Sous-location : 16 novembre 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 22/00478

·

·

Sous-location : 16 novembre 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 22/00478
Ce point juridique est utile ?

N° RG 22/00478 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OCAM

Décision du Président du TJ de SAINT-ETIENNE au fond du 09 décembre 2021

RG : 21/00762

S.C.I. MT-INVESTS

C/

Syndic. de copro. SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L’IMMEUBLE ‘LE CON CORDE’ [Adresse 1]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRÊT DU 16 Novembre 2022

APPELANTE :

La société “MT-INVESTS”, société civile immobilière au capital de 1 000 euros, ayant son siège [Adresse 4], inscrite au RCS de SAINT-ETIENNE sous le numéro 828 550 558, prise en la personne de son gérant en exercice

Représentée par Me Thierry COUTURIER, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

Le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble « Le Concorde » [Adresse 1], Syndicat des copropriétaires dont le siège social est [Adresse 1], représenté par son Syndic en exercice CGIL – IMMO DE FRANCE FOREZ VELAY, SASU immatriculée au RCS de Saint-Etienne sous le numéro B 305 934 960, dont le siège social est situé [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Magali GANDIN de la SELARL LEXFACE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 14 Septembre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 Septembre 2022

Date de mise à disposition : 16 Novembre 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Bénédicte BOISSELET, président

– Karen STELLA, conseiller

– Véronique MASSON-BESSOU, conseiller

assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Exposé du litige

La société MT-Invests est une société civile immobilière créée en mars 2017 par [S] [Z] et [J] [R]. Elle a pour objet principal l’acquisition et l’administration de biens immobiliers.

Les associés de la S.C.I. MT-Invests travaillent également ensemble depuis 2017 au sein de la S.A.S. MT Créations qui exerce une activité de contractant général dans le domaine de la rénovation et de la construction de logements.

A la fin du mois d’avril 2019, la S.C.I. MT-Invests a fait l’acquisition d’un appartement de type F4 situé au 6ème étage au sein de l’immeuble en copropriété ‘Le Concorde’ sis [Adresse 2], à [Localité 6], constituant le lot n° [Cadastre 5].

La copropriété compte un total de 59 appartements construits, à la fin des années 1960/au début des années 1970, en barre d’immeuble sur 10 étages.

Dans le courant de l’année 2019, la société MT-Invests a réalisé des travaux dans l’appartement du [Adresse 1] qu’elle a scindé en deux logements comportant chacun, une chambre, un séjour, une cuisine, une salle de bain et des toilettes.

Elle a par la suite débuté la mise en location meublée temporaire des deux logements qu’elle venait de créer (dénommés [M] Ouest et [M] Est ) via les sites internet “Airbnb” et “booking.com”.

Considérant que les travaux réalisés l’avaient été en violation du règlement de copropriété, que l’activité locative était également contraire au règlement de copropriété et portait atteinte à la jouissance paisible de l’immeuble et qu’il existait de ce fait un trouble manifestement illicite, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Concorde a, en date des 15 et 27 octobre 2021, assigné la société MT-Invests devant le juge des référés du Tribunal judiciaire de Saint-Etienne, sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile aux fins de la voir au principal condamnée à cesser toute activité de location meublée de courte durée au sein du lot n° [Cadastre 5], à remettre en état l’appartement dans sa configuration initiale et à lui verser une provision au titre du préjudice pour troubles de jouissance subi.

Par ordonnance du 9 décembre 2021, le juge des référés a :

ordonné à la SCI MT-Invests de cesser toute activité de location meublée de courte durée au sein du lot n° [Cadastre 5] dans le délai d’une semaine à compter de la signification de la décision, ce sous astreinte de 150 € par jour de retard pendant 3 mois ;

ordonné à la SCI MT-Invests, après transmission du devis de travaux au syndic au moins deux semaines avant le commencement des travaux, de remettre en état le lot [Cadastre 5] dans sa configuration initiale, à savoir la réunion des deux appartements « [M] Est » et « [M] Ouest » en un seul appartement avec suppression des deux boîtes à clés et rétablissement du réseau d’eau et d’assainissement, dans un délai de six mois à compter de la signification de l’ordonnance puis, passé ce délai, sous astreinte de 150 euros par jour de retard pendant trois mois ;

s’est réservé la liquidation de l’astreinte ;

débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

condamné la SCI MT-Invests à payer au syndicat des copropriétaires les sommes de 1 500 € à titre de provision à valoir sur le préjudice de jouissance et de 2 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné la SCI MT-Invests aux dépens.

Le juge des référés retient en substance :

que le règlement de copropriété stipule que la transformation des appartements en chambres meublées destinées à être louées à des personnes distinctes est interdite et que donc la transformation d’un lot en deux appartements destinés à la location est contraire au règlement de copropriété, tout comme l’activité de location de courte durée qui s’apparente à une activité commerciale, qui n’est autorisée que dans les boutiques du rez-de-chaussée et interdite dans les appartements ;

qu’il existe donc un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser en interdisant les locations querellées et en ordonnant la remise en état de l’appartement dans sa configuration initiale ;

que les attestations de plusieurs résidents de l’immeuble confirment que les locations de courte durée opérées par la SCI MT-Invests sont à l’origine de nuisances et d’un problème de sécurité, ce qui justifie que la SCI MT-Invests soit condamnée à payer au syndicat des copropriétaires une provision au titre de son préjudice de jouissance.

Par acte régularisé par RPVA le 14 janvier 2022, la SCI MT-Invests a interjeté appel de l’intégralité des chefs de décision figurant au dispositif de l’ordonnance du 9 décembre 2021 dont elle a repris les termes dans sa déclaration d’appel.

Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 12 septembre 2022, la SCI MT-Invests demande à la Cour de :

Infirmer l’ordonnance déférée sur les chefs exposés dans la déclaration d’appel et, statuant à nouveau :

Débouter le syndicat des copropriétaires de l’immeuble “Le Concorde” de l’intégralité de ses demandes et prétentions,

Ordonner la restitution immédiate de toutes sommes pouvant être, à la suite de la décision à intervenir, indûment appréhendées par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble le Concorde par l’effet de la saisie-attribution pratiquée le 18 février 2022 sur le compte bancaire de la SCI MT-Invests et relativement à laquelle le juge de l’exécution de Saint-Etienne se prononcera le 7 octobre 2022 (demande de consignation),

Condamner ce syndicat à lui verser la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner ce syndicat aux entiers dépens de première instance et d’appel dont droit de recouvrement direct au profit de Maître Thierry Couturier.

La SCI MT Invest précise au préalable que dès la signification de l’ordonnance de référé, le syndicat des copropriétaires a pratiqué une saisie -attribution sur son compte bancaire pour recouvrer les sommes qui lui avaient été attribuées, lequel est désormais gelé, et qu’elle a introduit une procédure devant le juge de l’exécution pour contester la saisie, lequel doit rendre sa décision le 7 octobre 2022.

La SCI MT-Invests soutient en premier lieu que les travaux qu’elle a réalisés ne sont pas contraires au règlement de copropriété, en ce que :

en vertu du règlement de copropriété, chaque copropriétaire peut jouir comme bon lui semble de ses parties privatives et modifier comme bon lui semble la disposition intérieure de son appartement, si ce n’est qu’il doit en aviser le syndic, aucune sanction n’étant prévue à défaut d’avis, ce défaut d’avis étant sans conséquence sur son droit à modifier l’intérieur de son lot et ne pouvant justifier que soit ordonnée la remise en état initiale de son appartement ;

que c’est à tort que le syndicat des copropriétaires soutient que les raccordements de plomberie effectués lors de la création dans l’appartement d’une seconde cuisine, d’une seconde salle de bain, et d’un second WC, auraient affecté les canalisations communes du bâtiment, ce dont il ne rapporte pas la preuve ;

qu’en outre, il ne peut être sérieusement contesté que la plomberie légère associée à une kitchenette, une cabine de douche et une évacuation de WC, a été nécessairement reliée aux tuyauteries privatives et existantes à l’intérieur du lot, et non directement aux colonnes d’eaux situées dans les parties communes, ce que confirme l’attestation de [J] [R] qui a réalisé les travaux ;

que contrairement à ce que prétend le syndicat des copropriétaires, il n’y a eu aucun dysfonctionnement sur le réseau d’eau chaude du bâtiment en raison des travaux qu’elle a effectués et qu’ainsi les parties communes n’ont aucunement été affectées par les travaux d’aménagement qu’elle a réalisés.

La SCI MT-Invests soutient en second lieu que la location de l’appartement litigieux n’est pas plus contraire au réglement de copropriété, aux motifs :

que le règlement de copropriété autorise la location meublée d’appartements entiers, seule la transformation d’appartements en chambres meublées destinées à être louées à des personnes distinctes étant interdite ;

qu’à compter du mois de janvier 2021, elle n’a consenti de location qu’à un preneur unique qui occupait selon son choix soit un seul logement, l’autre restant inoccupé, soit la totalité de la surface du lot, qu’il existe donc une seule location meublée, ce qui est conforme aux dispositions du règlement de copropriété ;

qu’en tout état de cause, elle a cessé toute location temporaire et loue désormais l’appartement à un preneur unique depuis le 1er août 2022 ;

que le règlement de copropriété indiquant par ailleurs ‘que les appartements ne pourront qu’être occupés bourgeoisement ou affectés à l’exercice d’une profession libérale”, on est en présence d’une clause d’habitation bourgeoise simple et non-exclusive, autorisant l’exercice dans les appartements d’une activité libérale et donc civile ;

que la location immobilière meublée est une activité par nature civile, susceptible de revêtir un caractère commercial lorsque des prestations de services sont associées à la location, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, les locations temporaires qu’elle pratique étant de ce fait de nature civile.

L’appelante conteste en dernier lieu être à l’origine d’un préjudice de jouissance des copropriétaires, observant que la condamnation prononcée à ce titre par le premier juge ne repose sur aucun élément probant, si ce n’est les propres attestations des copropriétaires qui se constituaient ainsi des preuves à eux-mêmes ;

Elle ajoute veiller particulièrement, dans son intérêt et celui des voisins, à sélectionner ses locataires, à les accueillir physiquement, notamment pour leur rappeler les règles de tranquillité du voisinage et à veiller au bon déroulement de la location et précise avoir en outre retiré du parking couvert où elles étaient installées les boîtes à clés dans lesquelles les locataires pouvaient récupérer et déposer les clés de l’appartement.

Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 13 septembre 2022, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Concorde demande à la Cour de :

Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé rendue par le Tribunal judiciaire de Saint-Etienne le 9 décembre 2021 ;

Débouter la SCI MT-Invests de l’ensemble de ses prétentions, fins et conclusions ;

Et, statuant de nouveau, compte tenu de ce que la SCI MT Invest a exécuté l’ordonnance de référé et mis fin au trouble manifestement illicite :

Constater que le trouble manifestement illicite a cessé à compter d’août 2022 et subsidiairement mai 2022 ;

Condamner la SCI MT-Invests à lui verser la somme provisionnelle de 3 000 € à valoir sur l’indemnisation du préjudice subi (nuisances et trouble de jouissance), jusqu’au mois d’août 2022 et subsidiairement mai 2022 ;

Débouter la SCI MT-Invests de sa demande infondée de restitution des sommes versées en exécution de l’ordonnance de première instance, lesquelles représentent les sommes auxquelles elle a été condamnée au titre du préjudice de jouissance et de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la SCI MT-Invests à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en première instance, et encore la somme de 3 000 € sur ce même fondement en cause d’appel, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

Le syndicat des copropriétaires expose :

que la SCI a divisé son lot en deux appartement afin de procéder à leur mise en location saisonnière, via le site airbnb et qu’elle propose ainsi à la location meublée de courte durée deux appartements : un appartement de 2 chambres pour 5 voyageurs, dénommé « MT Room Relax & Cosy [M] Est », et un appartement de 1 chambre pour 2 voyageurs, dénommé « MT Romme Relax & Cosy [M] Ouest » ;

que de nombreux copropriétaires ont fait part de la gêne occasionnée en raison d’une part des travaux qui ont été réalisés, mais surtout des incessantes allées et venues dans l’immeuble et que le syndic a ainsi demandé à la SCI MT-Invests de cesser cette activité et de remettre les lieux en l’état, conformément aux dispositions du règlement de copropriété ;

que dans deux courriels de janvier et février 2021, la SCI MT-Invests s’est engagée à faire le nécessaire puis a soutenu que l’appartement avait été « rassemblé » et qu’il était désormais loué en « bail unique » mais que dans les faits, la location des deux appartements perdure, le lot n’ayant en outre pas été remis en son état initial.

Le syndicat des copropriétaires se prévaut de l’existence d’un trouble manifestement illicite, au sens de l’article 835 du code de procédure civile, aux motifs :

que le règlement de copropriété stipule que tout copropriétaire qui réalise des travaux dans son appartement doit en aviser le syndic et que par ailleurs tous travaux affectant les parties communes doivent être autorisés par l’assemblée générale de la copropriété, en application de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 ;

qu’en l’espèce, outre que la SCI MT-Invests a réalisé des travaux dans son appartement sans en avoir avisé le syndic, il est apparu qu’elle avait réalisé des travaux de plomberie afin que les « deux nouveaux appartements » créés soient dotés de sanitaires et d’une cuisine, travaux qui ont impacté les réseaux EU et EP de l’immeuble, qui constituent des parties communes, alors que de tels travaux, dès lorsqu’ils concernent les parties communes ne peuvent intervenir sans l’autorisation expresse de l’assemblée générale, autorisation dont la SCI MT-Invests n’a pas bénéficié ;

que la SCI MT-Invests n’est pas fondée à soutenir que les travaux qu’elle a réalisés n’ont aucunement affecté les canalisations communes du bâtiment, alors qu’elle n’en rapporte pas la preuve ;

que par ailleurs la loi du 10 juillet 1965 pose le principe selon lequel chaque copropriétaire use et jouit librement des parties privatives comprises dans son lot à condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, ni à la destination de l’immeuble ;

que dans un immeuble à destination bourgeoise, il n’est pas possible d’effectuer de la location touristique de courte durée, ce qui s’apparente à une activité commerciale, ce qu’a reconnu la Cour de cassation ;

qu’en l’espèce, le règlement de copropriété définit le lot [Cadastre 5] comme « un appartement de quatre pièces plus cuisine et dépendances, au 6ème étage du bâtiment A’, et donc destiné à l’usage d’habitation et qu’en vertu du même règlement, si la location en meublé d’appartement entiers est autorisée, en revanche, la transformation des appartements en chambres meublées destinées à être louées à des personnes distinctes est interdite ;

qu’il importe peu que la SCI ne loue désormais qu’à bail unique, ce qui en réalité est inexact, dès lors qu’en raison de la clause de destination bourgeoise de l’immeuble, qui ne permet pas l’exercice d’activités commerciales, la location meublée saisonnière à titre temporaire est interdite ;

que si le fait que la SCI indique que l’appartement est désormais loué depuis le mois d’août 2022 dans son ensemble à une famille dans le cadre d’un bail d’habitation classique démontre que le trouble manifestement illicite a effectivement cessé à compter du mois d’août 2022, pour autant il existait bien un trouble manifestement illicite antérieurement à la procédure initiée en référé par le syndicat des copropriétaires, qui était donc parfaitement fondée, ce qui justifie que l’ordonnance déférée soit confirmée ;

Le syndicat des copropriétaires indique enfin qu’il existe un trouble de jouissance, ce dont ont attesté différents occupants de l’immeuble, et que sa demande au titre du préjudice de jouissance est donc fondée.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur l’existence d’un trouble manifestement illicite en raison des travaux réalisés par la SCI MT-Invests à l’intérieur de son lot

L’article 835 du code de procédure civile dispose :

‘Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.’

Au sens de ce texte, le trouble manifestement illicite consiste en toute perturbation qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

En l’espèce, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Concorde fait valoir que les travaux réalisés par la SCI MT-Invests à l’intérieur du lot dont elle est propriétaire d’une part ont été réalisés sans avis du syndic et d’autre part ont porté atteinte aux parties communes sans pourtant qu’il y ait eu d’autorisation de l’assemblée générale de la copropriété et que dès lors un trouble manifestement illicite est caractérisé, raison pour laquelle elle sollicite à titre de mesure de remise en état que le lot appartenant à la SCI MT-Invests soit remis en son état initial avant travaux et le réseau d’eau et d’assainissement rétabli.

Il n’est pas contesté que les travaux querellés ont été entrepris sans avis préalable du syndic, alors qu’aux termes de l’article 6, chapitre 3, du règlement de copropriété, versé aux débats, il est indiqué que chaque propriétaire peut modifier la disposition intérieure de son appartement comme bon lui semble, mais qu’il devra en aviser le syndic, qui pourra exiger que les travaux soient exécutés sous la surveillance de l’architecte qu’il désignera.

Pour autant, le syndicat des copropriétaires ne démontre pas en quoi le fait que le syndic n’ait pas été avisé est à l’origine d’un trouble manifestement illicite, alors qu’il ressort des pièces produites que le syndic après avoir été informé des travaux exécutés dans le logement s’est limité à demander à la SCI de lui communiquer par écrit le détail des travaux réalisés, lesquels étaient effectivement de simples travaux d’aménagement intérieur, que celle-ci a obtempéré et que le syndic, à réception du descriptif de travaux n’a présenté aucune observation ni formulé aucune demande après avoir pris connaissance de la nature des travaux entrepris.

Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Concorde soutient par ailleurs que dans le cadre des travaux qu’elle a entrepris sur son lot, la SCI MT-Invests a réalisé des travaux de plomberie impactant les réseaux EU et EP de l’immeuble qui constituent des parties communes.

Pour autant, la Cour ne peut que constater qu’il ne justifie d’aucun élément probant pour l’établir, se limitant à se prévaloir à ce titre :

d’un courrier adressé le 21 septembre 2020 par le syndic de l’immeuble à la SCI MC Invests, aux termes duquel le syndic fait état de dysfonctionnement du compteur d’eau chaude de l’appartement de la SCI, le syndic procédant par affirmation sans qu’aucun élément de preuve objectif, tel un constat d’huissier, ne vienne conforter ces allégations ;

d’une attestation établi par monsieur [P] [U] (dépourvue d’une pièce d’identité de l’attestant) dans laquelle celui-ci fait état ‘d’une mauvaise modification de la plomberie (compteur d’eau chaude qui tourne à l’envers’ (sic), lequel ne procède également que par d’insuffisantes allégations.

En outre, la Cour observe que le syndicat des copropriétaires ne s’explique aucunement sur le lien pouvant exister sur le dysfonctionnement du compteur d’eau chaude et des travaux réalisés sur les parties communes, ce alors que, contrairement à ce qu’il soutient, la charge de la preuve lui incombe par application de l’article 9 du code de procédure civile.

Il ressort de ces éléments que la preuve n’étant pas rapportée d’une atteinte aux parties communes par le syndicat des copropriétaires, aucun trouble manifestement illicite ne pouvait être retenu à ce titre.

La Cour, en conséquence, infirme la décision déférée en ce qu’elle a ordonné sous astreinte à la SCI MT-Invests, à titre de mesure de remise en état et sous astreinte à remettre en état le lot n° [Cadastre 5] dans sa configuration initiale avec rétablissement du réseau d’eau et d’assainissement et, statuant à nouveau, dit n’y avoir lieu à mesure de remise en état de ces chefs, à défaut de trouble manifestement illicite constitué.

2) Sur l’existence d’un trouble manifestement illicite en raison de l’activité de location temporaire de son lot pratiquée par la SCI MT-Invests

Il est constant que la SCI MT-Invests a transformé le lot n° [Cadastre 5], constitué d’un appartement au 6ème étage de l’immeuble de la copropriété en deux appartements distincts, étant observé au regard des plans produits que l’entrée de l’appartement initial a été conservée et que la division en deux appartements s’opère en réalité à l’intérieur du lot n° [Cadastre 5]. (pièce 4 intimé et pièce 4 appelant).

La SCI MT-Invests reconnait avoir, dans le courant de l’année 2019, mis en location sur le site Airbandb ces deux appartements, (désignés comme étant [M] est et [M] ouest) pour une location meublée de courte durée.

Or, le règlement de copropriété en son chapitre III article 6 stipule que si la location meublée d’appartements entiers est autorisée, en revanche la transformation des appartements en chambres meublées destinées à être louées à des personnes distinctes est interdite.

La Cour ne peut que constater qu’en l’espèce, l’appartement a bien été transformé en deux lots distincts, eux-mêmes destinés à être loués en meublé à des personnes distinctes, ce qui contrevient aux dispositions du règlement de copropriété précitées et constitue dès lors un trouble manifestement illicite, l’interdiction édictée par le règlement de copropriété n’ayant pas été respectée.

La Cour observe par ailleurs à l’examen du règlement de copropriété :

que l’état descriptif de division distingue les lots constituant une cave ou un garage situés au sous-sol, ceux constituant des locaux commerciaux, situés au rez-de-chaussée et les appartements d’habitation située dans les étages, dont le lot appartenant à la SCI MT-Invests ;

qu’en page 58, article 5, il est indiqué que l’immeuble est destiné à l’usage d’habitation, sauf autre destination pour certains lots indiqués dans leur désignation, ce qui peut être compris, au regard de l’état descriptif précité, comme l’interdiction d’un usage commercial pour les lots non désignés à cette fin, à savoir les appartements à usage d’habitation ;

qu’en page 58, article 6, il est enfin mentionné que les appartements ne pourront être occupés que bourgeoisement ou affectés à l’exercice d’une profession libérale.

Sans rentrer dans le débats du caractère commercial ou non des locations de courtes durée, la Cour retient qu’au sens du règlement de copropriété, l’activité de location de courtes durées au sein d’un appartement désigné comme étant à usage d’habitation contrevient à la destination d’un immeuble ayant vocation à être occupé bourgeoisement, de telles locations engendrant nécessairement des allées et venues constants de personnes différentes, étrangères à l’immeuble, ce qui est source de nuisances et n’est pas la vocation d’un immeuble à vocation bourgeoise.

Dès lors, une telle activité est de nature à constituer un trouble manifestement illicite car contrevenant aux dispositions du règlement de copropriété.

La Cour observe, à la lecture des écritures de la SCI MT-Invests, que celle-ci reconnaît avoir continué à pratiquer son activité de location de courte durée via le site Airbnb jusqu’au mois de mai 2022, mois au cours duquel elle a confié un mandat de gestion locative traditionnelle à une agence immobilière, même si elle précise qu’à compter du mois de janvier 2021, elle a cessé toute location distincte des deux logements et ne consentait la location qu’à un preneur unique, ce qui contrevenait en tout état de cause à l’occupation bourgeoise des lieux.

La Cour en conséquence confirme la décision déférée en ce qu’elle a retenu à ce titre l’existence d’un trouble manifestement illicite qu’il convenait de faire cesser par une mesure de remise en état appropriée, à savoir ordonner sous astreinte à la SCI de cesser toute activité de location meublée de courte durée au sein du lot n° [Cadastre 5] et constate également que cette condamnation est désormais sans objet, le trouble manifestement illicite ayant cessé.

S’agissant enfin de la ‘boîte à clés’ destinée aux locataires de la SCI MT-Invests, dont il n’est pas contesté qu’elle est désormais enlevée, force est de constater que le syndicat des copropriétaires ne justifie d’aucun trouble manifestement illicite à ce titre, se limitant à se prévaloir d’un problème de sécurité sans pour autant expliquer en quoi la présence dans un garage de clés destinées à ouvrir le seul appartement propriété de la SCI MT Invest poserait un problème de sécurité.

La Cour en conséquence infirme la décision déférée qui a ordonné au titre de mesure de remise en état la suppression de la boîte à clés, et statuant à nouveau, dit n’y avoir lieu à ordonner à la SCI MT-Invests à titre de mesure de remise en état de ‘supprimer’ la boîte à clés.

3) Sur le trouble de jouissance dont le syndicat des copropriétaires demande réparation

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut être accordé une provision au créancier.

Pour autant, la Cour observe que le syndicat des copropriétaires n’avait pas qualité pour solliciter la réparation d’un préjudice de jouissance des copropriétaires, une telle demande devant être présentée par les copropriétaires concernés dès lors qu’il ne s’agissait pas d’un préjudice collectif mais d’un préjudice subi par certains d’entre eux et plus précisément ceux dont l’appartement était situé à proximité de l’appartement.

La Cour en conséquence infirme la décision déférée qui a condamné la SCI MT Invest à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence le Concorde la somme provisionnelle de 1 500 € au titre du préjudice de jouissance, et statuant à nouveau, déclare le syndicat des copropriétaires de la résidence Le Concorde irrecevable en cette demande.

4) Sur la demande de restitution des sommes appréhendées par le syndicat des copropriétaires par l’effet de la saisie attribution pratiquée sur le compte bancaire de la SCI MT Invest le 18 février 2022

La Cour, observant que la mesure demandée, dont le fondement juridique n’est pas précisé, concerne une procédure d’exécution et relève donc de la compétence exclusive du juge de l’exécution, déclare irrecevable la demande présentée par la SCI MT-Invests de ce chef.

5) Sur les demandes accessoires

La SCI MT-Invests succombant principalement, la Cour confirme la décision déférée qui a condamné la SCI MT-Invests aux dépens, mais l’infirme s’agissant de la condamnation à hauteur de 2 500 € prononcée en première instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, seule une somme de 1 000 € étant justifiée en équité à ce titre au regard des circonstances du litige.

La SCI MT-Invests, qui succombe principalement à hauteur d’appel, est condamnée aux dépens à hauteur d’appel et à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Concorde la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel, justifiée en équité.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme la décision déférée en ce qu’elle a ordonné sous astreinte à la SCI MT-Invests de cesser toute activité de location meublée de courte durée au sein du lot n° [Cadastre 5] sous astreinte de 150 € par jour de retard et constate que cette condamnation est désormais sans objet, le trouble manifestement illicite ayant cessé ;

Infirme la décision déférée en ce qu’elle a condamné la SCI MT-Invests à remettre en état le lot n° [Cadastre 5] dans sa configuration initiale avec suppression de la boîte à clés et rétablissement du réseau d’eau et d’assainissement sous astreinte de 150 € par jour de retard et statuant à nouveau ;

Dit n’y avoir lieu à mesure de remise en état de ces chefs, à défaut de trouble manifestement illicite constitué ;

Infirme la décision déférée qui a condamné la SCI MT-Invests à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence Le Concorde la somme provisionnelle de 1 500 € au titre du préjudice de jouissance, et statuant à nouveau, déclare le syndicat des copropriétaires de la résidence Le Concorde irrecevable en sa demande ;

Déclare irrecevable la SCI MT-Invests en sa demande de restitution des sommes appréhendées par le syndicat des copropriétaires par l’effet de la saisie-attribution pratiquée sur le compte bancaire de la SCI MT Invest le 18 février 2022 ;

Confirme la décision déférée qui a condamné la SCI MT-Invests aux dépens et l’infirme s’agissant de la condamnation à hauteur de 2 500 € prononcée en première instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau :

Condamne la SCI MT-Invests à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Concorde la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI MT-Invests aux dépens à hauteur d’appel ;

Condamne la SCI MT-Invests à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Concorde la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x