Usage sérieux de marque : 14 avril 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 18-21.695

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Usage sérieux de marque : 14 avril 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 18-21.695
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COMM.

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COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 avril 2021

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 348 F-D

Pourvoi n° D 18-21.695

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 AVRIL 2021

1°/ M. [P] [G], domicilié [Adresse 1],

2°/ la société Monréseau-immo.com, société par actions simplifiée,

3°/ la société Monréseau-immo.partners, société civile à capitale variable,

ayant toutes deux leur siège centre commercial [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° D 18-21.695 contre l’arrêt rendu le 21 juin 2018 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (2e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Capi, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à M. [V] [L], domicilié [Adresse 4],

3°/ à M. [G] [Z], domicilié [Adresse 5],

4°/ à la société L’Immobilière de Roseland, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les onze moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Mollard, conseiller, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de M. [G] et des sociétés Monréseau-immo.com et Monréseau-immo.partners, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Capi, et l’avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l’audience publique du 2 mars 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Mollard, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 juin 2018) et les productions, la société Capi, qui exerce l’activité d’agence immobilière par le biais d’un réseau d’agents commerciaux indépendants répartis sur l’ensemble du territoire national, est titulaire de la marque verbale « Immo Reso » n° 3 621 867, déposée le 9 janvier 2009 et enregistrée le 19 juin 2009 pour des services en classes 35, 36, 37, 38 et 41. Elle est également titulaire des marques verbales « Monreseau-immo.com » n° 3 891 501, « monreseau-immo » n° 3 891 502 et « Mon reseau immo » n° 3 891 503, déposées le 24 janvier 2012 pour des services en classes 35, 36 et 41 et enregistrées pour ces même services, à l’exclusion des services « affaires immobilières ; estimations immobilières ; gérance de biens immobiliers ; estimations financières (immobilier) », à l’égard desquels les demandes d’enregistrement ont été rejetées par décisions du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle du 22 décembre 2015.

2. Agent commercial au sein du réseau Capi depuis 2009, M. [G] a également été employé, à compter du 3 janvier 2011, en qualité de « coach-formateur » par la société Fice, qui est prestataire de services pour la société Capi au titre de la formation de ses agents commerciaux. Par courriel du 22 décembre 2011, M. [G] a informé la société Capi de sa décision de quitter son réseau.

3. MM. [L] et [Z], par ailleurs associés dans la société L’Immobilière de Roseland, ont constitué avec M. [G] la société Monréseau-immo.partners, exerçant l’activité de société holding, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 23 janvier 2012, et la société Monréseau-immo.com, exerçant l’activité d’agence immobilière, immatriculée le 13 février 2012.

4. La société Monréseau-immo.com a créé et exploité un site internet sous le nom de domaine « monreseau-immo.com ». Ce nom de domaine ainsi que les noms de domaine « monreseauimmo.com » et « monreseau-immo.fr » avaient été réservés, le 29 décembre 2011, par M. [G] au nom de la société alors en formation.

5. Elle est titulaire de la marque semi-figurative « Monreseau-immo.com » n° 3 905 819, déposée le 18 mars 2012 et enregistrée pour des services en classes 35, 36 et 41, notamment les services « affaires immobilières ; estimations immobilières ; gérance de biens immobiliers ; estimations financières (assurance, banque, immobilier) ».

6. Estimant que les sociétés Monréseau-immo.com et Monréseau-immo.partners commettaient des actes constitutifs, à son encontre, de contrefaçon, de concurrence déloyale et de parasitisme, la société Capi a obtenu, le 4 février 2013, une ordonnance sur requête leur faisant injonction de cesser les actes de contrefaçon, et notamment d’arrêter d’exploiter le site internet « www.monreseau-immo.com » et d’utiliser leurs dénominations sociales.

7. Le 22 février 2013, la société Capi a assigné les sociétés Monréseau-immo.com et Monréseau-immo.partners, MM. [G], [L] et [Z] ainsi que la société L’Immobilière de Roseland en contrefaçon de ses marques, concurrence déloyale et parasitisme et en réparation des préjudices commerciaux, financiers et moraux en résultant.

8. Les sociétés Monréseau-immo.com et Monréseau-immo.partners et M. [G] ont demandé reconventionnellement l’annulation de la marque « Immo Reso » pour défaut de distinctivité, subsidiairement la déchéance des droits de la société Capi sur cette marque, l’annulation des marques « Monreseau-immo.com » n° 3 891 501, « monreseau-immo » et « Mon reseau immo », subsidiairement leur transfert à la société Monréseau-immo.com, et la condamnation de la société Capi à payer des dommages-intérêts à la société Monréseau-immo.com pour contrefaçon et concurrence déloyale.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième et sixième branches, le troisième moyen, pris en sa première branche, le huitième moyen, pris en sa deuxième branche, et le onzième moyen, ci-après annexés

9. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui soit ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation, soit sont irrecevables.

Sur le deuxième moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

10. Les sociétés Monréseau-immo.com et Monréseau-immo.partners ainsi que M. [G] font grief à l’arrêt de rejeter la demande tendant à la déchéance des droits de la société Capi sur la marque « Immo Reso » n° 3 621 867 pour les produits et services liés à l’immobilier, alors « qu’une marque ne peut faire l’objet d’un usage sérieux que si elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée ; qu’en se bornant à relever que la société Capi “justifie de l’exploitation sérieuse de sa marque ‘Immo Reso’ au travers de son site immo-reso.fr mis en ligne le 9 janvier [2014] au travers duquel sont présentés ses produits liés à l’immobilier, site redirigeant les requêtes vers les sites immoreso.fr, immo-reso.com, immoreso.com et immoreseau.fr réservés par la société Capi depuis le 9 janvier 2009” et que “la société Capi prouve par les différents éléments produits au débat l’exploitation effective de sa marque ‘Immo Reso’, par ailleurs largement connue du public”, la cour d’appel s’est déterminée par des motifs impropres à justifier en quoi le signe “Immo Reso” aurait été utilisé pour identifier les services visés dans l’enregistrement de la marque éponyme, et a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la cour

11. L’arrêt retient, par motifs propres, que la société Capi justifie de l’exploitation sérieuse de la marque « Immo Reso » au travers de son site internet « www.immo-reso.fr », mis en ligne le 9 janvier 2014, sur lequel sont présentés ses produits liés à l’immobilier, site redirigeant les requêtes vers les sites « www.immoreso.fr », « www.immoreso.com », « www.immo-reso.com » et « www.immoreseau.fr », réservés par la société Capi le 9 janvier 2009, et, par motifs adoptés, que la société Capi prouve, par les différents éléments produits aux débats, l’exploitation effective de sa marque « Immo Reso », par ailleurs largement connue du public.

12. En l’état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que le consommateur qui se connecte sur le site internet de la société Capi à l’adresse « www.immo-reso.fr » ne le fait pas sans raison et utilise la marque « Immo Reso » en tant qu’identifiant des services liés à l’immobilier proposés par cette société sur ce site, par opposition à ceux qui sont proposés par ses concurrents, la cour d’appel a légalement justifié sa décision de rejeter la demande de déchéance des droits de cette société sur sa marque en tant que celle-ci a été enregistrée pour les services liés à l’immobilier.

Sur le deuxième moyen, pris en sa septième branche

13. Les sociétés Monréseau-immo.com et Monréseau-immo.partners ainsi que M. [G] font le même grief à l’arrêt, alors « que pour échapper à la déchéance de ses droits, le propriétaire de la marque doit justifier de son usage sérieux pour chacun des produits ou services désignés par l’enregistrement ; qu’en se contentant, après avoir constaté un usage sérieux de la marque “Immo Reso” pour les seuls “produits liés à l’immobilier”, de “rejeter la demande de déchéance de ladite marque pour les produits et services liés à l’immobilier”, quand il lui appartenait, à tout le moins, de prononcer la déchéance des droits de la société Capi sur la marque “Immo Reso” pour les autres services couverts par celle-ci, la cour d’appel a violé l’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la cour

14. Il ne résulte ni du dispositif ni des motifs de l’arrêt que la cour d’appel ait statué sur la demande de déchéance de la marque « Immo Reso » à l’égard des services non liés à l’immobilier. Le moyen, sous le couvert d’une violation de la loi, dénonce en réalité une omission de statuer qui, pouvant être réparée par la procédure prévue à l’article 463 du code de procédure civile, ne donne pas lieu à ouverture à cassation.

15. Le moyen est donc irrecevable.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

16. Les sociétés Monréseau-immo.com et Monréseau-immo.partners ainsi que M. [G] font grief à l’arrêt de rejeter la demande d’annulation de la marque « Immo Reso » n° 3 621 867 dont est titulaire la société Capi pour défaut de distinctivité, alors « que le caractère distinctif d’une marque signifie que celle-ci est apte à identifier le produit ou le service qu’elle vise comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit ou ce service de ceux d’autres entreprises ; qu’une marque est ainsi dépourvue de caractère distinctif lorsque, sans être forcément la désignation nécessaire et obligatoire d’un produit ou d’un service, elle n’est pas apte à indiquer l’origine commerciale de celui-ci ; qu’elle est également dépourvue de caractère distinctif lorsque, sans être la désignation nécessaire et obligatoire d’un produit ou d’un service, elle en est la désignation usuelle ou encore lorsqu’elle est constituée d’un signe pouvant servir, dans le commerce, à désigner une caractéristique de ce produit ou service ; qu’en affirmant qu’il ne serait “pas démontré que le terme Immo Reso est une désignation nécessaire et obligatoire de l’ensemble des produits et services couverts par la marque, et plus particulièrement pour les activités de gérance de biens immobiliers, estimations immobilières, de sorte que cette marque est valable même si elle revêt un caractère distinctif atténué en raison de l’utilisation de la contraction Immo pour désigner des services en relation avec l’immobilier”, la cour d’appel, qui a ainsi subordonné la démonstration de l’absence de caractère distinctif de la marque “Immo Reso” à la condition que cette dernière constitue la désignation nécessaire et obligatoire des services couverts par la marque, a violé l’article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle. »

 


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