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9 février 2023
Cour d’appel de Poitiers
RG n°
19/02191
PC/PR
ARRET N° 77
N° RG 19/02191
N° Portalis DBV5-V-B7D-FY6O
SCP [I] [J] ès qualités de mandataire liquidateur de la S.A.S. DYNAMIQUE SYSTEME COMMUNICATION
C/
[T]
UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 4]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre sociale
ARRÊT DU 09 FEVRIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 mai 2019 rendu par le conseil de Prud’hommes de LA ROCHELLE
INTERVENANTE FORCÉE – APPELANTE :
SCP [I] [J] ès qualités de mandataire liquidateur
de la S.A.S. DYNAMIQUE SYSTEME COMMUNICATION
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Assignée en intervention forcée le 17 septembre 2021
Ayant pour avocat Me Uguette PETILLION substitituée par Me Frédéric MADY de la SELARL MADY-GILLET- BRIAND-PETILLION , avocats au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
INTIMÉ :
Monsieur [W] [T]
né le 08 Juin 1982 à [Localité 5] (49)
[Adresse 1]
[Localité 4]
Ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON – YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS
Ayant pour avocat plaidant Me Matthieu BARANDAS de la SELARL GALINAT BARANDAS substitué par Me Sylvie BOURDENS, avocats au barreau de BORDEAUX
INTERVENANTE FORCÉE – INTIMÉE
UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 4]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Assignée en intervention forcée le 16 septembre 2021
Ayant pour avocat Me Renaud BOUYSSI de la SELARL ARZEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés, l’affaire a été débattue le 12 octobre 2022, en audience publique, devant :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Valérie COLLET, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIÈRE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par contrat du 12 septembre 2016, M. [W] [T], dirigeant d’une société dénommée Evolution-Publicité, a cédé à la SAS Dynamique Système Communication (ci-après DSC), les noms de domaines que sa société avait en gestion.
Le 14 septembre 2016, le tribunal de commerce de Niort a prononcé la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Evolution Publicité.
Le 19 septembre 2016, un contrat d’apporteur d’affaires a été conclu entre M. [T] et la société DSC.
Le 2 novembre 2016, les parties ont signé un contrat de travail à durée indéterminée, M. [T] étant engagé en qualité de commercial, statut cadre.
M. [T] s’est vu notifier le 6 mars 2018 un avertissement au titre de la conclusion d’un contrat entraînant un déficit de 362,20 €.
Par LRAR du 3 avril 2018, l’employeur a convoqué M. [T] à un entretien préalable à un éventuel licenciement en lui notifiant sa mise à pied à titre conservatoire à effet immédiat.
M. [T] s’st vu notifier son licenciement pour faute grave par une LRAR du 14 mai 2018 ainsi motivée :
– en date du 6 mars 2018, nous vous avons adressé un courrier vous notifiant un avertissement relatif au dossier du client AD Garage [Localité 7] laissant apparaître un déficit de 362,20 € à la charge de la société DSC et engagé par votre action chez ce client,
– en date du 9 janvier 2018, lors de votre rendez-vous avec la société CLCT … vous avez affirmé que son commercial Pages Jaunes (notre principal client et partenaire stratégique) avait été muté et avez ainsi conclu ce rendez-vous par la signature d’un contrat. La cliente ayant vérifié vos dires a appris que vous lui aviez menti ce qui a conduit la cliente à revoir son commercial Pages Jaunes et resigner avec lui, nous mettant en porte à faux vis-à-vis de notre client et de notre partenaire.
– le 23 mars 2018, vous avez rendez-vous avec la société Au Fil du Bois et le client avait donné une consigne importante selon laquelle vous deviez l’informer de l’heure de votre arrivée dans ses locaux, précisant le caractère impératif de sa demande eu égard à ses rendez-vous professionnels ; or, vous avez contacté votre client à 12 h ce jour-là alors qu’il vous attendait toute la matinée et n’était plus disponible l’après-midi,
– le 15 mars 2018, vous avez visité le client Express Pneu plus et sa gérante n’ayant aucune nouvelle à l’issue du rendez-vous a relancé la société Stratphone pour obtenir un devis, très mécontente du manque de réactivité de votre part alors que vous vous étiez engagé à lui communiquer, à l’issue de votre rendez-vous, un devis pour qu’elle prenne rapidement sa décision de signer avec nous,
– ces différents manquements à vos obligations professionnelles mettant en péril la notoriété et la rentabilité de notre société sont constitutifs de faute grave…
Par acte du 29 août 2018, M. [T] a saisi le conseil de prud’hommes de La Rochelle d’une action en requalification du contrat d’apporteur d’affaires en contrat à durée indéterminée à temps complet, en annulation de l’avertissement du 6 mars 2018, en contestation de son licenciement et en paiement de diverses indemnités tant au titre de la rupture injustifiée du contrat de travail que de l’exécution déloyale dudit contrat.
Par jugement du 28 mai 2019, le conseil de prud’hommes de La Rochelle a :
– dit que le licenciement de M. [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamné la S.A.S. DSC à lui payer les sommes, assorties des intérêts de droit à compter de la saisine, de :
> 2 034,50 € brut à titre de rappel de salaire pour la mise à pied et 203,45 € au titre des congés payés y afférents,
> 10 200 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 1 020 € brut au titre des congés payés y afférents,
> 6 800 € net à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
> 2 883,97 € brut au titre de la clause de non-concurrence,
> 800 € au titre de l’article 700 du C.P.C.,
– débouté M. [T] du surplus de ses demandes,
– fixé à la somme de 3 400 € brut la moyenne des trois derniers mois de salaire (article R1454-28 du code du travail),
– condamné la S.A.S. DSC aux dépens.
La S.A.S. DSC a interjeté appel de cette décision selon déclaration transmise au greffe de la cour le 24 juin 2019, contestant le jugement en ce qu’il a déclaré le licenciement de M. [T] dépourvu de cause réelle et sérieuse et l’a condamnée au paiement des sommes précitées.
Par jugement du 14 avril 2020, le tribunal de commerce de La Rochelle a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société DSC, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 15 décembre 2020, désignant Me [I] [J] en qualité de mandataire liquidateur.
Par acte signifié le 17 septembre 2021, Monsieur [T] a appelé en intervention forcée la SCP [I] [J] ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Dynamique Système Communication.
Par acte signifié le 16 septembre 2021, Monsieur [T] a appelé en intervention forcée le CGEA de [Localité 4] qui a formé appel incident du jugement du 28 mai 2019.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 14 septembre 2022.
Au terme de ses dernières conclusions du 28 mars 2022, auxquelles il convient à ce stade de se référer pour l’exposé détaillé des éléments de droit et de fait, la S.C.P. [I] [J], ès qualités de mandataire liquidateur de la S.A.S. DSC, demande à la cour :
– de réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :
> dit que le licenciement de M. [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
> condamné la S.A.S. DSC à lui payer les sommes, assorties des intérêts de droit à compter de la saisine, de 2 034,50 € brut à titre de rappel de salaire pour la mise à pied et 203,45 € au titre des congés payés y afférents, 10 200 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 1 020 € brut au titre des congés payés y afférents, 6 800 € net à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2 883,97 € brut au titre de la clause de non-concurrence et 800 € au titre de l’article 700 du C.P.C.,
> fixé à la somme de 3 400 € brut la moyenne des trois derniers mois de salaire (article R1454-28 du code du travail),
> condamné la S.A.S. DSC aux dépens,
– statuant à nouveau :
> à titre principal, de débouter M. [T] de toutes ses demandes et de confirmer la décision pour le surplus,
> subsidiairement, sur la clause de non-concurrence :
* de juger que la renonciation de la S.A.S. DSC du 1er juin 2018 a été valablement exprimée et produit effet pour l’avenir à compter de cette date,
* de donner acte à Me [J], ès qualités, qu’elle versera à M. [T] la somme de 291,30 € brut au titre de la clause de non-concurrence, du 16 mai 2018 au 1er juin 2018,
> en toute hypothèse, de condamner M. [T] à payer à Me [J], ès qualités, la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du C.P.C., outre les entiers dépens.
Par conclusions remises et notifiées le 26 juillet 2022, auxquelles il convient à ce stade de se référer pour l’exposé détaillé des éléments de droit et de fait, M. [T] formant appel incident, demande à la cour :
– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la S.A.S. DSC à lui payer les sommes de 2 034,50 € brut à titre de rappel de salaire pour la mise à pied et 203,45 € au titre des congés payés y afférents, 10 200 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 1 020 € brut au titre des congés payés y afférents et 2 883,97 € brut au titre de la clause de non-concurrence et d’ordonner la fixation de ces sommes au passif de la société DSC,
– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande de requalification du contrat d’apporteur d’affaires en contrat à durée indéterminée, de sa demande d’indemnité au titre du travail dissimulé, de sa demande d’annulation de l’avertissement du 6 mars 2018, de sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral subi, de sa demande de dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail, de sa demande de paiement de l’indemnité légale de licenciement, de sa demande de dommages-intérêts pour conditions brutales et vexatoires de la rupture du contrat de travail et en ce qu’il a fixé le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 6 800 €,
– statuant à nouveau :
> de requalifier le contrat d’apporteur d’affaires du 19 septembre 2016 en contrat à durée indéterminée à temps complet, de fixer son ancienneté dans la société à compter du 19 septembre 2016, de juger que la S.A.S. DSC a commis des faits de travail dissimulé sur la période du 19 septembre 2016 au 1er novembre 2016 et d’ordonner la fixation à son passif de la somme de 20 400 € à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,
> d’annuler l’avertissement notifié le 6 mars 2018 et de fixer au passif de la liquidation judiciaire la somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi,
> de fixer au passif de la liquidation judiciaire la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à ses obligations contractuelles d’exécuter le contrat de travail de bonne foi et loyalement,
> sur la rupture du contrat de travail :
* d’ordonner la fixation au passif de la liquidation judiciaire des sommes de 1 629,16 € à titre d’indemnité légale de licenciement, 10 200 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 5 000 € à titre de dommages-intérêts au titre des conditions brutales et vexatoires de la rupture du contrat de travail,
* subsidiairement : de fixer au passif de la liquidation judiciaire la somme de 3 400 € au titre des irrégularités de procédure,
– en toute hypothèse, de condamner la SCP [I] [J], ès qualités, à lui payer la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du C.P.C., de juger que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes pour les sommes à caractère salarial et à compter de la décision pour les sommes à caractère indemnitaire, avec capitalisation sur le fondement de l’article 1154 du code civil, d’ordonner la remise des bulletins de paie de septembre et octobre 2016 ainsi que ceux d’avril et mai 2018 et d’une attestation Pôle Emploi rectifiée,
– de déclarer opposable au CGEA le jugement (sic) à intervenir.
Par conclusions du 16 décembre 2021, auxquelles il convient à ce stade de se référer pour l’exposé détaillé des éléments de droit et de fait, l’Unedic Délégation AGS CGEA de [Localité 4] (ci-après CGEA), formant appel incident, demande à la cour :
– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré le licenciement de M. [T] dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la S.A.S. DSC à lui payer les sommes de 2 034,50 € brut à titre de rappel de salaire pour la mise à pied et 203,45 € au titre des congés payés y afférents, 10 200 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 1 020 € brut au titre des congés payés y afférents, 6 800 € net à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2 883,97 € brut au titre de la clause de non-concurrence et 800 € au titre de l’article 700 du C.P.C.,
– statuant à nouveau, de débouter M. [T] de toutes ses demandes,
– de confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
– en toute hypothèse, de juger que la décision à intervenir ne sera opposable au CGEA que dans les limites légales et sous réserve d’un recours pouvant être introduit, que le CGEA ne pourra consentir d’avances au mandataire liquidateur que dans la mesure où la demande entre bien dans le cadre des dispositions des article L3253-6 et suivants du code du travail, que l’AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L3253-17 et suivants et D3253-5 du code du travail, de juger que les sommes qui pourraient être fixées au titre des dommages-intérêts procéduraux ou ne découlant pas directement de l’exécution du contrat de travail, telles qu’astreintes, dépens ainsi que sommes dues au titre de l’article 700 du C.P.C., sont exclues de la garantie AGS de sorte que les décisions à intervenir sur de telles demandes ne pourront être déclarées opposables au CGEA qu devra être mis hors de cause.
MOTIFS
I – Sur la demande tendant à la requalification du contrat d’apporteur d’affaires en contrat de travail et les demandes subséquentes :
Après rappel du droit positif en termes de compétence matérielle du conseil de prud’hommes pour statuer sur l’existence d’un contrat de travail, de charge de la preuve de l’existence d’un contrat de travail et de critères distinctifs de celui-ci, M. [T] soutient :
– que le contrat litigieux d’apporteur d’affaires a été conclu par lui à titre personnel et non au titre de la société dont il était gérant, faisant alors déjà l’objet d’une procédure collective, qu’il n’était pas immatriculé à titre personnel au registre du commerce et des sociétés, n’a jamais été engagé en qualité d’agent commercial mais de commercial salarié, travaillant à titre personnel au seul profit de DSC de sorte qu’il ne peut être considéré qu’il y a eu un simple retard dans son inscription en qualité de travailleur indépendant,
– que la situation factuelle était identique, avant ou après le 2 novembre 2016, que l’objet du contrat d’apporteur d’affaires était identique à celui du contrat de travail postérieur, M. [T] devant signaler à DSC l’existence de tout prospect susceptible d’être intéressé par les produits Pages Jaunes, site internet, réseaux sociaux et le mettre en relation avec DSC en vue de favoriser la conclusion d’une vente,
– qu’il ne bénéficiait pas d’une indépendance totale pour l’organisation de son activité, dès lors que les rendez-vous étaient fournis par DSC et que son emploi du temps dépendait donc de celle-ci, qu’il n’avait aucune action de prospection à réaliser, les rendez-vous étant pris sur une plate-forme commune à tous les commerciaux salariés, qu’il établissait ses factures sur la base des informations transmises par la société quant aux contrats pris en compte pour le paiement de la commission, qu’il accomplissait le même travail que les autres commerciaux, sous les directives et instructions de la société qui avait mis à sa disposition un véhicule et un téléphone portable, de sorte qu’il ne supportait aucuns frais liés à son activité, contrairement à un travailleur indépendant,
-que le fait que sa rémunération (uniquement basée sur des commissions) était différente de celle des commerciaux salariés (percevant un salaire fixe outre des commissions) doit demeurer sans incidence dès lors que son taux de commissionnement était plus important pour compenser l’absence de fixe et pour inclure ses frais de déplacement, ce qui lui procurait une rémunération équivalente à celle des autres commerciaux,
– que le contrat d’apporteur d’affaires dissimulait un poste de commercial ayant une activité exclusive pour DSC, que la facturation était établie sur la base des informations transmises par la société quant aux contrats conclus, que l’objet de ce faux contrat d’apporteur d’affaires, constituant une période d’essai déguisée, était de tester ses capacités commerciales et de vérifier que la cession de noms de domaines réalisée pouvait être fructueuse,
– qu’à cet égard, la société DSC a fait l’objet d’un contrôle URSSAF qui a conduit à un procès-verbal de travail dissimulé dont il a sollicité vainement la communication, qu’est à cet égard versé aux débats un échange de mails entre son conseil et l’URSSAF, pièce 38) établissant que cet organisme l’a requalifié en salarié à l’issue du contrôle pour la période du 19 septembre au 31 octobre 2016 (pièce 38),
– qu’il en résulte que son ancienneté dans l’entreprise doit être prise en compte depuis le 19 septembre 2016.
La SCP [J], ès qualités, conclut au débouté de M. [T] en soutenant :
– que le contrat litigieux a été signé dans un contexte particulier alors que l’entreprise de M. [T] rencontrait des difficultés et que les parties pensaient pouvoir créer une synergie favorable pour les deux structures, M. [T] cédant, en sa qualité de dirigeant de sa société, les noms de domaine qu’il possédait et signant, à titre personnel, un contrat d’apporteur d’affaires,
– que M. [T] ne justifie pas d’un lien de subordination inhérent au contrat de travail : qu’ainsi aucune consigné ne lui a jamais été donnée pendant la période litigieuse, que la collaboration entre deux entités indépendantes n’est pas visée par l’article L8223-1 du code du travail, que pendant cette période il y a eu partenariat entre personnes immatriculées au RCS, M. [T] ne pouvant être dirigeant de sa structure et salarié d’une société concurrente,
– que dès lors qu’au moment de la signature du contrat d’apporteur d’affaires, M. [T] était gérant d’une société immatriculée au RCS, cette relation ne peut être considérée que comme une relation d’affaires, l’apporteur ayant reçu mandat pour le compte de sa mandante.
Le CGEA conclut au débouté de M. [T] en exposant que celui-ci est resté libre de tout lien de subordination pendant la première période de collaboration caractérisant un contrat de partenariat entre deux structures indépendantes.
Sur ce,
L’existence d’une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité litigieuse, la relation de travail étant caractérisée par l’exécution d’une prestation, par le versement d’une rémunération en contre partie et par l’existence d’un lien de subordination consistant dans le pouvoir de l’employeur de donner des directives, d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner le non-respect.
Il appartient à celui qui se prévaut d’un contrat de travail d’en établir l’existence et, à l’inverse, en présence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en apporter la preuve.
En l’espèce, a été conclu pour la période litigieuse, courant du 19 septembre 2016 (soit postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire de la société Evolution Publicité, par jugement du 14 septembre 2016, cf. extrait Kbis, pièce 1 de l’intimé) au 1er novembre 2016, un contrat ‘d’apporteur d’affaires’ stipulant :
– que l’apporteur s’engage à signaler au bénéficiaire l’existence de tout prospect susceptible d’être intéressé par les produits Pages jaunes, site internet, réseaux sociaux, booster commercialisés par ce dernier et qu’il mettra en relation le prospect et le bénéficiaire en vue de favoriser la conclusion d’une vente par le bénéficiaire au profit du prospect,
– que l’apporteur bénéficie d’une indépendance totale pour l’organisation de son activité et pour le choix de ses collaborateurs,
– que la collaboration apportée par l’apporteur sera rémunérée par une commission de 30 % sur le montant H.T. de toute vente que son intervention aura permis au bénéficiaire de réaliser mais qu’aucune commission ne sera due en cas d’insolvabilité notoire d’une personne qui aurait passé une commande et d’impossibilité d’exécuter une commande en cas de force majeure, les commissions étant payables à réception des factures adressées au bénéficiaire par l’apporteur qui reconnaît qu’il ne disposera d’aucun droit de propriété sur les clients qu’il apportera au bénéficiaire.
Au soutien de sa demande de requalification du contrat et de la démonstration du lien de subordination caractéristique d’une relation de travail, M. [T] verse aux débats (pièces 24 et 38) :
– une capture d’écran d’un message électronique du 18 octobre 2016 adressé par le ‘responsable phoning’ de DSC tant aux commerciaux de l’entreprise qu’à lui-même, intitulé ‘codage des RV’, ainsi rédigé : je reviens vers vous pour vous expliquer le codage normal dans les bandeaux des RV pris par les assistants/ VU, VU PERDU, VU 2V, VU 2V JE GERE, VU SIGNE, NON QUALIFIE, ABSENT. Merci de respecter ce codage et veillez à indiquer le résultat des rdv au jour le jour pour la bonne gestion des plannings, si vous êtes en retard pour le prochain rdv, merci de contacter l’assistante au plus vite pour gérer la suite,
– une copie d’écran d’un message électronique de la responsable administrative, daté du 24 octobre 2016 : merci de bien vouloir récupérer les RIB manquants des clients suivants : Accès Automatique Système 033, Informatique Services 033, Atout Concept 017
– copie d’écran d’un message de la responsable administrative du 13 octobre 2016 : voici le tableau récapitulatif rectifié de septembre. En votre qualité d’apporteur d’affaires, merci de me renvoyer votre tableau et votre facture rectifiés,
– copie d’un mail adressé le 13 octobre 2020 par un inspecteur de l’URSSAF Poitou-Charentes à son conseil : M. [T] a bien été requalifié en salarié à l’issue du contrôle dont la société DSC a fait l’objet et rétabli dans ses droits sur la période du 19.09.2016 au 31.10.2016 ; l’infraction de travail dissimulé n’a toutefois pas été relevée à l’encontre de son employeur.
Il doit être considéré :
– qu’il ne peut être sérieusement soutenu, comme le prétendent les intimés, qu’entre le 19 septembre et le 2 novembre 2016, il y a eu partenariat entre personnes immatriculées au RCS alors qu’à la date de signature du contrat d’apporteur d’affaires, la société Evolution-Publicité qui avait déjà transféré à DSC les noms de domaines qu’elle avait en gestion, avait également fait l’objet d’un jugement de liquidation judiciaire,
– que les éléments produits par M. [T] émanant des propres services de DSC établissent l’existence de directives/consignes émanant de DSC et d’un contrôle de l’activité, en termes de prises de rendez-vous mais également d’un contrôle de l’activité impliquant, même s’il n’a pas été mis en oeuvre compte-tenu de la brièveté de la période considérée, un pouvoir de sanction.
Il convient dès lors, réformant de ce chef le jugement entrepris, de juger qu’est rapportée la preuve d’un contrat de travail pour la période comprise entre le 19 septembre et le 1er novembre 2016 et que l’ancienneté de M. [T] au sein de DSC doit être calculée à compter du 19 septembre 2016.
S’agissant de la demande tendant à l’octroi d’une indemnité pour travail dissimulé, il doit être considéré :
– que si l’article L.8221-5-2° du code du travail dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de se soustraire à l’établissement d’une déclaration préalable à l’embauche ou à la délivrance d’un bulletin de paie, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ce texte n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle,
-qu’aucun élément versé aux débats n’établit l’intention frauduleuse au regard de la très courte durée de la période litigieuse, inférieure même à la durée maximale d’une période d’essai telle que prévue à l’article L1221-19 du code du travail,
– que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [T] de ce chef de demande.
II – Sur la demande d’annulation de l’avertissement notifié le 6 mars 2018 :
M. [T] s’est vu notifier un avertissement disciplinaire par LRAR du 6 mars 2018 ainsi rédigée :
En date du vendredi 2 mars 2018, nous avons eu à regretter de votre part la réception de votre dossier concernant le client AD Garage [Localité 7] signé en site locatif LOCAM le mardi 27 février 2018.
En effet, ce contrat d’une durée de quatre ans, engage la société DSC que vous représentez et de plus entraîne un déficit de – 362,20 €, montant à la charge de l’entreprise.
Nous préférons nous abstenir de penser que ce dossier a été réalisé dans le but de l’obtention de la prime qui lui est allouée.
Ce fait qui constitue une faute contractuelle nous conduit à vous notifier par la présente un avertissement qui sera versé à votre dossier personnel…
Les premiers juges ont rejeté la contestation de cette sanction par M. [T], considérant qu’il a commis une erreur dans le calcul de ses commissions, significative puisque de 1 200 € à son avantage, que cette erreur a été rectifiée par l’employeur mais que M. [T] a bien commis une faute et que l’avertissement du 6 mars 2018 est tout à fait justifié.
M. [T] conclut à l’infirmation de la décision entreprise en exposant :
– que l’employeur s’est emparé d’une simple erreur involontaire pour lui imputer, au vu et au su de l’ensemble des salariés, une prétendue tentative d’escroquerie au détriment de l’entreprise dans le but d’augmenter artificiellement le montant de ses commissions, générant en outre un solde débiteur de 362 € au préjudice de DSC (pièce 8 : mail du 5 mars 2018 PS de la part d'[S] [G] ; la prochaine tentative d’escroquerie au sein de l’entreprise sera considérée comme une faute lourde avec un licenciement immédiat, ex : [W] [T] – garage [Localité 7] dans le 24 QP pages jaunes 2323,2 € pour 4 éditions, QP Locam (80/mois) 1 961 € soit moins 362,20 à la charge de l’entreprise,
– que cette erreur a été immédiatement corrigée (pièce 10), avec une quote-part positive de 916 €) et que la société a accepté de le commissionner sur cette facturation (pièce 11, mail du 17 mars 2018),
– que l’avertissement notifié le 6 mars 2018 est injustifié puisqu’il s’était expliqué la veille sur son erreur et l’avait rectifiée, qu’une erreur n’est pas une faute caractérisant un manquement volontaire aux obligations contractuelles justifiant une sanction disciplinaire et qu’en l’espèce cette erreur est la résultante d’une modification récente des règles opérée par la société en suite de laquelle celle-ci s’est crue obligée à un rappel de celles-ci,
– que la formulation même de l’avertissement, fondé sur la base d’une hypothétique faute à laquelle l’employeur indique préférer s’abstenir de penser démontre le caractère artificiel et injustifié de la sanction, sauf à confondre erreur et faute, alors que l’erreur, quelle que puisse être son importance, ne relève pas du terrain disciplinaire,
– qu’en toute hypothèse, il avait droit à paiement de la prime sur le contrat litigieuse et qu’il n’est pas établi qu’il aurait volontairement mal appliqué les règles de calcul de prime pour obtenir un paiement indu
– que compte-tenu du caractère injustifié de cette sanction et des conditions dans lesquelles elle a été communiquée, il sollicite l’octroi d’une indemnité de 3 000 € en réparation de son préjudice moral,
La SCP [J], ès qualités, conclut de ce chef à la confirmation du jugement déféré en exposant :
– que M. [T] s’est trompé dans le calcul afférent à un contrat client, que cette erreur a été détectée par l’employeur qui ne pouvait, compte-tenu du nombre de collaborateurs, demeurer sans réaction,
– que le versement de la commission réellement due ne peut être considérée comme un ‘blanc-seing’,
– que l’avertissement est justifié par la tentative de fraude du salarié dont le statut d’ex chef d’entreprise devait le sensibiliser à cette problématique,
– que si la faute avait été volontaire, elle aurait une gravité justifiant la rupture immédiate du contrat et non un simple avertissement, et qu’il n’était pas besoin de faire la démonstration d’une volonté de mal appliquer les règles de calcul dès lors que la faute procède du constat d’une mauvaise application de celles-ci, la faute pouvant être intentionnelle ou non intentionnelle.
Le CGEA conclut également à la confirmation du jugement entrepris en exposant que la matérialité des faits est établie, que M. [T] s’est trompé dans le calcul afférent à un contrat client, que l’erreur a été détectée par l’employeur et qu’il est indifférent que M. [T] ait volontairement ou non commis la faute sanctionnée par l’avertissement.
Sur ce,
Selon l’article L.1333-2 du code du travail, le juge peut annuler un avertissement irrégulier en la forme ou injustifié ou disproportionné à la faute commise.
La matérialité de l’erreur commise par M. [T] n’est pas contestée, celui-ci invoquant son caractère non intentionnel lié à un défaut de maîtrise de règles de calcul récemment modifiées.
Il doit être considéré que l’exécution défectueuse de la prestation de travail ne constitue une faute susceptible d’être sanctionnée sur le terrain disciplinaire que si elle est imputable à une abstention volontaire ou une mauvaise volonté délibérée du salarié.
En l’espèce, par-delà les insinuations contenues dans la lettre d’avertissement, il n’est nullement établi que l’erreur de calcul commise par M. [T] procéderait d’un comportement délibérément malveillant du salarié, lequel excipe du caractère abscons des nouvelles règles de calcul de commissionnement en cas de financement Locam (avenant du 1er février 2018, pièce 5 de l’intimé).
Compte-tenu par ailleurs de l’absence de preuve de tout antécédent, la cour considère que la sanction prononcée à l’encontre du salarié est manifestement disproportionnée, de sorte qu’il y a lieu, réformant de ce chef le jugement déféré, d’en prononcer l’annulation.
Compte-tenu de la liquidation judiciaire de la S.A.S. DSC interdisant toute condamnation à paiement de somme d’argent à son encontre (article L622-21 du code de commerce), la cour fixera à la somme de 1 000 € la créance de M. [T] en réparation du préjudice moral, distinct de celui réparé par l’annulation de l’avertissement du 6 mars 2018, résultant des circonstances vexatoires dans lesquelles l’avertissement est intervenu, spécialement de la mise en cause personnelle de M. [T] dans le mail du 5 mars 2018, diffusé à différents cadres de l’entreprise, le citant comme exemple d’une tentative d’escroquerie à la commission.
III – Sur la demande indemnitaire pour exécution déloyale du contrat de travail :
Les premiers juges ont débouté M. [T] de ce chef de demande considérant qu’il a accepté les conditions prévues dans les contrats qui lui ont été proposés et que, même si les termes de ces contrats manquent parfois de précisions et comportent des irrégularités, il ne rapporte la preuve d’aucun préjudice indemnisable en résultant.
M. [T] conclut à l’infirmation du jugement en faisant valoir :
– que la société DSC lui a imposé la signature d’un contrat d’apporteur d’affaires avant de régulariser un contrat à durée indéterminée lui imposant une période d’essai de trois mois, s’ajoutant à la période d’essai déguisée que constituait le contrat d’apporteur d’affaires,
– qu’engagé en qualité de commercial statut cadre débutant (niveau 3-1), il aurait dû être positionné (par application de l’annexe C ‘grille des critères’ de la convention collective de la publicité, au niveau 3-2 à compter de novembre 2017, pièce 31) ce qui n’a pas été le cas,
– que l’employeur le contraignait, avec l’ensemble des salariés, à participer à une réunion de service hebdomadaire, le samedi matin, sans qu’il ne perçoive aucune rémunération à ce titre alors que l’article 6 de son contrat de travail (prévoyant une rémunération mensuelle forfaitaire incluant la rémunération majorée des heures supplémentaires comprise dans la durée du travail fixée au contrat et qu’il n’est pas tenu compte des dépassements d’horaire nécessités par les fonctions du collaborateur cadre, compris forfaitairement dans leurs rémunérations garanties) n’est pas valable, la rémunération fixe n’englobant aucune majoration pour heures supplémentaires et le forfait de salaire, appliqué à un salarié rémunéré au temps étant illicite lorsqu’il n’indique pas le temps auquel il correspond, le contrat de travail ne précisant pas à quelle durée de travail la rémunération correspond, qu’il en résulte que la rémunération prévue correspond à une durée de travail hebdomadaire de 35 h qu’il dépassait systématiquement, compte-tenu de son secteur d’activité (France entière) et des réunions de service hebdomadaires pour lesquelles il était contraint de faire l’aller-retour entre son domicile bordelais et le siège de l’entreprise,
– que même s’il n’a pas établi un décompte des heures de travail réalisées, les pratiques déloyales de la société DSC doivent être sanctionnées,
– que le fait qu’il ait accepté de signer le contrat de travail ne vaut pas renonciation à toute contestation,
– qu’il justifie d’un préjudice financier constitué par la non-rémunération des heures effectuées au titre des réunions de service hebdomadaires et du non-paiement des heures supplémentaires.
La SCP [J], ès qualités, conclut à la confirmation du jugement entrepris, en exposant :
– que M. [T] tente de donner aux mêmes faits plusieurs qualifications dans le seul but d’augmenter la demande indemnitaire,
– que M. [T] est coupable de la première déloyauté pour avoir tenté de frauder pour obtenir une rémunération plus importante,
– que M. [T] a été engagé en qualité de salarié afin de lui permettre de bénéficier de ressources en suite de la liquidation judiciaire de la société dont il était le gérant,
– que les réunions de service matinales arrangeaient tous les commerciaux qui pouvaient en général partir pour une journée de travail et de prospection et rentrer à des heures ‘normales’ ‘convenables’ à leur domicile, les commerciaux étant libres de s’organiser dans la journée dans la limite de la durée conventionnellement prévue.
Le CGEA conclut également au débouté de M. [T] en exposant :
– qu’il fonde une demande indemnitaire spécifique sur des éléments qui sont en grande partie communs à ceux qu’il invoque à l’appui de sa demande de requalification du contrat d’apporteur d’affaires,
– que c’est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu’il ne démontrait l’existence d’aucun préjudice en lien avec la manière dont DSC aurait exécuté le contrat.
Sur ce,
Les griefs articulés par M. [T] dans ses conclusions sont partiellement établis, s’agissant tant du recours artificiel à un contrat d’apporteur d’affaires, que de la non-reconnaissance du niveau 3-2 de qualification, nonobstant une durée de 12 mois de travail effectif ou assimilé, quelle que soit la date retenue comme marquant le début de la relation de travail.
Cependant, à l’exception de la réunion du samedi 31 mars 2018, il n’est justifié ni de l’organisation, contestée par l’employeur, de réunions de service en dehors des jours ouvrés ni de l’exécution d’heures supplémentaires tant dans leur principe que dans leur quantum.
Les manquements avérés de l’employeur ont causé à M. [T] un préjudice certain en termes de revalorisation de sa rémunération au titre de la non-accession au niveau de qualification supérieur.
La créance de M. [T] au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.S. DCS sera de ce chef, compte-tenu de la durée concernée, fixée à la somme de 500 €, le jugement étant réformé en ce qu’il a débouté M. [T] de ce chef de demande.
IV – Sur la contestation du licenciement :
Les premiers juges ont déclaré le licenciement de M. [T] dépourvu de cause réelle et sérieuse en considérant qu’il apparaissait clairement, sur la foi de deux témoignages qui n’ont pas été contredits, que M. [G] a licencié verbalement M. [T] au cours de la réunion du 31 mars 2018, ce licenciement devenant donc, quels que soient les autres motifs invoqués sans motif réel et sérieux.
La SCP [J], ès qualités, conclut à la réformation du jugement en soutenant :
– s’agissant du prétendu licenciement verbal :
> que la preuve d’un licenciement verbal n’est pas rapportée alors même que M. [T] a continué à exécuter son travail postérieurement à la date du prétendu licenciement de fait et a conservé ses outils de travail (véhicule de société qui n’a été restitué qu’à la date de l’entretien préalable) ce qui explique sa mise à pied conservatoire, notifiée dans la convocation du 3 avril 2018, qu’il n’est pas établi que, si les salariés avaient connaissance des fautes commises par M. [T], la réunion du 31 mars 2018 avait pour but le licenciement verbal de M. [T] dès lors que ce type de réunion faisait partie de la pratique de la société et de ses méthodes de management, alors qu’aucun licenciement ne peut résulter de l’invitation à quitter la réunion pour se rendre dans le bureau de la DRH,
> qu’il est contradictoire de prétendre que M. [G] aurait manifesté sa décision de licencier M. [T] tout en lui offrant un billet de train pour son retour à son domicile,
– s’agissant des motifs énoncés dans la lettre de licenciement :
> que la société des Pages Jaunes est le principal fournisseur de DSC et que tenter de tromper la clientèle en entretenant un confusion entre les commerciaux des Pages Jaunes et ceux de DSC est de nature à lui faire perdre toute possibilité de travail avec celle-là, que lors d’un rendez-vous le 9 janvier 2018, M. [T] a fait croire à une cliente qu’il reprenait la gestion de son contrat publicité pour le compte des Pages Jaunes en précisant que le commercial Pages Jaunes avait été muté, qu’après vérification, la cliente a eu confirmation de la fausseté des affirmations de M. [T] et a resigné avec Pages Jaunes, ainsi que l’établissent des mails internes à DSC (pièce 8),
> que M. [T] s’est révélé défaillant dans l’accomplissement de son travail, notamment dans la gestion des rendez-vous clients et le suivi des commandes :
* le 15 mars 2018, après avoir eu un contact positif avec un client (Express Pneu plus), il a purement et simplement oublié et n’a jamais adressé le devis attendu par la cliente (CLCT) qui a dû appeler le siège de DSC, prospect perdu,
* le 23 mars 2018, M. [T] ne s’est pas rendu à un rendez-vous avec un client qui avait mobilisé son temps de travail (renouvellement Au Fil du Bois) et a manifesté son mécontentement auprès du siège de l’entreprise,
* le 6 mars 2018, M. [T] a effectué de façon artificielle un compte-rendu sur un client pour percevoir une prime qu’il ne pouvait en réalité percevoir
> que si, lors de la réunion du samedi matin, M. [G] a attiré l’attention de tous les commerciaux sur la nécessité de transparence vis-à-vis des clients, cela n’était pas nouveau et qu’à chaque réunion, l’employeur rappelait qu’entretenir la confusion avec les Pages Jaunes est susceptible de licenciement, M. [T] n’étant pas plus visé qu’un autre,
– s’agissant des contestations soulevées par M. [T] :
> que la présence de deux personnes (M. [F], délégataire de M. [G] dans la gestion du personnel commercial) et Mme [O] (DRH en charge du dossier de licenciement) ne peut être assimilable à un ‘très grand nombre de personnes’,
> que les faits concernant la société CLCT ne sont pas prescrits, l’employeur n’en ayant eu connaissance que début avril,
> s’agissant de l’incident avec la société Au fil du Bois : que si les rendez-vous sont pris par une centrale, en cas d’empêchement, le commercial peut appeler indifféremment le client directement, ou la centrale mais qu’il ne peut en aucun cas le laisser dans l’ignorance,
> s’agissant de l’incident Express Pneu Plus, que relancé par la centrale d’appel suite à l’appel de la cliente, M. [T] a indiqué gérer le dossier mais n’a jamais établi le devis et que le contrat a été perdu.
Le CGEA conclut à la réformation du jugement entrepris et au débuté de M. [T] en soutenant, pour l’essentiel :
– que si un licenciement verbal est dénué de cause réelle et sérieuse, tel n’est pas le cas lorsque le salarié a continué à exercer son travail postérieurement à la date du prétendu licenciement, notamment lorsqu’il a conservé ses outils de travail,
– qu’en l’espèce, M. [T] bénéficiait d’un véhicule de société dont il n’est pas établi qu’il a été restitué à l’employeur à l’issue de la réunion du 31 mars 2018, de sorte que M. [T] a continué à exercer son travail postérieurement au 31 mars 2018, ce qui a justifié sa mise à pied conservatoire,
– que les fautes reprochées à M. [T] sont caractérisées.
M. [T] conclut à la confirmation du jugement entrepris en soutenant, pour l’essentiel :
– quant à la caractérisation d’un licenciement verbal :
> qu’il s’est vu notifier son licenciement lors de la réunion collective du 31 mars 2018 ainsi qu’il résulte des attestations précises et circonstanciées de deux de ses collègues de travail (MM. [N] et [M], pièces 14 et 18)
> qu’il n’ a été autorisé à rentrer avec son véhicule de fonction qu’en raison de l’absence de la DRH qui aurait dû lui régler son billet de train et qu’en toute hypothèse, le fait qu’il soit rentré à son domicile avec ce véhicule n’est pas en contradiction avec la caractérisation d’un licenciement immédiat dès lors qu’il n’avait pas d’autre moyen de transport pour rentrer et que les outils de travail sont souvent remis postérieurement au licenciement,
– subsidiairement, sur l’irrégularité de la procédure de licenciement :
> que l’annonce publique et officielle de son licenciement lors de la réunion du 31 mars 2018 établit que la décision de le licencier a été prise antérieurement à sa convocation à entretien préalable,
> que l’entretien préalable a été mené par deux salariés autres que le représentant légal de la société, alors qu’il est constamment considéré que la procédure est irrégulière lorsque l’employeur se fait assister par un grand nombre de personnes et que l’entretien se transforme en véritable procès,
– sur les motifs de licenciement :
> sur l’avertissement du 6 mars 2018 ;
* que l’employeur ne peut utiliser cet avertissement pour fonder le licenciement, en violation de la règle non bis in idem et qu’en toute hypothèse, cet avertissement était totalement infondé (cf. ci-dessus),
> sur les faits du 9 janvier 2018 :
* qu’ils doivent être considérés comme prescrits par application de l’article L1332-4 du code du travail et que la société DSC en avait connaissance lors de la notification de l’avertissement du 6 mars 2018 lequel a épuisé le pouvoir de sanction de l’employeur,
* que le mail dont l’employeur prétend avoir tiré connaissance des faits est postérieur au licenciement verbal et n’a d’autre objet que d’habiller une mesure de licenciement postérieurement à sa notification verbale,
* qu’en toute hypothèse, ce grief est infondé et ne repose sur aucun élément de preuve objectif ainsi qu’il résulte de l’attestation établie par la cliente (pièce 26), le compte-rendu d’incident produit par l’employeur ne visant que des propos rapportés,
> sur les faits du 23 mars 2018 : que la circonstance que le rendez-vous avec la société Au Fil du Bois n’a pu être honoré est exclusivement imputable à la centrale d’appel qui lui avait programmé deux rendez-vous en des lieux distants l’un de l’autre et qu’il n’a pu alerter le client qu’à l’issue du premier rendez-vous, qu’il a dénoncé la situation à son supérieur hiérarchique dans un mail du même jour (pièce 28), qu’il a bien avisé le client de son retard ainsi qu’il résulte du message même de la centrale téléphonique produit par l’employeur,
> sur les faits du 15 mars 2018 : qu’aucun outil n’a été créé et mis à disposition des commerciaux pour établir des devis client, l’employeur préférant que les commerciaux ne revoient plus le client en estimant qu’il s’agit d’une perte de temps dès lors qu’aucun contrat n’a été signé au cours du rendez-vous.
Sur ce,
Il résulte des dispositions de l’article L.1232-2 du code du travail selon lesquelles l’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable, que la manifestation par l’employeur, avant l’entretien préalable, de sa volonté irrévocable de rompre le contrat de travail constitue un licenciement verbal dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le salarié qui prétend avoir fait l’objet d’un licenciement verbal doit en établir l’existence, l’appréciation des éléments produits relevant du pouvoir d’appréciation des juges du fond
En l’espèce, M. [T] verse aux débats :
– une attestation de M. [N], ancien collègue (pièce 14) : M. [G] est venu le vendredi 30 mars 2018 nous voir l’équipe technique pour nous demander de venir le samedi 31 mars 2018 au bureau et que ça ne durerait pas longtemps. Je savais ainsi que d’autres personnes que cette réunion était prévue pour licencier [W] devant un auditoire. Arrivé ce matin, M. [G] nous a passé de la musique puis nous sommes monté dans la salle de réunion. Au bout d’un moment il parle d’Evolution (l’ancienne entreprise de [W]). Explique qu’il était patron, parle des collègues patron des employés pour enfin arriver à [W] . Il écrit sur un tableau qu’il y a 10% de leader, 10 % de suiveur et 80 % de suceur et que [W] fait partie de ces 80 %. Il crie beaucoup. [W] veut un moment se défendre et M. [G] s’énerve de plus en plus à en cracher par terre et ordonne à [W] d’aller dans le bureau du DRH qu’il est licencié et qu’on lui a pris un billet de train retour pour [Localité 4]. [W] demande bien à M. [G] qu’il est bien licencié et qui le dit devant témoin et M. [G] confirme bien devant témoin qu’il est licencié. Une fois que [W] quitte la pièce M. [G] se retourne vers moi m’expliquant que ça devrait me servir d’exemple, que le prochain c’était moi si je ne retournais pas dans les rails.
– une attestation de M. [M] (ancien collègue) : Le vendredi 30 mars 2018, M. [G] a souhaité organiser une réunion avec mon équipe de travail. A l’occasion de celle-ci il a requis notre présence à tous le lendemain pour assister au licenciement de [W]. Cet événement aurait lieu le samedi 31 mars à partir de 7h30 du matin. Dès la veille il nous avait prévenu que les choses se feraient en musique. En effet la quasi-totalité des salariés de l’entreprise s’est retrouvée dans le bureau de M. [G] au petit matin. A ce moment le licenciement qui aurait lieu quelques minutes plus tard au 1er étage des locaux n’a pas été mentionné. Une fois que nous étions tous montés, M. [G] a très rapidement évoqué des problèmes qu’il rencontrait avec des anciens salariés de l’entreprise Evolution où travaillait [W] précédemment. A ce moment-là il n’a pas mentionné son nom. Il a ensuite noté sur un tableau que le monde était composé de trois groupes : les leaders dont il faisait partie, les suiveurs puis les suceurs dont faisait partie [W]. Alors que M. [G] faisait son exposé, [W] a tenté de se défendre mais M. [G] l’en a empêché. Une fois son discours terminé, il a ordonné à [W] de se rendre dans le bureau du DRH pour être licencié et que son train dont il avait acheté le billet l’attendait pour rentrer à [Localité 4]. [W] a ensuite demandé à M. [G] si c’était comme cela qu’il le licenciait devant témoins et M. [G] a confirmé sa sentence. Après que [W] ait quitté la pièce, M. [G] nous a expliqué que cela devait servir de leçon aux autres, notamment à l’un de mes collègues. Dans les minutes qui ont suivi cet événement, j’ai moi-même demandé une rupture de contrat, M. [G] ayant averti que ceux à qui ses méthodes ne convenaient pas pouvaient partir aussi.
Ces attestations, régulières en la forme, sont précises, circonstanciées et concordantes et établissent l’expression publique, univoque et réitérée, par le dirigeant de la S.A.S. DSC, de sa décision de licencier sur le champ M. [T].
L’appelante ne produit aucun élément probant contredisant les termes de ces attestations, comme, notamment des attestations d’autres participants à la réunion du 31 mars 2019 et la circonstance, équivoque puisque s’expliquant par des contingences d’organisation liées à la tenue de la réunion le premier jour du weekend pascal, que M. [T] a conservé l’usage de son véhicule de service, est à elle seule insuffisante à mettre en cause l’effectivité de la rupture immédiate du contrat de travail.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu’il a déclaré le licenciement – verbal – de M. [T] dépourvu de cause réelle et sérieuse.
V – Sur les demandes formées au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement :
Sur la base d’un salaire de référence de 3 400 € brut (moyenne des trois derniers mois de salaire, comme exactement retenu par les premiers juges) et compte-tenu du report de la date d’embauche au 19 septembre 2016 (cf. ci-dessus), la créance de M. [T] au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.S. DSC, consécutive à l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement sera fixée ainsi qu’il suit :
1 – rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire du 3 avril 2018 au 14 mai 2018 : 2 034,50 € brut outre 203,45 € brut au titre des congés payés y afférents,
2 – indemnité compensatrice de préavis, d’une durée de 3 mois (article 68 de la convention collective, pièce 29 de l’intimé) : 10 200 € brut outre 1 020 € au titre des congés payés afférents,
3 – indemnité (légale) de licenciement (l’intimé ne bénéficiant pas de l’ancienneté minimale de deux ans pour prétendre à l’indemnité prévue par l’article 69 de la convention collective, étant considéré que l’ancienneté s’apprécie au jour où l’employeur envoie la lettre recommandée de licenciement, date à laquelle se situe la rupture du contrat de travail, soit en l’espèce 1 an et sept mois complets, soit 850 € pour douze mois + 495 € pour sept mois) : 1 345 €, net,
4 – dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : en application de l’article L1235-3 du code du travail en sa rédaction issue de l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017), compte-tenu d’un effectif supérieur à onze salariés, d’une ancienneté d’un an en années complètes, de l’âge du salarié à la date de rupture du contrat (35 ans révolus), de sa capacité à retrouver un emploi (embauche par une tierce société à compter du 5 juillet 2018, dans le cadre d’un contrat à durée déterminée puis d’un contrat à durée indéterminée dont la rupture conventionnelle en mars 2020 est sans aucun lien de causalité avec le licenciement litigieux) : 6 800 €.
VI – Sur la demande relative à la clause de non-concurrence :
L’article 17 du contrat de travail stipule :
– qu’après la rupture du contrat, pour quelque cause que ce soit, la salarié s’interdit pendant une durée d’un an à compter de la date de rupture effective du contrat de s’intéresser à quelque titre que ce soi, directement ou indirectement, sur le secteur géographique prévu à la clause de mobilité et auprès des catégories de clients visités, à toute entreprise ou activité ayant trait au conseil à la diffusion d’annonces dans l’annuaire des Pages Jaunes,
– qu’en contrepartie de cette obligation, et pendant toute la durée où il sera tenu de la respecter, la société versera au salarié une indemnité mensuelle fixée à 15 % de la rémunération mensuelle fixe,
– qu’il est expressément convenu que toute infraction à cette clause entraînerait le versement au profit de la société de dommages-intérêts dont le montant serait fonction du préjudice subi sans toutefois pouvoir être inférieur à la rémunération des 24 derniers mois du salarié, indépendamment de la cessation effective de l’activité interdite qui pourrait être recherchée par tous moyens,
– que l’employeur pourra dispenser le salarié de l’exécution de la clause de non-concurrence ou en réduire la durée dans les 15 jours suivant la réception de la lettre de licenciement ou de la lettre de démission ou suivant la signature de la rupture conventionnelle.
Les premiers juges ont accordé à M. [T] une somme de 2 883,97 € brut en retenant :
– que M. [T] a été délié de sa clause de non-concurrence par courrier du 31 mai 2018 alors qu’il avait été licencié par courrier reçu le 16 mai 2018,
– que, peu important les termes du contrat de travail ou de la convention collective qui prévoit un délai de 15 jours après le départ effectif du salarié, la Cour de cassation a estimé de façon constante que la dispense de la clause de non-concurrence devait être effectuée au plus tard le jour du départ effectif du salarié, soit le 16 mai 2018.
La SCP [J], ès qualités, conclut à la réformation du jugement déféré en soutenant :
– que la jurisprudence admet que les dispositions contractuelles sont applicables aux modalités de renonciation à la clause de non-concurrence lorsqu’elles ont été prévues, a fortiori lorsqu’elles sont conformes à une convention collective prévoyant un régime spécifique,
-qu’en l’espèce, la lettre de licenciement a été réceptionnée le 16 mai 2018 de sorte que, l’avis de réception étant parvenu à DSC le 16 voire le 17 mai, elle disposait d’un délai expirant le 31 mai ou le 1er juin pour lever l’obligation et que la lettre de notification a été postée le 1er juin 2018,
– qu’à la supposer tardive, la renonciation n’est pas privée d’effets pour l’avenir mais seulement pour la période comprise entre le moment où elle est notifiée et celui où elle aurait dû l’être,
-qu’ainsi, la contrepartie ne pouvait être due, au maximum, que pour la période comprise entre le 16 mai et le 1er juin 2018, soit 291,30 € brut.
Le CGEA conclut à la réformation du jugement entrepris en s’appropriant les moyens soutenus par la SCP [J].
M. [T] conclut à la confirmation du jugement déféré en soutenant :
– qu’en application des dispositions contractuelles, l’employeur disposait d’un délai expirant le 31 mai 2018 (15 jours suivant la réception de la lettre de licenciement) pour notifier la dispense d’exécution, que ce courrier n’a été adressé que le 1er juin 2018, hors délai,
– qu’en toute hypothèse, la renonciation à la clause doit intervenir au plus tard à la date du départ effectif du salarié, les dispositions conventionnelles ou contractuelles prévoyant un délai de renonciation différent en faveur de l’employeur étant sans effet, de sorte que la renonciation aurait dû être mentionnée dans la lettre de licenciement,
– que dès lors, la contrepartie financière est due depuis le 16 mai 2018 jusqu’au terme de l’engagement, en ce compris les congés payés afférents puisque la contre-partie financière a le caractère de salaire,
– que considérer qu’une renonciation tardive produirait effet à compter de sa notification reviendrait à permettre à l’employeur de renoncer à tout moment à la clause de non-concurrence.
Sur ce,
En cas de licenciement pour faute grave, privative du bénéficie du préavis, la date à partir de laquelle celui-ci est tenu de respecter l’obligation de non-concurrence, la date d’exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité sont celles du départ effectif de l’entreprise, de sorte que l’employeur doit, s’il entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, le faire au plus tard à la date du départ effectif de l’intéressé de l’entreprise, nonobstant stipulations contractuelles ou dispositions conventionnelles contraires.
En l’espèce, la renonciation au bénéfice de la clause de non-concurrence a été notifiée le 1er juin 2018, soit postérieurement au départ effectif de l’entreprise, qu’il soit fixé au 14 mai 2018 date d’envoi de la lettre de licenciement ou au 31 mars 2018, date du licenciement verbal ci-dessus retenue.
Le salarié n’ayant pas été libéré de la clause de non-concurrence à son départ effectif de l’entreprise, il en résulte que l’indemnité compensatrice qui présente un caractère forfaitaire, indépendant d’un préjudice particulier pour le salarié (qui par ailleurs justifie, pièces 36, 37 et 39, ne pas avoir exercé d’activité concurrente à celle de la société DSC pendant la durée d’application de la clause) doit être versée en totalité.
Les premiers juges ont exactement évalué le montant de la contrepartie financière due à M. [T] par application de l’article 17 du contrat de travail et la créance de M. [T] au passif de la liquidation judiciaire sera de ce chef fixée à la somme de 2 883,97 € brut, étant constaté que M. [T] ne sollicite pas de ce chef le bénéfice d’une indemnité de congés payés.
VII – Sur la demande indemnitaire pour rupture brutale et vexatoire du contrat de travail :
Le licenciement, même fondé sur une cause réelle et sérieuse peut ouvrir droit à l’octroi de dommages intérêts au salarié, dès lors qu’il est intervenu dans des conditions vexatoires ou humiliantes.
Il incombe alors au salarié d’établir :
– d’une part, le comportement fautif de son employeur, caractérisé par les circonstances particulières, brusques, humiliantes ou vexatoires dans lesquelles s’est déroulé son licenciement,
– d’autre part, l’existence du préjudice distinct de celui occasionné par la perte de son emploi qui en découle.
Il doit en l’espèce être considéré que le contexte dans lequel s’est inscrit le licenciement de M. [T] tel que décrit ci-dessus (licenciement verbal public, accusation non justifiée de tentative d’escroquerie) caractérise une situation vexatoire et humiliante.
Cette faute qui ne se confond pas avec les manquements retenus au titre des conditions d’exécution du contrat de travail a causé au salarié un préjudice moral distinct qui sera réparé par l’octroi d’une indemnité de 1 500 €, montant auquel sera fixée sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.S. DSC, le jugement déféré étant infirmé en ce qu’il a débouté M. [T] de ce chef de demande.
VIII – Sur les demandes accessoires :
Il convient d’ordonner la remise de bulletins de salaire pour les mois de septembre et octobre 2016 et d’avril et mai 2018 ainsi que d’une attestation Pôle Emploi tenant compte des dispositions du présent arrêt.
Il sera jugé, en application de l’article 622-28 du code de commerce, que les créances de nature salariale reconnues au profit de M. [T] produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, avec capitalisation dans les conditions prévues à l’article 1343-2 du code civil, mais seulement jusqu’à la date du prononcé du jugement d’ouverture de la procédure collective de la S.A.S. DSC qui arrête définitivement le cours des intérêts de toute nature afférents aux créances antérieures.
La présente décision sera déclarée opposable au CGEA qui devra sa garantie dans les conditions prévues par les articles L3253-6 et suivants et D3253-5 du code du travail.
L’équité commande de condamner la SCP [J], ès qualités, à payer à M. [T] en application de l’article 700 du C.P.C., la somme globale de 3 000 € au titre des frais irrépétibles par lui exposés tant en première instance qu’en cause d’appel.
La SCP [J], ès qualités, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Vu le jugement du conseil de prud’hommes de La Rochelle en date du 28 mai 2019,
Vu les jugements du tribunal de commerce de La Rochelle des 14 avril 2020 et 15 décembre 2020 ordonnant l’ouverture d’une procédure collective à l’égard de la S.A.S. Dynamique Système Communication puis son placement en liquidation judiciaire,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :
– dit que le licenciement de M. [W] [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– débouté M. [T] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé,
– fixé à la somme de 3 400 € brut la moyenne des trois derniers mois de salaire,
Réformant la décision entreprise pour le surplus et statuant à nouveau :
– Requalifie en contrat de travail le contrat d’apporteur d’affaires conclu le 19 septembre 2016 entre la S.A.S. DSC et M. [T],
– Annule l’avertissement notifié à M. [T] le 6 mars 2018,
– Fixe les créances de M. [T] au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.S. DSC ainsi qu’il suit :
> 500 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
> 1 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral résultant des conditions vexatoires dans lesquelles l’avertissement du 6 mars 2018 a été prononcé,
> 2 034,50 € brut à titre de rappel de rémunération (mise à pied conservatoire du 3 avril 2018 au 14 mai 2018) et 203,45 € brut au titre des congés payés y afférents,
> 10 200 € brut à titre d’indemnité de préavis et 1 020 € brut au titre des congés payés y afférents,
> 1 345 € à titre d’indemnité (légale) de licenciement,
> 6 800 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
> 2 883,97 € brut au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence,
> 1 500 € à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire du contrat de travail,
– Dit que les créances de nature salariale reconnues au profit de M. [T] produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, avec capitalisation dans les conditions prévues à l’article 1343-2 du code civil, mais seulement jusqu’à la date du prononcé du jugement d’ouverture de la procédure collective de la S.A.S. DSC qui arrête définitivement le cours des intérêts de toute nature afférents aux créances antérieures,
– Ordonne la remise par la SCP [J], ès qualités, de bulletins de salaire pour les mois de septembre et octobre 2016 et d’avril et mai 2018 ainsi que d’une attestation Pôle Emploi tenant compte des dispositions du présent arrêt,
– Déclare la présente décision opposable au CGEA qui devra sa garantie dans les conditions prévues par les articles L3253-6 et suivants et D3253-5 du code du travail,
– Condamne la SCP [J], ès qualités, à payer à M. [T] en application de l’article 700 du C.P.C., la somme globale de 3 000 € au titre des frais irrépétibles par lui exposés tant en première instance qu’en cause d’appel,
– Condamne la SCP [J], ès qualités, aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,