Sous-location : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/14512

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Sous-location : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/14512
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRET DU 26 JANVIER 2023

SUR RÉINSCRIPTION APRÈS RADIATION

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/14512 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGIRS

Décisions déférée à la Cour : ordonnance du 05 décembre 2018 – TJ de PARIS RG n°18/59006

Arrêt du 13 Juin 2022 -Cour d’Appel de PARIS- RG n° 18/28591

APPELANTE

Mme [F], [E], [J] [K]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurent POZZI-PASQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

INTIMEE

LA VILLE DE [Localité 7], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 6], Mme [N] [T], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Fabienne DELECROIX de la SELARL DELECROIX-GUBLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R229

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 Décembre 2022, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

– CONTRADITOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

******

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 5 octobre 2018, la ville de [Localité 6] a fait assigner Mme [K] devant le tribunal de grande instance de Paris, statuant en la forme des référés, à l’effet d’obtenir, au visa de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, de l’article L324-1-1 du code de tourisme, des articles L.632-7, L.632-1, L.651-2 du code de la construction et de l’habitation :

– la condamnation de Mme [K] au paiement d’une amende civile de 50.000 euros ;

– que soit ordonné le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de l’expiration du délai qu’il plaira au tribunal de fixer, ce dernier se réservant la liquidation de l’astreinte ;

– la condamnation de la défenderesse au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme [K] n’a pas comparu ni personne pour elle en première instance.

Par ordonnance réputée contradictoire du 5 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :

– condamné Mme [K] à une amende civile de 50.000 euros ;

– ordonné le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation du local concerné sis [Adresse 1], sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de 30 jours commençant à courir à compter de la signification de la présente décision, se réservant la liquidation de l’astreinte ;

– condamné Mme [K] à payer à la ville de [Localité 6] 1.500 euros sur le fondement de l’article de 700 du code de procédure civile ;

– condamné Mme [K] aux dépens.

Par déclaration du 21 décembre 2018, Mme [K] a relevé appel de cette décision.

Par arrêt du 13 juin 2019, la cour d’appel de Paris a ordonné un sursis à statuer dans l’attente d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 15 nov.2018, n° 17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l’article L631-7 du code de la construction et de l’habitation à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 et ordonné la radiation de l’affaire.

Le 22 septembre 2020 la Cour de justice de l’Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18). Le 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, jugeant notamment que la réglementation locale de la Ville de [Localité 6] sur le changement d’usage était conforme à la réglementation européenne.

Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle a notamment jugé que la réglementation locale de la ville de [Localité 6] sur le changement d’usage est conforme à la réglementation européenne.

Par conclusions du 27 juillet 2022 Mme [K] a sollicité et obtenu la réinscription au rôle de l’affaire.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 27 septembre 2022, elle demande à la cour de :

– juger que la ville de [Localité 6] échoue à démontrer l’usage d’habitation au 1er janvier 1970 en raison des irrégularités manifestes de la fiche H2 et R produites ;

– juger que la ville de [Localité 6] est mal fondée en sa demande en raison de l’absence de base

légale, l’article l. 631-7 du code de la construction et de l’habitation n’étant pas applicable à l’espèce ;

A titre subsidiaire, si la cour devait admettre l’usage d’habitation du local au 1er janvier 1970,

– juger que l’appartement en cause constituait sa résidence principale au moment des locations litigieuses ;

– juger que l’amende applicable est celle de l’article L.324-1-1 du code du tourisme portant amende à 10.000 euros maximum pour dépassement de 120 jours en résidence principale ;

En conséquence,

– infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

– débouter la ville de [Localité 6] de toutes ses demandes de condamnation ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire l’infraction présumée au changement d’usage devait être caractérisée :

– juger que compte tenu de la situation personnelle, financière et de la cessation de l’infraction avant toute procédure contentieuse, Mme [K] est fondée à n’être condamnée qu’à une amende symbolique ;

En conséquence et statuant à nouveau,

– fixer le montant de l’amende civile à la somme symbolique de un euro ;

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour d’appel ne trouvait justifiée la demande de condamnation à la somme symbolique de un euro :

– juger que le montant de 50.000 euros au titre de l’amende civile est manifestement disproportionné et injustifié ;

– fixer, le cas échéant, le montant de l’amende civile à la somme maximale de 3.000 euros, au regard du réel bénéfice réalisé ;

En conséquence et statuant à nouveau,

– la condamner à une amende civile ne pouvant pas excéder la somme de 3.000 euros ;

En tout état de cause et statuant à nouveau,

– infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a ordonné le retour à l’habitation du local litigieux ;

– débouter la ville de [Localité 6] en ce qu’elle demande sa condamnation à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

– condamner la ville de [Localité 6] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l’instance.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 23 septembre 2022, la ville de [Localité 6] demande à la cour de :

– dire Mme [K] mal fondée en son appel et la débouter de ses demandes ;

– confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :

constaté l’infraction commise par Mme [K] ;

condamné Mme [K] à payer à la ville de [Localité 6] une amende civile de 50.000 euros ;

condamné Mme [K] à payer à la ville de [Localité 6] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné Mme [K] à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

SUR CE, LA COUR

A titre principal, Mme [K] soutient que la preuve de l’usage d’habitation au 1er janvier 1970 n’est pas faite par la ville de [Localité 6], contestant la valeur probante des documents fournis par cette dernière.

A titre subsidiaire, elle soutient que le logement en cause constituait sa résidence principale, en sorte que l’amende encourue est celle de 10.000 euros prévue à l’article L 324-1-1 IV et V du code de tourisme ; qu’elle a pris en location cet appartement à compter du 1er janvier 2015, en raison de ses problèmes conjugaux qui l’ont obligée à se séparer de son époux, tout en demeurant à proximité du domicile familial pour s’occuper de sa fille ; qu’elle a loué cet appartement via Airbnb dans la limite de 120 jours par an, afin de financer son loyer, étant journaliste et devant souvent s’absenter de son domicile.

A titre très subsidiaire, elle sollicite la réduction de l’amende civile à un montant symbolique, compte tenu des circonstances précédemment évoquées, du faible profit qu’elle a tiré des locations de courtes durées (3.000 euros) et de la restitution du logement à son propriétaire en juin 2018, avant même la délivrance de l’assignation de la ville de [Localité 6].

La ville de [Localité 6] conteste que le logement constituait la résidence principale de Mme [K], se prévalant de sa location continue pour de courtes durées à une clientèle de passage. Elle soutient prouver l’usage d’habitation au 1er janvier 1970 par l’extrait du registre cadastral, le relevé de propriété, la fiche modèle H2, renseignée par le propriétaire occupant de l’appartement de 45 m² affecté exclusivement à l’habitation, et par la fiche modèle R qui corrobore cette occupation.

Sur les textes applicables il convient de rappeler :

– qu’en application des articles L.631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l’habitation et conformément à l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à la ville de [Localité 6] d’établir :

– l’existence d’un local à usage d’habitation, un local étant réputé à usage d’habitation si la preuve est apportée par tout moyen qu’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés ;

– un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile ;

– que selon l’article L. 631-7-1 A du code de la construction et de l’habitation, ‘[…] Lorsque le local à usage d’habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l’article 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986, l’autorisation de changement d’usage prévue à l’article L.631-7 du présent code ou celle prévue au présent article n’est pas nécessaire pour le loueur pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.’

En l’espèce, la discussion porte d’abord sur la preuve à apporter par la ville de [Localité 6], qui en a la charge pour caractériser l’infraction de changement d’usage illicite dont elle se prévaut, de ce que le local en cause est bien un local à usage d’habitation au sens de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, étant rappelé qu’un local est réputé à usage d’habitation au sens de ce texte s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, que cette affectation peut être établie par tout mode de preuve et que la preuve d’une affectation de fait à l’usage d’habitation postérieurement au 1er janvier 1970, date de référence, est inopérante.

La fiche H2 dont la ville de [Localité 6] se prévaut ici mentionne un propriétaire occupant, M. [P] [V], et décrit un appartement de 45 m² à usage d’habitation, mais elle n’est ni signée ni datée, ce qui affecte incontestablement sa valeur probante.

Quant à la fiche R descriptive de l’immeuble, qui mentionne M. [P] [V] comme propriétaire d’un logement au 2ème étage, elle porte la date du 9 juin 1978, éloignée du 1er janvier 1970, et ne permet donc pas plus de s’assurer de l’usage d’habitation du bien au 1er janvier 1970.

Pour ce qui est du relevé cadastral et du relevé de propriété, ils ont été établis en 2017, à une date encore plus éloignée de la date de référence du 1er janvier 1970.

La preuve n’est donc pas faite par la ville de [Localité 6] de l’usage d’habitation au 1er janvier 1970 du bien contrôlé, en sorte que cette condition n’étant pas remplie, l’infraction dont elle se prévaut à l’encontre de Mme [K] n’est pas caractérisée.

L’ordonnance entreprise sera infirmée en toutes ses dispositions et la ville de [Localité 6] déboutée de l’ensemble de ses demandes.

Partie perdante, l’intimée sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel et à payer à Mme [K] la somme de 2000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

Déboute la ville de [Localité 6] de l’ensemble de ses demandes,

Condamne la ville de [Localité 6] aux entiers dépens de première instance et d’appel,

La condamne à payer à Mme [K] la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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