AFFAIRE : N° RG 20/01180 –
N° Portalis DBVC-V-B7E-GRQG
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DÉCISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de COUTANCES du 25 Juin 2020
RG n° 18/01813
COUR D’APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2023
APPELANTE :
Madame [W] [U]
[Adresse 8]
[Localité 1] / ESPAGNE
représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN,
assistée de Me Capucine COLLIN-LEJEUNE, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Monsieur [T] [G]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté et assisté de Me François-Xavier BOUTTEREUX, avocat au barreau de COUTANCES
Madame [J] [L]
[Adresse 6]
[Localité 5]
représentée et assistée de Me Sabrina LETROUIT, avocat au barreau de COUTANCES
L’E.A.R.L. TIP TOP CHEVAL
N° SIRET : 433 898 657
[Adresse 2]
[Localité 4]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me François-Xavier BOUTTEREUX, avocat au barreau de COUTANCES
La S.C.P. DENIS HUBERT ET AUTRES
N° SIRET : 438 141 004
[Adresse 7]
[Localité 3]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Sabrina LETROUIT, avocat au barreau de COUTANCES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. GUIGUESSON, Président de chambre,
M. GARET, Président de chambre,
Mme VELMANS, Conseillère,
DÉBATS : A l’audience publique du 16 mai 2023
GREFFIER : Mme COLLET
ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile le 12 Septembre 2023 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier
* * *
FAITS ET PROCEDURE
Courant janvier 2013, Mme [W] [U] a fait l’acquisition auprès de M. [T] [G] et de l’EARL Tip Top Cheval (ci-après l’EARL), moyennant un prix de 35.000 €, d’un cheval, dénommé «’Quishna des Bois’», destiné à sa fille [V], cavalière amateure, pour lui permettre de participer à des concours de saut d’obstacles en Espagne.
Début février 2013, le cheval souffrant de douleurs dorsales, Mme [U] a obtenu de M. [G] et de l’EARL qu’ils reprennent «’Quishna des Bois’» en l’échange d’un autre cheval, «’Oh Toi du Barbanet’», qui appartenait jusqu’alors à Mme [S] [G], fille de M. [G].
Cet échange est intervenu courant mars 2013, après qu’un examen vétérinaire de «’Oh Toi du Barbanet’» eut été réalisé, le 25 février à la demande de M. [G], par le Dr [J] [L], exerçant au sein de la SCP vétérinaire Denis Hubert et autres (ci-après la SCP).
Ayant constaté que «’Oh Toi du Barbanet’» présentait lui-même des signes de boiterie, Mme [U], par acte du 2 janvier 2014, a fait assigner M. [G] et l’EARL devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Coutances aux fins d’expertise judiciaire.
Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 27 février 2014, les opérations d’expertise ayant ensuite été étendues au Dr [L] et à la SCP.
L’expert désigné a déposé son rapport définitif le 27 octobre 2017.
Par actes des 5 et 6 septembre 2018, Mme [U] a fait assigner M. [G], l’EARL, le Dr [L] et la SCP devant le tribunal de grande instance de Coutances aux fins de voir prononcer la résolution de la vente, subsidiairement sa nullité pour vente de la chose d’autrui, et en tout état de cause la condamnation solidaire et in solidum des vendeurs ainsi que des vétérinaires à lui rembourser le prix d’achat du cheval ainsi que l’ensemble des frais liés à la vente.
Concluant à l’irrecevabilité des demandes de Mme [U] pour défaut d’intérêt à agir du fait qu’elle avait entre temps revendu le cheval, M. [G] et l’EARL, qui se sont en outre opposés à toutes condamnations, ont également conclu, à titre subsidiaire, à la garantie des vétérinaires.
Par jugement du 25 juin 2020, le tribunal a :
– déclaré Mme [U] recevable en ses demandes ;
– débouté Mme [U] de ses demandes à l’encontre de M. [G] et de l’EARL’;
– débouté Mme [U] de ses demandes à l’encontre du Dr [L] et de la SCP ;
– condamné Mme [U] à payer à M. [G] et l’EARL d’une part, au Dr [L] et à la SCP d’autre part, une somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné Mme [U] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
– rejeté toutes autres demandes.
Par déclaration du 7 juillet 2020, Mme [U] a interjeté appel de cette décision.
Mme [U] a notifié ses dernières conclusions le 22 juin 2021, M. [G] et l’EARL les leurs le 2 décembre 2020, le Dr [L] et la SCP les leurs le 27 janvier 2021.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 3 mai 2023.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Mme [U] demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il :
* l’a déboutée de ses demandes à l’encontre de M. [G] et de l’EARL’;
* l’a déboutée de ses demandes à l’encontre du Dr [L] et de la SCP’;
* l’a condamnée à leur payer à chacun une somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
* l’a condamnée aux dépens, et dit qu’ils seraient recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du même code ;
* a rejeté toutes ses autres demandes ;
– confirmer le jugement en ce qu’il :
* l’a déclarée recevable en ses demandes ;
* a reconnu que le cheval « Oh Toi du Barbanet » était atteint d’un vice caché ;
Statuant à nouveau,
– entériner le rapport de l’expert, sauf en ce qu’il a dit que l’anomalie ne rendait pas le cheval impropre à sa destination ;
– à titre principal, prononcer la résolution de la vente du cheval ;
– à titre subsidiaire, prononcer la nullité de la vente du cheval d’autrui, sur le fondement de l’article 1599 du code civil ;
En toute hypothèse,
– ordonner la remise des parties en leur état antérieur à la vente ;
– dire et juger que les manquements du Dr [L] et de la SCP à leurs obligations contractuelles sur le fondement de l’article 1147 ancien du code civil, vis-à-vis de M. [G] et de l’EARL, ont porté préjudice à Mme [U] ;
En conséquence,
– condamner solidairement et in solidum M. [G], l’EARL, le Dr [L] et la SCP à payer à Mme [U] une somme de 86.473,86 € (sauf à parfaire) se décomposant comme suit:
* 35.000 € en remboursement du prix d’achat du cheval ;
* 51.473,86 €, à parfaire, en remboursement des frais liés à cette vente’;
– condamner solidairement et in solidum M. [G], l’EARL, le Dr [L] et la SCP à payer à Mme [U] une somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise ;
– débouter M. [G], l’EARL, le Dr [L] et la SCP de toutes demandes contraires, notamment de leur demande de compensation avec une prétendue indemnité de jouissance, ou encore au titre des frais irrépétibles ou des dépens ;
– débouter les intimés de l’ensemble de leurs moyens, fins et prétentions.
Au contraire, M. [G] et l’EARL demandent à la cour de :
– dire leur appel incident’recevable ;
– constatant que Mme [U] ne justifie pas de sa qualité actuelle de propriétaire du cheval «’Oh Toi du Barbanet’» et réformant le jugement sur ce point, dire son action irrecevable en application des articles 30 et 31 du code de procédure civile et 1353 du code civil ;
Subsidiairement,
– dire mal fondé l’appel de Mme [U], et la débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Plus subsidiairement encore,
– au cas où la cour ferait droit à tout ou partie des demandes de Mme [U], condamner le Dr [L] et la SCP à garantir M. [G] et l’EARL de toutes réclamations ;
– condamner in solidum Mme [U], le Dr [L] et la SCP au paiement d’une indemnité complémentaire de 5.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile, tout en confirmant les dispositions du jugement au titre des condamnations déjà prononcées sur ce fondement ;
– condamner in solidum Mme [U], le Dr [L] et la SCP en tous les dépens.
Quant au Dr [L] et la SCP, elles demandent à la cour de :
A titre principal,
– réformer le jugement en ce qu’il a déclaré Mme [U] recevable en ses demandes ;
En conséquence,
– déclarer l’action formée par Mme [U] irrecevable ;
– débouter Mme [U] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
A titre subsidiaire,
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
* débouté Mme [U] de ses demandes à l’encontre de M. [G] et de l’EARL ;
* débouté Mme [U] de ses demandes à leur encontre ;
A titre infiniment subsidiaire,
– ordonner la compensation des dommages et intérêts alloués à Mme [U] avec l’indemnité de jouissance due pour l’usage du cheval depuis mars 2013 à hauteur de 52.000 € sauf à parfaire’;
– débouter M. [G] et l’EARL de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions formées à leur encontre;
En toute hypothèse,
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné Mme [U] à payer au Dr [L] et à la SCP une somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;
– condamner Mme [U], M. [G] et l’EARL à leur verser, unis d’intérêts, une somme de 5.000 € au titre de l’article 700 pour la procédure d’appel ;
– condamner Mme [U], M. [G] et l’EARL aux entiers dépens d’appel ainsi qu’aux frais d’expertise.
Pour l’exposé complet des prétentions et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
I – Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de Mme [U]’:
Aux termes de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
L’article 32 ajoute qu’est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.
En l’espèce, M. [G], l’Earl, le Dr [L] et la SCP sont appelants incidents du jugement en ce qu’il a déclaré Mme [U] recevable en ses demandes, ceux-ci faisant valoir que la demanderesse ne justifie pas de sa qualité actuelle de propriétaire du cheval «’Oh Toi du Barbanet’» puisqu’elle a elle-même reconnu, dans de précédentes écritures de première instance, qu’elle avait «’cédé’» l’animal au mois de mai 2018, ce qui implique qu’elle n’en était déjà plus la propriétaire au moment de la délivrance de son assignation au fond.
Quoi qu’il en soit, la cour rappelle que si l’action en garantie des vices cachés se transmet, en principe, avec la chose vendue au sous-acquéreur, pour autant le vendeur intermédiaire ne perd pas la faculté de l’exercer quand elle présente pour lui un intérêt direct et certain.
Or, dans la mesure où Mme [U], qui affirme d’ailleurs n’avoir jamais pu céder le cheval et qu’elle serait bien en peine de le faire eu égard aux pathologies dont il est atteint, prétend non seulement à la résolution de la vente et à la restitution du prix, mais également au remboursement des frais qu’elle a exposés depuis son acquisition, ce qu’aucun sous-acquéreur ne pourrait réclamer au vendeur d’origine, Mme [U], qu’elle soit ou non encore propriétaire de l’animal, conserve un intérêt direct et certain à agir.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
II – Sur les demandes formées par Mme [U] à l’encontre M. [G] et de l’EARL’en leurs qualités de vendeurs’:
A – Sur l’action en garantie des vices cachés’:
L’article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.
Comme les premiers juges l’ont justement rappelé, il appartient à l’acquéreur qui agit sur ce fondement de rapporter la preuve,’à la fois’:
– de l’existence d’un vice caché, c’est-à-dire d’un vice non apparent et non connu de l’acquéreur,
– de l’existence de ce vice avant la vente,
– enfin du caractère suffisamment grave du vice pour que la chose soit impropre à sa destination ou pour que son usage en soit tellement diminué, que l’acheteur, s’il en avait eu connaissance, renonce à son acquisition ou, à tout le moins, n’en offre qu’un prix inférieur à celui convenu.
En l’espèce, il n’est pas utilement contestable, d’une part que l’animal était atteint d’un vice antérieurement à la vente, d’autre part que ce vice n’était pas apparent ni connu de l’acheteur.
En effet, il résulte du rapport d’expertise judiciaire que l’animal présente un syndrome dit podotrochléaire (ou syndrome’naviculaire) des deux pieds antérieurs, soit une pathologie qui affectent les structures situées à l’arrière du pied du cheval autour de l’os naviculaire.
L’expert ajoute que ce syndrome existait au jour de la vente de mars 2013 même s’il ne se manifestait pas encore sur le plan clinique, puisqu’étant décelable sur les clichés radiographiques réalisés par le Dr [L] le 28 février 2013.
Par ailleurs, il est constant que Mme [U] n’en a pas été informée au moment de la vente, puisque ce n’est qu’au mois d’août 2013, soit plusieurs mois après, que son propre vétérinaire, le Dr [F], a lui-même fait ce diagnostic.
Au demeurant, M. [G] affirme qu’il ignorait lui-même jusqu’alors l’existence de cette pathologie. Dès lors, il ne pouvait pas en informer l’acheteuse.
En revanche, si l’antériorité du vice et son caractère caché ne sont pas contestables, il en va différemment de son caractère déterminant, précisément du point de savoir si cette pathologie a rendu le cheval impropre à sa destination ou si elle en a tellement diminué l’usage, que Mme [U], dûment informée de son existence, aurait renoncé à son acquisition ou, à tout le moins, n’aurait offert qu’un moindre prix de l’animal.
A cette question, le tribunal a répondu par la négative, ayant en effet considéré’:
– que l’expert lui-même avait confirmé que le cheval avait pu recevoir un traitement adapté à sa situation, de sorte qu’il avait pu poursuivre sa carrière sportive au même niveau qu’avant la vente, ce dont il résultait que la maladie ne l’avait pas rendu impropre à sa destination’;
– qu’en effet, il est établi par les éléments du dossier que «’Oh Toi du Barbanet’» a participé à 35 épreuves sportives en 2013, 30 épreuves en 2014, 10 en 2015, 32 en 2016, 11 en 2017, toutes compétitions du niveau pour lequel il avait été acheté, et qu’il continuait encore à concourir avec succès en 2019.
Mme [U] conteste cette analyse, faisant essentiellement valoir, d’une part que le traitement administré à l’animal est complexe et coûteux, d’autre part que le cheval n’est pas en mesure de concourir au niveau pour lequel il a été acheté, l’appelante affirmant en effet que «’Oh Toi du Barbanet’»’était destiné à sauter des obstacles d’1,40 mètre de hauteur voire davantage, alors qu’il en est désormais réduit à des obstacles d’1,20 à 1,30 mètre tout au plus, voire moins puisqu’il lui arrive même de refuser de sauter 1 mètre ou 1,10 mètre.
Toutefois, la cour ne suivra pas l’appelante dans cette argumentation, rappelant en effet’:
– que Mme [U] a elle-même écrit dans son assignation en référé du 2 janvier 2014 «’que l’animal destiné au concours de sauts d’obstacles a été acquis pour les épreuves cadets-juniors (1,20 à 1,30 m de hauteur)’»’;
– que tel est bien le niveau des compétitions auxquelles «’Oh Toi du Barbanet’»’a participé jusqu’en 2017 au moins’;
– que s’il est possible que le cheval soit aujourd’hui moins performant qu’il a pu l’être jusqu’à cette époque, cette baisse de performance peut aussi s’expliquer tant par l’âge de l’animal (désormais d’une vingtaine d’années) ou encore par les qualités propres du cavalier qui le monte (alors qu’il n’est pas expliqué qui, aujourd’hui, monte «’Oh Toi du Barbanet’»)’;
– qu’en tout état de cause, il est établi que le cheval a eu, pendant plusieurs années après la vente, une carrière tout à fait honorable, en tout cas en rapport avec les performances qui en étaient attendues par Mme [U], à tout le moins avec celles convenues avec M. [G] et l’EARL’;
– qu’il n’est donc pas démontré, ni que la pathologie du cheval l’ait rendu impropre à l’usage auquel il était destiné, ni que cet usage ait été diminué dans de telles proportions que Mme [U], même complètement informée sur son état réel, aurait renoncé à acquérir l’animal, voire qu’elle n’en aurait donné qu’un moindre prix.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [U] de sa demande en résolution de la vente, en restitution du prix ou encore en remboursement des frais liés à cette vente.
B – Sur l’action en garantie de conformité au sens des articles L 211-4 et suivants du code de la consommation’:
Ces articles disposent, dans leur numérotation et leur rédaction applicables au litige’:
L 211-4′: Le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance. Il répond également des défauts de conformité résultant de l’emballage, des instructions de montage ou de l’installation lorsque celle-ci a été mise à sa charge par le contrat ou a été réalisée sous sa responsabilité.
L 211-5′: Pour être conforme au contrat, le bien doit :
1° être propre à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable et, le cas échéant :
– correspondre à la description donnée par le vendeur et posséder les qualités que celui-ci a présentées à l’acheteur sous forme d’échantillon ou de modèle ;
– présenter les qualités qu’un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l’étiquetage ;
2° ou présenter les caractéristiques définies d’un commun accord par les parties ou être propre à tout usage spécial recherché par l’acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté.
L 211-8′: L’acheteur est en droit d’exiger la conformité du bien au contrat. Il ne peut cependant contester la conformité en invoquant un défaut qu’il connaissait ou ne pouvait ignorer lorsqu’il a contracté. Il en va de même lorsque le défaut a son origine dans les matériaux qu’il a lui-même fournis.
L 211-9′: En cas de défaut de conformité, l’acheteur choisit entre la réparation et le remplacement du bien. Toutefois, le vendeur peut ne pas procéder selon le choix de l’acheteur si ce choix entraîne un coût manifestement disproportionné au regard de l’autre modalité, compte tenu de la valeur du bien ou de l’importance du défaut. Il est alors tenu de procéder, sauf impossibilité, selon la modalité non choisie par l’acheteur.
L 211-10′: Si la réparation et le remplacement du bien sont impossibles, l’acheteur peut rendre le bien et se faire restituer le prix ou garder le bien et se faire rendre une partie du prix. La même faculté lui est ouverte :
1° si la solution demandée, proposée ou convenue en application de l’article L 211-9 ne peut être mise en ‘uvre dans le délai d’un mois suivant la réclamation de l’acheteur ;
2° ou si cette solution ne peut l’être sans inconvénient majeur pour celui-ci compte tenu de la nature du bien et de l’usage qu’il recherche.
La résolution de la vente ne peut toutefois être prononcée si le défaut de conformité est mineur.
L 211-11′: L’application des dispositions des articles L 211-9 et L 211-10 a lieu sans aucun frais pour l’acheteur. Ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à l’allocation de dommages et intérêts.
L 211-12′: L’action résultant du défaut de conformité se prescrit par deux ans à compter de la délivrance du bien.
L 211-13′: Les dispositions de la présente section ne privent pas l’acheteur du droit d’exercer l’action résultant des vices rédhibitoires telle qu’elle résulte des articles 1641 à 1649 du code civil ou toute autre action de nature contractuelle ou extracontractuelle qui lui est reconnue par la loi.
Sans contester que Mme [U] a contracté en qualité de consommatrice et hors le cadre d’une activité professionnelle et que, par là même, elle peut se prévaloir des dispositions du code de la consommation dans ses relations avec M. [G] et l’EARL, eux-mêmes vendeurs professionnel, pour autant la cour observe, à l’instar de ce qu’a justement décidé le tribunal’:
– que les vendeurs ont livré à Mme [U] un animal présentant toutes les caractéristiques attendues par celle-ci, à savoir un cheval de compétition de saut d’obstacles destiné à sa fille, sportive amateure ;
– qu’ainsi qu’il a été précédemment démontré, Mme [U] n’a pas commandé un cheval apte à sauter des obstacles d’1,40 à 1,45 mètre de hauteur, mais des obstacles de l’ordre d’1,20 à 1,30 mètre tout au plus, ce qu’il s’est avéré capable de faire pendant plusieurs années’;
– que le cheval livré est donc conforme au contrat au sens de l’article L 211-4, et par ailleurs propre à l’usage attendu d’un bien semblable au sens de l’article L 211-5’puisque correspondant à la description donnée par le vendeur et possédant les qualités sportives annoncées à l’acheteur.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [U] de ses demandes fondées sur un prétendu défaut de conformité au sens des articles L 211-4 et suivants du code de la consommation.
C – Sur la demande de nullité de la vente au motif qu’elle porterait sur la chose d’autrui’:
L’article 1599 du code civil dispose’que la vente de la chose d’autrui est nulle.
Pour soutenir que tel est le cas de la vente de «’Oh Toi du Barbanet’», Mme [U] fait valoir que l’animal n’a jamais appartenu à M. [G] mais à la fille de celui-ci, Mme [S] [G], auprès de qui le prétendu vendeur l’aurait récupéré pour pouvoir l’échanger avec «’Quishna des Bois’», cheval que Mme [U] lui avait d’abord acheté avant de se rendre compte qu’il boitait.
Ici encore, cette argumentation sera écartée, étant en effet observé que si «’Oh Toi du Barbanet’» a effectivement appartenu à Mme [S] [G], tel n’était plus le cas lorsque le cheval a été cédé à Mme [U].
En effet, il résulte des explications données par les parties devant le juge des référés, ce dont il est fait mention dans l’ordonnance du 27 février 2014, que M. [G] a racheté «’Oh Toi du Barbanet’» à sa fille avant de le céder lui-même à Mme [U] en échange de «’Quishna des Bois’» dont celle-ci exigeait la reprise.
Au demeurant, Mme [S] [G] n’a jamais revendiqué la propriété de «’Oh Toi du Barbanet’».
Dès lors, le recours à la théorie du mandat apparent – évoquée dans le jugement dont appel – est inutile à la solution du litige, puisqu’il n’est pas démontré que M. [G] ait vendu la chose d’autrui.
Par suite, Mme [U] sera déboutée de sa demande de nullité.
En définitive, il s’avère que Mme [U] ne dispose d’aucune action à l’encontre des vendeurs pour leur réclamer la restitution du prix de vente de l’animal ou encore le remboursement des frais liés à la vente, alors par ailleurs qu’il convient d’observer qu’elle ne forme pas de demande de dommages-intérêts à leur encontre.
Par suite, le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de toutes demandes formées à l’encontre de M. [G] et de l’EARL.
III – Sur les demandes formées par Mme [U] à l’encontre du Dr [L] et de la SCP’:
Il est constant que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.
Ainsi, Mme [U], qui n’a pas elle-même commandé l’examen vétérinaire pratiqué le 25 février 2013 par le Dr [L] sur le cheval «’Oh Toi du Barbanet’», est recevable à se prévaloir d’un manquement du médecin à ses obligations contractuelles envers son propre client (M. [G]), sous réserve encore qu’elle puisse établir non seulement la réalité de ce manquement, mais également qu’il en est résulté pour elle un préjudice.
S’agissant de la faute qu’elle impute au Dr [L], elle n’est pas contestable, la cour rappelant en effet’qu’il résulte du rapport d’expertise judiciaire’:
– que le cheval avait déjà fait l’objet d’examens radiographiques, notamment en janvier 2011, et qu’aucune anomalie significative n’avait alors été détectée au niveau des os naviculaires’;
– qu’en revanche, quand bien même l’animal ne présentait pas encore de signes cliniques de sa maladie, les radiographies réalisées par le Dr [L] le 28 février 2013 montraient déjà un kyste du sésamoïde distal que, pourtant, le vétérinaire s’est abstenu de relever dans son compte-rendu d’observation alors même qu’il s’agissait, selon l’expert, d’une lésion anormale, à pronostic clinique incertain mais néanmoins aux conséquences probables’;
– qu’ainsi, le vétérinaire aurait dû informer son client, en l’occurrence M. [G], et ce dès la fin février 2013, de l’existence de cette pathologie et du risque qu’elle puisse dégénérer à court ou moyen terme, ce qui s’est d’ailleurs produit très vite puisque dès le mois d’août 2013, le Dr [F], à l’occasion d’un nouvel examen pratiqué cette fois à la demande de Mme [U], a confirmé le diagnostic de la maladie, dont l’expert affirme qu’elle était déjà présente avant la vente.
Certes, le Dr [L] récuse toute faute, affirmant notamment que l’animal ne présentait aucun signe clinique défavorable au moment de l’examen du 28 février 2013, qu’elle n’a pas manqué de signaler dans son compte-rendu d’examen la présence d’une irrégularité du bord distal du naviculaire, et que seuls des examens complémentaires – qu’elle n’était pas chargée de réaliser – auraient permis d’investiguer davantage sur cette anomalie.
Néanmoins, il peut lui être reproché, ainsi que l’expert judiciaire l’a fait à l’issue d’une discussion contradictoire au cours de laquelle le médecin mis en cause a pu présenter ses explications et objections, de ne pas avoir noté l’évolution défavorable de l’état radiographique de l’animal entre 2011 et 2013, plus précisément de ne pas avoir remarqué la présence du kyste qui, selon l’expert, était pourtant visible sur le cliché du 28 février 2013.
Si sévère ce constat puisse-t-il paraître, lequel se fonde néanmoins sur l’avis non utilement critiqué de l’expert, force est de constater que le Dr [L] a commis une faute dans la lecture et l’interprétation de ce cliché.
Pour autant, s’agissant d’un manquement du vétérinaire à son obligation de renseignement et de conseil vis-à-vis de son client (M. [G]), le seul préjudice indemnisable qui puisse en résulter pour Mme [U] s’analyse à l’aune de la perte de chance qui aurait été la sienne de renoncer à son acquisition, à tout le moins de n’offrir qu’un moindre prix du cheval, si elle avait été informée de la pathologie dont il était affecté.
Or, il a été précédemment démontré qu’il n’était pas établi que même parfaitement informée, Mme [U] aurait renoncé à son acquisition, ni même qu’elle aurait exigé une diminution de prix de la part des vendeurs.
En effet, il résulte des pièces du dossier, notamment d’un échange de mails entre les parties, que Mme [U] était très pressée de pouvoir récupérer un cheval apte à participer aux championnats d’Espagne «’enfants’» qui devaient se tenir à [Localité 9] le 28 mars 2013, d’où son empressement à prendre possession de «’Oh Toi du Barbanet’» en échange de «’Quishna des Bois’» qu’elle souhaitait restituer.
Par ailleurs, même si «’Oh Toi du Barbanet’» était affecté d’une pathologie gênante, pour autant celle-ci était susceptible d’être traitée efficacement, l’animal ayant d’ailleurs pu, grâce à ces soins, continuer sa carrière sportive pendant plusieurs années encore après la vente.
Le vétérinaire mandaté par Mme [U] n’a d’ailleurs jamais douté de l’efficacité des soins pouvant être dispensés à l’animal (cf. ses propos évoqués dans la pièce n° 8 de l’appelante’: «’Cela n’est pas terrible, mais cela se gère’»).
En conséquence et en dépit de l’interprétation erronée du cliché radiographique effectué par le Dr [L] le 28 février 2013, il n’est pas démontré qu’il en soit résulté un préjudice pour Mme [U].
Partant, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [U] de ses demandes à l’encontre du Dr [L] et de la SCP.
IV – Sur les autres demandes’:
Mme [U] étant déboutée de l’ensemble de ses demandes à l’encontre des vendeurs, le recours en garantie formé par ces derniers à l’encontre des vétérinaires est sans objet.
Il en est de même de la demande, d’ailleurs subsidiaire, de compensation formée par les vétérinaires à l’encontre de l’acquéreur.
Le jugement sera encore confirmé en ce qu’il a condamné Mme [U] à payer à M. [G] et à l’Earl d’une part, au Dr [L] et à la SCP d’autre part, une somme de 3.500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Y ajoutant, la cour déboutera l’ensemble des parties de leurs demandes formées sur le même fondement en cause d’appel.
Enfin, partie perdante, Mme [U] supportera le entiers dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais de référé et d’expertise.
PAR CES MOTIFS,
La cour’:
Statuant publiquement par mise à disposition, contradictoirement et en dernier ressort’:
– confirme le jugement en toutes ses dispositions’;
– y ajoutant’:
* déboute l’ensemble des parties du surplus de leurs demandes’;
* déboute l’ensemble des parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel’;
* condamne Mme [U] aux entiers dépens de la procédure d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M. COLLET G. GUIGUESSON