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Le syndicat des tisseurs du linge basque d’origine a déposé à l’Institut national de la propriété industrielle (l’INPI), une demande d’homologation n° 20-001 portant sur l’Indication Géographique (IG) « Linge basque », accompagnée du projet de cahier des charges.
Par décision n° 2020-93 du 15 octobre 2020, l’INPI a homologué le cahier des charges de l’IG « Linge basque » sous le numéro INPI-2003 et reconnu le syndicat des tisseurs du linge basque d’origine comme organisme de défense et de gestion du produit bénéficiant de cette IG.
Le recours d’un concurrent contre ce classement en IGP a été rejeté.
Il résulte de l’application combinée des articles L. 721-2 et L. 721-7, 4°, du code de la propriété intellectuelle que, pour être protégé par une indication géographique, un produit doit être caractérisé par un savoir-faire traditionnel ou une réputation qui peuvent être attribués essentiellement à cette zone géographique, ces caractéristiques étant alternatives et non cumulatives.
Aux termes de l’article L. 721-3, alinéa 4, du même code, lorsqu’il instruit la demande d’homologation ou de modification du cahier des charges, l’INPI s’assure que les opérations de production ou de transformation décrites dans le cahier des charges, ainsi que le périmètre de la zone ou du lieu, permettent de garantir que le produit concerné présente effectivement une qualité, une réputation ou d’autres caractéristiques qui peuvent être essentiellement attribuées à la zone géographique ou au lieu déterminé associés à l’indication géographique.
En l’espèce, il ressort du cahier des charges et des éléments produits par le syndicat des tisseurs du linge basque d’origine que la culture du lin dans le Béarn et le Pays Basque, dès le XIXe siècle, a favorisé l’installation d’ateliers de tissages familiaux dans la région, d’abord destinés aux besoins agricoles puis essentiellement au linge de maison et de table, ces ateliers se mécanisant au XXe siècle grâce au réseau hydro-électrique dans la région, pour connaître leur apogée pendant les « trente glorieuses » avec l’utilisation du coton en remplacement du lin et la diversification des produits caractérisés par des couleurs et des dessins originaux.
Sont établis la tradition de tissage ancrée dans ce territoire et un savoir-faire particulier, caractérisé, aux termes du cahier des charges, par un procédé de fabrication découpé en quatre étapes distinctes de tissage, qui doivent toutes être réalisées dans le département des Pyrénées-Atlantiques pour que le produit bénéficie de l’IG « Linge basque ».
Ce savoir-faire ancestral, issu d’une tradition artisanale et industrielle, perdure encore dans ce département.
En conséquence, la réalisation du tissage du linge dans les Pyrénées-Atlantiques résulte d’un savoir-faire local historique, fût-il non exclusif à cette zone géographique.
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 septembre 2023
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 618 F-B
Pourvoi n° W 21-25.334
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit du syndicat des tisseurs
du linge basque d’origine.
Admission du bureau d’aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 21 juin 2022.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 SEPTEMBRE 2023
La société Les Tissages de [Localité 4], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-25.334 contre l’arrêt rendu le 12 octobre 2021 par la cour d’appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l’opposant :
1°/ au syndicat des tisseurs du linge basque d’origine, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ au directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Les Tissages de [Localité 4], de la SARL Le Prado – Gilbert, avocat du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat du syndicat des tisseurs du linge basque d’origine, et l’avis de Mme Texier, avocat général, après débats en l’audience publique du 27 juin 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 12 octobre 2021), le 24 mars 2020, le syndicat des tisseurs du linge basque d’origine a déposé à l’Institut national de la propriété industrielle (l’INPI), une demande d’homologation n° 20-001 portant sur l’Indication Géographique (IG) « Linge basque », accompagnée du projet de cahier des charges.
2. Par décision n° 2020-93 du 15 octobre 2020, l’INPI a homologué le cahier des charges de l’IG « Linge basque » sous le numéro INPI-2003 et reconnu le syndicat des tisseurs du linge basque d’origine comme organisme de défense et de gestion du produit bénéficiant de cette IG.
3. La société Les Tissages de [Localité 4] a formé un recours contre cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La société Les Tissages de [Localité 4] fait grief à l’arrêt de rejeter son recours contre la décision n° 2020-93 du directeur général de l’INPI du 15 octobre 2020, alors :
« 1°/ que pour pouvoir faire l’objet d’une indication géographique, un produit doit posséder une qualité, une réputation ou d’autres caractéristiques, telles qu’un savoir-faire traditionnel, pouvant être attribuées essentiellement à cette zone géographique ou à ce lieu déterminé ; qu’il s’en déduit qu’un savoir faire traditionnel ne peut justifier l’octroi d’une indication géographique que si, par sa spécificité, il distingue les produits qui en sont le fruit des produits d’autres provenances géographiques ; qu’en se bornant à retenir que le linge basque était le fruit d’un savoir-faire ancestral issu d’une tradition artisanale et industrielle, peu important qu’il ne soit pas exclusivement réservé au linge basque, sans caractériser la spécificité de ce savoir-faire permettant de l’attribuer essentiellement au département des Pyrénées-Atlantiques, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 721-2, L. 721-3 et L. 721-7 du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ que pour pouvoir faire l’objet d’une indication géographique, un produit doit posséder une qualité, une réputation ou d’autres caractéristiques, telles qu’un savoir-faire traditionnel, pouvant être attribuées essentiellement à cette zone géographique ou à ce lieu déterminé ; qu’en se bornant à affirmer que les pages 24 à 27 du cahier des charges de l’indication géographique “Linge basque” décrivaient un savoir-faire particulier, caractérisé par un procédé de fabrication du linge basque découpé en quatre étapes distinctes, sans décrire ce savoir-faire ni exposer en quoi ses caractéristiques permettaient de l’attribuer essentiellement au département des Pyrénées-Atlantiques, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu’en se bornant à affirmer que les pages 24 à 27 du cahier des charges de l’indication géographique “Linge basque” décrivaient un savoir faire particulier, caractérisé par un procédé de fabrication du linge basque découpé en quatre étapes distinctes, sans répondre aux chefs des conclusions de la société Les Tissages de [Localité 4], soutenant que cette description n’était pas propre à la fabrication du linge basque mais correspondait au procédé de fabrication de tout tissage à façon de qualité et que le cahier des charges de l’ODG ne mettait en avant aucun élément démontrant la particularité ou la spécificité des techniques de fabrication qu’il décrivait, de même qu’il ne précisait pas en quoi ces techniques imprimaient une spécificité au linge produit, la cour d’appel a de nouveau méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que pour pouvoir faire l’objet d’une indication géographique, un produit doit posséder une qualité, une réputation ou d’autres caractéristiques pouvant être attribuées essentiellement à cette zone géographique ou à ce lieu déterminé ; que, si le constat que la réputation d’un produit tient essentiellement à son origine géographique peut suffire pour que la dénomination de la zone géographique ou du lieu déterminé servant à désigner ce produit constitue une indication géographique, son cahier des charges doit préciser les opérations de production ou de transformation qui garantissent cette réputation ; qu’en se bornant à affirmer l’existence d’une “réputation de robustesse et d’authenticité du linge basque”, “assise sur un savoir-faire particulier décrit en pages 24 à 27 du cahier des charges, caractérisé par un procédé de fabrication du linge basque découpé en quatre étapes distinctes”, la cour d’appel, qui n’a ni démontré que la réputation du linge basque tenait essentiellement à son origine géographique, ni caractérisé les opérations garantissant cette réputation, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 721-2, L. 721-3, L. 721-7 du code de la propriété intellectuelle. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte de l’application combinée des articles L. 721-2 et L. 721-7, 4°, du code de la propriété intellectuelle que, pour être protégé par une indication géographique, un produit doit être caractérisé par un savoir-faire traditionnel ou une réputation qui peuvent être attribués essentiellement à cette zone géographique, ces caractéristiques étant alternatives et non cumulatives.
6. Aux termes de l’article L. 721-3, alinéa 4, du même code, lorsqu’il instruit la demande d’homologation ou de modification du cahier des charges, l’INPI s’assure que les opérations de production ou de transformation décrites dans le cahier des charges, ainsi que le périmètre de la zone ou du lieu, permettent de garantir que le produit concerné présente effectivement une qualité, une réputation ou d’autres caractéristiques qui peuvent être essentiellement attribuées à la zone géographique ou au lieu déterminé associés à l’indication géographique.
7. En premier lieu, l’arrêt relève qu’il ressort du cahier des charges et des éléments produits par le syndicat des tisseurs du linge basque d’origine que la culture du lin dans le Béarn et le Pays Basque, dès le XIXe siècle, a favorisé l’installation d’ateliers de tissages familiaux dans la région, d’abord destinés aux besoins agricoles puis essentiellement au linge de maison et de table, ces ateliers se mécanisant au XXe siècle grâce au réseau hydro-électrique dans la région, pour connaître leur apogée pendant les « trente glorieuses » avec l’utilisation du coton en remplacement du lin et la diversification des produits caractérisés par des couleurs et des dessins originaux.
8. Il retient que sont établis la tradition de tissage ancrée dans ce territoire et un savoir-faire particulier, caractérisé, aux termes du cahier des charges, par un procédé de fabrication découpé en quatre étapes distinctes de tissage, qui doivent toutes être réalisées dans le département des Pyrénées-Atlantiques pour que le produit bénéficie de l’IG « Linge basque ».
9. L’arrêt ajoute que ce savoir-faire ancestral, issu d’une tradition artisanale et industrielle, perdure encore dans ce département.
10. En l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui a retenu que la réalisation du tissage du linge dans les Pyrénées-Atlantiques résultait d’un savoir-faire local historique, fût-il non exclusif à cette zone géographique, et n’était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, dès lors qu’elle avait fait ressortir que la réalisation du tissage dans les Pyrénées-Atlantiques était la caractéristique propre et essentielle du linge basque, et qui a établi que le linge tissé dans les Pyrénées-Atlantiques selon un savoir-faire traditionnel développé dans cette zone géographique jouissait d’une réputation de qualité, a, par ces seuls motifs et sans méconnaître les exigences de l’article 455 du code de procédure civile, légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Les Tissages de [Localité 4] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Les Tissages de [Localité 4] et la condamne à payer à la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier la somme de 3 000 euros et au directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille vingt-trois.