2 octobre 2002 par Maître [V] fait état de trois testaments des 25 septembre 1991, 10 septembre 1997 et 7 novembre 1997, ce dernier annulant le testament du 10 septembre 1997.
Si les consorts [M] soutiennent que la SCP [G] n’a déposé aucun de ces testaments auprès du fichier national des dernières volontés et que les testaments des 10 septembre et 7 novembre 1997 ne comportent pas les formules dues et ont été déposés sous forme de feuille volante, il convient de leur rappeler que conformément aux dispositions de l’article 970 du code de procédure civile, le testament olographe, écrit en entier, daté et signé de la main du testateur, ce qui est le cas en l’espèce, n’est assujetti à aucune autre forme, un testament olographe pouvant être écrit sur des feuilles séparées et rien n’imposant son inscription au fichier central des dernières volontés.
Par ailleurs, si les consorts [M] concluent que la SCP [G] aurait violé le testament de Madame [N] du 25 septembre 1991 avant le 10 septembre 1997 et établi un faux procès-verbal d’ouverture de ce testament en octobre 2001, force est de constater qu’aucun élément au dossier ne permet de corroborer ces accusations.
Enfin, les consorts [M] exposent ‘ qu’un examen des pièces disponibles indique l’existence d’un testament supplémentaire (quatrième, voire plus!) attribué à Madame [N] ‘ en se fondant exclusivement sur leur pièce n° 60 correspondant aux déclarations de Monsieur [C] dans le cadre du dossier pénal.
Outre que les déclarations de Monsieur [C] doivent être appréciées avec la plus grande prudence compte tenu du rôle qu’il a joué dans le cadre de ce dossier, il convient de relever que la pièce n° 60 versée aux débats par les appelants ne permet nullement de conclure à l’existence d’un quatrième, d’un cinquième, voire d’un sixième testament qui aurait été dissimulé par la SCP [G].
De même, l’existence d’un quatrième testament ne peut être tirée des seules dispositions particulières du contrat AGF Autonomie faisant référence aux dispositions testamentaires de l’assurée, les consorts [M] ne versant en outre aux débats aucun élément permettant d’établir que ce prétendu testament aurait été déposé à l’étude de la SCP [G].
Si les consorts [M] se prévalent des déclarations de Monsieur [C], il convient cependant de relever qu’il résulte des dépositions de ce dernier et plus généralement de l’information pénale, que Madame [N] avaient deux soucis majeurs, échapper au contrôle de son neveux, Monsieur [T] [M], sur ses comptes, ce dernier ayant confié à Monsieur [C] l’intérêt qu’il portait à l’argent de sa tante, et se maintenir à domicile.
En effet, Madame [N] avait fait part à Monsieur [C] des inquiétudes qu’elle avait s’agissant des intentions de sa soeur et de son neveux [T] de la placer en maison de retraite en Savoie, ainsi que du testament qu’il lui avait fait faire, indiquant avoir rédigé un nouveau testament, l’ultime, qui a annulé celui dicté par son neveux, Monsieur [T] [M], et confirmé l’original rédigé avec son mari.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, rien ne permet de caractériser une faute de la SCP [G] dans la gestion des testaments, d’autant plus que cette dernière, après avoir procédé aux formalités de dépôt de testament, ne s’est pas chargée du règlement de la succession de Madame [N].
Enfin, si les consorts [M] affirment que Maître [K], notaire chargé de la succession, leur aurait révélé que la SCP [G] avait dissimulé des donations de biens de Madame [N], ces affirmations ne sont corroborées par aucun élément du dossier, les consorts [M] ne faisant notamment référence à aucune pièce produite par eux et permettant d’établir les prétendues malversations commises par le notaire.
Sur la succession de Madame [N] :
Il résulte des pièces versées aux débats que Maître [U] [K] était en charge des opérations de successions.
L’expert [F] expose notamment ‘ L’étude [V] a été chargée de la succession de Monsieur [N], qui a consisté en une simple transmission de patrimoine, les deux époux étant mariés sous le régime de la communauté universelle. Elle était dépositaire du testament de Madame [N], et l’a transmis à Maître [K] pour exécution. Les autres interventions ont consisté en une assistance gratuite, ce qui a été signalé comme un usage habituel de la profession, s’agissant d’une assistance en matière fiscale ou de conseils usuels en matière de gestion patrimoniale.
Les consorts [M] prêtent à cette étude, à l’époque où elle était dirigée par Maître [G], associé de Maître [V], un rôle beaucoup plus étendu. Aucune justification sur ce point n’a cependant été donnée, ce qui est difficile s’agissant de conseils ou de prestations immatérielles.
Le télécopieur de l’étude a été utilisé pour communiquer des ordres au Crédit Lyonnais ‘.
Si les consorts [M] soutiennent que les opérations financières litigieuses ont été menées par la SCP [G] qui se serait impliquée dans la gestion du patrimoine de Madame [N] sous couvert d’un mandat apparent, il convient de rappeler d’une part que la SCP [G] n’était pas en charge de la succession de Madame [N] confiée à Maître [K] à qui l’UDAF avait remis l’ensemble des valeurs composant le patrimoine de la défunte.
D’autre part, l’expert [F] indique : ‘ L’étude paraît s’être comportée en l’espèce comme la plupart des études de notaires qui donnent gracieusement des conseils de nature patrimoniale ou fiscale à leurs clients significatifs, ce qui était le cas de Madame [N].
Aucun document ne permet de penser que les notaires auraient dépassé ce rôle ou qu’ils auraient reçu une rémunération pour ce type de conseils, les craintes des consorts [M] n’étant étayées par aucun document sur lequel j’aurai pu travailler.
L’utilisation par M. [C], salarié de l’etude, du télécopieur ne paraît pas de nature à établir l’implication du notaire lui-même dans l’organisation des opérations litigieuses ‘.
Il résulte par ailleurs du rapport d’expertise que Monsieur [C], ami personnel de Monsieur [N], était sollicité fréquemment par Madame [N] qui lui faisait une très grande confiance en lui demandant de l’accompagner dans les démarches importantes qu’elle effectuait.
L’expert [F] ajoute que dans un premier temps, Monsieur [C] a indiqué être intervenu à titre amical et bénévole puis a changé par la suite de position en soutenant intervenir dans le cadre de ses fonctions de premier clerc de l’étude comme il le faisait pour d’autres clients.
Force est de constater que ce changement de position s’explique aisément par le souci de Monsieur [C] de se ‘ couvrir ‘ et d’éviter de voir sa responsabilité personnelle engagée.
Or, l’expert expose que Monsieur [C] était bien perçu comme un conseil privilégié et de toute confiance par Madame [N] et l’accompagnait dans les démarches considérées comme litigieuses et inappropriées par les consorts [M].
L’expert indique que c’est par lui que les ordres de vente de certains titres ont été donnés par le télécopieur de l’étude au Crédit Lyonnais et c’est lui qui assistait Madame [N] quand Madame [H] a sollicité le concours d’un huissier de justice pour recueillir son consentement à la vente de titres nécessaire pour souscrire le contrat ‘ assurance autonomie’.
L’expert conclut que sa présence constante aux côtés de Madame [N], établie par les documents communiqués, a sans doute été déterminante pour obtenir les signatures qui étaient nécessaires.
Ces constatations sont confirmées par le second expert judiciaire, Monsieur [Z], qui expose qu’il n’est pas certain que les conseils que Monsieur [C] a pu donner aient été totalement désinteressés ou conformes aux prestations normales prodiguées par une étude notariale.
L’expert [Z], après avoir relevé que Monsieur [C] avait accompagné Madame [N] dans la salle des coffres du Crédit Lyonnais, s’étonne également de l’empressement de ce dernier pour imposer au Crédit Lyonnais la vente du portefeuille de Madame [N] ainsi que l’utilisation du fax à cette fin.
L’expert s’interroge également sur la perception par Monsieur [C] de commissions, son compte bancaire ayant été crédité de 11 000 Frs, avec comme libellé ‘ Re [X] ‘ et conclut : ‘ Ces faits sont à nouveau relevés par le capitaine de police Frexedas dans son rapport du 20 septembre 2004(D125) qui, en page 6, s’interroge sur le rôle exact de Monsieur [C] lequel, suivant les circonstances, prétend intervenir gracieusement et à titre personnel ou, au contraire, au nom et pour le compte de l’étude [V]-[G] mais qui, en tout étaty de cause, a perçu au moment des faits des fonds en provenance de Madame [X] et des AGF’.
Par conséquent, les deux rapports d’expertise judiciaire ne permettent pas de caractériser l’implication de la SCP [G] dans les opérations litigieuses, Monsieur [C] ayant manifestement agit hors le cadre de ses fonctions et alors même que la SCP [G] n’était pas chargée du règlement de la succession de Madame [N].
Par ailleurs, aucune des pièces versées aux débats par les appelants ne permet d’établir que la SCP [G] aurait été chargée par la défunte d’un mandat de gestion.
En effet, la participation de la SCP [G] n’est caractérisée ni dans le libellé des chèques, ni dans la réception des bons au porteur, ni dans la souscription des bons Amplor, ni dans la souscription du contrat d’assurance-vie, la seule mention de la SCP apparaissant sur les fax adressés, de sa propre initiative, au Crédit Lyonnais par Monsieur [C], ce dernier reconnaissant avoir envoyé les fax et précisant qu’il était intervenu de façon entièrement bénévole, sans avoir rien perçu ( procès-verbal du 9 août 2004 pages 3 et 4).
De même, compte tenu de ce qui vient d’être développé, rien ne démontre que le chèque de 8 300 frs en date du 27 juillet 1997 à l’ordre de Maître [G] ait été libellé par ce dernier, Monsieur [C] étant l’interlocuteur unique de Madame [N].
En tout état de cause, il résulte des rapports d’expertise et des propres déclarations de Monsieur [C] que ce dernier est intervenu en dehors de tout cadre professionnel pour rendre service à Madame [N] dont il connaissait le défunt mari, Monsieur [C] qualifiant ses interventions de ‘ gracieuses ‘ ou de ‘ bénévoles ‘ et ne déclarant à aucun moment qu’il agissait conformément aux instructions et sous la responsabilité de Maître [G], indiquant au contraire que ‘ tout a été fait gracieusement ‘, étant rappelé que l’utilisation des moyens matériels de l’étude ou du nom de l’étude à des fins personnelles, difficilement contrôlable par l’employeur, ne permet pas d’établir l’implication du notaire dans l’organisation des opérations litigieuses, et ce alors même que le clerc reconnaît être intervenu à titre amical et bénévole.
L’implication de la SCP [G] dans les opérations dénoncées par les consorts [M] n’étant pas démontrée, son éventuelle connaissance de l’altération des facultés intellectuelles de Madame [N] est indifférente.
Enfin, si en l’absence de démonstration d’une faute de la SCP [G], il n’y a pas lieu de s’interroger sur la réalité du préjudice invoqué par les consorts [M], il convient cependant de relever que s’agissant du bien fondé des opérations litigieuses, l’expert [Z], après avoir procédé à une analyse du patrimoine des époux [N], relève que les pièces versées au dossier ne permettent pas d’affirmer que la gestion du patrimoine de Madame [N] n’ait pas été faite en bon père de famille.
Selon l’expert, il n’est pas davantage possible d’affirmer que les dons, placements, ventes aient manifestement été contraires à une bonne gestion et à l’intérêt de Madame [N], Monsieur [Z] indiquant notamment que compte tenu de la défiance que semblait manifester la défunte envers sa soeur et ses neveux, on peut se demander si la détention de bons au porteur n’était pas pour elle une opportunité lui permettant de favoriser certaines personnes, librement choisies par ses soins.
Monsieur [Z] expose également que la souscription d’un contrat d’assurance-vie n’était pas dépourvue de pertinence, nonobstant l’âge de Madame [N], l’intérêt de ce contrat étant de verser à cette dernière une rente viagère en cas de dépendance.
Dans le cadre de la procédure engagée par les consorts [M] afin d’obtenir la condamnation des AGF suite à des manquements à son obligation de conseil dans le cadre des placements proposés, la cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 4 septembre 2004, a également relevé ‘ (…); que la conversion de bons au porteur lui permettait d’en disposer à sa guise et de faire face à ses dépenses pour payer ses employés à domicile, y compris le personnel non déclaré payé en liquide ; que l’expert-comptable, désigné par le magistrat instructeur, a estimé, quant à lui, que les placements réalisés par les AGF n’ont pas été contraires à une bonne gestion du patrimoine de Madame [N] et à son intérêt, même pour le contrat AGF Autonomie en dépit de son âge et du taux de commissions élévé, lequel a permis à ses neveux de percevoir un capital de 310 266,50 euros le 6 août 2001 avec une fiscalité avantageuse et que, si la rentabilité en a été faible ( 1,76 %), au regard d’autres placements plus rémunérateurs mais aussi plus risqués, il a permis d’éviter aux consorts [M] de subir une fiscalité de 55 % ;
(…)
Considérant que les conditions inhabituelles de réalisation des opérations tiennent en grande partie au contexte familial empreint de suspicion de la part de ceux qui avaient vocation à recueillir l’héritage de Madame [N] laquelle voulait agir à sa guise et consommer son patrimoine pour faire façe à ses besoins, tout en laissant une épargne capitalisée sûre, même si elle était faiblement rémunératrice, à ses neveux avec la fiscalité la plus réduite possible, ce qui n’aurait pas été le cas si elle avait tout laissé sur son portefeuille de titres compte tenu de la fiscalité applicable à ce patrimoine imposé à 55 % de sa valeur au jour du décès et de sa valeur des plus aléatoire après l’éclatement de la ‘ bulle internet ‘ en 2000-2001 ‘.
Par conséquent, outre qu’il n’est pas démontré une implication de la SCP [G] dans les opérations dénoncées par les appelants, il n’est pas davantage démontré que ces opérations auraient été préjudiciables aux intérêts de Madame [N] ni même à ceux des consorts [M].
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, ces derniers seront déboutés de l’intégralité de leurs demandes.
Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :
En l’espèce, la procédure initiée par les consorts [M] à l’encontre de la SCP [G], dont ils remettent en cause dans des termes infamants non seulement le professionnalisme mais également l’honnêteté et la moralité, l’accusant notamment d’avoir dissimulé l’existence de testaments et de donations et de s’être rendue coupable de détournements et de vols sans aucunement en justifier alors même que les pièces versées aux débats et en particulier les rapports d’expertise judiciaires mais également les précédentes procédures, tant civiles que pénales, contredisent leurs affirmations, sera qualifiée d’abusive, étant enfin rappelé qu’après avoir tenté en vain de voir reconnaître la responsabilité de l’UDAF, des AGF et même de l’Agent judiciaire de l’Etat, ils sollicitent dans le cadre de la présente procédure la condamnation de la SCP notariale à leur payer une somme de 3 914 067 euros alors même qu’aucun préjudice n’est caractérisé par les pièces versées aux débats.
Cet abus de procédure est de nature à avoir causé un préjudice certain à la SCP [G] qui subit en particulier depuis de nombreuses années les accusations et le harcèlement de Monsieur [T] [M] tel que cela ressort des différents courriers versés aux débats par l’office notarial (pièces 19 à 25) et justifie la condamnation des consorts [M] à payer à la SCP [G] une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur les frais irrépétibles non compris dans les dépens :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SCP [G] les frais exposés par elle dans le cadre de l’instance d’appel. Il lui sera alloué à ce titre une somme de 10 000 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne Messieurs [T] et [P] [M] et Madame [I] [M] épouse [A] à payer à la SCP [G] Poncie Lascombes Zanone la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Condamne Messieurs [T] et [P] [M] et Madame [I] [M] épouse [A] à payer à la SCP [G] Poncie Lascombes Zanone la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour ses frais engagés en appel ;
Condamne Messieurs [T] et [P] [M] et Madame [I] [M] épouse [A] aux entiers dépens d’appel.
La greffière, Le président,