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délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre sociale
ARRET DU 25 MAI 2022
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/00181 – N° Portalis DBVK-V-B7D-N656
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 13 DECEMBRE 2018
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE N° RG 16/00185
APPELANT :
Monsieur [D] [G]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me JULIE avocat pour Me Aude DENARNAUD, avocat au barreau de CARCASSONNE
INTIMEE :
SARL CEMT
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Yvan MONELLI de la SELARL MBA & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER – Représentée par Me JOLIBERT avocat de la SELAS MORVILLIERS-SENTENAC avocats au barreau de TOULOUSE substituée par Me PANART avocat
Ordonnance de clôture du 08 Février 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 MARS 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère, chargé du rapport.
Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Jean-Pierre MASIA, Président
Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère
Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère
Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL
ARRET :
– CONTRADICTOIRE.
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.
*
**
FAITS ET PROCÉDURE
Selon contrat de travail à durée indéterminée du 1er mars 2014, M. [D] [G] a été engagé à temps complet par la SARL Cemt en qualité de concepteur-vendeur, moyennant une rémunération mensuelle fixe brut de 1.445,42 € outre une partie variable sous forme de commission et d’intéressement.
Par courriel du 17 avril 2015, l’employeur a demandé au salarié de corriger sa manière de faire avec les clients, estimant qu’il n’effectuait pas un suivi correct de la vente jusqu’à la réception de chantier et l’a averti que la prochaine anomalie serait sanctionnée disciplinairement.
Par courrier du 28 avril 2015, il l’a convoqué à un entretien préalable à une sanction au sujet du dossier « [M] », sans qu’aucune suite ne soit finalement donnée à cette convocation.
Par lettres successives des 7 juillet 2015 et 27 novembre 2015, après convocations à entretiens préalables à une sanction, l’employeur a notifié au salarié deux avertissements concernant respectivement les dossiers « [GJ] » et « [JV], [FL] et [R] ».
Par lettre du 2 mars 2016, une nouvelle convocation à entretien préalable à une sanction lui a été remise en main propre, sans qu’aucune suite ne soit finalement donnée.
Par lettre remise en main propre le 19 août 2016, l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, fixé le 26 août 2016, et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.
Par courrier du 2 septembre 2016, il lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse et l’a dispensé de son préavis de deux mois.
Le 21 septembre 2016, par l’intermédiaire de son conseil, le salarié a adressé en vain à l’employeur une demande amiable contestant son licenciement.
Par requête reçue le 3 novembre 2016, faisant valoir que son licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Carcassonne.
Il a par la suite sollicité l’annulation des sanctions disciplinaires, allégué l’existence d’un harcèlement moral, un manquement de l’employeur à son obligation de formation ainsi qu’une irrégularité de procédure.
Par jugement du 13 décembre 2018, le conseil de prud’hommes a
– dit que le licenciement de M. [D] [G] reposait sur une cause réelle et sérieuse, que la mise à pied était justifiée, que la procédure disciplinaire était régulière, que la SARL CEMT avait respecté son obligation de formation, que les sanctions disciplinaires étaient régulières et fondées, que les faits de harcèlement moral n’étaient pas fondés,
– constaté la procédure abusive de la part du demandeur mais a débouté l’employeur de sa demande à ce titre,
– débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes,
– débouté l’employeur de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamné le salarié aux entiers dépens.
Par déclaration enregistrée au RPVA le 10 janvier 2019, M. [D] [G] a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
Aux termes des dernières conclusions enregistrées au RPVA le 18 juillet 2019, M. [D] [G] demande à la Cour, de :
– déclarer son appel recevable ;
– constater que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;
– constater que l’employeur n’a pas respecté son obligation de formation à son égard ;
– constater l’irrégularité de forme de son licenciement ;
– constater que sa mise à pied à titre conservatoire est nulle ;
– constater le non-respect de la procédure disciplinaire ;
– annuler les sanctions disciplinaires irrégulières, injustifiées et infondées ;
– constater les faits de harcèlement moral commis par l’employeur à son encontre ;
– constater l’absence de procédure abusive de sa part ;
– condamner la société CEMT au paiement des sommes de :
* 26.520 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 44 € au titre de l’indemnité de licenciement,
* 1.120,70 € au titre des congés payés,
* 2.600 € au titre du manquement à l’obligation de formation,
* 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de forme du licenciement,
* 5.000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la nullité de la mise à pied conservatoire et au regard des circonstances vexatoires dans lesquelles elle est intervenue,
* 1.000 € à titre de dommages et intérêts au regard des sanctions disciplinaires prononcées,
* 5.000 € au titre du harcèlement moral,
* 2.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamner la SARL Cemt à la remise des documents de fin de contrat de travail conforme sous astreinte journalière de 100 € ;
– la condamner au paiement des entiers dépens
– « ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir ».
Aux termes des dernières conclusions enregistrées au RPVA le 6 juin 2019, la SARL Cemt demande à la Cour de
– confirmer intégralement la décision ;
– dire et juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, qu’elle n’a commis aucun abus dans la notification d’avertissements préalables au licenciement, dans la procédure de rupture du contrat de travail mise en ‘uvre, que le salarié a été réglé, dans le solde de tout compte, de l’intégralité des sommes dues, qu’elle n’a commis aucun manquement susceptible d’être qualifié de fait de harcèlement ;
– débouter le salarié de toutes ses demandes ;
Reconventionnellement, de le condamner au paiement d’une somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites susvisées.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 8 février 2022.
MOTIFS
Sur l’annulation des avertissements.
L’article L 1331-1 du Code du travail dispose que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
L’article L 1333-1 du même Code prévoit qu’en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.
L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l’espèce, en premier lieu, le salarié fait valoir que la procédure disciplinaire suivie dans le cadre des deux avertissements contestés, notifiés respectivement les 7 juillet et 27 novembre 2015, est irrégulière pour les motifs suivants :
– la convocation emploie le tutoiement,
– elle ne mentionne pas la date des faits reprochés,
– elle a été remise en main propre mais la formule « Lu et pris connaissance » fait défaut,
– le compte-rendu d’entretien préalable rédigé par le conseiller l’ayant assisté n’a pas été signé par l’employeur.
Or ces griefs, qui ne sont d’ailleurs fondés sur aucun texte légal, ne sauraient entraîner l’irrégularité de la procédure disciplinaire suivie dans le cadre des deux avertissements notifiés.
En second lieu, le salarié expose que ces deux avertissements sont injustifiés.
L’avertissement notifié le 7 juillet 2015.
Le premier avertissement notifié au salarié est rédigé dans les termes suivants :
« Monsieur,
Par la présente, nous vous confirmons les observations verbales qui vous ont été faites lors de l’entretien avec M. [C] [MI] et M. [I] [H], le 26 juin 2015.
Malgré votre volonté de faire des efforts pour améliorer votre comportement, les faits ci-dessous ne peuvent rester sans conséquence.
En effet, le non suivi de votre client [GJ] constituent un manquement à vos obligations contractuelles. Comme évoqué ensemble, la commande n’a pu être confirmée auprès de la Salm dans le temps défini avec le client et les conséquences non traitées avec ce dernier. Il n’y a pas eu d’échange avec le client propre à ne pas envenimer la situation. En conséquence, le délai de pose a été retardé de 1 mois avec des obligations de dédommagement conséquentes pour le magasin. Le magasin a dû offrir un réfrigérateur, un évier et un mitigeur.
De plus, ces insatisfactions de clients qui en découlent sont préjudiciables en magasin.
En conséquence, je me vois dans l’obligation, par cette lettre, de vous adresser un avertissement. ».
Pour établir les faits ainsi reprochés au salarié – lequel les conteste – l’employeur expose que l’employé n’a pas contesté l’avertissement et se contente de verser aux débats un courriel qu’il a lui-même adressé au client le 22 août 2015 dans lequel il faisait état du mécontentement dudit client et de sa décision de lui offrir un réfrigérateur.
En l’absence de tout autre document susceptible de corroborer les affirmations de l’employeur contenues dans le courriel produit, l’avertissement est abusif et doit être annulé.
Il y a lieu de condamner l’employeur à verser au salarié la somme de 50 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.
L’avertissement du 27 novembre 2015.
Le second avertissement notifié au salraié est rédigé dans les termes suivants :
« Monsieur,
Par la présente, nous vous confirmons les observations verbales qui vous ont été faites lors de l’entretien avec M. [I] [H], le 21 novembre 2015.
Malgré votre volonté de faire des efforts pour améliorer votre comportement, les faits ci-dessous ne peuvent rester sans conséquence.
En effet, le non-suivi de vos clients après la livraison de leur cuisine et le manque de réactivité quant aux faits de répondre à leur demande comme M. [JV], Mme [FL], M.[R] par exemple, ainsi que le non-respect de vos devoirs professionnels comme la constitution des dossiers vente, des ODV non-inscrites sur S-Manager après de nombreuses relances de ma part.
De plus, ces insatisfactions de clients qui en découlent sont préjudiciables au magasin.
En conséquence, je me vois dans l’obligation, par cette lettre, de vous adresser un avertissement. (…)».
Pour démontrer la faute du salarié, l’employeur ne verse aucune pièce aux débats venant corroborer ses allégations et se prévaut de la seule force probante de la lettre d’avertissement ainsi que de l’absence de contestation du salarié au moment des faits.
Au contraire, celui-ci produit l’attestation régulière de M. [TH] [FL], lequel assure que l’appelant s’est montré très professionnel, a été très disponible, a su lui donner satisfaction et que l’oubli d’un élément de la cuisine était du fait du fournisseur.
Dès lors, la sanction est abusive.
L’avertissement, injustifié, sera annulé et l’employeur sera condamné à payer au salarié la somme de 50 € à titre de dommages et intérêts résultant de son préjudice moral.
Sur le manquement à l’obligation de formation.
En application de l’article L 6321-1 du Code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige, l’employeur a l’obligation de mettre en oeuvre des formations pour assurer l’adaptation du salarié à son poste de travail et le maintien de sa capacité à occuper un emploi.
En l’espèce, le salarié expose ne pas avoir bénéficié de formations professionnelles.
Pourtant, l’employeur établit que le salarié a été formé en juin, juillet et août 2013 lors de son intégration au sein de l’entreprise, qu’il a bénéficié par la suite d’une formation en mars 2014, qu’une journée de séminaire a été organisée sur place en mars 2014.
Par ailleurs, le salarié ne démontre pas en quoi le fait de ne pas avoir eu de formations postérieurement lui aurait causé un préjudice, étant précisé qu’il n’est pas allégué ni établi que l’employeur aurait refusé de l’inscrire à une autre session de formation.
La demande d’indemnisation présentée à ce titre doit être rejetée.
Sur le harcèlement moral.
Selon l’article L.1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En cas de litige, l’article L.1154-1 du même Code prévoit que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, le salarié soutient avoir été, à de multiples reprises, convoqué à des entretiens préalables en vue de sanctions disciplinaires et avoir été sanctionné par deux avertissements non fondés.
Au vu de ce qui précède, le salarié établit que les deux avertissements notifiés par l’employeur étaient abusifs et qu’il a été convoqué à deux autres entretiens préalables à sanction disciplinaire sans qu’aucune suite n’ait été finalement donnée, et ce, sur une courte période.
Pris dans leur ensemble, les faits ainsi établis sont autant d’agissements répétés permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral.
L’employeur, qui ne verse aux débats aucun élément relatif aux avertissements abusifs, ne prouve pas que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, en sorte que le harcèlement moral est démontré.
Celui-ci sera condamné à payer au salarié la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts.
Sur le licenciement.
L’article L 1232-3 du Code du travail dispose que, au cours de l’entretien préalable, l’employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié.
En l’espèce, le salarié fait valoir que la lettre de licenciement invoque des griefs non indiqués au cours de l’entretien préalable (utilisation des matériels informatiques à des fins personnelles, usage du téléphone portable personnel et mauvaise gestion des dossiers [Y], [A], [W]/[E], [F], [LK], [N] et [O]) et que la procédure est par conséquent irrégulière en la forme.
Il verse aux débats le compte-rendu d’entretien préalable établi par le conseiller qui l’assistait pendant l’entretien, lequel ne mentionne pas les sujets listés ci-dessus.
Toutefois, ce document, qui n’est pas signé, ni par le conseiller présent, ni par l’employeur, ne saurait présenter une force probante suffisante.
Le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure de licenciement doit par conséquent être rejeté.
L’article L 1232-1 du Code du travail subordonne la légitimité du licenciement pour motif personnel à une cause réelle et sérieuse.
L’article L 1235-1 du même Code prévoit que le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l’espèce, la lettre de licenciement du 2 septembre 2016, qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :
« Monsieur,
Nous vous avons reçu le 26 août 2016, en présence de Monsieur [Z] [RS], votre représentant, pour l’entretien préalable au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre égard.
Malgré les explications que vous nous avez fournies, nous avons décidé de vous licencier pour cause réelle et sérieuse en raison du cumul de manquements enregistrés au cours de la relation de travail.
Les faits qui nous ont amenés à prendre cette décision sont les suivants :
Nous avions déjà eu régulièrement à vous reprocher des fautes, notamment :
Mauvaise gestion des clients de la vente jusqu’à la réception du chantier
– 7 juillet 2015, une lettre d’avertissement vous a été adressée relative à votre mauvaise gestion du client Nouguet. Afin d’éteindre le litige avec le client, nous avons dû lui offrir un réfrigérateur, un évier et un mitigeur.
– 27 novembre 2015, une lettre d’avertissement vous a été adressée pour des faits similaires avec les clients [JV], [FL] et [R].
– 9 mai 2016, nous avons été obligés de revenir vers vous concernant les plaintes de clients et des services après ventes récurrents et une utilisation abusive du téléphone portable. Un courrier électronique vous a été adressé en ce sens.
– 24 mai 2016 il a fallu revenir vers vous pour une nouvelle plainte d’une cliente. Un mail de l’assistante à votre attention vous a été envoyé en ces termes « Mme [Y] vient de téléphoner, elle cherchait à te joindre. Elle est ultra mécontente car elle m’a expliqué qu’elle a une erreur de conception de 40 cm et surtout qu’elle attend ton appel depuis 15 jours pour la tenir au courant’ » : nouvelle preuve de laxisme de votre part.
Dégradation de l’image de l’entreprise par manque de professionnalisme avec de nombreuses insatisfactions de clients.
– 24 mai 2016 :Mail de M. [A] qui écrit « Avant mon passage à votre magasin ce jour, aucune communication de votre vendeur, malgré la promesse de m’appeler».
– Dossier [PU] : Différence entre le bon de commande du client signé en date du 9 janvier 2016 et la commande auprès de l’usine. Figurait dans le bon de commande du client : des spots sous les meubles hauts, une tôle dans le sous évier, les remontées en verre dans les casseroliers et une plaque de cuisson décentrée par rapport au casserolier. Le plan technique ayant été remis au client avec cette anomalie. A la pose, le 4 août 2016, tous ces éléments ne figuraient plus suite à une modification de commande effectuée par vos soins. Le plan de pose remis au poseur intègre une plaque centrée sur le casserolier.
– Dossier [S] : différence entre le bon de commande du client signé le 12 mars 2016 et la commande auprès l’usine. Vente d’une cuisine avec 4 armoires alors que seules 3 armoires peuvent être implantées. Conception d’un ilot avec une plaque qui ne peut pas être implantée comme promis au client. L’anomalie a été relevée le 6 août 2016 par Monsieur [I] [H], le directeur. Coût de la modification pour l’entreprise : la plaque induction d’un montant de 360 € TTC offerte au client.
– Dossier [V] : suite à la pose effectuée le 11 juillet 2016 : erreur de prise de dimension des 3 façades des meubles hauts existant. Pas de suivi du SAV, suite à cette erreur de commande. Les clients sont venus en magasin manifester de manière très bruyante leur mécontentement et ce, devant de futurs clients du magasin.
SAV Vendeur avec un coût financier pour l’entreprise, important et récurrent.
– SAV du client [Y] déclaré le 27 mai 2016 (voir précédemment). Suite à une erreur de métré effectuée par vous : coût financier pour l’entreprise 499 € HT, une dette client de 847,79 € TTC non recouverte à ce jour et une journée de pose (250 € HT).
– SAV dossier [W]/[E] déclaré le 12 décembre 2015 Erreur de métré effectuée par vous : une trace au sol devait être recouverte par les meubles ce qui n’a pas été pris en compte lors de la commande. Coût financier pour l’entreprise 445 € HT + une demi-journée de pose (125 € HT).
– SAV des clients [PU] déclaré le 6 août 2016 : 645 € HT d’achat de meubles à la charge du magasin pour résoudre les problèmes de conception ainsi qu’une journée de pose (250 € HT) et, pour palier les préjudices dus à ces erreurs qui ne permettront pas aux clients d’avoir la cuisine qu’ils souhaitaient (c’est-à-dire avec le pôle cuisson qui n’est pas centré sur le casserolier) l’entreprise a offert deux tabourets de bar à 300 euros TTC.
Malgré tous ces manquements relevés à votre encontre nous avons enregistré récemment le :
– 11 août 2016, Enquête de satisfaction du client Chavance. Le client écrit « Le personnel du service après-vente est très indisponible. Cela fait depuis avril que j’attends ma table’ »
– 12 août 2016, Enquête de satisfaction du client [LK]. Le client écrit « Je ne comprends pas pourquoi mon robinet n’est pas celui que j’avais choisi, je l’ai choisi en exposition et il n’est pas flexible comme je le voulais. On l’a remarqué il n’y a pas très longtemps et je suis déçue ».
– 18 août 2016, Enquête de satisfaction du client [N]. Le client écrit « J’attends toujours le SAC concernant deux éléments de ma cuisine ». Cuisine posée en ‘
– 22 août 2016, Enquête de satisfaction du client [O]. Le client écrit « Je ne suis pas du tout satisfaite du vendeur nommé [D]. J’attends toujours un tiroir pour un de mes meubles. J’appelle le magasin mais personne ne donne suite ».
Il ressort donc de ces plaintes une absence de réactivité inacceptable au vu du temps que vous passez sur internet à visiter des sites n’ayant rien à voir avec vos fonctions ou sur votre téléphone portable à des conversations privées.
En effet,
– Lors de l’entretien, vous nous avez notifié votre souhait de vous améliorer et de progresser techniquement et que cela avait toujours été une demande de votre part.
A ce jour, dans le cadre de votre travail, vous disposiez de tous les outils nécessaires pour remplir votre mission comme des catalogues techniques, des modules de formation e-learning ainsi que la compétence de vos collègues.
Malgré votre souhait initial et au regard de notre mail en date du 9 mai 2016 (voir ci-dessus), de notre rappel de procédure par mail en date 6 juillet 2016 concernant l’interdiction d’utiliser les outils informatiques et internet à des fins autres que professionnel, vous avez passé entre le 20/07/2016 et le 18/08/2016, sur 11 jours de présence effective dans l’entreprise, une moyenne de 3h51 par jour, à consulter des sites internet autres que professionnels (Facebook, Airbnb, Amazon, Dealerdunet, ‘) Le temps passé sur les sites professionnels (Schmidt Groupe et Google Agenda) est de moins de 2h sur cette période.
– Lors de l’entretien d’échange, vous avez eu une attitude non constructive. Lorsque nous avons évoqué tous les points cités précédemment, vous avez justifié de manière systématique, toutes ces anomalies par des évènements extérieurs survenus, à chaque fois, indépendamment de votre volonté. Nous avons, aussi, noté que vous avez justifié le temps passé sur Internet par une recherche pour des raisons professionnelles.
Nous considérons que ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement. (…) ».
L’employeur reprend certains des griefs déjà reprochés et/ou sanctionnés de manière abusive au vu de ce qui précède, lesquels ne sauraient fonder le licenciement. Il fait ensuite état de nouveaux faits.
Pour établir le grief tiré de la mauvaise gestion des clients de la vente jusqu’à la réception du chantier du SAV Vendeur avec un coût financier pour l’entreprise, important et récurrent, l’employeur ne verse aux débats qu’un courriel non daté rédigé par l’assistante commerciale de l’entreprise adressé au salarié et mentionnant le mécontentement de Mme [Y] qui attendait son appel et menaçait d’entamer une procédure judiciaire. Toutefois, ce message n’est corroboré par aucun élément émanant directement de la cliente.
Ce grief doit être écarté.
Pour établir les griefs tirés de la dégradation de l’image de l’entreprise par manque de professionnalisme avec de nombreuses insatisfactions de clients et des difficultés de service après vente, l’employeur verse aux débats les pièces suivantes :
– un courriel adressé à l’entreprise par M. [ZG] [A] le 24 mai 2016 aux termes duquel il confirme son mécontentement du fait de l’absence de visite de fin de chantier et de l’absence de communication par le vendeur ; toutefois, aucun autre élément ne permet d’établir que le vendeur désigné serait le salarié,
– un certificat de fin de travaux au nom des époux [PU], du 22 septembre 2016, dont il résulte que, selon les clients, le vendeur leur aurait promis des équipements non présents et une erreur d’implantation majeure est constatée par le poseur, ainsi qu’un courriel de ces clients adressé à l’entreprise le 16 octobre 2016 dans lequel il est question d’un vendeur prénommé « [D] » ; toutefois, aucun autre élément du dossier ne permet de vérifier si l’erreur d’implantation est le fait du seul salarié ou s’il résulte d’une erreur du fabricant ou du fournisseur,
– un certificat de fin de travaux au nom des époux [V], du 12 juillet 2016, dont il résulte que les clients ont signalé la non-conformité des dimensions des portes et de leur couleur de porte, ainsi qu’un courriel de ces clients adressé à l’entreprise le 19 octobre 2016 aux termes duquel ils se sont plaints du manque de communication du vendeur « [D] » qui avait annoncé une date de livraison qui n’a pas été tenue ; toutefois, aucun autre élément du dossier ne permet de vérifier si une erreur de date est imputable au salarié ; seul le manque de communication pourrait lui être reproché alors qu’il est constant qu’il était en congés au moment où les clients ont été informés du retard de livraison.
Pour établir le grief tiré des retours négatifs de l’enquête de satisfaction, l’employeur verse aux débats seulement quatre courriels émanant des clients [O], [F], [N] et [LK], adressés le 22 août 2016 à l’entreprise par une société Edinstitut. Si les clients [O] font état d’un vendeur prénommé « [D] » – sans pour autant préciser son identité – et de l’absence de suite apportée au magasin malgré leurs appels relatifs à un tiroir manquant, les autres messages se limitent à remarquer que le personnel du service après-vente est indisponible sans plus de précision ou que le robinet n’est pas flexible contrairement à ce qui avait été choisi.
En revanche, le salarié verse aux débats plusieurs attestations régulières de clients qui louent ses qualités professionnelles et ses capacités d’écoute (Mmes [L], [DW], [YI], [X] et [MI] et MM. [HH], [B], [IX], [FL]) et surtout MM. [N] et [LK], lesquels contredisent le mécontentement décrit par l’employeur.
Pour établir le grief tiré de l’utilisation à des fins personnelles d’internet et du téléphone portable, l’employeur verse aux débats les pièces suivantes :
– un procès-verbal de constat d’huissier de justice du 26 septembre 2016, soit une vingtaine de jours après le licenciement dont il résulte
* qu’avec l’ordinateur situé sur le premier bureau à gauche en entrant dans le magasin, l’officier ministériel s’est connecté automatiquement à la session « Cuisinella 11/ [D] » et qu’ayant tapé le mot de passe « [G] » communiqué par l’employeur ‘ qui a indiqué demander à tous les salariés d’utiliser leurs nom et prénom pour se connecter ‘ l’huissier a cliqué sur « historique », qu’au cours des « derniers jours » les sites visités représentent essentiellement les sites type « Google Agenda », « les groupes Schmidt » et des sites relatifs à l’électroménager,
* que l’employeur a remis à l’huissier un tableau de synthèse de l’ensemble des connexions internet de ce poste entre le 15 juillet 2016 et le 19 août 2016, impression réalisée les 24 et 26 septembre 2016, que celui-ci a vérifié trois dates (20 et 28 juillet et 18 août), a pu vérifier la cohérence entre l’imprimé et l’historique figurant sur l’écran de l’ordinateur et a constaté qu’à ces dates, des connexions Facebook étaient enregistrées : dernière connexion les deux premiers jours et 2 minutes à 18h58 le lendemain,
* que l’analyse de l’historique annexé au constat d’huissier de justice établit de nombreuses connexions au site Facebook au cours de la journée de travail avec, parfois, la mention « Matt Yeu »,
– des attestations régulières du directeur du magasin, M. [I] [H], de l’assistante commerciale, Mme [K] [T], et de deux salariés embauchés postérieurement au départ du salarié (Mme [SJ] et M. [UF]) : les témoignages de ces deux derniers salariés ne sont pas déterminants dans la mesure où ils n’étaient pas présents pendant la relation de travail litigieuse ; le directeur et l’assistante commerciale affirment en substance que chaque collaborateur dispose d’un bureau avec un poste fixe, non interchangeable,
– un courriel adressé le 6 juillet 2016 par le responsable à plusieurs salariés dont l’appelant, dans lequel il rappelle à la suite d’une attaque informatique de grande ampleur, notamment, que l’outil informatique est réservé à une utilisation uniquement professionnelle et qu’il est interdit de l’utiliser à des fins personnelles en se connectant aux réseaux sociaux.
Le salarié conteste que l’historique annexé au constat d’huissier corresponde à ses propres connexions.
Il verse aux débats les attestations régulières d’anciens salariés qui précisent que les postes informatiques étaient interchangeables :
– deux d’entre eux (Mme [J] et M. [CY]) ont travaillé avant l’arrivée du salarié au sein de l’équipe en sorte que leurs témoignages ne sont pas suffisamment probant,
– le témoignage de Mme [P] [U], qui a été employée au poste d’assistante commerciale pendant environ 18 mois alors que l’appelant travaillait au sein de l’entreprise, présente en revanche une valeur probante suffisante ; or, elle indique que celui-ci, comme tous les autres commerciaux, interchangeaient leur poste informatique selon les rendez-vous, que les codes et identifiants étaient connus de tous et que le premier poste à l’entrée était destiné au poste d’accueil.
Il résulte de ce dernier élément que l’employeur ne prouve pas que les connexions figurant sur le listing annexé par l’huissier de justice émanent toutes du salarié.
Enfin, aucun élément du dossier de l’employeur n’étaye le reproché lié à l’utilisation abusive du téléphone portable personnel.
Il s’ensuit que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.
Il sera fait droit à la demande de nullité de la mise à pied à titre conservatoire en raison de son caractère abusif.
Le salarié ne sollicite pas un rappel de salaire et de ses accessoires à ce titre mais une simple indemnisation globale du préjudice résultant de la mise à pied et du caractère vexatoire de la mesure, à hauteur de 5.000 €.
Il y a lieu de condamner l’employeur à payer au salarié la somme de 700 € à titre de dommages et intérêts à ce double titre.
Sur les conséquences pécuniaires de la rupture.
Compte tenu de l’âge du salarié (né le 12/09/1985), de son ancienneté à la date du licenciement (3 ans et 3 jours), du nombre de salariés habituellement employés (au moins 11 salariés), de sa rémunération mensuelle brute (2.093,44€) et de l’absence de tout justificatif relatif à sa situation actuelle, il convient de fixer la somme de 12.560,64 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le reçu pour solde de tout compte mentionne l’indemnité de licenciement de 1.356 €, montant établissant que le salarié a été rempli de ses droits à ce titre ; et ce, même si la mention d’une saisie-arrêt figure à hauteur de 484,84 €. La demande de paiement d’un reliquat de 44 € au titre de l’indemnité de licenciement, non justifiée, doit être rejetée.
Sur le caractère abusif de la procédure.
L’article 32-1 du Code de procédure civile prévoit une amende civile en cas d’action en justice dilatoire ou abusive.
En l’espèce, au vu de ce qui précède, le caractère abusif de la procédure n’est pas démontré.
Sur les demandes accessoires.
L’employeur devra délivrer au salarié les documents de fin de contrat rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt, sans qu’il soit nécessaire de prononcer une astreinte.
Il sera tenu de rembourser à Pôle Emploi les allocations chômage versées au salarié à hauteur de 6 mois.
Il sera tenu aux entiers dépens.
Il est équitable par ailleurs de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe ;
CONFIRME le jugement du du conseil de prud’hommes de en ce qu’il a
– dit que la procédure disciplinaire était régulière, que la SARL CEMT avait respecté son obligation de formation, que les sanctions disciplinaires étaient régulières et que l’employeur n’avait pas manqué à son obligation de formation,
– débouté M. [D] [G] de ses demandes à ces titres outre celles liées au reliquat de l’indemnité de licenciement et au caractère vexatoire du licenciement ;
L’INFIRME pour le surplus ;
Statuant à nouveau de ces chefs infirmés et y ajoutant,
DEBOUTE M. [D] [G] de sa demande au titre de l’irrégularité de la procédure disciplinaire suivie pour les deux avertissements notifiés les 7 juillet et 27 novembre 2015 ;
ANNULE lesdits avertissements notifiés à M. [D] [G] comme étant non fondés ;
ANNULE la mise à pied à titre conservatoire ;
DEBOUTE M. [D] [G] de sa demande au titre de l’irrégularité de la procédure de licenciement ;
DIT que le licenciement de M. [D] [G] est dénué de cause réelle et sérieuse ;
DIT que M. [D] [G] a été victime de harcèlement moral ;
CONDAMNE la SARL Cemt à payer à M. [D] [G] les sommes suivantes :
– 100 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la notification des deux avertissements non justifiés,
– 500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral,
– 12.560,64 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 700 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la mise à pied à titre conservatoire et du caractère vexatoire de la mesure,
DIT n’y avoir lieu à condamnation à une amende civile ;
CONDAMNE la SARL Cemt à délivrer à M. [D] [G] les documents de fin de contrat rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt ;
DIT n’y avoir lieu de prononcer une astreinte ;
ORDONNE le remboursement par la SARL Cemt à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à M. [D] [G] dans la limite de six mois ;
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la SARL Cemt aux entiers dépens de l’instance ;
DIT que conformément aux dispositions des articles L 1235-4 et R 1235-2 du Code du travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe au Pôle Emploi du lieu où demeure le salarié.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT