Mandat apparent : 5 octobre 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 22/00068

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Mandat apparent : 5 octobre 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 22/00068

S.A.R.L. FRANCE FAST FOOD DISTRIBUTION représentée par Monsieur [D] [S], en sa qualité de représentant légal de la société,

C/

[G] [R]

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 05 OCTOBRE 2023

MINUTE N°

N° RG 22/00068 – N° Portalis DBVF-V-B7G-F3XZ

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MACON, section Commerce, décision attaquée en date du 10 Décembre 2021, enregistrée sous le n° F21/00071

APPELANTE :

S.A.R.L. FRANCE FAST FOOD DISTRIBUTION représentée par Monsieur [D] [S], en sa qualité de représentant légal de la société,

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Maxence PERRIN, avocat au barreau de DIJON, et Me Ségolène CLEMENT, avocat au barreau de VALENCE

INTIMÉ :

[G] [R]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de M. [Z] [L] (Délégué syndical ouvrier)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Septembre 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Olivier MANSION, Président de chambre chargé d’instruire l’affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

Katherine DIJOUX-GONTHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Juliette GUILLOTIN,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Juliette GUILLOTIN, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [R] (le salarié) aurait été engagé le 1er août 2019 par contrat à durée indéterminée en qualité de boucher préparateur qualifié par la société Gortat Salaise (l’employeur), contrat qui aurait été repris par la suite par la société France fast food distribution (la société), après plusieurs contrats à durée déterminée conclus avec la société Gortat Mâcon.

Il a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur le 28 avril 2021.

Par la suite, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes qui, par jugement du 10 décembre 2021, a dit que la prise d’acte de rupture produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné l’employeur au paiement de diverses sommes en conséquence ainsi qu’un rappel de salaire et de congés non pris.

L’employeur a interjeté appel le 26 janvier 2022.

Il conclut à l’infirmation du jugement et sollicite le paiement de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par la suite le conseil indique à la cour qu’il n’intervient plus pour les intérêts de l’appelante et ne produit aucune pièce.

Le salarié demande la confirmation du jugement sauf à obtenir le paiement des sommes de :

– 10 500 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– les intérêts au taux légal,

– 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions de l’employeur transmises par RPVA le 8 août 2022 et à celles du salariés reçues le 4 juillet 2022.

MOTIFS :

Si l’employeur reproche au conseil de prud’hommes de ne pas avoir respecté le principe de la contradiction, il n’en tire aucune conséquence dans le dispositif de ses conclusions.

Sur les rappels de rémunération :

1°) Le salarié soutient que les salaires de juillet à novembre 2018 n’ont pas été payés en exécution du contrat à durée déterminée conclu sur la période du 13 juillet au 30 novembre 2018.

L’employeur qui ne conteste pas avoir conclu un tel contrat sur cette période précise que le contrat prévoit un salaire mensuel brut de 1 771 euros et qu’un tel salaire figure sur les bulletins de paie.

Il ajoute que l’entreprise n’a pas subi de fermeture administrative de juillet à septembre 2018 mais que le salarié a pris un congé sans solde pour les mois d’août et septembre.

Pour le mois de juillet, il est soutenu que le salarié a travaillé 21 heures qui ont été réglées au regard du bulletin de salaire de juillet 2018.

Le seul contrat du 13 juillet 2018 signé par le salarié prévoit un salaire net de 1 600 euros par mois soit un salaire brut de 2 077,92 euros et non de 1 771,05 euros.

Des contrats à durée déterminée ont été également signés les 30 novembre 2018 et 1er avril 2019, tous avec la société Gortat Mâcon.

Par ailleurs, il n’est justifié d’aucun accord de l’employeur pour un congé sans solde pour les mois d’août et septembre 2018 ni d’aucune décision de fermeture administrative.

Le paiement du salaire pour ces deux mois est donc dû.

Pour le mois de juillet, le salarié réclame un paiement partiel de 18 jours et l’employeur ne démontre pas que le salarié n’a travaillé que 21 heures alors que le contrat stipule une durée de travail mensuelle de 151,67 heures.

Enfin, le salarié réclame un rappel partiel sur le salaire d’octobre ce que l’employeur ne conteste pas.

Toutefois, le rappel de salaire ne peut porter sur le montant brut du salaire lequel n’est pas perçu par le salarié mais sur le seul montant net effectivement payé à celui-ci, peu important l’erreur de l’employeur sur le montant brut, dès lors que cette erreur ne modifie pas le montant net dû au salarié et prévu au contrat de travail.

Il en résulte que le rappel de salaire s’établit, pour les mois susvisés, à 4 693,63 euros et 469,36 euros de congés payés afférents.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Il sera précisé que la société Gortat Salaise a succédé à la société Gortat Mâcon et qu’à tout le moins elle s’est comportée comme l’employeur en délivrant un avertissement au salarié le 28 décembre 2020, les documents obligatoires à la fin du contrat de travail, le 24 juin 2021 et qu’elle a délivré également les bulletins de salaire en cours d’exécution de ce contrat.

Par la suite la société Gortat France fast food distribution est intervenue volontairement à la procédure en interjetant appel et en prenant des conclusions à ce titre au lieu et place de la société Gortat Mâcon, se substituant à celle-ci au moins, en vertu d’un mandat apparent.

Elle sera donc condamnée à paiement.

2°) Il sera relevé que si l’employeur demande l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions, il n’énonce, dans ses conclusions, aucun moyen de réformation sur la condamnation à paiement de la somme de 626,81 euros pour congés non pris.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur la prise d’acte de rupture du contrat de travail :

La prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts de l’employeur en cas de manquement suffisamment grave de celui-ci qui empêche la poursuite du contrat de travail.

Si les faits invoqués par le salarié justifient la rupture du contrat de travail, dans ce cas elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à défaut, celui d’une démission.

En l’espèce, le salarié invoque comme manquement l’absence de paiement des salaires et la violation des dispositions de l’article L. 1222-6 du code du travail.

Toutefois, l’article L. 1222-6 précité dispose que lorsque l’employeur envisage une modification d’un élément essentiel du contrat de travail pour l’un des motifs économiques énoncés à l’article L. 1233-3, il en est fait proposition au salarié par lettre recommandé avec avis de réception.

Ici, il n’est pas établi que la modification proposée au salarié quant au lieu d’exercice de son emploi à [Localité 6] résulte d’un motif économique au sens de l’article L. 1233-3 du code du travail, de sorte que l’article L. 1222-6 ne peut être invoqué utilement.

Par ailleurs, l’employeur admet qu’à la suite de la fermeture du site de [Localité 5] en décembre 2019, pour une raison non connue de la cour, un avenant a été proposé au salarié prévoyant une clause de mobilité sur le site de [Localité 6].

Le salarié n’a pas signé cet avenant mais a travaillé à compter du 1er janvier 2020 sur ce site sans remettre en cause cette mutation à cette date et jusqu’à la prise d’acte de rupture intervenue en avril 2021.

Il n’en résulte donc pas un manquement ayant empêché la poursuite du contrat de travail.

En revanche, l’absence de paiement des salaires suffit à caractériser le manquement grave justifiant que la prise d’acte de rupture produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au regard d’une rémunération mensuelle de 2 350 euros et de la reprise d’une ancienneté au titre des contrats à durée déterminée, le jugement sera confirmé sur les sommes accordées comme indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l’indemnité de licenciement.

Le salarié réclame un montant de dommages et intérêts de 10 500 euros alors que le conseil de prud’hommes a chiffré les dommages et intérêts à hauteur de 1 175 euros.

En raison d’un salaire moyen de 2 581,21 euros (moyenne sur 12 mois), d’une ancienneté de deux années entières et du barème prévu à l’article L. 1235-3 du code du travail pour une entreprise de moins de 11 salariés, les dommages et intérêts dûs pour la perte injustifiée de l’emploi, seront évalués à 7 750 euros.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Sur les autres demandes :

1°) Les sommes accordées au salarié produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale et à compter du prononcé du présent arrêt pour les sommes de nature indemnitaire.

2°) L’employeur remettra au salarié les documents listés dans le jugement mais sans astreinte laquelle n’est pas nécessaire.

3°) Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l’employeur et le condamne à payer au salarié la somme de 1 500 euros.

L’employeur supportera les dépens d’appel, étant précisé que les dispositions de l’article L.111-8 du code des procédures civiles d’exécution prévoient la répartition des frais d’exécution forcée et de recouvrement entre le créancier et le débiteur et le recours au juge chargé de l’exécution dans certains cas et qu’il n’appartient pas au juge du fond de mettre à la charge de l’un ce que la loi a prévu de mettre à la charge de l’autre.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :

– Infirme le jugement du 10 décembre 2021 uniquement en ce qu’il condamne la société Gortat France fast food distribution à payer à M. [R] les sommes de 7 939,24 euros de rappel de salaire, 793,92 euros de congés payés afférents et 1 175 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il prévoit une astreinte pour le remise de documents ;

Statuant à nouveau sur ces chefs :

– Condamne la société Gortat France fast food distribution à payer à M. [R] les sommes de :

* 4 693,63 euros de rappel de salaire net sur les mois de juillet à octobre 2018 inclus,

* 469,36 euros de congés payés afférents,

* 7 750 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– Dit que les condamnations prononcées au profit de M. [R] produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale et à compter du prononcé du présent arrêt pour les sommes de nature indemnitaire ;

– Dit que la société Gortat France fast food distribution remettra à M. [R], sans astreinte, les documents listés dans le jugement précité ;

Y ajoutant :

– Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Gortat France fast food distribution et la condamne à payer à M. [R] la somme de 1 500 euros ;

– Condamne la société Gortat France fast food distribution aux dépens d’appel desquels sont exclus les frais éventuels d’exécution.

Le greffier Le président

Juliette GUILLOTIN Olivier MANSION

 


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