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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-1
ARRÊT AU FOND
DU 22 SEPTEMBRE 2022
N° 2022/264
N° RG 21/17330 –
N° Portalis DBVB-V-B7F-BIQN4
[W], [Y], [P] [N]
C/
[H] [C]
Etablissement INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE
PROCUREUR GENERAL
Association CENTRE ROYALISTE D’ACTION FRANCAISE
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Pascale FABRE
Me Philippe PAYAN
M. [W] [N]
M. [H] [C]
I.N.P.I.
Centre Royaliste d’Action Française
Décision déférée à la Cour :
Décision de Monsieur le Directeur Général de l’Institut [9] en date du 18 Octobre 2021, enregistrée au répertoire général sous le n° OP20-1513.
DEMANDEUR
Monsieur [W], [Y], [P] [N]
né le 28 Juin 1989 à [Localité 8] (84), demeurant [Adresse 4] – [Localité 2]
(bénéficiaire d’une aide juridictionnelle partielle numéro 2021/012339 du 19/11/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle d’AIX-EN-PROVENCE)
représenté par Me Pascale FABRE de la SCP CF SUD, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, plaidant
DEFENDEURS
Monsieur [H] [C], demeurant [Adresse 6] – [Localité 5]
représenté par Me Philippe PAYAN, avocat au barreau de MARSEILLE, assisté de Me Damien CHALLAMEL, avocat au barreau de PARIS, plaidant
INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE, demeurant [Adresse 3] – [Localité 7]
défaillante
Monsieur LE PROCUREUR GENERAL
Cour d’Appel – Rue Peyresc – 13100 AIX EN PROVENCE
représenté par M. Pierre-Jean GAURY, avocat général
Association CENTRE ROYALISTE D’ACTION FRANCAISE, dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 5]
représentée par Me Philippe PAYAN, avocat au barreau de MARSEILLE, assisté de Me Damien CHALLAMEL, avocat au barreau de PARIS, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 16 Juin 2022 en audience publique.
Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Monsieur Pierre CALLOCH, Président, président a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Pierre CALLOCH, Président
Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère
Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Ministère Public : M. Pierre-Jean GAURY, lequel a été entendu en ses observations orales.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022.
Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Le 24 février 2021, monsieur [C], agissant pour l’association CENTRE ROYALISTE D’ACTION FRANÇAISE, a déposé une demande d’enregistrement du signe verbal ACTION FRANÇAISE pour désigner les produits et services suivants :
‘ Produits de l’imprimerie, publicité, distribution de prospectus et de matériel publicitaire (tracts, imprimés, affiches), organisation d’expositions à buts de publicité, publicité en ligne sur réseau informatique, location de temps publicitaire sur tout moyen de communication, publication de livres, montage de bande vidéo, organisation et conduite de colloques, conférences, congrès.
Produits de l’imprimerie ; articles pour reliures ; photographies ; articles de papeterie ; adhésifs (matières collantes) pour la papeterie ou le ménage ; matériel pour artistes ; pinceaux ; articles de bureau (à l’exception des meubles) ; matériel d’instruction ou d’enseignement (à l’exception des appareils) ; caractères d’imprimerie ; papier ; carton ; boîtes en papier ou en carton ; affiches ; albums ; cartes ; livres ; journaux ; prospectus ; brochures ; calendriers ; instruments d’écriture ; objets d’art gravés ; objets d’art lithographiés ; tableaux (peintures) encadrés ou non ; patrons pour la couture ; dessins ; instruments de dessin ; mouchoirs de poche en papier ; serviettes de toilette en papier ; linge de table en papier ; papier hygiénique ; sacs (enveloppes, pochettes) en papier ou en matières plastiques pour l’emballage ; sacs à ordures en papier ou en matières plastiques ;
Publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ; diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons) ; services d’abonnement à des journaux (pour des tiers) ; services d’abonnement à des services de télécommunications pour des tiers ; présentation de produits sur tout moyen de communication pour la vente au détail ; conseils en organisation et direction des affaires ; comptabilité ; reproduction de documents ; services de bureaux de placement ; portage salarial ; service de gestion informatisée de fichiers ; optimisation du trafic pour des sites web ; organisation d’expositions à buts commerciaux ou de publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; publication de textes publicitaires ; location d’espaces publicitaires ; diffusion d’annonces publicitaires ; conseils en communication (publicité) ; relations publiques ; conseils en communication (relations publiques) ; audits d’entreprises (analyses commerciales) ; services d’intermédiation commerciale (conciergerie) ;
Éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles ; informations en matière de divertissement ; informations en matière d’éducation ; recyclage professionnel ; mise à disposition d’installations de loisirs ; publication de livres ; prêt de livres ; mise à disposition de films, non téléchargeables, par le biais de services de vidéo à la demande ; production de films cinématographiques ; location de postes de télévision ; location de décors de spectacles ; services de photographie ; organisation de concours (éducation ou divertissement) ; organisation et conduite de colloques ; organisation et conduite de conférences ; organisation et conduite de congrès ; organisation d’expositions à buts culturels ou éducatifs ; réservation de places de spectacles ; services de jeu proposés en ligne à partir d’un réseau informatique ; services de jeux d’argent ; publication électronique de livres et de périodiques en ligne.’
Le 23 avril 2020, monsieur [N] a formé opposition à l’enregistrement de cette marque sur la base de la marque antérieure L’ACTION FRANÇAISE déposée le 1er août 2002, et à lui cédée le 25 juin 2019 par madame [F], pour désigner les produits et services suivants :
‘Produits d’imprimerie, publicité, distribution de prospectus et de matériel publicitaire (tracts, imprimés, affiches),organisation d’exposition à buts de publicité, publicité en ligne sur réseau informatique, location de temps publicitaires sur tout moyen de communication, publication de livres, montage de bande vidéo, organisation et conduites de colloques, conférences, congrès’.
Suivant décision datée du 18 octobre 2021, monsieur le président de l’Institut [9] a rejeté l’opposition formée par monsieur [N] pour défaut d’usage sérieux de la marque antérieure.
Monsieur [N] a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 9 décembre 2021.
A l’appui de son recours, par conclusions déposées par voie électronique le 7 juin 2022, monsieur [N] développe l’historique du mouvement L’ACTION FRANÇAISE et des différents conflits ayant précédé et suivi le dépôt de la marque verbale L’ACTION FRANÇAISE le 1er août 2002 par monsieur [M] [F] et la cession consentie par sa soeur en 2019.
Répondant aux observations de l’Institut [9], monsieur [N] soutient qu’en application de la jurisprudence récente de la Cour de cassation et des dispositions du décret du 9 décembre 2019, l’appel d’une décision du directeur de l’Institut [9] a désormais un caractère dévolutif, ce qui lui permettrait de verser de nouvelles pièces devant la cour. Sur le fond, il invoque la mauvaise foi de monsieur [C] lors du dépôt de la marque contestée et rappelle l’existence d’une autre procédure opposant les parties et ayant fait l’objet d’un sursis à statuer prononcé par la cour d’appel D’AIX EN PROVENCE EN PROVENCE EN PROVENCE. Sur l’usage sérieux de la marque antérieure L’ACTION FRANÇAISE, il soutient que cette marque a été utilisée avant son dépôt même dans le cadre de la diffusion du journal éponyme, publié depuis fin 1999 sous le titre L’ACTION FRANÇAISE 2000 et verse sur ce point différentes pièces. Il soutient que la marque a ainsi été exploitée jusqu’au 1er février 2018, date de la liquidation judiciaire de la société éditrice, et que cette exploitation devait être reprise, la crise sanitaire et les divers confinements interrompant provisoirement les projets de diffusion d’un nouveau titre et de création d’une maison d’édition.
Monsieur [N] invoque un risque de confusion en rappelant développer une activité commerciale d’édition par l’intermédiaire de la SARL L’ACTION FRANÇAISE. Il invoque en outre la mauvaise foi de monsieur [C], et en conséquence le caractère frauduleux du dépôt de la marque, cette question relevant de l’appréciation de l’Institut [9] dans le cadre de la présente opposition. Au terme de ses conclusions, monsieur [N] demande à la cour d’infirmer la décision de monsieur le directeur de l’Institut [9] et de condamner l’association CENTRE ROYALISTE D’ACTION FRANÇAISE et monsieur [C] in solidum au paiement de la somme de 10 000 € au titre de dommages intérêts, outre 4 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’association CENTRE ROYALISTE D’ACTION FRANÇAISE et monsieur [C], par conclusions déposées par voie électronique le 6 avril 2022, concluent à l’irrecevabilité des demandes nouvelles formées par l’appelant devant la cour. Sur l’opposition, ils affirment que monsieur [N] ne démontre nullement un usage sérieux de la marque L’ACTION FRANÇAISE, ce signe n’étant par lui utilisé que pour désigner une mouvance politique. Ils affirment que ce dernier usage ne peut être considéré comme un usage à titre de marque dans la vie des affaires. Ils précisent que la marque L’ACTION FRANÇAISE acquise par monsieur [N] n’a jamais désigné les produits ‘journaux’, les titres comportant ce signe étant protégé en réalité par le dépôt de la marque ACTION FRANÇAISE 2000. Selon eux, toutes les autres preuves d’exploitation invoquées dans ses écritures par monsieur [N] ne peuvent être rattachées à la période litigieuse, à savoir du 24 février 2015 au 24 février 2020 et sont en toute hypothèse dépourvues de pertinence.
Subsidiairement, dans l’hypothèse où la cour infirmerait la décision de l’Institut [9], l’association CENTRE ROYALISTE D’ACTION FRANÇAISE et monsieur [C] demandent à la cour de constater l’absence d’identité ou de similarité entre les produits désignés par la marque antérieure et par la demande d’enregistrement et par l’absence d’identité entre les signes L’ACTION FRANÇAISE et ACTION FRANÇAISE.
Ils concluent en conséquence au rejet des demandes nouvelles en annulation et en contrefaçon et sur le fond demandent à la cour de confirmer la décision déférée, subsidiairement de rejeter l’opposition et en toute hypothèse de condamner monsieur [N] au paiement d’une somme de 10 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Monsieur le directeur de l’Institut [9], par observations déposées le 9 mai 2022, soutient qu’en application de l’article R 411-19 du Code de la propriété intellectuelle le recours présenté est un recours en annulation, et qu’en conséquence la cour ne peut ni prendre en compte des pièces qui n’avaient pas été soumises à l’Institut [9], ni trancher sur la question du risque de confusion, cette question n’ayant pas été tranchée dans le cadre de l’opposition. Sur le fond, il affirme que l’opposant ne démontre pas par les pièces produites avoir fait un usage sérieux du signe L’ACTION FRANÇAISE en tant que marque et pour les produits désignés par le dépôt pour la période courant du 24 février 2015 au 24 février 2020. Sur les arguments tirés de la mauvaise foi alléguée du déposant, il affirme que ce point ne peut être soumis à la cour dans le cadre d’une opposition et renvoie l’opposant à saisir le tribunal d’une action en revendication ou l’Institut [9] elle même en annulation en raison du caractère frauduleux du dépôt.
Le ministère public, à l’audience, a conclu à la confirmation de la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application des dispositions combinées des articles R 411-19 et L 411-4 du Code de la propriété intellectuelle, les recours exercés contre les décisions de monsieur le directeur de l’Institut [9] statuant en matière d’opposition à l’enregistrement d’une marque sont des recours en annulation, et non en réformation ; ces recours n’ont en conséquence aucun effet dévolutif, et les parties ne peuvent former devant la cour ni moyens ni prétentions non présentés au moment de la procédure d’opposition, ni présenter des pièces nouvelles ; monsieur [N] n’est pas fondé pour contester cette disposition à invoquer les règles générales du code de procédure civile, règles expressément écartées en cas de disposition particulière dans le Code de la propriété intellectuelle par l’article R 411-20 ; il n’apparaît pas plus fondé à invoquer l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme et l’évolution de la jurisprudence relative à l’application de l’article 126 du code de procédure civile aux actions formées devant l’Institut [9], l’article R 411-19 lui permettant de former de manière effective un recours contre la décision du directeur de l’Institut [9] et se contentant d’en définir les conséquences ; il convient en conséquence d’une part d’écarter les pièces versées devant la cour mais non produites lors de la procédure d’opposition, et d’autre part de rejeter la demande formée au titre de l’annulation de la marque antérieure en raison d’un dépôt allégué frauduleux, renvoyant sur ce point monsieur [N] a saisir à nouveau l’Institut [9].
Le dépôt de la marque par monsieur [C] étant daté du 24 février 2021, il appartient à monsieur [N], opposant, de prouver avoir fait un usage sérieux de la marque antérieure qu’il invoque, la marque verbale L’ACTION FRANÇAISE, du 24 février 2015 au 24 février 2020 conformément aux dispositions de l’article L 712-5-1 du Code de la propriété intellectuelle.
L’usage sérieux se définit comme l’exploitation du signe correspondant à la fonction de la marque qui est de garantir au consommateur l’identité d’origine d’un produit ou d’un service, et il doit être constaté pour les produits et services visés dans l’enregistrement.
La marque L’ACTION FRANÇAISE dont se prévaut monsieur [N] a été déposée le 1er août 2002 pour désigner les produits et services suivants : ‘Produits d’imprimerie, publicité, distribution de prospectus et de matériel publicitaire (tracts, imprimés, affiches),organisation d’exposition à buts de publicité, publicité en ligne sur réseau informatique, location de temps publicitaires sur tout moyen de communication, publication de livres, montage de bande vidéo, organisation et conduites de colloques, conférences, congrès’.
Contrairement à l’acte de dépôt du signe ACTION FRANÇAISE, le dépôt de la marque L’ACTION FRANÇAISE ne vise pas les journaux, produits répertoriés dans le classement de NICE en classe 16 ; monsieur [N] n’apparaît dès lors pas fondé à invoquer la diffusion de journaux portant le signe ACTION FRANÇAISE pour établir un usage sérieux de sa marque ; de surcroît, et surabondamment, il convient de constater que les exemplaires de périodiques par lui versés portent le titre non pas D’ACTION FRANÇAISE, mais le titre ACTION FRANÇAISE 2000, titre correspondant lui à une marque déposée le 12 novembre 2017 pour désigner des journaux par une association CMRDS.
Tous les autres documents produits par monsieur [N] dans le cadre de la procédure d’opposition évoquent l’historique ou la vie d’un mouvement politique connu sous le terme L’ACTION FRANÇAISE, mais ne permettent pas de constater que ce terme a été utilisé dans le monde économique pour désigner un produit ou service ; à bon droit, monsieur le directeur de l’Institut [9] a constaté en conséquence que la preuve d’un usage sérieux de la marque déposée dans la période de cinq ans précédant la demande de dépôt de signe n’était pas rapportée ; la décision sera en conséquence confirmée.
Les circonstances de l’espèce imposent de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de monsieur [N].
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
– DÉCLARE irrecevables les pièces et moyens déposés par monsieur [N] et les prétentions exposées devant la cour mais non produits ou évoquées devant monsieur le directeur de l’Institut [9] durant la procédure d’opposition.
– CONFIRME la décision de monsieur le directeur de l’Institut [9] en date du 18 octobre 2021 dans l’intégralité de ses dispositions.
– DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.
– DIT que la présente décision sera notifiée par les soins du greffe dans les formes prévues par l’article R 411-42 du Code de la propriété intellectuelle.
– MET l’intégralité des dépens à la charge de monsieur [N].
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT