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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 3
ARRET DU 26 JANVIER 2023
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/14716 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCPMF
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juin 2020 -Juge des contentieux de la protection de PARIS – RG n° 19 011281
APPELANT
Monsieur [D] [I]
né le 25 avril 1965 à [Localité 4]
Centre Pénitentiaire de [Localité 6]
Ecrou 8674
[Localité 7]
Représenté et assisté par Me Laurence TARQUINY CHARPENTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0542
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/035532 du 18/11/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMES
Monsieur [O] [V]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Madame [K] [V]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentés et assistés par Me Cécile LEMAISTRE BONNEMAY, avocat au barreau de PARIS, toque : E1286 substituée par me Joanne GEORGELIN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Aurore DOCQUINCOURT, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
François LEPLAT, président
Anne-Laure MEANO, président assesseur
Aurore DOCQUINCOURT, conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour prévue le 19 janvier 2023 et prorogé au 26 janvier 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par François LEPLAT, Président de chambre et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présent lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte du 22 novembre 2016, M. [Y] [O] [V] et Mme [S] [V] ont donné à bail à M. [D] [I] un appartement à usage d’habitation, situé [Adresse 2], duplex de 5 pièces de 129,81 m², à [Localité 5], pour un loyer mensuel de 3.020 euros outre 80 euros de provisions sur charges.
M. [O] [V] et Mme [S] [V] ont fait signifier le 3 décembre 2018 à M. [D] [I] un commandement de payer la somme de 12.499,01 euros visant la clause résolutoire du bail.
Par acte d’huissier en date du 24 janvier 2019 délivré à une autre adresse que celle des lieux loués et le 28 janvier 2019 à l’adresse des lieux loués, M. [Y] [O] [V] et Mme [S] [V] ont fait signifier un congé pour reprise des lieux pour y loger eux-mêmes, le congé mentionnant qu’ils étaient domiciliés à Shanghaï, à effet au 21 novembre 2019 à minuit.
Par acte du 19 février 2019, M. [Y] [O] [V] Mme [S] [V] ont assigné M. [D] [I] sur le fondement de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 aux fins de :
– voir constater l’acquisition de la clause résolutoire,
– à titre subsidiaire, voir prononcer la résiliation judiciaire du bail,
– voir ordonner l’expulsion de M. [D] [I] et de tous occupants de son chef des lieux loués,
– voir autoriser si nécessaire la séquestration du mobilier laissé dans les lieux,
– voir condamner M. [D] [I] au paiement :
– d’une indemnité d’occupation mensuelle, prestations et taxes en sus, indexée sur la variation de l’indice du coût de la construction, à compter de la résolution ou résiliation, et ce jusqu’à libération effective des lieux, égale au montant du loyer contractuel plus 10%,
– d’une somme de 25.398,33 euros correspondant aux loyers arriérés, férvier 2019 inclus,
– d’une somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts,
– d’une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens incluant notamment le coût du commandement,
– voir ordonner l’exécution provisoire.
Par courrier du 17 septembre 2019, M. [D] [I] a donné congé à effet du 16 octobre 2019 du fait de sa situation d’incarcération à [Localité 7] (86) depuis le 12 septembre 2019.
Par acte d’huissier en date du 6 janvier 2020, M. [D] [I] a été réassigné devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris en application de l’article 40 du décret du 30 août 2019 aux fins de :
– voir condamner M. [D] [I] au paiement :
– d’une somme de 7.379,80 euros correspondant au montant des loyers impayés, octobre 2019 inclus et des réparations locatives,
– d’une somme de 334.073,25 euros en remboursement des loyers perçus au titre de la sous-location,
– d’une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,
– d’une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens incluant notamment le coût du commandement,
– voir ordonner l’exécution provisoire.
La réassignation a été signifiée à personne, M. [D] [I] étant toujours incarcéré à [Localité 7] (86). M. [D] [I], régulièrement réassigné, n’a pas comparu ni été représenté, aucune demande de renvoi n’ayant été formulée pour charger un avocat de sa représentation.
Par jugement réputé contradictoire entrepris du 4 juin 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a ainsi statué :
Constate la fin du bail au 31 octobre 2019 pour les lieux loués au [Adresse 2],
Condamne M. [I] [D] à payer à M. [V] [Y] et Mme [V] [S] la somme de 6.655,90 euros d’arriéré de loyers et charges, octobre 2019 inclus et dépôt de garantie déduit, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,
Déboute M. [V] [Y] et Mme [V] [S] de leur demande au titre des réparations locatives,
Condamne M. [I] [D] à payer à M. [V] [Y] et Mme [V] [S] la somme de 59.755 euros, au titre des fruits civils perçus entre le 29 avril 2019 et le 31 octobre 2019, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
Condamne M. [I] [D] à payer à M. [V] [Y] et Mme [V] [S] la somme de 3.000 euros au titre du préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
Ordonne l’exécution provisoire,
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,
Condamne M. [I] [D] aux dépens qui comprendront le coût du commandement de payer,
Condamne M. [I] [D] à payer à M. [V] [Y] et Mme [V] [S] la somme de 2.625 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l’appel interjeté le 15 octobre 2020 par M. [D] [I],
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 26 mai 2021 par lesquelles M. [D] [I] demande à la cour de :
Vu la loi du 6 juillet 1989,
Vu l’article 1231-1 du code civil et l’article 1104 de ce même code,
Infirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du 4 juin 2020, sauf en ce qui concerne le rejet des travaux locatifs,
En conséquence,
Fixer la fin du bail au 17 octobre 2019,
Dire que M. [I] justifie d’un trop payé au titre de ses loyers de 1.239,99 euros pour une fin de bail fixée au 17 octobre 2019,
Condamner les époux [V] à la restitution de cet indu de 1.239,99 euros,
Subsidiairement, si la cour devait retenir la fin du bail au 28 octobre 2019,
Dire que M. [I] justifie d’un trop réglé au titre de ses loyers de 536,98 euros pour une fin de bail fixée au 28 octobre 2019,
Condamner les époux [V] à la restitution de cet indu de 536,98 euros,
En tout état de cause,
Dire que M. [I] a soldé une dette locative, par un paiement de 7.192,88 euros,
En conséquence,
Déclarer irrecevables les demandes formées par les époux [V], à l’encontre de M. [D] [I], selon la quittance subrogative générale en date du 9 janvier 2020, acceptant un règlement global et définitif du litige, moyennant le paiement de la somme de 7.192,88 euros,
Les débouter de l’ensemble de leurs prétentions formées au titre des fruits civils et dommages-intérêts,
Subsidiairement, si la cour devait admettre le principe de la perception par les époux [V] des fruits civils de leur appartement, il lui est demandé de les limiter à leur montant net, soit la somme de 4.909,14 euros,
Dire n’y avoir lieu à dommages-intérêts au profit des époux [V],
Condamner M. et Mme [V] solidairement à payer à M. [I], la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice moral et matériel subi résultant de leur déloyauté,
Ordonner en cas de besoin, la compensation judiciaire des sommes dues entre les parties,
Dire que les sommes allouées produiront intérêt à compter de la décision à intervenir,
Condamner M. et Mme [V] aux dépens selon les règles de l’aide juridictionnelle.
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 21 août 2022 au terme desquelles M. [Y] [O] [V] et Mme [S] [V] demandent à la cour de :
Débouter M. [D] [I] de toutes ses demandes,
Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné [D] [I] à payer à M. [Y] [O] [V] et Mme [S] [V] :
– la somme de 6.655,90 euros montant des loyers impayés arrêtés à octobre 2019,
– la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts,
– la somme de 2.625 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– les dépens y compris le coût du commandement,
Le réformer en ce qu’il a débouté M. [Y] [O] [V] et Mme [S] [V] de leur demande au titre des réparations locatives et limité le remboursement des fruits civils à la période du 20 avril 2019 au 31 octobre 2019,
Statuant a nouveau,
Condamner M. [D] [I] à payer à M. [Y] [O] [V] et Mme [S] [V]:
– la somme de 104.988,85 euros en remboursement des fruits civils perçus de décembre 2018 à octobre 2019,
– la somme de 723,90 euros au titre des réparations locatives,
En tout état de cause,
Condamner M. [D] [I], au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner M. [D] [I] en tous les dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions remises au greffe et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I – Sur la date de fin du bail
M. [D] [I] a adressé son congé aux bailleurs par courrier daté du 17 septembre 2019, dont la date de réception n’est pas précisée, sollicitant un délai de préavis réduit à un mois au motif qu’il était incarcéré à la maison d’arrêt de [Localité 7] (86) depuis le 12 septembre 2019.
L’agence Foncia, mandataire des époux [V], lui a répondu le 29 octobre 2019 dans les termes suivants : “nous revenons vers vous suite à votre lettre de congé en date du 17 septembre 2019 afférente au contrat de location repris en marge ; à cet effet nous avions convenu d’un premier rendez-vous d’état des lieux de sortie le 17 octobre 2019, date à laquelle nous avons rencontré M. [R] [I] votre fils, qui nous a indiqué être en mesure de nous restituer les clefs le lundi 28 octobre 2019 à 16 heures ; partant, nous avons donc procédé hier à l’état des lieux de sortie non contradictoire”.
Il convient de constater que le délai de préavis réduit à un mois n’est pas contesté par les bailleurs, puisque l’agence mandataire avait prévu un premier rendez-vous d’état des lieux de sortie à la date du 17 octobre 2019, qui constitue la date de fin du bail ; il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris sur ce point.
Toutefois, la libération des lieux n’est intervenue que le 28 octobre 2019, date de restitution des clefs et de l’état des lieux de sortie non contradictoire selon les termes du courrier de Foncia précité, et il en sera tenu compte ci-après pour fixer la dette locative.
II – Sur les réparations locatives
Selon l’article 3-2 de la loi du 6 juillet 1989, “un état des lieux est établi selon des modalités définies par décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la Commission nationale de concertation, dans les mêmes formes et en autant d’exemplaires que de parties lors de la remise et de la restitution des clés. Il est établi contradictoirement et amiablement par les parties ou par un tiers mandaté par elles et joint au contrat de location.
Si l’état des lieux ne peut être établi dans les conditions prévues au premier alinéa, il est établi par un huissier de justice, sur l’initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire et à un coût fixé par décret en Conseil d’Etat. Dans ce cas, les parties en sont avisées par l’huissier au moins sept jours à l’avance, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
A défaut d’état des lieux ou de la remise d’un exemplaire de l’état des lieux à l’une des parties, la présomption établie par l’article 1731 du code civil ne peut être invoquée par celle des parties qui a fait obstacle à l’établissement de l’acte ou à sa remise à l’une des parties”.
En l’espèce, les époux [V] se prévalent d’un document établi par la SAS Constatimmo le 2 décembre 2019, intitulé “constat d’état des lieux sortant dressé contradictoirement entre les soussignés” dans lequel est mentionnée comme locataire Mme [N] [X]. Les intimés justifient qu’il s’agit d’une assistante de gestion locative de l’agence Foncia, de sorte qu’elle n’avait nullement qualité pour représenter le locataire, et que ce document a donc été établi de façon non contradictoire, comme l’annonçait au demeurant l’agence Foncia dans son courrier de réception du congé de M. [D] [I] précité.
Ainsi que l’a pertinemment relevé le premier juge, il appartenait aux époux [V], compte tenu des circonstances, de faire établir un état des lieux de sortie par huissier à frais partagés. Il en a exactement déduit que le constat d’état des lieux sortant du 2 décembre 2019 n’était pas probatoire de l’état des lieux loués lors de leur libération, alors qu’il n’avait été établi qu’unilatéralement par le seul mandataire des bailleurs.
Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les époux [V] de leur demande au titre des réparations locatives.
III – Sur la dette locative
Il résulte du décompte locatif en date du 19 décembre 2019 que M. [D] [I] restait redevable de la somme de 9675,90 euros, terme d’octobre 2019 inclus. Au vu des motifs développés plus haut, il convient de préciser que les sommes dues entre le 17 et le 28 octobre sont en réalité des indemnités mensuelles d’occupation, étant dues au titre de l’occupation postérieure à la résiliation du bail.
Il convient d’en déduire le montant du dépôt de garantie de 3020 euros, pour obtenir la somme de 6655,90 euros retenue par le premier juge.
Toutefois, il résulte des pièces produites qu’une quittance subrogative a été établie le 9 janvier 2020 par les époux [V], aux termes desquels ceux-ci acceptent “en règlement définitif et global du sinistre résultant de la défaillance de M. [D] [I] (…) la somme de 7192,88 euros représentant le montant de l’indemnité due au titre de la garantie des loyers impayés consentie par Foncia [Localité 4] rive gauche”, et subrogent Foncia dans tous leurs droits et actions à l’encontre de M. [I].
M. [D] [I], à qui Foncia avait transmis la quittance subrogative pour règlement le 9 janvier 2020, justifie s’en être acquitté par chèque daté du 3 février 2020 encaissé le 14 février 2020, soit postérieurement à l’audience de première instance du 4 février 2020, ce qui justifie que les bailleurs n’aient pas actualisé leur créance devant le premier juge.
La dette locative subsistante s’élevant à 6655,90 euros, et M. [I] s’étant acquitté de la somme de 7192,88 euros, il convient de constater qu’aucune dette locative ne subsiste, et que M. [I] est fondé à réclamer aux époux [V] un trop-perçu de :
(7192,88 – 6655,90) = 536,98 euros.
Il convient dès lors de réformer le jugement entrepris, de débouter les époux [V] de leur demande au titre de l’arriéré locatif et de les condamner à payer la somme de 536,98 euros au titre du remboursement du trop-perçu de loyers.
Il sera ordonné compensation avec les sommes que devra M. [I] aux époux [V] selon les termes du dispositif du présent arrêt.
IV – Sur la demande au titre des fruits civils
1/ sur l’irrecevabilité alléguée de la demande du fait de la quittance subrogative
La quittance subrogative précitée précise qu’elle intervient “en règlement définitif et global du sinistre résultant de la défaillance de M. [D] [I] (…) au titre de la garantie des loyers impayés consentie par Foncia [Localité 4] rive gauche” ; les époux [V] s’y “engagent à renoncer à toute procédure de recouvrement pour le montant [de la somme de 7192,88 euros] outre les dépens d’instance et l’article 700 du code de procédure civile”.
Il convient de constater que cette créance subrogative ne concerne que les loyers impayés, mais pas la demande en restitution des fruits civils perçus au titre de la sous-location non autorisée, de sorte que les époux [V] demeurent recevables en leur prétention à ce titre.
2/ sur le bien-fondé de la demande de restitution des fruits civils
En vertu des articles 546 et 547 du code civil, la propriété immobilière donne droit à ce qu’elle produit, les fruits civils par accession appartenant au propriétaire.
Selon l’article 8 de la loi du 6 juillet 1989, dont les dispositions sont d’ordre public, “le locataire ne peut ni céder le contrat de location, ni sous-louer le logement sauf avec l’accord écrit du bailleur, y compris sur le prix du loyer”.
En l’espèce, il n’est pas contesté que M. [D] [I] a sous-loué le logement qu’il louait aux époux [V] via une plate-forme de réservation en ligne, sans les en informer ni a fortiori avoir recueilli leur accord, de sorte que cette sous-location était prohibée par l’article 8 de la loi du 6 juillet 1989 précité, nonobstant l’absence d’interdiction expresse de la sous-location dans le contrat de bail liant les parties.
La preuve de cette sous-location est rapportée par le constat d’huissier du 10 septembre 2019 qui indique que, sur le site Booking.com, les lieux référencés “Historical Marais” étaient loués depuis le 29 avril 2019, l’adresse de l’annonce et la photographie du salon correspondant au logement litigieux. Le constat permet d’établir qu’à la date du 10 septembre 2019, la première date de réservation disponible était le 16 novembre 2019, ce qui implique que le logement était loué sans discontinuer, au moins du 10 septembre au 15 novembre 2019. Il recense 18 commentaires au sujet de la location, dont un daté du 7 juin 2019. Le tarif de location est de 646 euros à 718 euros pour deux nuits.
Il en résulte que les époux [V] sont fondés à réclamer la condamnation de M. [I] à leur rembourser les fruits civils perçus au titre de cette sous-location.
S’agissant du chiffrage, les intimés produisent un extrait du blog “vivre le Marais” sur lequel M. [D] [I] a posté un commentaire le 15 décembre 2018 dans lequel il indique “bonjour la boulangerie a réouvert c’est une merveilleuse nouvelle pour tous… et 4 chambres d’hôte juste à côté décorées par le réalisateur [D] [I]”, suivi d’un lien vers le site Airbnb. Toutefois, c’est par une exacte appréciation des éléments de la cause que le premier juge a considéré qu’en l’absence de constat produit pour une étude des annonces Airbnb, il ne pouvait être déduit de ce seul blog que la sous-location avait existé de façon continue depuis le 15 décembre 2018 sur ce site en sus de celle existant sur Booking.com, en relevant qu’aucun autre élément tel que des attestations de voisins ou du syndic de l’immeuble ne venait corroborer une autre période de sous-location.
Le fait que M. [I] détienne d’autres comptes bancaires que celui de la Banque Postale dont il produit les relevés, notamment un compte BNP et un compte HSBC, s’il permet d’accréditer que toutes les sommes perçues au titre des sous-locations n’ont pas nécessairement été versées sur le compte de la Banque Postale, ainsi qu’il le soutient, ne permet pas pour autant de démontrer une période de sous-location plus longue, pas plus que les paiements via le terminal Sum Up, qui sont pour la plupart inférieurs au prix d’une location et peuvent correspondre à d’autres activités commerciales de M. [I].
Il ne saurait être considéré que M. [I] ne résidait plus dans les lieux loués, en ce que le premier juge a relevé avec pertinence que la signification du commandement de payer du 3 décembre 2018 était contredite par celle du congé du 24 janvier 2019 délivré à étude d’huissier à l’adresse des lieux loués.
En conséquence, c’est par des motifs exacts et pertinents, qui ne sont pas utilement contredits par les parties, et que la cour adopte, que le premier juge a considéré que la sous-location était démontrée pour la période débutant le 29 avril 2019 avérée par le constat effectué sur le site Booking.com. Il a pertinemment retenu un coût de location de 646 euros pour deux nuits, soit 323 euros la nuit, soit la somme totale de :
(323 x 185 jours) = 59755 euros pour la période du 29 avril au 28 octobre 2019.
Ainsi que le font observer à juste titre les intimés, les charges que M. [I] prétend voir déduire du coût des sous-locations ne sont pas justifiées, en ce que le prix indiqué de 646 euros n’incluait pas les petits déjeuners, et en ce que l’unique facture produite de la société Elys ne concerne pas les lieux loués, mais le [Adresse 1], autre bien loué par M. [I]. Ils font également valoir avec pertinence que M. [D] [I] aurait pu éditer l’historique de ses transactions sur le site Booking.com, ce qui aurait permis de déterminer avec précision le nombre et le coût des sous-locations prohibées. Ils relèvent enfin à bon escient que tous les hôtes n’ont pas nécessairement déposé de commentaire, de sorte qu’il ne saurait être considéré qu’il n’y aurait eu que 18 locations.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé s’agissant de la condamnation de M. [I] à payer aux époux [V] la somme de 59755 euros au titre du remboursement des fruits civils de la location.
V – Sur la demande de dommages intérêts pour préjudice moral formée par les époux [V]
En vertu de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
En l’espèce, c’est par des motifs exacts et pertinents, qui ne sont pas utilement contredits par M. [I], lequel ne produit en cause d’appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l’appréciation faite par le tribunal, et que la cour adopte, que le premier juge a considéré que les époux [V] ont subi un préjudice moral constitué par la sous-location illicite, obligeant les bailleurs à une vigilance particulière sur la réalité d’une occupation effective à titre de résidence principale alors que le contrat doit être exécuté de bonne foi en application de l’article 1104 du code civil.
M. [I] ne peut prétendre qu’il “ne s’est jamais caché d’une sous-location temporaire et partielle”, alors qu’il ne justifie nullement en avoir informé ses bailleurs, ni a fortiori avoir recueilli leur accord.
Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. [I] à payer aux époux [V] la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts.
VI – Sur la demande de dommages et intérêts formée par M. [I]
Au soutien de sa demande, M. [I] prétend que les bailleurs auraient “profité de son incarcération pour tromper la religion du tribunal et obtenir une décision sur des éléments fallacieux”, alors qu’à la date de l’audience de plaidoiries, l’agence Foncia n’avait pas encore perçu le règlement de la quittance subrogative, en ce que l’assignation avait bien été délivrée à sa personne au centre pénitentiaire, et en ce que l’action des bailleurs en paiement des fruits civils issus de la sous-location illicite de leur bien a prospéré.
Il ne saurait davantage reprocher aux époux [V] d’avoir fait pratiquer une saisie conservatoire de son mobilier, alors qu’à la date de cet acte le 29 octobre 2019, M. [I] restait débiteur de la somme de 9675,90 euros, et qu’ils étaient dès lors fondés à user de cette voie d’exécution conservatoire. Il n’est pas justifié par les pièces produites que son mobilier aurait été enlevé et vendu, le commissaire priseur ayant répondu au courrier de M. [I] l’interrogeant sur l’estimation de ses biens qu’il n’avait aucun dossier à ce nom.
Il convient dès lors de débouter M. [D] [I] de sa demande de dommages et intérêts.
VII – Sur l’article 700 du code de procédure civile
M. [I], partie perdante à titre principal, sera condamné aux dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément aux règles de l’aide juridictionnelle.
L’équité commande de le condamner au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme, en ses dispositions frappées d’appel, le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a :
– constaté la fin du bail au 31 octobre 2019 pour les lieux loués au [Adresse 2],
– condamné M. [D] [I] à payer à M. [Y] [V] et Mme [S] [V] la somme de 6655,90 euros d’arriéré de loyers et charges, octobre 2019 inclus et dépôt de garantie déduit, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,
Et statuant à nouveau,
Constate la fin du bail au 17 octobre 2019 pour les lieux loués au [Adresse 2],
Condamne M. [Y] [O] [V] et Mme [S] [V] à payer à M. [D] [I] la somme de 536,98 euros au titre du remboursement du trop-perçu de loyers,
Rejette toutes demandes plus amples ou contraires,
Et y ajoutant ,
Déboute M. [D] [I] de sa demande de dommages et intérêts,
Ordonne la compensation entre les sommes dues par M. [D] [I] à M. [Y] [O] [V] et Mme [S] [V] d’une part, et les sommes dues par M. [Y] [O] [V] et Mme [S] [V] à M. [D] [I] d’autre part,
Condamne M. [D] [I] à payer à M. [Y] [O] [V] et Mme [S] [V] la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [D] [I] aux dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément aux règles de l’aide juridictionnelle,
Rejette toutes autres demandes.
La Greffière Le Président