Your cart is currently empty!
Chez les agents publics ou semi publics, les activités artistiques des salariés doivent être encadrées par le contrat de travail et un règlement intérieur.
En l’occurrence, le salarié de la SCNF aurait dû solliciter l’autorisation de cumul de son activité professionnelle artistique avec son activité professionnelle principale auprès du directeur d’établissement, ce qu’il n’a pas fait. En exerçant cette activité sans autorisation et en prétextant des maladies, il a commis une faute justifiant son licenciement.
La SNCF a constaté la présence du salarié dans une émission télévisée (TPMP) alors qu’il venait de déclarer qu’il était en arrêt-maladie, et sur les conclusions du rapport d’enquête administrative établi reprochant au salarié d’exercer une activité accessoire de chanteur AZ du groupe T 30.
La faute a été retenue et le licenciement justifié.
Le salarié était soumis au statut des relations collectives entre SNCF, SNCF RESEAU, SNCF MOBILITES constituant le groupe public ferrovaire et leurs personnels.
Les articles 4.5, 4.6 et 4.8 du référentiel ressources humaines énoncent que :
“Si la sanction envisagée a des conséquences sur le maintien de l’agent dans l’entreprise, il en est formellement avisé dans la convocation à l’entretien. Dans ce cas, le délai entre la convocation et l’entretien est de cinq jours ouvrables.
Au cours de l’entretien préalable, le directeur d’établissement ou l’autorité assimilée indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications verbales de l’agent.
La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien ou pour le conseil de discipline.Elle doit être motivée et notifiée par écrit à l’intéressé.
En cas de radiation des cadres, la lettre de notification ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après le jour fixé pour le conseil de discipline.
Lorsque la décision est prise par l’autorité habilitée à prononcer la sanction, de présenter l’affaire devant le conseil de discipline, l’intéressé doit en être avisé par écrit(…)
L’article 4.3 précise que, par exception, quelques cumuls d’activités peuvent être autorisés pour un exercice à titre accessoire :
En outre, certaines activités professionnelles complémentaires à l’activité principale exercée au sein du GPF sont susceptibles d’être autorisées à titre accessoire, notamment la libre production des ‘uvres de l’esprit et plus particulièrement « la vente d”uvres scientifiques, littéraires ou artistiques définies aux articles L.112-1 à L.112-3 du code de la propriété intellectuelle (création photographique, musicale (y compris DJ), littéraire, etc) ».
En ce cas, l’agent qui envisage de cumuler une activité accessoire à son activité principale doit en demander l’autorisation par écrit au directeur d’établissement ou autorité assimilée, au moins deux mois avant le début de l’activité envisagée”.
En revanche, il est précisé dans le référentiel que ne sont pas concernées par l’interdiction de cumul les activités bénévoles, étant précisé qu’« est bénévole toute personne qui s’engage librement pour mener une action non salariée en direction d’autrui, en dehors de son temps professionnel et familial.
L’engagement du bénévole est totalement libre, sans obligations d’horaires, sans contrepartie, sans rémunération », au sens de la définition du bénévolat retenue dans le référentiel (ce qui n’était pas le cas en l’espèce).
AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 20/04490 – N° Portalis DBVX-V-B7E-NDHR
[V]
C/
Société SNCF VOYAGEURS
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 13 Juillet 2020
RG : 18/03038
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2023
APPELANT :
[U] [V]
né le 30 Juillet 1978 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Ludivine BOISSEAU, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Société SNCF VOYAGEURS
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Cécile PESSON de la SARL OCTOJURIS – MIFSUD – PESSON – AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Romain MIFSUD, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 27 Juin 2023
Présidée par Joëlle DOAT, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Joëlle DOAT, présidente
– Nathalie ROCCI, conseiller
– Anne BRUNNER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 27 Septembre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [U] [V] a été embauché par la SNCF le 7 juin 2010 en qualité d’agent commercial trains.
Au dernier état de la relation contractuelle, il occupait les fonctions de contrôleur.
Il a été licencié le 5 octobre 2017 au motif qu’il exerçait une activité de chanteur dans un groupe de musique, non cumulable avec l’exercice de ses fonctions au sein de la SNCF.
Par requête en date du 4 octobre 2018, il a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon en lui demandant de condamner la société SNCF à lui payer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement en date du 13 juillet 2020, le conseil de prud’hommes a rejeté la demande.
M. [U] [V] a interjeté appel de ce jugement, le 11 août 2020.
Il demande à la cour :
– d’infirmer le jugement
– de condamner la société à lui payer la somme de 16 478,88 euros à titre de dommages et intérêts
– de condamner la société à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir que le licenciement est intervenu tardivement car il lui a été notifié le 5 octobre 2017, plus d’un mois après l’entretien préalable qui s’est déroulé le 11 août 2017.
Il conteste subsidiairement avoir exercé une activité rémunérée non autorisée régulière, parallèle à ses fonctions au sein de la SNCF, et encore moins pendant les périodes d’arrêt de travail.
Il soutient qu’il ne joue dans un groupe de musique que pendant ses loisirs et qu’il s’agit d’une activité bénévole.
La société SNCF demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner M. [U] [V] à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.
Elle expose que le délai d’un mois ne court qu’à compter de la présentation de l’agent devant le conseil de discipline et que le salarié a été entendu devant le conseil de discipline le 28 septembre 2017.
Elle fait valoir sur le fond que le salarié est répertorié comme auteur à la SACEM et que son activité devait faire l’objet d’une autorisation.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 mai 2023.
SUR CE :
Le salarié est soumis au statut des relations collectives entre SNCF, SNCF RESEAU, SNCF MOBILITES constituant le groupe public ferrovaire et leurs personnels.
Les articles 4.5, 4.6 et 4.8 du référentiel ressources humaines énoncent que :
4.5 (…)
Si la sanction envisagée a des conséquences sur le maintien de l’agent dans l’entreprise, il en est formellement avisé dans la convocation à l’entretien. Dans ce cas, le délai entre la convocation et l’entretien est de cinq jours ouvrables.
Au cours de l’entretien préalable, le directeur d’établissement ou l’autorité assimilée indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications verbales de l’agent.
4.6 La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien ou pour le conseil de discipline.Elle doit être motivée et notifiée par écrit à l’intéressé.
En cas de radiation des cadres, la lettre de notification ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après le jour fixé pour le conseil de discipline.
4.8 Lorsque la décision est prise par l’autorité habilitée à prononcer la sanction, de présenter l’affaire devant le conseil de discipline, l’intéressé doit en être avisé par écrit(…)
La SNCF produit :
– une demande d’explications écrites en date du 17 juillet 2017 sur le fait qu’il a été constaté la présence du salarié dans une émission télévisée le 19 juin 2017, alors qu’il venait de déclarer qu’il était en arrêt-maladie, et sur les conclusions du rapport d’enquête administrative établi le 13 juillet 2017 reprochant au salarié d’exercer une activité accessoire de chanteur AZ du groupe T 30 sans en avoir demandé l’autorisation
– la réponse écrite du salarié en date du 20 juillet 2017 qui déclare que ses apparitions dans des concerts etc… ne se sont jamais déroulées pendant son temps de travail ni illégalement pendant un arrêt-maladie
– le compte-rendu de l’entretien disciplinaire du 11 août 2017
– la convocation devant le conseil de discipline pour la date du 28 septembre 2017, envoyée le 31 août 2017
– le procès-verbal de proposition de sanction avec intervention du conseil de discipline du 28 septembre 2017
– la décision du directeur de région en date du 5 octobre 2017 de prononcer un licenciement.
La procédure de licenciement est donc régulière, comme l’a exactement relevé le conseil de prud’hommes, le licenciement ayant été prononcé moins d’un mois après la tenue du conseil de discipline devant lequel M. [U] [V] s’est présenté assisté d’un défenseur, comme il résulte du procès-verbal du 28 septembre 2017.
Les faits reprochés ayant été portés à la connaissance exacte et complète de l’employeur le 13 juillet 2017, date de remise du rapport d’enquête administrative, et les poursuites engagées moins de deux mois plus tard (convocation devant le conseil de discipline du 31 août 2017), ces faits ne sont pas prescrits.
Aux termes de la lettre de licenciement du 5 octobre 2017, la SNCF reproche à M. [U] [V] sont les suivants :
« Suite à la diffusion en direct de l’émission télévisée « Touche pas à mon poste » sur la chaîne C8 le 19/06/2017, dans laquelle il a été constaté votre présence alors même que vous veniez de déclarer à l’entreprise être en arrêt maladie, le DET de l’ESV Rhodanien a demandé qu’une enquête administrative soit réalisée.
Le rapport d’enquête, daté du 13/07/2017, met en évidence les éléments suivants :
– Vous exercez une activité accessoire « Chanteur AZ du groupe T.30 » pour laquelle vous n’avez jamais transmis la demande obligatoire et préalable à l’exercice d’un cumul d’emploi, ni obtenu l’autorisation pour exercer cette activité tel que prévu dans les articles du Chapitre 4 du RH0013 « Catégories de salariés dont les fonctions, ayant un impact sur la sécurité, sont incompatibles avec l’exercice d’autres activités professionnelles.
Vous exercez actuellement au sein de la SNCF des fonctions liées à la sécurité des circulations ferroviaires et êtes donc soumis à un principe d’interdiction de cumul d’activité.
– Les dates de vos concerts et de vos enregistrements, y compris à l’étranger, disponibles publiquement sur différents réseaux sociaux plusieurs semaines en amont ;
° N’ont jamais fait l’objet de demandes d’autorisation d’absences préalables ce qui aurait permis au service d’organiser la production en votre absence. Par exemple votre tournée en Chine en novembre 2016 ou encore votre concert du 24 mars 2017 en Belgique annoncé dans la presse locale le 23 février 2017 ou encore votre tournée en Chine de mai 2017 annoncée sur les réseaux sociaux le 9 avril 2017.
° Correspond quasi systématiquement à des périodes d’absences pour maladie. Or il apparaît que ces concerts ne sont jamais annulés en raison de votre état de santé et votre présence peut même être constatée (vidéos, photos, commentaires).
Votre comportement est contraire aux prescriptions RH0006 « Principes de comportement, prescriptions applicables au personnel ».
Selon l’article 4 du référentiel ressources humaines (RH0013) de la SNCF dans son édition du 20 octobre 2009 relatif aux ‘catégories de salariés dont les fonctions, ayant un impact sur la sécurité, sont incompatibles avec l’exercice d’autres activités professionnelles’, les catégories de salariés soumises à un principe d’interdiction de cumul d’activités professionnelles sont :
– les salariés exerçant la conduite de trains ou une ou plusieurs tâches essentielles de sécurité définies par décret y compris à titre occasionnel, et qui sont soumis à ce titre à l’aptitude sécurité ferroviaire
(…)
M. [U] [V] occupait un poste de contrôleur, dont plusieurs tâches sont essentielles à la sécurité
L’article 4.3 précise que, par exception, quelques cumuls d’activités peuvent être autorisés pour un exercice à titre accessoire :
– autorisation de plein droit suivant une liste déterminée, sous réserve d’en avoir fait la déclaration à l’employeur
– autorisation écrite suivant une liste déterminée.
En outre, certaines activités professionnelles complémentaires à l’activité principale exercée au sein du GPF sont susceptibles d’être autorisées à titre accessoire, notamment la libre production des ‘uvres de l’esprit et plus particulièrement « la vente d”uvres scientifiques, littéraires ou artistiques définies aux articles L.112-1 à L.112-3 du code de la propriété intellectuelle (création photographique, musicale (y compris DJ), littéraire, etc) ».
En ce cas, l’agent qui envisage de cumuler une activité accessoire à son activité principale doit en demander l’autorisation par écrit au directeur d’établissement ou autorité assimilée, au moins deux mois avant le début de l’activité envisagée.
Par ailleurs, il est précisé dans le référentiel que ne sont pas concernées par l’interdiction de cumul les activités bénévoles, étant précisé qu’« est bénévole toute personne qui s’engage librement pour mener une action non salariée en direction d’autrui, en dehors de son temps professionnel et familial. L’engagement du bénévole est totalement libre, sans obligations d’horaires, sans contrepartie, sans rémunération », au sens de la définition du bénévolat retenue dans le référentiel.
La SNCF verse aux débats des copies d’avis d’arrêts de travail illisibles et surchargées dont il ne peut être déduit que les dates des arrêts coïncident avec les concerts ou engagements du salarié.
Mais elle produit :
– l’affiche de promotion du concert du groupe musical auquel appartient le salarié donné à Madagascar le 23 octobre 2016, celle d’une tournée en Chine en novembre 2016 contenant une vingtaine de dates, celle d’un concert du 15 juin 2017 à [Localité 5], affiches sur lesquelles les trois membres du groupe, dont le salarié, sont identifiables
– le rapport d’enquête administrative retraçant l’activité du groupe mois par mois, sur une période de 18 mois et reproduisant des photographies diffusées sur les réseaux sociaux confirmant la présence de M. [U] [V] lors de ces différents événements
– l’attestation de Mme [T], collègue de M. [V], témoignant de la participation de ce dernier à l’émission diffusée en direct le 19 juin 2017 « Touche pas à mon poste » relayée sur les réseaux sociaux d’« AZ » (son nom d’artiste), au cours de laquelle le groupe a fait la promotion de son nouvel album.
– un extrait du répertoire de la SACEM (société des auteurs, compositeurs, et éditeurs de musique) faisant figurer M. [U] [V] en qualité d’auteur de plusieurs chansons
– la notice explicative précisant que « pour les ‘uvres diffusées à la radio, à la télévision, en discothèques et dans les lieux publics sonorisés, la clef de répartition de la part de droit de reproduction est statutaire et ne varie pas » et que l’auteur d’une oeuvre éditée perçoit 25% des droits.
Il résulte de l’ensemble des éléments ci-dessus que l’activité artistique exercée par M.[U] [V] ne constitue pas une activité bénévole.
Les relevés de répartition établis par la SACEM montrant que le total des versements dont a bénéficié le salarié au cours de l’année 2017 s’élève à 10,81 euros et les relevés bancaires de l’année 2017 de celui-ci ne faisant pas apparaître d’autre rémunération que celle versée par l’employeur ne permettent pas de rapporter la preuve contraire.
Le salarié aurait dû solliciter l’autorisation de cumul de son activité professionnelle artistique avec son activité professionnelle principale auprès du directeur d’établissement, ce qu’il n’a pas fait. En exerçant cette activité sans autorisation, il a commis une faute justifiant son licenciement.
Les captures d’écran facebook produites par M. [U] [V] ne démontrent pas que les salariés auxquels il se compare exerçaient eux aussi une activité musicale artistique rémunérée cumulée avec leur activité professionnelle sans avoir demandé d’autorisation à leur employeur.
Il convient de confirmer le jugement.
M.[U] [V] dont le recours est rejeté sera condamné aux dépens d’appel.
L’équité ne commande pas de le condamner à payer une indemnité de procédure à la société SNCF Voyageurs .
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :
CONFIRME le jugement
CONDAMNE M. [U] [V] aux dépens d’appel
REJETTE la demande de la société SNCF Voyageurs de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE