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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 2
ARRÊT DU 12 JANVIER 2023
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/10903 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF6ED
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Mai 2022 -Président du TJ de PARIS – RG n° 20/53384
APPELANTE
LA VILLE DE [Localité 5], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 5], Mme [X] [L], domiciliée en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Fabienne DELECROIX de la SELARL DELECROIX-GUBLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R229
Assistée à l’audience par Me Célia DUGUES, avocat au barreau de PARIS
INTIME
M. [P] [S]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté et assisté par Me Xavier DEMEUZOY, avocat au barreau de PARIS, toque : D1735
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Novembre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre
Thomas RONDEAU, Conseiller,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Thomas RONDEAU, Conseiller, pour la Présidente de chambre empêchée et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSÉ DU LITIGE
Par assignation en date du 28 mai 2020, la ville de [Localité 5] a fait assigner M. [P] [N] [S], devant le président du tribunal judiciaire de Paris saisi selon la procédure accélérée au fond, sur le fondement notamment des dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, concernant l’appartement situé [Adresse 2].
Par jugement du 26 août 2020, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la ville de Paris dans l’attente d’une décision de la Cour de justice à l’Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 15 nov. 2018, n°17-26.156), à apprécier la comptabilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.
Par arrêt du 22 septembre 2020, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18).
Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle a notamment jugé que la réglementation locale de la ville de [Localité 5] sur le changement d’usage est conforme à la réglementation européenne.
L’affaire a été rétablie à l’audience du 4 avril 2022.
Par conclusions déposées et soutenues à l’audience, la ville de [Localité 5] a demandé de voir :
– condamner M. [S] à lui payer une amende civile de 50.000 euros ;
– ordonner le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation, sis [Adresse 2], sous astreinte de 395,76 euros par jour de retard à compter de l’expiration du délai qu’il plaira au tribunal de fixer ;
– se réserver la liquidation de l’astreinte ;
– condamner M. [S] à payer à la ville de [Localité 5] une amende de 10.000 euros ;
– condamner M. [S] à payer à la ville de [Localité 5] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– le condamner aux entiers dépens.
Par conclusions déposées et soutenues à l’audience, M. [S] a demandé de débouter la ville de [Localité 5] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, de la condamner à lui verser 3.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par jugement contradictoire du 16 mai 2022, rendu selon la procédure accélérée au fond, le magistrat saisi a :
– débouté la ville de [Localité 5] de sa demande de condamnation à l’encontre de M. [S] au paiement d’une amende civile sur le fondement des dispositions des articles L. 631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l’habitation ;
– débouté la ville de [Localité 5] de sa demande portant sur le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation situés [Adresse 2] ;
– débouté la ville de [Localité 5] de sa demande fondée sur les dispositions de l’article L. 324-1-1 IV du code du tourisme ;
– condamné la ville de [Localité 5] à payer à M. [S] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la ville de [Localité 5] aux dépens ;
– rappelé que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de plein droit.
Par déclaration du 7 juin 2022, la ville de [Localité 5] a relevé appel de la décision.
Dans ses conclusions remises le 6 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la ville de [Localité 5] demande à la cour, au visa de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, de l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme, de :
– la juger recevable et bien fondée en son appel ;
– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
– constater les infractions commises par M. [S] ;
en conséquence,
– condamner M. [S] à lui payer une amende civile de 50.000 euros ;
– ordonner le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation, sis [Adresse 2], sous astreinte de 395,76 euros par jour de retard à compter de l’expiration du délai qu’il plaira au tribunal de fixer ;
– se réserver la liquidation de l’astreinte ;
– condamner M. [S] à lui payer une amende de 10.000 euros ;
– condamner M. [S] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– le condamner aux entiers dépens.
La ville de [Localité 5] soutient en substance :
– que les recherches ont permis d’identifier un appartement, propriété de M. [S], proposé à la location de courte durée sur le site airbnb ;
– que le local en cause est à usage d’habitation depuis le 1er janvier 1970 sans aucun changement d’affectation comme l’attestent l’extrait du registre cadastral, le relevé de propriété, la fiche modèle H2 du 14 octobre 1970 et le fichier électoral ;
– que le bien litigieux est déclaré par le loueur comme étant sa résidence principale mais sans qu’aucun élément de preuve ne corrobore cette occupation ;
– que le bien a fait l’objet de locations de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile ;
– que M. [S] ne lui a pas communiqué le nombre de jours loués en 2018 et 2019, dans le délai d’un mois à compter de la demande qui a été faite le 12 juin 2019.
Dans ses conclusions remises le 17 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [S] demande à la cour, au visa des dispositions des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation et des dispositions de l’article L. 324-1-1 IV du code du tourisme, de :
à titre principal,
– juger que la fiche H2 et les autres documents produits par la ville de [Localité 5] ne démontrent pas l’usage d’habitation au 1er janvier 1970 ;
en conséquence,
– confirmer le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 16 mai 2021 n°RG 20/53384 par le tribunal judiciaire de Paris, en ce qu’il a débouté la ville de [Localité 5] de toutes ses demandes pour avoir échoué à démontrer l’usage d’habitation au 1er janvier 1970 ;
– juger que la demande de retour à l’habitation sous astreinte est sans objet ;
– juger que l’article L. 324-1-1 IV du code du tourisme est inapplicable ;
en conséquence,
– confirmer le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 16 mai 2022 n°RG 20/53384 par le tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions ;
– juger que les locations litigieuses ne lui sont pas imputables ;
en conséquence et statuant à nouveau,
– débouter la ville de [Localité 5] de sa demande de condamnation à son encontre, à payer une amende de 50.000 euros pour non-respect de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation ;
à titre subsidiaire, si par extraordinaire l’infraction présumée au changement d’usage devait être caractérisée,
– juger que compte tenu de son absence d’implication dans les locations meublées de courte durée, de son absence de profit réalisé, de sa bonne foi et de sa coopération avec la ville de [Localité 5] et des diligences entreprises pour faire cesser l’infraction, il est fondé à n’être condamné qu’à une amende symbolique ;
en conséquence et statuant à nouveau,
– le condamner à la somme symbolique d’un euro au titre de l’amende civile ;
à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour d’appel de Paris ne trouvait justifiée la demande de condamnation à la somme symbolique d’un euro,
– juger que le montant de 50.000 euros au titre de l’amende civile est manifestement disproportionné et injustifié ;
en conséquence et statuant à nouveau,
– le condamner à somme maximale de 500 euros ou toute somme que l’équité commandera ;
en tout état de cause,
– débouter la ville de [Localité 5] de sa demande d’ordonner le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation, sis [Adresse 2], sous astreinte de 395,76 euros par jour de retard à compter de l’expiration du délai qu’il plaira à la cour de fixer ;
– débouter la ville de [Localité 5] de sa demande de condamnation à son encontre, sur la base des dispositions de l’article L. 324-1-1 IV du code du tourisme ;
– juger que l’équité ne commande pas qu’il soit condamné au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la ville de [Localité 5] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l’instance.
M. [S] soutient en substance :
– que la fiche H2 produite par la ville de [Localité 5] est postérieure au 1er janvier 1970, que l’identification du lot est différente du constat d’infraction, qu’elle mentionne un propriétaire occupant sans aucune autre information sur l’usage d’habitation au 1er janvier 1970, qu’aucun loyer au 1er janvier 1970 n’est mentionné, que la surface mentionnée sur la fiche H2 diffère du constat d’infraction et qu’elle ne mentionne aucun lot de telle sorte que rien ne prouve qu’il s’agit de la déclaration H2 du local litigieux ;
– que la seule mention du propriétaire occupant sur la fiche H2 ne permet pas de démontrer l’usage d’habitation au 1er janvier 1970 au regard de la jurisprudence récente rendue par la cour d’appel de Paris ;
– que les autres documents produits par la ville de [Localité 5] ne permettent pas de démontrer l’usage d’habitation au 1er janvier 1970 ;
– que, si par extraordinaire, le défaut de changement d’usage devait être caractérisé, il sera demandé à la cour d’appel de Paris de prendre en considération, pour fixer le montant de l’amende civile, la non-imputabilité des locations litigieuses à M. [S], l’absence d’implication de M. [S] dans les locations meublées de courte durée, l’absence de profit réalisé par M. [S], sa bonne foi et sa coopération et les diligences qu’il a entreprises.
SUR CE LA COUR
Sur le changement illicite de l’usage d’habitation (article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation)
L’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, tel qu’issu de la loi du n°2016-1547 du 18 novembre 2016, dispose que toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros (anciennement 25.000 euros avant la loi du 18 novembre 2016) par local irrégulièrement transformé.
Cette amende est prononcée par le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’Agence nationale de l’habitat et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure. Le produit de l’amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal de grande instance compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local.
Sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’Agence nationale de l’habitat, le président du tribunal ordonne le retour à l’usage d’habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu’il fixe. A l’expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d’un montant maximal de 1.000 euros par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé.
Passé ce délai, l’administration peut procéder d’office, aux frais du contrevenant, à l’expulsion des occupants et à l’exécution des travaux nécessaires.
Il résulte en outre de l’article L. 631-7, dans sa version résultant de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, que la présente section est applicable aux communes de plus de 200.000 habitants et à celles des départements des [Localité 3], de la [Localité 6] et du [Localité 7]. Dans ces communes, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est, dans les conditions fixées par l’article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable.
Constituent des locaux destinés à l’habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l’article L. 632-1.
Pour l’application de la présente section, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.
Toutefois, lorsqu’une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l’usage d’un local mentionné à l’alinéa précédent, le local autorisé à changer d’usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l’usage résultant de l’autorisation.
Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.
Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article.
Pour l’application des dispositions susvisées, il y a donc lieu d’établir :
– l’existence d’un local à usage d’habitation, un local étant réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés, le formulaire administratif de type H2 rempli à cette époque permettant de préciser l’usage en cause ;
– un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, hypothèse excluant notamment la location saisonnière de son logement résidence principale, pour une durée n’excédant pas 120 jours par an, la location d’un meublé résidence principale (titre 1er bis de la loi du 6 juillet 1989) ou encore la location d’un meublé dans le cadre d’un bail mobilité (titre 1er ter de la loi du 6 juillet 1989).
Il est en outre constant que, s’agissant des conditions de délivrance des autorisations, la ville de [Localité 5] a adopté, par règlement municipal et en application de l’article L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation, le principe d’une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage.
En l’espèce, les parties s’opposent sur les éléments de preuve à apporter par la ville de [Localité 5] de ce que le local dont il s’agit est bien un local à usage d’habitation au sens de l’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation, étant rappelé qu’un local est réputé à usage d’habitation au sens de ce texte s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, que cette affectation peut être établie par tout mode de preuve et que la preuve d’une affectation de fait à l’usage d’habitation postérieurement au 1er janvier 1970, date de référence, est inopérante.
Il revient ainsi à la ville de [Localité 5], pour caractériser l’infraction dénoncée de changement d’usage illicite, de démontrer avant tout que le local en cause était bien affecté au 1er janvier 1970 à l’usage d’habitation.
Le constat fait mention d’un appartement situé [Adresse 2], d’une superficie de 37 m².
La fiche H2 a elle été remplie le 14 octobre 1970 et fait état d’un appartement de 35 m² situé escalier B 2ème étage porte D (pièce 5). Elle mentionne Mme [V] [K] comme propriétaire occupant, sans mention d’un locataire au 1er janvier 1970.
Il faut d’abord constater que les mentions de la fiche H2 diffèrent de celles du constat d’infraction, qu’il s’agisse de la superficie du logement, de l’indication relative à l’escalier ou encore du numéro de porte, de sorte qu’il n’est pas possible de déterminer si la fiche H2 concerne bien l’appartement en cause.
Il sera au demeurant indiqué que si les mentions de la fiche H2 ont été portées à une date assez proche du 1er janvier 1970, elles ne suffisent pas non plus en toute hypothèse à établir un usage d’habitation au 1er janvier 1970, étant observé :
– qu’aux termes de l’article L 631-7 du code de la construction et de l’habitation, le local doit être affecté à un usage d’habitation au 1er janvier 1970, le texte ne posant pas une simple présomption d’affectation à un usage d’habitation ;
– que la mention de l’occupation du bien par le propriétaire ne se réfère pas à la date du 1er janvier 1970 (contrairement à l’hypothèse de la perception d’un loyer au 1er janvier 1970), en sorte que l’occupation par le propriétaire ne peut être considérée comme étant acquise dès le 1er janvier 1970 ;
– qu’au demeurant, comme le souligne d’ailleurs habituellement la ville de [Localité 5], la preuve à apporter n’est pas celle de l’occupation du bien au 1er janvier 1970 mais de l’affectation du bien à un usage d’habitation à cette date de référence ;
– que de même, si le local est décrit sur la fiche comme étant à usage exclusif d’habitation, cette description ne vaut qu’à la date à laquelle la fiche est renseignée, soit au 14 octobre 1970.
Si la ville de [Localité 5] soutient que l’établissement de la fiche H2 impliquerait nécessairement un usage d’habitation au 1er janvier 1970, les dispositions invoquées du décret n°69-1076 du 28 novembre 1969 ne permettent toutefois pas non plus une telle déduction (article 38, les déclarations sont établies sur des formules spéciales fournies par l’administration ; article 39, la date de référence de la première révision foncière quinquennale des évaluations foncières des propriétés bâties est fixée au 1er janvier 1970 ; article 40, les formules visées à l’article 38 comportent, à la date de leur souscription, les renseignements utiles à l’évaluation de chaque propriété ou fraction de propriété […] la date limite d’envoi ou de remise des déclarations est fixées au plus tard en ce qui concerne les biens autres que les établissements industriels au 15 octobre 1970 pour les communes de plus de 5.000 habitants).
Par ailleurs, la ville de [Localité 5] produit :
– un fichier électoral de 1970 dont il ressort qu’une Mme [H] était inscrite sur le fichier électoral comme occupante du [Adresse 2] (pièce 10) ;
– un rapport du 16 décembre 1964 et un courrier du 6 février 1970 de la préfecture faisant état de désordres dans l’appartement de Mme [H] (pièce 11), avec mention qu’il s’agit d’un logement situé au 2ème étage, porte droite, bâtiment cour ;
– un extrait du registre cadastral et un relevé de propriété postérieurs au 1er janvier 1970 (pièce 5).
La ville de [Localité 5] fait aussi état de ce que le bien appartenait à Mme [H] du 14 octobre 1963 au 10 avril 1970 puis qu’il aurait été vendu à cette date à Mme [K].
En toute hypothèse, pour que l’usage d’habitation du bien au 1er janvier 1970 soit établie, il y a lieu aussi de s’assurer que les pièces complémentaires produites concernent bien elles aussi l’appartement contrôlé.
Force est toutefois de constater qu’au regard des pièces produites, rien ne permet d’établir que l’appartement litigieux était celui de Mme [H], puis qu’il a été vendu à Mme [K] avant d’être à nouveau vendu à M. [S], étant relevé en particulier qu’aucun document relatif à la vente alléguée du 10 avril 1970 n’est produit par la ville de [Localité 5], alors que repose sur elle la charge de la preuve.
Les pièces relatives à l’usage d’habitation du bien de Mme [H] sont dans ces circonstances inopérantes.
Enfin, l’extrait du registre cadastral et le relevé de propriété ont été édités au moment du contrôle, de sorte que ces pièces ne peuvent établir l’usage d’habitation au 1er janvier 1970.
Aussi, sans se prononcer sur les autres moyens soulevés, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la ville de [Localité 5] de sa demande, faute pour celle-ci d’établir l’usage d’habitation du bien conformément au code de la construction et de l’habitation.
Sur la non-transmission du nombre de jours de location d’un meublé de tourisme (article L.324-1-1 IV du code du tourisme)
L’article L. 324-1-1 du code du tourisme dispose notamment que :
II.-Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé.
Cette déclaration préalable n’est pas obligatoire lorsque le local à usage d’habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
III.-Par dérogation au II, dans les communes où le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l’habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d’un meublé de tourisme.
La déclaration indique si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.
IV.-Dans les communes ayant mis en ‘uvre la procédure d’enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale ne peut le faire au-delà de cent vingt jours au cours d’une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.
La commune peut, jusqu’au 31 décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué. Le loueur transmet ces informations dans un délai d’un mois, en rappelant l’adresse du meublé et son numéro de déclaration.
V.- Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du III est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 5.000 euros.
Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 10.000 euros.
En l’espèce, s’agissant de l’infraction aux dispositions de l’article L.324-1-1 IV du code du tourisme, à savoir le défaut de transmission relative au nombre de jours loués, il sera relevé que l’obligation de transmission de l’article L.324-1-1 IV alinéa 2 du code du tourisme ne peut concerner que les locations visés à l’article L.324-1-1 IV alinéa premier, à savoir les locations d’un meublé de tourisme déclaré comme résidence principale, étant rappelé :
– que les textes relatifs à une infraction civile, pouvant conduire au prononcé d’une amende, doivent s’interpréter strictement ;
– que l’article L. 324-1-1 IV, constitué de deux alinéas, doit s’analyser en son ensemble ;
– que la transmission du nombre de jours vise à établir si la limite des 120 jours a été dépassée, de sorte que cette disposition concerne bien logiquement les meublés déclarés comme résidence principale, astreints à cette limite.
Or, la ville de [Localité 5] relève expressément que le logement en cause n’est pas la résidence principale de M. [P] [N] [S], ce qu’indique aussi ce dernier puisqu’il indique avoir loué le bien à son frère, M. [O] [S], étant observé que la seule déclaration de meublé de tourisme effectuée dans cette procédure est celle de M. [O] [S].
Les conditions pour prononcer une amende en application de l’article L.324-1-1 IV du code du tourisme ne sont donc pas remplies, comme l’a justement indiqué le premier juge.
Ainsi, au regard de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, en ce compris le sort des frais et dépens de première instance exactement réglé par le premier juge.
Partie succombante en appel, la ville de [Localité 5] devra indemniser l’intimé pour les frais non répétibles exposés et sera condamnée aux dépens d’appel avec distraction au profit du conseil de l’intimé.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
Condamne la ville de [Localité 5] à verser à M. [P] [N] [S] la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel ;
Condamne la ville de [Localité 5] aux dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE POUR LA PRESIDENTE
DE CHAMBRE EMPÊCHÉE