Mandat apparent : 25 juillet 2023 Cour d’appel de Bastia RG n° 23/00077

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Mandat apparent : 25 juillet 2023 Cour d’appel de Bastia RG n° 23/00077

ORDONNANCE N°

du 25 JUILLET 2023

R.G : N° RG 23/00077 – N° Portalis DBVE-V-B7H-CGTE

CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE DE CORSE

C/

Syndicat SYNDICAT DES TRAVAILLEURS CORSES

COUR D’APPEL DE BASTIA

ORDONNANCE DE REFERE

DU

VINGT CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS

Audience publique tenue par Mme Hélène DAVO, Première présidente, assisté de Mme Elorri FORT, lors des débats et du prononcé,

DEMANDERESSE :

CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE DE CORSE

Chez Me Anne-Christine BARRATIER

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Anne christine BARRATIER, avocat au barreau de BASTIA

DEFENDERESSE :

SYNDICAT DES TRAVAILLEURS CORSES

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Laura maria POLI, avocat au barreau d’AJACCIO

DEBATS :

A l’audience publique du 04 juillet 2023,

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 juillet 2023.

ORDONNANCE :

Contradictoire,

Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signée par Mme Hélène DAVO, Première présidente, et par Mme Elorri FORT, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Dans le cadre de la mise en place du comité social et économique (CSE), instauré par l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, différents accords ont été passés entre la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) territoriale d'[Localité 2] et de la Corse du Sud, le syndicat des travailleurs corses (STC) et l’union nationale des syndicats autonomes (UNSA) d’une part, et la CCI territoriale de [Localité 3] et la Haute Corse, la confédération générale du travail (CGT), le STC et l’UNSA, d’autre part.

Le décret n°2019-885 du 22 août 2019 a procédé à la transformation des deux CCI territoriales insulaires en CCI locales, dépourvues de la personnalité morale et rattachées à la CCI de Corse. Depuis le 1er janvier 2020, la CCI de Corse est l’employeur unique de l’ensemble des collaborateurs du réseau des CCI insulaires.

Le 16 juin 2022 a eu lieu le premier tour des élections professionnelles des membres du CSE.

À l’issue de cette élection et de différentes réunions, la CCI de Corse et l’UNSA ont signé, le 07 octobre 2022 un accord relatif au fonctionnement et aux attributions du comité social et économique au sein de la CCI.

Estimant que de nombreuses irrégularités affectaient la conclusion de l’accord du 07 octobre 2022, le STC a, par requête en date 12 décembre 2022, sollicité du tribunal judiciaire de Bastia que ledit accord soit déclaré nul.

Par jugement contradictoire du 11 mai 2023, le tribunal judiciaire de Bastia a :

« – rejeté l’exception d’incompétence du tribunal judiciaire soulevée par la chambre de commerce et d’industrie de Corse ;

– déclaré recevable et bien fondée l’action introduite par le syndicat des travailleurs corses ;

En conséquence,

– annulé l’accord relatif aux attributions et à la mise en place du CSE au sein de la CCI de Corse signé le 7 octobre 2022 entre la CCI de Corse et le syndicat UNSA ;

– condamné la chambre de commerce et d’industrie de Corse à payer au syndicat des travailleurs corses la somme de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la chambre de commerce et d’industrie de Corse aux dépens de l’instance ;

– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision ».

Par déclaration en date 17 mai 2023, la CCI de Corse a interjeté appel de la décision.

Par assignation en référé, délivrée le 06 juin 2023 au STC, la CCI de Corse a saisi la Première présidente de la cour d’appel de Bastia afin d’obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions écrites et reprises oralement à l’audience, la CCI de Corse demande à la Première présidente de la cour d’appel de Bastia de:

« Vu les dispositions de l’article 517 du code de procédure civile,

Ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire ordonnée par le jugement du tribunal judiciaire de Bastia en date du 11 mai 2023 ;

Dire que chaque partie conservera la charge des dépens ».

Sur l’existence de moyens sérieux d’annulation, elle expose que :

– le juge judiciaire était incompétent au regard du statut des CCI. Elle précise que les CCI sont qualifiées d’établissement publics administratifs de l’État par décision du Conseil constitutionnel du 28 janvier 1999 et que ce caractère d’établissement public est repris à l’article L. 710-1 du code de commerce. Selon elle, il en résulte que les décision prises par les élus chargés d’administrer les chambres sont des décisions administratives et les contrats passés entre les membres du réseau sont des contrats de droit public ;

– le juge ne peut pas fonder sa décision sur un moyen qui n’a pas été soutenu et débattu. Selon elle, le premier juge a justifié sa décision par le fait qu’il existait d’autres délégués syndicaux titulaires d’un pouvoir de représentation du STC et qu’ils auraient dû être convoqués. Or, elle indique que le STC n’a jamais conclu sur l’existence d’autres délégués syndicaux représentant le STC, lesquels devaient être convoqués ;

– le STC a valablement été représenté par son seul délégué syndical tel que cela ressort des élections professionnelles de 2019, à savoir Monsieur [U] [P]. Elle ajoute que Monsieur [N] et Madame [K] ne remplissaient plus les conditions requises ;

– le délégué syndical est habilité à représenter le syndicat au regard des statuts du STC et de l’article L. 2143-3 du code de travail ;

– à défaut, il existe un mandat apparent, la CCI croyant légitimement à l’étendu des pouvoirs de Monsieur [U] [P], présent lors des négociations. Elle souligne que lors de la réunion du 30 septembre 2022, en visioconférence, celui-ci a indiqué avoir communiqué le projet d’accord au STC mais qu’il doit quitter les négociations. Elle ajoute que par courriel du 25 octobre 2022, Monsieur [U] [P] a fait savoir que son organisation syndicale lui commandait de ne pas participer aux négociations car elle ne reconnait pas l’existence des quatre établissements distincts au sein de la CCI de Corse.

Sur les conséquences manifestement excessives, elle énonce que :

– l’annulation de l’accord a des conséquences excessives sur le fonctionnement de tout le personnel ;

– le fonctionnement du CSE se trouve impacté par la décision ;

– les subventions attribuées au CSE pour les activités sociales et culturelles sont également impactées par la décision. Elle précise qu’en application de l’accord annulé, la somme de 59 805, 49 euros a été versée au CSE de l’établissement régional au titre de l’année 2022 et la somme de 110 937, 96 euros a été versée au CSE de l’établissement régional au titre de l’année 2023. L’annulation de l’accord doit donc, selon elle, conduire au remboursement de ces sommes. Elle ajoute que cela concerne également les subventions dont a bénéficié le CSE des SICS 2A et le CSE des ports et aéroports de Haute Corse. Enfin, elle insiste sur le fait que c’est l’entier fonctionnement de la CCI qui est impacté par cette nullité.

*

Par conclusions écrites et reprises oralement à l’audience, le STC demande à la Première présidente de la cour d’appel de Bastia de :

« Vu les dispositions de l’article 527 et suivant du code de procédure civile,

Rejeter la demande de la CCI de Corse tendant à solliciter l’arrêt de l’exécution provisoire ordonnée par le jugement du tribunal judiciaire de Bastia en date du 11 mai 2023 ;

Dire que chaque partie conservera ses dépens ».

Pour justifier de l’absence de moyens sérieux de réformation ou d’annulation de la décision, elle soutient que :

– le tribunal judiciaire est parfaitement compétent dès lors que la procédure initiée par le STC a pour objet l’annulation d’un accord collectif. Selon elle, la CCI commet une confusion dans la répartition des contentieux relatifs aux chambres de commerce. Elle soutient que les arrêts cités par la CCI ne sont pas applicables en ce qu’ils concernent la gestion du personnel alors que la mise en place et les attributions d’un comité social et économique sont régit par le code du travail. Enfin, elle rappelle qu’en application de l’article L. 712-11 du code de commerce, relatif au CCI, les convention et accords collectifs mentionnée au 6° de l’article L. 711-16 du même code sont négociés et signés dans les conditions prévues à l’article L. 2232-12 du code du travail ;

– le raisonnement de la CCI relatif aux délégués syndicaux est erronée le tribunal judiciaire n’ayant pas fondé sa décision sur le fait qu’il existait une pluralité de délégués syndicaux. Selon le STC, le premier juge s’est simplement fondé sur l’absence de convocation de toutes les organisations syndicales à la négociation. Elle précise que l’article L. 2232-16 du code du travail prévoit que les conventions ou accords d’entreprises sont négociés entre l’employeur et les organisations syndicales de salariés représentatives de l’entreprises. Enfin, elle ajoute que si l’organisation syndicale avait été convoquée, elle aurait pu compléter la délégation syndicale par d’autres salariés en application de l ‘article L. 2232-17 du code du travail ;

– la CCI ne peut pas se fonder sur les statuts pour affirmer que le STC était régulièrement représenté dès lors que les statuts donnent pouvoirs aux délégués syndicaux pour agir en justice.

Sur l’absence de conséquences manifestement excessives, elle déclare que :

– l’annulation de l’accord collectif n’est pas rétroactif ce qui signifie que les subventions versées demeurent acquises ;

– la requête en annulation a été déposée avant même le versement des prétendues subventions.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l’audience.

MOTIVATION

Sur la demande tendant à voir arrêter l’exécution provisoire

Aux termes de l’article 517-1, 2° du code de procédure civile, « lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d’appel, que par le premier président et dans les cas suivants : [‘] lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives ».

Les conditions posées l’article précité sont cumulatives.

– sur les moyens sérieux de réformation du jugement

Si le moyen tiré de l’incompétence de la juridiction judiciaire ne paraît pas sérieux au regard de la loi pacte du 22 mai 2019 et de l’accord contesté ‘ qui renvoie directement à des dispositions du code du travail relativement à sa révision ‘, il en va différemment du second moyen soulevé par la CCI.

En effet, la CCI soutient que le moyen tiré de l’existence de plusieurs délégués syndicaux n’a pas été soutenu, ni débattu, devant le premier juge. Ce point n’est pas contesté par la STC qui fait simplement valoir que le premier juge ne s’est pas fondé sur l’existence de plusieurs délégués syndicaux pour décider de la nullité de l’accord mais seulement sur l’absence de convocation de l’organisation syndicale.

Sans préjuger du bien-fondé ou non du jugement de première instance, la lecture de celui-ci montre clairement que l’existence de plusieurs délégués syndicaux a été prise en considération pour décider de la nullité de l’accord conclu le 07 octobre 2022 relatif à la mise en place d’un CSE au sein de la CCI de Corse.

En effet, dans le cadre de sa motivation, le premier juge retrace le processus d’élaboration de l’accord litigieux. Ainsi, dans sa motivation, il détaille le contexte ayant conduit à :

– la conclusion de l’accord du 14 juin 2019 pour la mise en place du CSE au sein de la CCI territoriale d'[Localité 2] et de la corse du sud ;

– la conclusion de l’accord du 23 septembre 2019 pour la mise en place du CSE au sein de la CCI territoriale de [Localité 3] et de la Haute-Corse.

À ce titre, il reprend l’inventaire nominatif des signataires des différents accords intervenus dans le cadre de ce processus pour montrer que la « multiplicité existante dans chaque établissement concerné des délégués syndicaux STC » a été pris en compte par la CCI de Corse du Sud et de Haute Corse. Il ajoute que le STC a pris soin « en poursuite de négociation d’informer les établissements concernés de la désignation au sein de chacun d’entre eux du délégué syndical, les 7 janvier 2020 en la personne de M. [N] pour la CCI sis Hôtel Consulaire et le 11 février 2020 la CCI de [Localité 3] et Haute Corse en la personne de M. [P], pour les établissement aéroportuaires ». Il en déduit donc que la CCI était parfaitement informée du caractère limité de la désignation de chaque délégué syndical.

Ainsi, pour considérer que l’organisation syndicale STC devait être convoquée, le premier juge a bien pris en considération l’existence de différents délégués syndicaux. Il se fonde également sur cet élément pour considérer que la CCI ne pouvait invoquer sérieusement les règles relatives au mandat apparent.

Par ailleurs, il sera souligné que la CCI démontre qu’au jour de la signature de l’accord, Monsieur [P] était le seul délégué syndical du STC.

Enfin, le STC ne peut valablement soutenir que le premier juge s’est exclusivement fondé sur l’absence de convocation du STC pour décider de la nullité de l’accord du 07 octobre 2022 alors que pour les accords du 14 juin 2019 et du 23 septembre 2019, la convocation du STC n’est pas évoquée dans la décision, seule la signature par les trois délégués syndicaux du STC étant mentionnée.

En conséquence, il convient de considérer que la CCI fait valoir un moyen sérieux de réformation ou d’annulation du jugement au sens de l’article 517-1 du code de procédure civile.

– sur les conséquences manifestement excessives

Le STC fait valablement valoir que l’annulation de l’accord n’a pas d’effet rétroactif de sorte que les subventions déjà versées n’auront pas à être remboursées.

Pour autant, la nullité de l’accord, de par sa nature, paralyse le fonctionnement entier de la CCI de Corse ainsi que l’ensemble des salariés, ce qui caractérise les conséquences manifestement excessives de l’article 517-1 du code de procédure civile.

En conséquence, la CCI démontrant l’existence d’un moyen sérieux de réformation du jugement et l’existence de conséquences manifestement excessives, il sera fait droit à sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire.

Sur les autres demandes

Le STC succombant, il sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Nous, Hélène DAVO, Première Présidente, statuant publiquement, en référé, par ordonnance contradictoire,

– ORDONNONS l’arrêt de l’exécution provisoire ordonnée par le jugement du tribunal judiciaire de BASTIA en date du 11 mai 2023 ;

– DEBOUTONS les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

– CONDAMNONS le syndicat des travailleurs corses aux dépens de la présente instance.

LE GREFFIER, LA PREMIERE PRESIDENTE,

Elorri FORT Hélène DAVO

 


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