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6 décembre 2022
Cour d’appel de Besançon
RG n°
20/01382
ARRÊT N°
MW/FA
COUR D’APPEL DE BESANÇON
– 172 501 116 00013 –
ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2022
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
Contradictoire
Audience publique du 04 octobre 2022
N° de rôle : N° RG 20/01382 – N° Portalis DBVG-V-B7E-EJLJ
S/appel d’une décision du TRIBUNAL DE COMMERCE DE BESANCON en date du 09 septembre 2020 [RG N° 2020002341]
Code affaire : 50B Demande en paiement du prix ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix
S.A.S. MA FORMATION DPC C/ S.A.R.L. KOJO
PARTIES EN CAUSE :
S.A.S. MA FORMATION DPC, immatriculée au RCS de Marseille sous le numéro 834 865 032, représentée par M. [G] [I], président, domicilié en cette qualité audit siège
Sise [Adresse 2]
Représentée par Me Marine TRAVAILLOT de la SELAS STARTLAW, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant,
Représentée par Me Benjamin LEVY, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant
APPELANTE
ET :
S.A.R.L. KOJO, immatriculée au RCS de Besançon sous le numéro 799 240 262, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège
[Adresse 4]
Représentée par Me Caroline BONNETAIN, avocat au barreau de BESANCON
INTIMÉE
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.
ASSESSEURS : Mesdames Bénédicte MANTEAUX et Florence DOMENEGO, conseillers.
GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.
Lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre, magistrat rédacteur
ASSESSEURS : Mesdames Bénédicte MANTEAUX, et Florence DOMENEGO, conseillers.
L’affaire, plaidée à l’audience du 04 octobre 2022 a été mise en délibéré au 06 décembre 2022. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
**************
S’agissant de l’exposé des faits, de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens initiaux des parties, il est expressément fait référence à l’arrêt avant dire droit du 21 juin 2022 par lequel la cour a :
Vu les articles L. 442-4 et D. 442-3 du code de commerce,
– soulevé le défaut de pouvoir juridictionnel de la cour d’appel de Besançon pour connaître des demandes de la SARL Kojo tendant à être indemnisée pour rupture brutale de relations commerciales établies, ainsi que des demandes accessoires ;
– soulevé l’irrecevabilité des mêmes demandes devant le tribunal de commerce de Besançon ;
– invité les parties à prendre position sur ces deux points.
Par conclusions récapitulatives n°4 après sursis à statuer, la SAS Ma Formation DPC demande à la cour :
Faisant application des articles 654 et suivants et 700 du code de procédure civile et de l’article L. 442-1,II du code de commerce :
A titre principal :
– d’annuler le jugement déféré ;
– de condamner la société Kojo à verser à la société Ma Formation DPC la somme de 28 312,96 euros afférente aux factures demeurant impayées ;
A titre subsidiaire :
– de juger irrecevable la demande de condamnation afférente à une prétendue rupture des relations commerciales établies ;
– de réformer le jugement déféré en ce qu’il a :
* condamné la SAS Ma Formation DPC à payer à la SARL Kojo les sommes de :
36 500 euros au titre du préjudice financier qu’elle subit en raison de la rupture abusive des relations commerciales ;
4 658,28 euros en remboursement des avoirs et des acomptes ;
* enjoint à la SAS Ma Formation DPC d’avoir à communiquer à la SARL Kojo les justificatifs de l’envoi de l’ensemble des SMS et mails facturés à la SARL Kojo depuis le mois de juin 2019, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l’expiration du terme d’un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement ;
* condamné la SAS Ma Formation DPC à verser à la SARL Kojo la somme de 800 euros
par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
* condamné la SAS Ma Formation DPC à tous les dépens ;
En conséquence et statuant de nouveau :
– de débouter la société Kojo de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
– de condamner la société Kojo à verser à la société Ma Formation DPC la somme de 28 312,96 euros afférente aux factures demeurant impayées ;
En tout état de cause :
– de condamner la société Kojo à verser à Ma Formation DPC la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance.
Par conclusions après sursis à statuer notifiées le 12 août 2022, la société Kojo demande à la cour :
Vu l’article L 442-6 5° du code de commerce, dans sa version en vigueur du 11 décembre 2016 au 26 avril 2019,
– de débouter la société Ma Formation DPC de l’ensemble de ses chefs de demandes ;
– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
* constaté la rupture abusive des relations commerciales aux torts de la SAS Ma Formation DPC ;
* condamné la SAS Ma Formation DPC à payer à la SARL Kojo la somme de 4 658,28 euros ;
* enjoint à la SAS Ma Formation DPC d’avoir à communiquer à la SARL Kojo les justificatifs de l’envoi de l’ensemble des SMS et mails facturés à la SARL Kojo depuis le mois de juin 2019 et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement ;
– de réformer le jugement entrepris pour le surplus ;
– de condamner la SAS Ma Formation DPC à payer à la SARL Kojo les sommes suivantes :
* la somme de 73 000 euros au titre du préjudice financier qu’elle subit en raison de la rupture abusive des relations commerciales ;
* la somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral subi en raison de la rupture abusive des relations commerciales ;
* la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour avoir utilisé abusivement
la marque Kojo ;
– d’enjoindre à la SAS Ma Formation DPC d’avoir à communiquer les codes d’accès permettant de connaître les coordonnées de clients inscrits par l’intermédiaire de la page internet http://kojo-formation.fr, ainsi que les codes d’accès de la boîte mail “[Courriel 3]”, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir (sic) ;
– de condamner la société Ma Formation DPC à payer à la SARL Kojo la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens ;
– de condamner la SAS Ma Formation DPC aux dépens.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l’exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.
Sur ce, la cour,
Sur la nullité du jugement
La société Ma Formation DPC soulève en premier lieu la nullité du jugement en conséquence de la nullité de l’assignation introductive d’instance, faisant valoir que cette dernière avait fait l’objet d’un dépôt à l’étude de l’huissier de justice, sans qu’aucune diligence n’ait été entreprise pour vérifier la réalité du domicile du destinataire de l’acte.
Il résulte des mentions portées par l’huissier sur l’acte de signification litigieux que le nom de la société destinataire figure sur la boîte aux lettres, et que le destinataire est absent.
Dès lors que l’adresse de signification, à savoir [Adresse 1], correspond effectivement à celle de l’appelante, ce qui est d’autant moins contestable que cette dernière la mentionne elle-même dans ses conclusions comme étant l’adresse de son siège social, il ne peut être fait grief à l’huissier de n’avoir pas procédé à d’autre vérification que celle de la présence du nom de la société destinataire sur la boîte aux lettres.
Le moyen tiré de la nullité de l’assignation ne pourra qu’être rejeté.
Sur les demandes relatives à la rupture brutale des relations commerciales
La société Ma Formation DPC soulève l’irrecevabilité de ses demandes comme relevant de la compétence de juridictions spécialement désignées par la loi.
Il est exact, comme le fait valoir la société Kojo, que ses demandes se fondent en réalité sur l’article L 442-6 5° du code de commerce dans sa version en vigueur du 11 décembre 2016 au 26 avril 2019.
Il n’en demeure cependant pas moins que, dans son III in fine, cet article disposait déjà, à l’instar de l’actuel article L. 442-4 III, que les litiges relatifs à son application relevaient de juridictions spécialement désignées par décret, au rang desquelles ne figurent pas le tribunal de commerce de Besançon, ni la cour d’appel de Besançon.
Dès lors, aucune de ces deux juridictions ne dispose du pouvoir juridictionnel pour connaître de la demande d’indemnisation formée par la société Kojo sur le fondement de la rupture brutale des relations contractuelles.
Les demandes formées de ce chef, et tendant respectivement à la réparation d’un préjudice financier et d’un préjudice moral, seront donc déclarées irrecevables.
Sur le compte des parties
La société Ma Formation DPC sollicite la condamnation de la société Kojo à lui verser la somme de 28 312,96 euros correspondant à 4 factures de janvier, février, mars et avril 2020, d’un montant global de 37 423,24 euros, sous déduction d’avoirs et d’un versement en double, pour un montant total de 9 110,28 euros.
La facture du 25 février 2020 d’un montant de 4 452 euros, qui a trait à l’inscription de stagiaires à des formations au cours du mois d’octobre 2019, n’est pas contestée par la société Kojo, et est donc indubitablement due.
Les trois autres factures sont relatives au coût de campagnes de communication par mails (facture du 21 janvier 2020 de 15 634,08 euros) et SMS (facture du 12 mars 2020 de 11 644,70 euros et facture du 9 avril 2020 de 5 692,46 euros), dont la société Kojo indique qu’il n’est pas justifié de la réalité.
Il est d’abord constant, comme résultant de l’historique produit par l’appelante, que la pratique consistant à communiquer auprès des clients potentiels par mail ou SMS avait déjà été utilisée au cours de l’année 2019, et avait donné lieu à des facturations qui avaient été honorées par la société Kojo, ce que celle-ci ne dément d’ailleurs pas. L’intimée est dès lors mal fondée à soutenir que le contrat ayant lié les parties ne prévoyait pas le recours à ces méthodes, alors au demeurant que le contrat d’apporteur d’affaires ne détermine pas de manière précise ni limitative les moyens à mettre en oeuvre par la société Ma Formation DPC pour contacter les prospects potentiels.
La société Kojo fait ensuite valoir qu’il n’est pas justifié de l’envoi des mails et SMS facturés, et que, si elle avait certes réglé des factures similaires, le prix unitaire des mails avait ensuite explosé, comme étant passé de 0,05 euro HT à 0,20 euro HT l’unité.
S’agissant de la justification de l’envoi des mails et SMS, le tribunal avait délivré une injonction de communication sous astreinte à l’appelante.
A hauteur d’appel, cette dernière produit, concernant les campagnes SMS, le listing d’envois établi par le prestataire Marketeam pour chaque campagne depuis le mois de mars 2019. Or, l’examen du détail des envois par départements pour les campagnes de février et mars 2020 tel qu’il ressort de ce document apparaît parfaitement cohérent avec les prestations qui ont été facturées par l’appelante en février et mars 2020. Il est ainsi suffisamment justifié à la fois de la réalité des prestations, et de leur montant, étant observé que le coût unitaire des SMS, soit 0,12 euros HT, ne fait pas l’objet d’une contestation, et qu’il correspond au demeurant au coût appliqué dans le cadre de campagnes antérieures, et que la société Kojo avait validé par le paiement des factures correspondantes. Il sera donc fait droit à la demande en paiement de la société Ma Formation DPC en tant qu’elle porte sur la facture du 12 mars 2020 de 11 644,70 euros ainsi que sur celle du 9 avril 2020 de 5 692,46 euros.
S’agissant de la campagne mails objet de la facture du mois de janvier 2020, l’appelante fournit à hauteur de cour l’impression d’un listing de son prestataire Mailjet dont il ressort, pour la campagne de janvier 2020, l’envoi de 71 763 mails, soit plus que les 64 142 mails effectivement facturés. Pour justifier le coût unitaire de 0,20 euro HT appliqué sur cette facture, la société Ma Formation DPC fait valoir qu’elle a dû engager des frais pour cette campagne spécifique. Au soutien de sa position, elle produit un courrier électronique qu’elle a fait parvenir à la société Kojo le 19 novembre 2019, lui soumettant en vue de cette campagne un devis portant sur l’envoi à 72 327 contacts de mails au prix unitaire de 0,20 euro HT. S’il n’est certes pas justifié d’un document comportant un accord exprès donné à ce devis, il n’en ressort pas moins des autres courriers électroniques fournis par l’appelante que les parties ont échangé sur les modalités pratiques de réponse et l’apparence des mails à adresser aux prospects, sans qu’aucune contestation n’ait jamais été émise par la société Kojo sur les conditions financières de la campagne, qui avait été effectivement mise en oeuvre. Dans ces condiions, il doit être retenu que les prestations objets de la facture du 21 janvier 2020 de 15 634,08 euros sont justifiées tant dans leur principe que dans leur quantum.
Il y a en conséquence lieu d’infirmer la décision déférée en ce qu’elle a enjoint sous astreinte à la société Ma Formation DPC de justifier de l’envoi des mails et SMS, cette injonction étant désormais sans objet, et en ce qu’elle a condamné la société Ma Formation DPC à payer à la société Kojo la somme de 4 658,28 euros correspondant aux avoirs et trop-versés, sous déduction de la facture non contestée de février 2020. Statuant à nouveau, la société Kojo sera condamnée à payer à l’appelante la somme de 28 312,96 euros (4 452 euros +11 644,70 euros +5 692,46 euros + 15 634,08 euros – (2 016 euros + 4 336,68 euros +2 757,60 euros)).
Sur l’utilisation frauduleuse de la marque Kojo
A titre d’appel incident, la société Kojo critique la décision entreprise en ce qu’elle a écarté sa demande relative à l’utilisation frauduleuse de son nom par la société Ma Formation DPC.
L’intimée fait ainsi grief à l’appelante d’avoir créé une landing page et une boîte mail à son nom sans son accord.
L’existence de ces éléments, ainsi que la propriété par la société Ma Formation DPC du nom de domaine ‘kojo-formation.fr’ n’est pas contestable, et résulte en tant que de besoin de deux procès-verbaux de constat d’huissier établis à la requête de l’intimée.
Toutefois, la société Kojo est mal venue de soutenir n’avoir pas donné son accord, alors en particulier qu’il résulte des échanges de mails versés aux débats par l’appelante que la création de la landing page ‘kojo-formation.fr’ est intervenue dans le cadre des campagnes mails réalisées pour le compte de la société Kojo, qu’elle était nécessaire au recueil des inscriptions aux formations proposées, et que son élaboration s’est faite en concertation entre les deux sociétés (cf notamment pièce 26 du BCP de la société Ma Formation DPC).
Dans ces conditions, la demande d’indemnisation et de communication de listings sont mal fondés, de sorte que le jugement querellé sera confirmé sur ce point.
Sur les autres demandes
La décision entreprise sera infirmée s’agissant des frais irrépétibles et des dépens.
La société Kojo sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer à la société Ma Formation DPC la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs
Statuant après débats en audience publique et par arrêt contradictoire,
Rejette la demande de la SAS Ma Formation DPC tendant à l’annulation du jugement rendu le 9 septembre 2020 par le tribunal de commerce de Besançon ;
Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a rejeté les demandes formées par la SARL Kojo au titre de l’utilisation frauduleuse de la marque Kojo ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés, et ajoutant :
Déclare irrecevables les demandes formées par la SARL Kojo en indemnisation du préjudice financier et du préjudice moral résultant de la rupture brutale des relations commerciales ;
Condamne la SARL Kojo à payer à la SAS Ma Formation DPC la somme de 28 312,96 euros ;
Condamne la SARL Kojo à payer à la SAS Ma Formation DPC la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL Kojo aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président de chambre,