Your cart is currently empty!
AFFAIRE : N° RG 22/02311 – N° Portalis DBVC-V-B7G-HB4N
ARRET N°
AB
ORIGINE : Jugement du TGI de LISIEUX du 20 Juin 2014 – RG n° 12/00381
Arrêt de la Cour d’Appel de CAEN du 28 mai 2019 RG n° 16/02294
Arrêt de la Cour de Cassation du 26 mai 2021 pourvoi n° P19-22.398
COUR D’APPEL DE CAEN
TROISIEME CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 16 MARS 2023
APPELANTE :
Madame [I] [X] divorcée [D]
née le 27 Août 1951 à [Localité 11]
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentée et assistée de Me Dominique LE PASTEUR, avocat au barreau d’ARGENTAN
INTIME :
Monsieur [P] [D]
né le 28 Mars 1956 à [Localité 14]
[Adresse 8]
[Localité 3]
Représenté et assisté de Me Emmanuelle DUVAL, avocat au barreau de LISIEUX, substituée par Me Jade DE WITTE, avocat au barreau de LISIEUX
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme LEON, Présidente de chambre,
Mme DE CROUZET, Conseillère,
Mme LOUGUET, Conseillère,
DEBATS : A l’audience du 26 janvier 2023 prise en chambre du conseil
GREFFIERE : Mme FLEURY
En présence de [K] [M], stagiaire
ARRET prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023 et signé par Mme LEON, présidente, et Mme FLEURY, greffière
******
M. [P] [D] et Mme [I] [X] se sont mariés le 9 septembre 1978 à [Localité 13] (14), après avoir fait précéder leur union d’un contrat de séparation de biens en date du 7 septembre 1978.
Par ordonnance de non-conciliation du 22 décembre 2006, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lisieux a notamment désigné Me [O], notaire à [Localité 10], et Me [V], notaire à [Localité 3], avec mission d’établir un projet de liquidation du régime matrimonial des époux.
Par jugement du 5 juin 2008, le juge aux affaires familiales a notamment sursis à statuer sur la demande en divorce présentée par les époux [D] et désigné Me [U] en qualité d’expert, avec la même mission, à laquelle s’ajoutait une évaluation de la valeur locative de l’immeuble situé [Adresse 7].
Par jugement du 4 août 2011, le juge aux affaires familiales a notamment :
– rejeté la demande d’annulation de l’expertise de Me [U],
– prononcé Ie divorce des époux [D] – [X],
– dit que les effets du divorce entre les parties remonteront, en ce qui concerne Ieurs biens, au 17 decembre 2002,
– consacré l’attribution préférentielle de la maison située [Adresse 7] à Mme [I] [X],
– consacré l’attribution préferentielle de l’appartement situé à [Localité 9] à M. [P] [D],
– consacré l’attribution préférentielle de l’appartement situé [Adresse 5], à M. [P] [D],
– consacré l’attribution préférentielle de l’appartement situe [Adresse 5] à Mme [X].
Par acte du 20 mars 2012, M. [D] a assigné Mme [I] [X] devant le tribunal de grande instance de Lisieux aux fins d’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des intérêts ayant existé entre les deux époux.
Par jugement rendu le 20 juin 2014, le tribunal a :
– déclaré sans objet la demande d’ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la communauté, déjà prononcée par jugement du 4 août 2011,
– désigné M. [T] [N] comme juge commis aux fins de surveiller les opérations,
– désigné pour procéder à la désignation du notaire chargé de ces opérations, Monsieur le Président de la chambre interdépartementale des notaires de Basse-Normandie, à charge pour ce dernier de déléguer un notaire,
– ordonné la poursuite des opérations de compte, liquidation et partage des intérêts de Mme [X] et de M. [D] conformément aux dispositions des articles 1364 et suivants du code de procédure civile et selon ce qui est jugé par la présente décision, à savoir notamment :
° comptabiliser la créance de 43 000 Fr. de Mme [X] (mobil-home),
° appliquer un abattement de 20 % au montant de la valeur locative de l’immeuble de [Localité 3] fixée par l’expert,
° procéder au décompte des sommes versées par Mme [X] pour le financement de l’appartement de [Localité 9], en se faisant remettre, par chacun des époux, leurs relevés de comptes bancaires,
– autorisé le notaire désigné à prendre tous renseignements utiles auprès de la direction générale des finances publiques par l’intermédiaire du fichier national des comptes bancaires et assimilés ( FICOBA) et à consulter l’association pour la gestion du risque en assurance (AGIRA),
– ordonné la restitution des meubles suivants à M. [D] : une commode de style Louis XVI, un réfrigérateur, l’appareil à lombaire, sa collection de coquillages, le bateau de marque Rorqual, le lave-vaisselle, le mobil-home de marque Abi,
– ordonné la restitution des meubles suivants à Mme [X] : quatre fauteuils de type Louis XVI et un tableau signé [G],
– dit que M. [D] ne bénéficie pas d’une créance portant sur l’immeuble situé [Adresse 7],
– dit que Mme [X] est redevable d’une indemnité d’occupation sur l’immeuble situé [Adresse 7] entre le 7 janvier 2003 et Ie 6 janvier 2006, puis à compter du 22 decembre 2006,
– débouté M. [D] de sa demande de provision,
– fixé la créance de Mme [X] sur l’indivision à la somme de 52.604,25 €,
– désigné Mme [H] [C], expert inscrit sur la liste de la cour d’appel de Rouen, avec mission de se rendre au [Adresse 7], d’y convoquer les parties et Ieurs conseils, de se faire remettre par les parties tous documents utiles à sa mission, et de procéder à l’inventaire ainsi qu’à l’estimation du mobilier meublant de l’immeuble,
– désigné M. [W] [F], expert inscrit sur la liste de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, avec mission de se rendre à [Localité 9], d’y convoquer les parties et Ieurs conseils, de se faire remettre tous documents utiles à sa mission et de procéder à l’inventaire et à l’estimation du mobilier meublant de l’immeuble,
– désigné M. [J] [Z], expert inscrit sur la liste de Ia cour d’appel de [Localité 10], avec mission de visiter l’immeuble situe [Adresse 7] et de Ie décrire, de convoquer les parties et Ieurs conseils, de se faire remettre par les parties tous documents utiles à sa mission, de donner son avis sur la valeur vénale du bien au jour le plus proche du partage de l’immeuble en décrivant notamment sa localisation, ses caractéristiques principales et son état, d’évaIuer la valeur locative du bien entre 2002 et 2014,
– désigné Mme [R] [Y], expert inscrit sur la liste de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, avec mission de visiter l’immeubIe situé à [Localité 9],
d’y convoquer les parties et Ieurs conseils, de se faire remettre tous documents utiles à sa mission et de donner son avis sur la valeur vénale du bien au jour le plus proche du partage de l’immeuble en décrivant notamment sa localisation, ses caractéristiques principales et son etat,
– fixé les modalités d’intervention des experts et le montant des provisions à consigner à hauteur de la moitié pour chacune des parties,
– réservé les autres demandes,
– ordonné l’exécution provisoire de la décision et la radiation de l’affaire, la réinscription au role devant s’effectuer à l’initiative de la partie la plus diligente, sur production du rapport d’expertise.
Mme [I] [X] a relevé appel de cette décision par déclaration du 14 juin 2016.
Par arrêt du 28 mai 2019, la première chambre civile de la cour d’appel de Caen a :
– Déclaré irrecevable la demande présentée par Mme [X] tendant à la condamnation de M. [D] au paiement d’une indemnité d’occupation au titre de l’appartement de [Localité 9] ;
– Dit n’y avoir lieu à évocation ;
– Confirmé le jugement rendu le 20 juin 2014 par le tribunal de grande instance de Lisieux sauf en ce qu’il a :
* ordonné la poursuite des opérations de compte, liquidation et partage des intérêts
de Mme [X] et de M. [D] en comptabilisant la créance de 43.000 Francs de
Mme [X],
* fixé la créance de Mme [X] sur l’indivision à la somme de 52.604,25 € ;
Statuant de ces chefs réformés :
– Débouté Mme [X] de sa demande tendant à se voir reconnaître une créance de 43.000 Francs au titre de sa participation à l’acquisition du mobile-home attribué à M. [D] ;
– Fixé la créance de Mme [X] sur I’indivision à la somme de 73.664,48 € ;
– Débouté les parties du surplus de Ieurs demandes ;
– Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens d’appel par elle-même engagés.
Mme [X] a formé un pourvoi contre cet arrêt.
Par décision du 26 mai 2021, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt attaqué, mais seulement en ce qu’il a déclaré irrecevable la demande de Mme [X] tendant à la condamnation de M. [D] au paiement d’une indemnité d’occupation pour l’appartement de [Localité 9], a remis sur ce point l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Caen autrement composée. M. [D] était condamné à supporter les dépens et à payer à Mme [X] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 23 août 2022, Mme [X] a saisi la Cour d’appel de Caen.
L’audience a été fixée au 26 janvier 2023.
M. [D] a constitué avocat devant la cour le 4 octobre 2022.
Aux termes de ses dernières écritures déposées le 5 décembre 2022, Mme [X] demande à la cour de :
– la juger recevable et bien fondée,
– débouter M. [D] de ses demandes,
En conséquence,
– fixer la valeur de l’immeuble commun sis [Adresse 12] à la somme de 523.600 euros,
– juger que M. [D] sera redevable à l’égard de la communauté, d’une indemnité d’occupation de l’immeuble commun sus désigné, depuis le 16 février 2012 jusqu’au jour du partage définitif,
– fixer le montant de l’indemnité d’occupation due par M. [D] à la communauté à la somme de 1.500€ par mois,
Subsidiairement,
– désigner un expert judiciaire, avec pour mission de réévaluer ledit immeuble commun ainsi que d’évaluer l’indemnité d’occupation due pour cet immeuble à la communauté par M. [D],
En tout état de cause,
– juger que le notaire commis aux opérations de comptes de liquidation et de partage de la communauté devra tenir compte de la valeur de l’immeuble comme de l’indemnité d’occupation mise à la charge de M. [D],
– condamner M. [D] à lui payer une indemnité de 4.000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières écritures déposées le 9 décembre 2022, M. [D] demande à la cour de :
– déclarer irrecevable la demande de Mme [X] de voir fixer la valeur de l’immeuble
commun sis [Adresse 12] à la somme de 523.600 euros,
– rejeter l’appel interjeté par Mme [X],
– débouter Mme [X] de l’ensemble de ses demandes.
A titre subsidiaire,
– fixer la valeur de l’immeuble commun sis [Adresse 12] à la somme de 275.000 euros,
– fixer le principe de l’indemnité d’occupation due par M. [D] au profit de l’indivision du 16 fevrier 2012 au 16 fevrier 2017 à raison d’un mois par an pendant cette durée,
– renvoyer les parties, pour l’évaluation, devant Mme [Y], expert, pour fixer le montant de l’indemnité d’occupation qui serait due,
En tout état de cause,
– condamner Mme [X] à la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’étendue de la saisine de la cour :
Aux termes de la déclaration d’appel, de l’arrêt rendu par la cour de cassation susvisé du 26 mai 2021 et des dernières conclusions des parties, la cour est saisie des demandes portant sur l’indemnité d’occupation due à l’indivision relativement à l’immeuble sis [Adresse 12] et sur la valeur vénale de ce bien.
Sur la recevabilité de la demande de fixation de la valeur de l’immeuble sis à [Localité 9] :
Mme [X] soutient que la fixation d’une valeur vénale constitue le préalable essentiel à la fixation d’une indemnité d’occupation, que si cette indemnité peut être fixée d’un commun accord ou par décision du juge, il est toutefois constant que la valeur locative du bien sert de base au calcul de cette indemnité et que pour déterminer la valeur locative d’un immeuble, il convient d’en déterminer la valeur à la vente. La cour d’appel de Caen n’ayant pas usé de son pouvoir d’évocation s’agissant des chefs de valorisation des immeubles communs dans son arrêt du 28 mai 2019, il convient selon elle de s’en rapporter au jugement du 20 juin 2014 qui a ordonné une expertise afin de pouvoir déterminer précisément la valeur de l’immeuble au jour le plus proche du partage. Elle constate cependant que la valorisation réalisée en 2015 par l’experte, Mme [Y], est trop ancienne, le marché de l’immobilier ayant considérablement évolué en 7 ans. Elle indique par ailleurs que la valorisation réalisée par FONCIA en mai 2018 dont se prévaut M. [D] est également trop ancienne et en inadéquation totale avec les chiffres des transactions enregistrées par le Service de la Publicité Foncière. Elle précise que, selon ces données, le prix du mètre carré dans le secteur est compris entre 6.525 et 7.039 euros. Elle affirme que compte tenu de l’emplacement privilégié de l’immeuble et de son parfait état extérieur, il y a lieu de retenir une valeur minimale de 523.600 euros (environ 6.800 euros le mètre carré).
Subsidiairement, elle indique que l’expert judiciaire déjà désigné pourra de nouveau l’être sur cette question.
M. [D] soutient au visa de l’article 910-4 du code de procédure civile que la demande de Mme [X] visant à ce que la valeur de l’immeuble commun sis à [Localité 9] soit fixée à la somme de 523.600 € est irrecevable au motif que la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu le 28 mai 2019 par la cour d’appel de Caen seulement en ce qu’il a declaré irrecevable la demande de Mme [X] tendant à sa condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation pour ledit immeuble. Il en déduit que la cour est exclusivement saisie de la difficulté relative à la recevabilité de la demande sur l’indemnité d’occupation. A titre subsidiaire, il demande à la cour de retenir la valeur de 275.000 € pour l’immeuble de [Localité 9] qui correspond à l’évaluation réalisée par la société Foncia le 22 mai 2018.
En vertu de l’article 633 du code de procédure civile, la recevabilité des prétentions nouvelles est soumise aux règles qui s’appliquent devant la juridiction dont la décision a été cassée, à savoir en l’espèce celles prévues par les articles 564 à 567 du code de procédure civile. Mais elle doit également être examinée par référence à l’étendue de la cassation et à celle des pouvoirs subséquents de la cour de renvoi.
Ainsi, la demande nouvelle ne peut pas remettre en cause un chef de l’arrêt non cassé et donc devenu irrévocable et elle n’est recevable devant la juridiction de renvoi qu’à la condition d’avoir un lien avec les demandes dont celle-ci est encore saisie.
En l’espèce, le tribunal de grande instance de Lisieux, par son jugement du 20 juin 2014, a notamment désigné un expert, Mme [R] [Y], pour donner son avis sur la valeur vénale du bien au jour le plus proche du partage de l’immeuble. Il était ordonné que l’expert devrait remettre un exemplaire de son rapport au notaire chargé d’effectuer les opérations de compte, liquidation et partage.
Mme [Y] a adressé son rapport au greffe du tribunal de grande instance de Lisieux le 9 septembre 2015.
Mme [X] a interjeté appel et aux termes de ses dernières conclusions notifiées devant la cour d’appel de Caen le 31 août 2018 elle demandait à la cour de fixer la valeur vénale de l’immeuble de [Localité 9] à la somme de 408.100 €.
M. [D] demandait quant à lui à la cour de dire qu’il était titulaire d’une créance sur l’indivision correspondant à 79% de la valeur dudit immeuble qui devait être judiciairement arrêtée à la suite de l’expertise ordonnée.
Par arrêt du 28 mai 2019, la cour d’appel de Caen a énoncé qu’elle n’entendait pas user de son pouvoir d’évocation et dit n’y avoir lieu de statuer de ces chefs, les débats devant reprendre après expertise devant la juridiction du premier degré, quand bien même des expertises ordonnées par celle-ci ont en tout ou partie été menées à leur terme. Son dispositif mentionne à ce titre : ‘dit n’y avoir lieu à évocation’.
En l’espèce, aux termes de sa décision du 26 mai 2021, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu le 28 mai 2019 par la cour d’appel de Caen, ‘mais seulement en ce qu’il déclar[ait] irrecevable la demande de Mme [X] tendant à la condamnation de M. [D] au paiement d’une indemnité d’occupation pour l’appartement de Bormes-les-Mimosas’.
Il s’en déduit que les autres chefs de l’arrêt, en ce compris celui par lequel la cour a dit n’y avoir lieu à évocation s’agissant de la valorisation des immeubles pour lesquels le juge de première instance avait ordonné une expertise, sont devenus irrévocables.
En outre, l’allégation de Mme [X] selon laquelle la détermination de l’indemnité d’occupation impliquerait nécessairement la valorisation préalable de l’appartement de [Localité 9] rendant ainsi les deux chefs de demandes indivisibles, n’est fondée ni en droit, ni en fait.
Seule la valeur locative du bien visé et non sa valeur vénale constitue un élément essentiel pour fixer le montant de l’indemnité d’occupation, étant précisé que d’autres éléments liés aux circonstances de l’espèce peuvent également être pris en considération.
A titre surabondant il y a lieu de relever que, datant de 2015, l’évaluation de l’appartement réalisée par Mme [Y], expert judiciaire, ne serait pas obsolète pour servir à la fixation de l’indemnité d’occupation puisque celle-ci est sollicitée à compter de février 2012.
La demande de Mme [X] visant à la fixation de la valeur de l’immeuble sis à [Localité 9] sera donc déclarée irrecevable.
Sur l’indemnité d’occupation relative à l’immeuble sis à [Localité 9] :
*Sur son principe :
Mme [X] soutient au visa de l’article 815-9 du code civil que M. [D] occupant seul l’immeuble au moins depuis 2011, il est redevable d’une indemnité d’occupation. Elle énonce que l’attribution préférentielle de cet immeuble a été expressément sollicitée par lui dès le 23 septembre 2010, qu’elle ne s’y est pas opposée, de sorte que les parties avaient trouvé un accord sur ce point et précise que le tribunal de Lisieux a consacré cette attribution préférentielle aux termes de son jugement du 4 août 2011, lequel est définitif. M. [D] ne pourrait dès lors contester qu’il en a la jouissance exclusive depuis cette date. Elle souligne qu’elle n’est jamais allée dans cet appartement depuis 2011, qu’elle n’en a pas les clés, qu’elle ne règle pas les charges de copropriété qui ne lui sont pas adressées par le syndic et que la jouissance privative de M. [D] est donc avérée. Elle ajoute qu’il serait inéquitable de ne pas le condamner à une telle indemnité d’occupation pour l’immeuble dont il a la jouissance exclusive, tandis qu’elle-même a été condamnée au paiement d’une indemnité d’occupation pour celui de [Localité 3] dont elle a obtenu l’attribution préférentielle.
En réplique, M. [D] demande à la cour de débouter Mme [X] de cette demande motifs pris du caractère non privatif de son occupation de l’immeuble. Il rappelle que cet appartement qui constituait la résidence secondaire du couple a toujours été occupé comme lieu de villégiature et qu’à la suite de l’ordonnance de non-conciliation du 22 décembre 2006 qui avait prévu que chaque époux pourrait y séjourner la moitié des vacances scolaires, les époux se sont entendus pour l’occuper en alternance et pour supporter par moitié les charges afférentes. Il expose que cette pratique s’est poursuivie jusqu’au moment où Mme [X], pour des raisons qu’il ignore, ne s’est plus interessée à cet appartement. Il soutient que le fait qu’il ait ainsi bénéficié seul dans les derniers temps de cet appartement ne permet pas d’en conclure qu’il en avait la jouissance exclusive au détriment de son ex-épouse, propriétaire indivise, puisqu’il n’appartenait qu’à cette dernière d’exercer effectivement ses droits.
L’article 815-9 du code civil dispose que l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité.
Conformément à l’article 834 alinéa 1 du code civil, la décision d’attribution préférentielle ne transfère pas la propriété du bien laquelle n’intervient qu’au jour du partage définitif. Ce bien demeure donc indivis jusqu’au jour du partage et l’indivisaire qui en use privativement doit, sauf convention contraire, une indemnité à ses co-indivisaires.
En l’espèce s’il est exact que lors de l’ordonnance de non-conciliation il a été prévu la jouissance partagée de ce bien, il est constant que dans le cadre de la procédure de divorce, les deux époux se sont mis d’accord sur l’attribution préférentielle à l’un ou à l’autre des biens immobiliers qu’ils détiennent en indivision.
C’est ainsi que suivant jugement de divorce du 4 août 2011, le juge aux affaires familiales a notamment consacré l’attribution préférentielle de l’appartement sis à [Localité 9] à M. [D], tout en consacrant l’attribution préférentielle de l’immeuble de [Localité 3] à Mme [X]. Il n’a pas été interjeté appel de ce jugement qui a été signifié entre les parties selon exploit d’huissier du trois octobre 2011 a force de chose jugée.
En outre, il résulte des écritures respectives des parties que M. [D] ne dément pas l’allégation de Mme [X] selon laquelle elle ne détient pas les clés de l’appartement de [Localité 9] et qu’elle ne s’y est pas rendue depuis 2011.
Il s’en déduit que M. [D] détenant seul les clés de l’appartement, il bénéficie de la jouissance privative et exclusive du bien indivis, justifiant le versement d’une indemnité à l’indivision.
Au surplus, il est constaté que M. [D] ne justifie pas avoir demandé à Mme [X] une quelconque participation aux charges de copropriété de l’immeuble après 2011.
*Sur la prescription
A titre subsidiaire, M. [D] soutient au visa de l’article 815-10 alinéa 3 du code civil, que si la cour retenait qu’il était redevable d’une indemnité d’occupation, celle-ci ne serait due que pour une durée de cinq ans, du 16 février 2012 au 16 février 2017 dès lors que c’est à cette date que Mme [X] a formulé pour la première fois par voie de conclusions une telle demande.
En réponse, Mme [X] énonce que si la date du 16 février 2012 est acquise comme point de départ de l’indemnité d’occupation due par M. [D], puisque ses premières conclusions formulant cette demande datent du 16 février 2017, elle ne peut en revanche être limitée à cette date dès lors qu’à la suite de l’arrêt de la Cour de cassation, l’instance se poursuit jusqu’à la nouvelle décision à intervenir qui statuera sur le montant de l’indemnité d’occupation due jusqu’au partage définitif.
L’indemnité d’occupation qui doit être assimilée aux fruits et revenus du bien indivis est soumise à la prescription quinquennale tirée de l’article 815-10 alinéa 2 et 3 du code civil qui dispose : ‘Les fruits et les revenus des biens indivis accroissent à l’indivision, à défaut de partage provisionnel ou de tout autre accord établissant la jouissance divise.
Aucune recherche relative aux fruits et revenus ne sera, toutefois, recevable plus de cinq ans après la date à laquelle ils ont été perçus ou auraient pu l’être’.
Selon l’article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
En l’espèce, force est de constater que les parties s’accordent sur le point de départ de cette indemnité à la date du 16 février 2012 dans la mesure où Mme [X] a formulé judiciairement cette demande pour la première fois dans ses conclusions communiquées devant la cour d’appel en date du 16 février 2017.
Il y a lieu en outre de relever que ce délai de prescription de 5 ans interrompu en février 2017 n’a pu recommencer à courir dès lors que la procédure sur ce point est toujours en cours.
Dans ces conditions, l’indemnité d’occupation est due par M. [D] à compter du 16 février 2012 jusqu’à la date du partage définitif ou de sa libération effective des lieux.
*Sur la valorisation de l’indemnité d’occupation :
Mme [X] affirme que M. [D] ne peut sérieusement soutenir qu’il ne devrait une indemnité d’occupation que pour le mois d’été pendant lequel il occupe l’appartement alors que, bénéficiant d’une jouissance privative de l’appartement toute l’année, il l’occupe comme il l’entend, peut y séjourner à demeure ou pendant ses vacances, le prêter à ses enfants, ou encore le louer par AIRBNB. Relevant que les prix de l’immobilier ont fortement augmenté ces dernières années, elle considère qu’aucune des valorisations de l’appartement réalisées précédemment, en ce compris celle issue de l’expertise de Mme [Y] de 2015, ne peuvent servir de référence pour chiffrer l’indemnité d’occupation. Elle expose qu’au regard de l’emplacement privilégié de l’immeuble et de son parfait état extérieur, sa valeur serait à présent de 523.600 euros minimum (environ 6.800 euros le m2) et sollicite en conséquence la fixation à la charge de M. [D] d’une indemnité d’occupation d’un montant de 1.500 euros par mois.
Subsidiairement, elle précise que l’expert judiciaire déjà désigné sur la valorisation de l’immeuble pourra de nouveau l’être sur cette question.
M. [D] énonce que n’occupant l’appartement qu’un mois en été, l’indemnité d’occupation ne peut être due qu’un mois par an. Il ajoute que si les juges du fond tiennent compte de la valeur locative du bien pour déterminer le montant de l’indemnité d’occupation, ils ne sont pas tenus de ne se fonder que sur celle-ci. Il précise que l’expertise ordonnée judiciairement sur la valeur de l’appartement a confirmé que les évaluations proposées par Mme [X] etaient excessives et affirme que l’appartement a perdu de sa valeur à la suite de l’incendie de l’été 2017 ayant ravagé les collines environnantes sur lesquelles il donne vue. Dans un tel contexte, il indique que le chiffrage réalisé par l’expert n’est plus d’actualité et que d’ailleurs la société Foncia a estimé l’appartement à la somme de 275.000 euros en mai 2018. Il sollicite in fine la désignation d’un expert, éventuellement à nouveau Mme [Y].
Il est constant que l’indemnité d’occupation étant due en contrepartie de la jouissance privative du bien indivis par l’indivisaire, elle peut être exigée même en l’absence d’occupation effective des lieux. M. [D] n’est donc pas fondé à circonscrire cette indemnité à un mois par an au motif qu’il n’occuperait l’appartement que chaque été au mois d’août.
Force est de constater qu’aucune des parties ne fournit d’éléments probants permettant de déterminer la valeur locative de l’immeuble depuis 2012 jusqu’à ce jour, alors que si cette valeur ne constitue pas le seul élément à prendre en considération pour déterminer le montant de l’indemnité d’occupation, elle n’en demeure pas moins un élément essentiel.
Mme [X] qui consacre l’essentiel de ses développements à la valeur vénale de l’immeuble plutôt qu’à sa valeur locative n’apporte ni explications ni pièces permettant de justifier le montant de 1.500 € par mois qu’elle sollicite au titre de l’indemnité d’occupation due à l’indivision.
Dans ces conditions, la présente juridiction n’a d’autre choix que de surseoir à statuer sur la demande de fixation de l’indemnité d’occupation due par M. [D] et de désigner un expert afin de déterminer ladite valeur locative de l’appartement sur la période considérée de février 2012 jusqu’au jour où l’expert rendra son rapport.
Il conviendra de désigner à nouveau Mme [Y], expert près la cour d’appel d’Aix-en-Provence, pour réaliser cette mission qui sera détaillée au dispositif, dès lors qu’elle connaît déjà l’appartement visé pour avoir déjà procédé à son évalution en 2015.
Sur l’injonction de rencontrer un médiateur :
L’article 127-1 du code de procédure, introduit par le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 favorisant le recours à la médiation, précise qu’à défaut d’avoir recuilli l’accord des parties prévu à l’article 131-1 du code de procédure civile, le juge peut leur enjoindre de rencontrer, dans un délai qu’il détermine, un médiateur chargé de les informer de l’objet et du déroulement d’une mesure de médiation.
Cette décision est une mesure d’administration judiciaire.
En l’espèce, compte tenu de la durée déjà écoulée de la procédure et de la durée future prévisible au regard des décisions prises, les parties sont invitées à réfléchir à la démarche de médiation qui pourrait leur permettre de parvenir de manière rapide et pérenne à un accord global, conforme aux intérêts de chacun.
Ainsi, il convient de leur enjoindre de rencontrer un notaire médiateur pour qu’elles soient exactement informées de l’objet et des modalités d’une telle mesure de médiation.
Dès lors qu’à l’issue de cette information les parties donneraient personnellement et librement leur accord écrit à la médiation, le médiateur désigné dans la présente décision pourra commencer ses opérations de médiation conformément aux articles 131 et suivants du code de procédure civile, à compter du jour où la provision à valoir sur sa rémunération aura été versée entre ses mains selon les modalités précisées dans le dispositif.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Compte tenu du prononcé du sursis à statuer, les demandes des parties sur les frais irrépétibles et les dépens seront réservées.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant par décision contradictoire dans les limites de sa saisine,
Déclare irrecevable la demande de valorisation de l’immeuble sis [Adresse 12], formée par Mme [X],
Ajoutant au jugement prononcé le 20 juin 2014 par le tribunal de grande instance de Lisieux,
Dit que M. [D] est redevable envers l’indivision relative à l’immeuble sis [Adresse 12], d’une indemnité d’occupation courant à compter du 16 février 2012 au titre de son occupation privative dudit bien jusqu’à la date du partage ou de la libération effective des lieux ;
Avant dire droit sur le montant de l’indemnité d’occupation due par M. [D] :
Ordonne une mesure d’expertise ;
Désigne pour y procéder Madame [R] [Y], experte inscrite sur la liste des experts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence ([Adresse 6], tél : [XXXXXXXX02], adresse électronique : [email protected]) qui aura pour mission de :
– Visiter l’immeuble sis [Adresse 12] ;
– En faire la description et préciser son état d’entretien, les éléments de standing, son environnement ;
– Apporter à la cour tous les éléments permettant d’en fixer la valeur locative depuis le 16 février 2012 jusqu’à la date d’établissement de son rapport, notamment des éléments de comparaison tirés du marché local ;
Dit que l’expert désigné fera connaître sans délai son acceptation à la cour et qu’en cas de refus ou d’empêchement, il sera procédé à son remplacement par ordonnance rendue d’office ou sur simple requête,
Dit que l’expert désigné effectuera sa mission conformément aux articles 263 et suivants du code de procédure civile,
Fixe la provision à valoir sur les honoraires de l’expert à la somme de 2.000 € ;
Dit que cette provision sera consignée par chacune des parties à hauteur de la moitié, soit 1.000 €, auprès de la régie de la cour, avant le 14 avril 2023 ;
Autorise en cas de carence de l’une des parties dans la consignation de sa part, l’autre partie à consigner en ses lieu et place ;
Rappelle qu’à défaut de consignation de la provision à valoir sur les honoraires de l’expert dans ce délai, la mesure d’expertise sera déclarée caduque ;
Fixe à quatre mois, à compter de l’avis du greffe informant l’expert de la consignation des sommes à valoir sur ses honoraires, le délai de dépôt du rapport d’expertise ;
Désigne la présidente de la chambre de la famille pour suivre le déroulement des opérations d’expertise et rendre toute décision en cas de difficulté ;
Renvoie l’affaire à l’audience de mise en état du 3 octobre 2023 pour les conclusions des parties sur les points du litige réservés par la cour ;
Donne injonction aux parties de rencontrer : Me [S] [A],[Adresse 4] (adresse électronique : [Courriel 15], tél : [XXXXXXXX01]), médiateur inscrit sur la liste des médiateurs familiaux près la cour d’appel de Caen, avec pour mission :
– d’expliquer aux parties le principe, le but et les modalités d’une mesure de médiation,
– de recueillir leur consentement ou leur refus de cette mesure, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision,
Dit que le médiateur fera connaître sans délai au juge son acceptation, et qu’en cas de refus ou empêchement, il sera procédé à son remplacement par ordonnance rendue d’office ou sur simple requête ;
Dit que les conseils des parties devront communiquer au médiateur désigné, sans délai et au plus tard dans les huit jours de la réception de la présente ordonnance, des coordonnées permettant de joindre leurs clients respectifs (téléphone et/ou adresse mail) ;
Dit que dans l’hypothèse où au moins l’une des parties refuserait le principe de la médiation ou à défaut de réponse de la part d’au moins une des parties, le médiateur en informera la cour et cessera ses opérations, sans défraiement, et que l’affaire reprendra son cours ;
Dit que dans l’hypothèse où les parties donneraient leur accord à la médiation ainsi proposée, le médiateur fera parvenir à la cour l’accord pour aller en médiation, signé par les deux parties et le médiateur restera saisi pour l’exécution de la mission de médiation consistant à entendre les parties et confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose ;
Dit que cette désignation est faite pour une durée de trois mois à compter du jour où la provision à valoir sur la rémunération du médiateur est versée entre les mains de ce dernier, étant précisé que cette mission peut être renouvelée une fois, pour une même durée, à la demande du médiateur ;
Fixe la provision à valoir sur la rémunération du médiateur à la somme de 1.500 euros ;
Dit que les parties devront verser directement la somme de 750 euros à titre de provision entre les mains du médiateur, avant la date fixée pour la première réunion de médiation ;
Rappelle que le défaut de versement de la provision dans le délai prescrit entraîne la caducité de la décision ;
Rappelle que les parties peuvent être assistées devant le médiateur par toute personne ayant qualité pour le faire devant la juridiction qui a ordonné la médiation ;
Rappelle que le médiateur tient la cour informée des difficultés qu’il rencontre dans l’accomplissement de sa mission dans le respect de la confidentialité de rigueur en la matière et que la cour peut mettre fin, à tout moment, à la médiation sur demande d’une partie, à l’initiative du médiateur ou d’office lorsque le bon déroulement de la médiation apparaît compromis ou lorsqu’elle est devenue sans objet ;
Rappelle qu’à l’expiration de sa mission, le médiateur informe par écrit la cour de ce que les parties sont ou non parvenues à trouver une solution au conflit qui les oppose ;
Rappelle que les constatations du médiateur et les déclarations qu’il recueille ne peuvent être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure sans l’accord des parties, ni en tout état de cause dans le cadre d’une autre instance ;
Rappelle que la rémunération du médiateur est fixée, à l’issue de sa mission, en accord avec les parties et qu’à défaut d’accord, la rémunération est fixée par le juge conformément à l’article 131-13 du code de procédure civile ;
Dit que si la provision est épuisée, le médiateur pourra demander aux parties une ou des provisions complémentaires et devra informer la cour de sa demande ;
Dit que la présente décision sera notifiée par lettre simple aux parties, à l’expert et au médiateur désignés, par les soins du greffe ;
Surseoit à statuer sur le montant de l’indemnité d’occupation de l’immeuble sis à [Localité 9], ainsi que sur les demandes des parties fondées sur les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens jusqu’à la décision statuant après le dépôt de l’expertise.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE
Estelle FLEURY C. LEON