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N° F 21-80.451 F-D
N° 01280
ECF
3 NOVEMBRE 2021
CASSATION PARTIELLE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 3 NOVEMBRE 2021
Mme [R] [M], épouse [B], et la société Marissol ont formé des pourvois contre l’arrêt de la cour d’appel de Pau, chambre correctionnelle, en date du 22 octobre 2020, qui a condamné, la première, pour mise en danger et infraction à la législation sur les établissements d’activités physiques ou sportives, à 5 000 euros d’amende, la seconde, pour homicide involontaire, à 20 000 euros d’amende dont 10 000 euros avec sursis, a ordonné une mesure de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire, commun aux demandeurs, a été produit.
Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [R] [M], épouse [B], et de la société Marissol, et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l’audience publique du 28 septembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Sottet, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le [Date décès 1] 2015, [W] [Y], âgé de 7 ans et qui se trouvait au camping Sen Yan, exploité par la société Marissol, s’est noyé alors qu’il se baignait, au sein de l’établissement, dans un bassin naturel d’environ 1 900 m², dit bassin de la Baie des Naufragés, entouré d’une plage délimitée par un enclos, sur lequel se trouvait une mention indiquant « baignade non surveillée ». Le rapport d’autopsie médico-légale a conclu à un décès accidentel par noyade, dans une eau un peu souillée.
3. À la suite de ces faits, le préfet des Landes, sur la base d’un rapport émanant de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations, qui concluait au caractère dangereux du bassin, a pris, le 23 juillet 2015, un arrêté portant interdiction d’accès au public. Néanmoins, Mme [R] [M], épouse [B], directrice générale et présidente du conseil d’administration de la société Marissol, a rouvert le bassin.
4. Après une information judiciaire, Mme [M], épouse [B], et la société Marissol ont été renvoyées devant le tribunal correctionnel qui, par jugement du 9 juillet 2019, a, notamment, déclaré la première, coupable de maintien en activité d’un établissement d’activités physiques et sportives malgré un arrêté de fermeture, du 8 au 15 août 2015, sur le fondement des articles L. 322-4, 2°, L. 322-5, L. 322-4, alinéa 1, R. 322-9 et R. 322-10 du code des sports, la seconde, coupable d’homicide involontaire par personne morale, les a condamnées respectivement à des amendes et a ordonné à l’encontre de la société, la confiscation du scellé n° 1 « DVD contenant 364 photographies du Bassin de la Baie des Naufragés ».
5. Mme [M], épouse [B], la société Marissol et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Sur les premier et deuxième moyens
6. Ils ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a ordonné la confiscation du scellé n° 1, alors « qu’en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle ; qu’il incombe au juge qui décide de confisquer un bien, après s’être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l’origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure ; qu’en se bornant à confirmer, sans autre motif, la décision du tribunal correctionnel en ce qu’elle a ordonné la confiscation des scellés, sans préciser la nature et l’origine des biens confisqués, ni le fondement de la mesure, privant ainsi la Cour de cassation de la capacité d’apprécier l’étendue de l’exigence de motivation des juges du fond, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision au regard des articles 132-1 du code pénal et 485, 512 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 132-1 du code pénal et 485, 512 et 593 du code de procédure pénale :
8. Il se déduit de ces textes qu’en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle.
9. Hormis le cas où la confiscation, qu’elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l’objet ou le produit de l’infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte portée au droit de propriété de l’intéressé lorsqu’une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d’office lorsqu’il s’agit d’une confiscation de tout ou partie du patrimoine.
10. Il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien, après s’être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser, outre la nature et l’origine de ce bien, le fondement de la mesure, en indiquant s’il constitue l’instrument, le produit ou l’objet de l’infraction, afin de mettre la Cour de cassation en mesure de s’assurer de la légalité de sa décision, et d’apprécier, le cas échéant, son caractère proportionné.
11. Pour confirmer la mesure de confiscation ordonnée par le tribunal correctionnel, qui n’a assorti sa décision à cet égard d’aucune motivation, l’arrêt attaqué énonce que le jugement sera confirmé sur la peine en ce qu’il a ordonné la confiscation du scellé n° 1.
12. En prononçant ainsi, sans préciser l’origine du bien confisqué ni le fondement de la mesure, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.
13. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
14. La cassation sera limitée à la peine de confiscation, dès lors que la déclaration de culpabilité et les autres peines prononcées n’encourent pas la censure. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur le pourvoi formé par Mme [R] [M], épouse [B] :
REJETTE le pourvoi ;
Sur le pourvoi formé par la société Marissol :
CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Pau, en date du 22 octobre 2020, mais en ses seules dispositions relatives à la confiscation du scellé n° 1, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Pau autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Pau, et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trois novembre deux mille vingt et un.