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11 janvier 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
19/07704
AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 19/07704 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MV3K
Société UBAT CONTROLE
C/
[M]-[Z]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 31 Octobre 2019
RG : F18/03223
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 11 JANVIER 2023
APPELANTE :
Société UBAT CONTROLE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Paul DELACOURT de la SELARL EFFICIA, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉ :
[H] [M]-[Z]
né le 06 Mars 1959 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Karine ROSSI, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 18 Octobre 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Joëlle DOAT, Présidente
Nathalie ROCCI, Conseiller
Anne BRUNNER, Conseiller
Assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffière.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 11 Janvier 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat de travail à durée indéterminée non daté, M. [H] [M]-[Z] a été embauché à compter du 2 août 2010 par la société Ubat Contrôle en qualité de responsable régional itinérant, de statut cadre, soumis à la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils et sociétés de conseils (IDCC 2230).
Le 6 juin 2011, le salarié a écrit à son employeur pour l’informer qu’il rencontrait des difficultés dans l’exécution de son contrat de travail.
Le 4 août 2011, le salarié a sollicité le bénéfice d’une rupture conventionnelle qui a été refusée par l’employeur le 9 août 2011.
Le 17 août 2011, M. [M]-[Z] a adressé à l’employeur une lettre de démission.
Le 22 septembre 2011, la société a notifié au salarié une mise à pied conservatoire, en lui reprochant la prise de trois jours de congé sans déclaration, ni autorisation, la planification d’un déplacement à l’étranger sans prévenir la direction et le transfert de supports numériques stratégiques pour l’entreprise à des tiers.
Le 29 septembre 2011, la société a notifié au salarié le maintien de la mise à pied conservatoire ‘jusqu’à notification d’une sanction qui pourra aller jusqu’à la rupture de votre préavis’ et l’a convoqué à un entretien fixé au 11 octobre 2011″ au cours duquel il serait invité à fournir toute explication sur les fautes qui lui étaient reprochées’.
Le 3 novembre 2011, la société a notifié au salarié la rupture de son préavis pour faute lourde.
Le 7 novembre 2011, M. [M]-[Z] a contesté la rupture anticipée du préavis.
Les documents de fin de contrat lui ont été remis le 17 novembre 2011.
Le 9 février 2012 la société a porté plainte contre le salarié pour vol, abus de confiance et violation du secret professionnel, plainte à laquelle il n’a pas été donné suite.
Par requête du 10 mai 2012, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon afin de lui demander de condamner la société à lui verser diverses sommes à titre de solde d’indemnité de préavis, d’indemnité de congés payés 2011-2012, de prime semestrielle du 1er juillet au 27 novembre 2011 et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et pour préjudice moral et tentative d’intimidation.
La société a déposé plainte avec constitution partie civile entre les mains du doyen des juges d’instruction de Lyon, le 12 mai 2014.
Le juge d’instruction a rendu une ordonnance de non-lieu le 6 décembre 2017.
L’affaire prud’homale qui avait été retirée du rôle le 7 janvier 2016 a été réinscrite le 5 octobre 2018.
Par jugement du 31 octobre 2019, le conseil de prud’hommes a :
– dit que la faute lourde de Monsieur [H] [M]-[Z], objet de son licenciement, n’est pas avérée
en conséquence,
-condamné la société UBAT CONTROLE à verser à Monsieur [H] [M]-[Z] les sommes suivantes :
* 8 234,62 euros au titre du solde de l’indemnité de préavis du 23 septembre 2011 au 27 novembre 2011,
* 823,46 euros au titre des congés payés afférents,
* 2 113,65 euros au titre de l’indemnité de congés payés 2011-2012,
* 5 554,35 euros au titre de la prime semestrielle du 1er juillet au 27 novembre 2011
– condamné la société UBAT CONTROLE à verser à Monsieur [H] [M]-[Z] la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
– condamné la société UBAT CONTROLE à verser à Monsieur [H] [M]-[Z] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire
– fixé le salaire moyen de Monsieur [H] [M]-[Z] à la somme de 5 451,96 euros
-condamné la société UBAT CONTROLE à verser à Monsieur [H] [M]-[Z] la somme de 1 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– débouté la société UBAT CONTROLE de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires
– condamné la société UBAT CONTROLE aux dépens de l’instance.
La société Ubat Contrôle a interjeté appel de ce jugement, le 8 novembre 2019.
Elle demande à la cour :
– d’infirmer le jugement
statuant de nouveau :
– de débouter Monsieur [M]-[Z] de toutes ses demandes
-d’accueillir ses demandes reconventionnelles et de condamner Monsieur [M]-[Z] à lui verser les sommes suivantes :
* 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;
* 5 000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– de condamner Monsieur [M]-[Z] aux dépens, ce compris les dépens éventuels d’exécution.
M. [M]-[Z] demande à la cour :
– de dire l’appel formé par la société UBAT CONTROLE infondé ;
en conséquence,
– de confirmer le jugement en ce qu’il a :
– dit que sa faute lourde n’était pas avérée
– condamné en conséquence la SAS UBAT CONTROLE à lui verser les sommes suivantes :
* 8 234,62 euros au titre du solde de l’indemnité de préavis du 23 septembre 2011 au 27 novembre 2011,
* 823,46 euros au titre des congés payés afférents,
* 2 113,65 euros au titre de l’indemnité de congés payés 2011-2012,
* 5 554,35 euros au titre de la prime semestrielle du 1er juillet au 27 novembre 2011, outre intérêts de droit à compter de la demande, soit à compter du 10 mai 2012,
– de porter la condamnation à lui payer des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail à la somme de 5 000 euros
– de porter la condamnation à lui payer des dommages et intérêts pour préjudice moral et tentative d’intimidation à la somme de 10 000 euros
– de débouter la société UBAT CONTROLE de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– de condamner la société UBAT CONTROLE à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– de la condamner aux dépens de la procédure d’appel, ce compris les dépens éventuels d’exécution.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 septembre 2022.
SUR CE :
Sur l’exécution du contrat de travail
Le conseil de prud’hommes a considéré que la société n’avait pas respecté les termes du contrat de travail et commis une exécution déloyale du contrat de travail au motif que :
– dix mois après son embauche, aucune formation n’avait été dispensée au salarié et que le courriel d’alerte de ce dernier du 6 juin 2011 à ce sujet n’avait donné lieu à aucune réponse de la direction
– les problèmes relatés par le salarié en termes de management et de prise de décisions unilatérales constituaient également des manquements de la société Ubat Contrôle.
L’employeur conteste l’existence des manquements qui lui sont reprochés, soutenant notamment que le salarié a bénéficié de toutes les formations nécessaires à l’exercice de ses fonctions et qu’il a été formé aux outils des différents processus en vigueur au sein de la société.
Le salarié fait valoir que la société ne justifie pas lui avoir dispensé les formations dont elle fait état, que l’employeur a manqué à ses obligations et à son devoir de loyauté en ne respectant pas les clauses de son contrat de travail et en ne lui fournissant pas les moyens pour exercer ses fonctions dans des conditions convenables et qu’il n’a pas maintenu ses conditions de travail pendant la période du préavis en annonçant son départ aux collaborateurs dès le 27 août 2011, puis en informant le 22 septembre 2011 l’ensemble des clients qu’il n’exerçait plus aucune activité au sein de la société.
L’employeur justifie que M. [M]-[Z] a bénéficié d’un stage de formation à la réalisation de mesures de perméabilité à l’air des bâtiments d’une durée de trois jours du 14 au 16 septembre 2010, mais ne démontre pas que le salarié a suivi les autres formations mentionnées à l’annexe de son contrat de travail (formation de sensibilisation à la problématique de perméabilité des bâtiments, formation à l’utilisation des multiventilateurs pour mesure des bâtiments grand volume, formation à l’utilisation des outils informatiques d’Ubat …)
Pour le surplus, le salarié n’apporte aucun élément autre que ses affirmations dans son courriel du 6 juin 2011 qui permettrait de démontrer que, alors que son contrat de travail lui donnait pour mission d’organiser, recruter et animer le personnel de la région en accord avec la direction, il n’a pas eu la liberté, pendant près d’un an, de recruter le personnel qui lui manquait pour pouvoir organiser son travail correctement et qu’il n’a jamais été consulté lors de l’intégration d’une secrétaire et d’un technicien sur sa région, ce dernier n’étant en réalité affecté qu’à mi-temps sur [Localité 5], ce qui constituerait un manquement de l’employeur à son égard.
Enfin, l’employeur a certes annoncé aux collaborateurs de l’entreprise, le 27 août 2011, le départ du salarié, et aux clients le 22 septembre 2011 que celui-ci n’exerçait plus d’activité au sein de la société, mais le salarié avait démissionné le 17 août 2011 et il a été mis à pied le 22 septembre 2011, de sorte que ces agissements ne sont pas fautifs.
Dès lors, seul le non-respect par l’employeur de l’obligation de formation à laquelle il s’était engagé est établi.
Le préjudice ainsi causé au salarié dans l’exercice de ses missions doit être indemnisé par l’allocation de la somme de 1 000 euros, à laquelle il convient de réduire le montant des dommages et intérêts alloués par les premiers juges au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail.
Sur la rupture anticipée du préavis pour faute lourde
En application de la convention collective, pour les ingénieurs et cadres, la durée du préavis est de 3 mois, quelle que soit la partie qui dénonce le contrat. Le préavis n’est pas dû en cas de faute grave ou lourde du salarié.
Le salarié ayant démissionné le 17 août 2011, son préavis expirait le 17 novembre 2011.
L’employeur a rompu le préavis le 3 novembre 2011, au motif que le salarié avait commis une faute lourde pendant l’exécution de celui-ci.
La lettre de rupture anticipée du préavis du 3 novembre 2011 est rédigée en ces termes :
” Vous avez offert une formation pratique gratuite à un Monsieur [N] sans notre accord.
Vous avez fourni un support de formation de type FOR150 à Monsieur [V] de chez ALDES (votre ancienne société), et ce sans facturation.
Il en est de même pour Madame [U] (UTIADE.COM) et Monsieur [D] (MAISON CEVI).
Vous utilisez une adresse e-mail de la concurrence : [Courriel 6]
Nous avons retrouvé sur le PC mis à votre disposition un devis pour l’achat d’une machine de contrôle à votre nom, avec téléphone portable de fonction de chez UBAT, mais adresse e-mail de la concurrence.
Nous avons retrouvé sur le PC mis à votre disposition un compte prévisionnel en vue de la création d’une filiale DIAGTHERMSUD (début d’activité 1er octobre 2011), pour une activité strictement concurrente de notre activité.
Nous avons retrouvé sur le PC mis à votre disposition des tableaux financiers pour le même projet de création.
Nous avons retrouvé sur le PC un contrat d’apporteur d’affaires entre une société composée de [E] [C] et [H] [M] et la société BASTIDE et BONDOUX notre principal partenaire. Ce contrat reprenant les mêmes principes que celui que nous avons avec ce partenaire.
Nous avons repris sur votre PC un mail de [E] [C] transmettant à un client une offre de prix pour des DPE au nom de sa propre société ADPE et précisant que cela faisait suite à un rendez-vous que vous aviez eu avec ce client.
L’ensemble de ces faits caractérise une intention manifeste de nuire aux intérêts de l’entreprise et justifie la rupture de votre préavis pour faute lourde.
Vous vous êtes servi volontairement et intentionnellement, alors que vous étiez encore salarié de notre société, des moyens de notre entreprise pour créer une entreprise concurrente, et à notre détriment.
Outre que ces faits d’une gravité exceptionnelle, pour lesquelles vous n’avez donné aucune raison logique ou valable, justifient pleinement la rupture de votre préavis, nous nous réservons le droit d’agir devant les tribunaux compétents (…) “.
C’est à tort que le conseil de prud’hommes s’est prononcé sur le bien-fondé d’une mesure de licenciement qui n’a jamais été prise, puisque le contrat de travail avait déjà été rompu par le salarié et que ce dernier n’a pas demandé que sa démission soit qualifiée de prise d’acte aux torts de l’employeur.
L’employeur n’a pas repris dans la lettre de rupture anticipée du préavis le grief tenant aux absences sans autorisation et au déplacement prévisionnel à l’étranger du salarié énoncé à l’appui de la mesure de mise à pied conservatoire notifiée le 22 septembre 2011, de sorte qu’il n’y a pas lieu de l’examiner.
La société reproche au salarié la violation de son obligation de loyauté et l’utilisation des moyens de l’entreprise aux fins de création d’une entreprise concurrente.
Le salarié soutient que rien ne peut lui être reproché, dès lors que la société ne rapporte pas la preuve de ce qu’il avait commencé concrètement une activité concurrente durant l’exécution de son contrat de travail, s’agissant de projets divers sans actes de concurrence directs, alors que la clause de non concurrence insérée au contrat de travail ne trouvait pas à s’appliquer.
Le conseil de prud’hommes a retenu en premier lieu que, la plainte pénale déposée par la société ayant fait l’objet d’une ordonnance de non-lieu en décembre 2017, la ‘relaxe’ au pénal s’impose au juge judiciaire selon le principe de l’autorité au civil de la chose jugée au pénal, en deuxième lieu que la société n’apporte pas la preuve d’un préjudice qu’elle aurait subi du fait des agissements reprochés au salarié, en troisième lieu qu’elle ne justifie pas d’une situation urgente qu’elle aurait connue du fait des actions du salarié.
La faute lourde est celle commise par un salarié avec l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise.
Selon procès-verbal en date du 3 octobre 2011, en présence de l’huissier de justice chargé du constat, l’employeur a extrait le disque dur de l’ordinateur professionnel de M. [M]-[Z] et l’a copié sur deux disques durs externes, puis, l’huissier de justice a constaté que le transfert s’était effectué sans erreur de copie et que les deux disques avaient été dupliqués intégralement par rapport au disque original.
Le disque dur copié a été analysé par un expert privé qui a conclu dans son rapport du 14 novembre 2011 que :
– quatre courriels avaient été envoyés par M. [M]-[Z] à des personnes les 1er et 29 juin 2011, 1er juillet 2011 et 12 septembre 2011avec en annexe une pièce jointe : ‘présentation perméabilité’ ou ‘présentation perméabilité Girardon’ et un courriel avait été envoyé à M. [M]-[Z] le 6 juin 2011 par Mme [C] avec en annexe une pièce jointe ‘devisneimark’
– plusieurs documents bureautiques figuraient sur le disque dur avant le 22 septembre 2011 (devis, compta prévisionnel, tableaux financiers, contrat , modèle FP, dossier DQ)
– avaient été relevées des traces d’un répertoire UBAT et d’un répertoire MAIRIE sur des supports externes de mémoire
– un document power point ‘perméabilité de l’air des bâtimentsdiagtherm.pptx avait été créé le 4 avril 2011 sur le disque dur
– il existait une adresse mail [Courriel 6] .
La société Ubat Contrôle explique qu’il résulte des constatations ainsi effectuées que des supports de formation établis par elle et lui appartenant ont été transférés à des tiers, y compris des entreprises concurrentes, qu’en effet, le salarié a adressé à l’un de ses anciens collègues dans une précédente société, M. [V], ainsi qu’à Mme [U] et à M. [D] le support de formation FOR 150, formation régulièrement dispensée par l’entreprise et vendue au prix de 2 700 euros hors taxe, et qu’il a offert, sans son accord, une formation gratuite à M. [N], formateur dans le centre de formation Enerconseil, son concurrent direct, sur le thème de la ‘qualité de mise en oeuvre et d’étanchéité à l’air’.
Elle ajoute que les devis et autres documents décrits dans le rapport montrent que, pendant l’exécution du préavis, M. [M]-[Z] travaillait à la création d’une entreprise concurrente (Diagtherm Sud), avait préparé un contrat d’apporteur d’affaires entre cette future société et un bureau d’études techniques, principal partenaire de la société Ubat Contrôle, et avait démarché un client de l’entreprise pour le compte d’une autre société concurrente (ADPE) qui lui transmettait le 6 juin 2011 un devis daté du 3 juin 2011 (donc antérieur à la démission du salarié).
Toutefois, comme le fait justement observer le salarié, la société Ubat Contrôle ne justifie pas de ce que la pièce jointe ‘présentation perméabilité’ constituait un support de formation qu’elle avait elle-même créé et que le salarié aurait fourni ‘gratuitement’ à des concurrents, alors qu’il était notamment chargé de vendre, organiser et réaliser les formations FOR 150, sur lesquelles il percevait une prime sur objectifs.
Il apparaît que la pièce jointe litigieuse est en réalité une présentation que le salarié déclare, sans que l’employeur en apporte la preuve contraire, avoir réalisée lui-même et transmise à différents clients potentiels, dans le cadre de sa mission contractuelle, à savoir ‘mettre en application et promouvoir la politique commerciale, technique et formation définie par la gérance d’Ubat Contrôle auprès de l’ensemble de notre clientèle, en assumant plus spécialement la responsabilité des ventes, des formations et de toutes autres missions liées au marché de la construction’ sur le secteur géographique qui lui était attribué.
Les autres documents contenus dans l’ordinateur professionnel de M. [M]-[Z] et le devis reçu ne démontrent, ni que le salarié, lequel reconnaît au demeurant avoir effectué des actes préparatoires à la création d’une société, a créé pendant la période du préavis une société concurrente pour laquelle il aurait commencé à travailler pendant la relation de travail, ni qu’il a détourné des clients de la société Ubat Contrôle.
La matérialité des griefs n’étant pas démontrée, la rupture anticipée du préavis pour faute lourde n’est pas justifiée.
La société Ubat Contrôle ne remet pas en cause le calcul des sommes allouées au salarié au titre du solde de l’indemnité compensatrice de préavis et des indemnités de congés payés.
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
L’annexe au contrat de travail de M. [M]-[Z] stipule qu’une prime semestrielle est calculée à partir de l’équation suivante : (CA HT des 6 mois – 80 K euros) x 5 % avec un seuil maximum à 250 K euros de chiffre d’affaire hors taxe pour 6 mois, que la base du chiffre d’affaires est le chiffre d’affaires facturé et que la prime semestrielle sur objectif de chiffre d’affaires est calculée et versée à fin juin et fin décembre.
L’employeur soutient que M. [M]-[Z] a déjà perçu une prime de 13 277 euros bruts (6 277 euros en janvier 2010 et 7 000 euros en juillet 2011), ce qui représente plus que les droits auxquels il pouvait prétendre, si bien que sa demande en paiement n’est pas justifiée.
Toutefois, dans la mesure où le salarié a travaillé du 1er juillet au 22 septembre 2011, il est en droit de prétendre au versement d’une prime en proportion du chiffre d’affaires réalisé et du nombre de jours travaillés.
En l’absence d’élément permettant de déterminer le chiffre d’affaires réalisé, il convient de se référer au montant de la prime perçue au premier semestre 2011, soit 7 000 euros.
La demande en paiement de la prime variable est dès lors justifiée à hauteur de la somme de 3 500 euros bruts (7000/6 x 3) à laquelle il convient de réduire la condamnation prononcée à ce titre.
Le conseil de prud’hommes a alloué au salarié des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral distinct de celui causé par la rupture.
La société a attendu le résultat de l’expertise privée mise en oeuvre par ses soins pour signifier au salarié la rupture de son préavis pour faute lourde, deux mois après la notification de sa mise à pied conservatoire, ce qui ne peut lui être reproché.
Elle a déposé plainte contre le salarié en 2012, puis s’est constituée partie civile devant le juge d’instruction, le 12 mai 2014.
Elle n’est pas responsable de la durée de la procédure pénale.
Les autres fautes invoquées à l’encontre de l’employeur ne sont pas suffisamment établies par l’attestation du responsable de la société Guiotto décrivant une altercation survenue le 13 octobre 2011 sur son chantier, en présence de clients, provoquée par un responsable de la société Ubat Contrôle.
Dans ces conditions, la preuve de la faute de l’employeur telle qu’alléguée n’étant pas rapportée, il convient, infirmant le jugement qui l’a accueillie, de rejeter la demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral formée par le salarié.
Il y a lieu de confirmer le jugement qui a rejeté la demande reconventionnelle de l’employeur en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive, le salarié obtenant partiellement gain de cause en ses demandes.
Compte-tenu de l’issue apportée au litige, la société doit être condamnée aux dépens d’appel et à payer au salarié la somme de 1 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :
INFIRME le jugement en ce qu’il a condamné la société Ubat Contrôle à payer à M. [M]-[Z] des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, ainsi qu’en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail et le montant de la condamnation à payer une prime variable
STATUANT à nouveau sur ces points,
REJETTE la demande en dommages et intérêts de M. [H] [M]-[Z] en réparation de son préjudice moral
REDUIT à la somme de 1 000 euros le montant des dommages et intérêts alloués à M. [H] [M]-[Z] au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail
REDUIT à la somme de 3 500 euros le montant de la prime variable allouée à M. [H] [M]-[Z]
CONFIRME le jugement pour le surplus de ses dispositions
CONDAMNE la société Ubat Contrôle aux dépens d’appel
CONDAMNE la société Ubat Contrôle à payer à M. [H] [M]-[Z] la somme de 1 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE