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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 2
ARRET DU 23 MARS 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/15716 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGLSO
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Février 2022 -Président du TJ de Paris – RG n° 21/52609
APPELANTE
LA VILLE DE [Localité 6], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 6], Mme [N] [T], domiciliée en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représentée par Me Stéphane DESFORGES de la SELARL LE SOURD DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0131
INTIME
M. [D] [H]
[Adresse 4]
[Adresse 4] (ISRAEL)
Défaillant, envoi de l’acte à l’étranger le 26.10.2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Février 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre
Thomas RONDEAU, Conseiller,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
– RENDU PAR DÉFAUT
– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Thomas RONDEAU, Conseiller, pour la Présidente de chambre empêchée et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSÉ DU LITIGE
Par exploit délivré le 15 janvier 2021, la ville de [Localité 6] a fait citer M. [D] [H] devant le président du tribunal judiciaire de Paris saisi selon la procédure accélérée au fond, sur le fondement des dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, concernant un appartement situé [Adresse 2] dans le [Localité 1] (7ème étage, porte 3000, escalier 1, bâtiment A), aux fins de le voir condamner à une amende civile de 50.000 euros, dont le produit lui sera intégralement versé conformément à l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, de voir ordonner le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation sous astreinte de 160 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir et pendant le délai qu’il plaira au président de fixer et qui s’en réservera la liquidation, de voir condamner le défendeur au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
M. [H] n’a pas constitué avocat.
Par jugement réputé contradictoire du 16 février 2022, rendu selon la procédure accélérée au fond, le magistrat du tribunal judiciaire de Paris a :
– déclaré irrecevables les écritures de M. [H] ;
– débouté la ville de [Localité 6] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamné la ville de [Localité 6] aux dépens ;
– rappelé que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de plein droit.
Par déclaration du 2 septembre 2022, la ville de [Localité 6] a relevé appel de la décision.
Dans ses conclusions remises le 17 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la ville de [Localité 6] demande à la cour, au visa de l’article 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 modifié par la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, de l’article 492-1 du code de procédure civile, de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, de l’article L. 632-1 du code de la construction et de l’habitation, de l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation modifié par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016, des articles L. 324-1-1 et L. 324-2 du code du tourisme, de :
– dire et juger que M. [H] a commis une infraction aux dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation en louant pour de courtes durées l’appartement situé [Adresse 2] dans le [Localité 1] (7ème étage, porte 3000, escalier 1, bâtiment A) ([Localité 3]), d’une surface de 26 m² ;
– condamner M. [H] à une amende civile de 50.000 euros et dire que le produit de cette amende sera intégralement versé à la ville de [Localité 6] conformément à l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation ;
– ordonner le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation, sous astreinte de 160 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir et pendant le délai qu’il plaira à Mme ou M. le Président de fixer ;
– se réserver la liquidation de l’astreinte ;
– condamner M. [H] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La ville de [Localité 6] soutient en substance :
– que l’examen de la déclaration H2 produite aux débats montre qu’elle a été remplie le 9 octobre 1970 par le propriétaire et rappelle la situation pour l’année fiscale 1970 ;
– que cette fiche concerne l’appartement situé au [Adresse 2], d’une surface de 26 m² ;
– que la fiche précise que « la surface totale des pièces et annexes affectées exclusivement habitation » est de 26 m² ;
– qu’à titre de preuve supplémentaire, elle produit en cause d’appel un extrait de l’annuaire du téléphone de l’année 1968, dont il résulte qu’est mentionné le nom de Mme [K], le propriétaire occupant au titre de la fiche H2 précitée ;
– que le bien litigieux n’est pas la résidence principale du loueur ;
– que le local d’habitation figurait parmi les annonces du site Airbnb proposant des locations de courte durée ;
– que le local est loué en courte durée depuis le mois de mai 2015 selon les indications figurant sur le site Airbnb (commentaire le plus ancien) et qu’on peut estimer le gain à 39.057 euros depuis le début de l’activité.
M. [H] n’a pas constitué avocat.
SUR CE LA COUR
A titre liminaire, il sera rappelé qu’en vertu de l’article 954 dernier alinéa du code de procédure civile, la partie intimée est réputée s’être appropriée les motifs du premier juge, en l’absence de conclusions de sa part. De surcroît, en application de l’article 472 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne fera droit à la demande de la partie appelante que si elle l’estime régulière, recevable et bien fondée.
L’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, tel qu’issu de la loi du n°2016-1547 du 18 novembre 2016, dispose que toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros (anciennement 25.000 euros avant la loi du 18 novembre 2016) par local irrégulièrement transformé.
Cette amende est prononcée par le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’Agence nationale de l’habitat et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure. Le produit de l’amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal de grande instance compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local.
Sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’Agence nationale de l’habitat, le président du tribunal ordonne le retour à l’usage d’habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu’il fixe. A l’expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d’un montant maximal de 1.000 euros par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé.
Passé ce délai, l’administration peut procéder d’office, aux frais du contrevenant, à l’expulsion des occupants et à l’exécution des travaux nécessaires.
Il résulte en outre de l’article L. 631-7, dans sa version résultant de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, que la présente section est applicable aux communes de plus de 200.000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est, dans les conditions fixées par l’article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable.
Constituent des locaux destinés à l’habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l’article L. 632-1.
Pour l’application de la présente section, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.
Toutefois, lorsqu’une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l’usage d’un local mentionné à l’alinéa précédent, le local autorisé à changer d’usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l’usage résultant de l’autorisation.
Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.
Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article.
Pour l’application des dispositions susvisées, il y a donc lieu d’établir :
– l’existence d’un local à usage d’habitation, un local étant réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés, le formulaire administratif de type H2 rempli à cette époque permettant de préciser l’usage en cause ;
– un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, hypothèse excluant notamment la location saisonnière de son logement résidence principale, pour une durée n’excédant pas 120 jours par an, la location d’un meublé résidence principale (titre 1er bis de la loi du 6 juillet 1989) ou encore la location d’un meublé dans le cadre d’un bail mobilité (titre 1er ter de la loi du 6 juillet 1989).
Il est en outre constant que, s’agissant des conditions de délivrance des autorisations, la ville de [Localité 6] a adopté, par règlement municipal et en application de l’article L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation, le principe d’une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage.
En l’espèce, est en débat la démonstration de ce qu’il s’agit bien d’un local à usage d’habitation au sens de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, étant rappelé qu’un local est réputé à usage d’habitation au sens de ce texte s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, que cette affectation peut être établie par tout mode de preuve et que la preuve d’une affectation de fait à l’usage d’habitation postérieurement au 1er janvier 1970, date de référence, est inopérante.
Il revient ainsi à la ville de [Localité 6], pour caractériser l’infraction dénoncée de changement d’usage illicite, de démontrer avant tout que le local en cause était bien affecté au 1er janvier 1970 à l’usage d’habitation.
La fiche H2 a été ici remplie le 9 octobre 1970.
Elle indique que Mme [K] est propriétaire d’un appartement à usage d’habitation de 26 m², situé au 7ème étage de l’immeuble.
Il est ainsi fait état d’une occupation par le propriétaire, sans donc mention d’un locataire et d’un loyer au 1er janvier 1970.
Si ces mentions ont été portées à une date assez proche du 1er janvier 1970, elles ne suffisent cependant à établir un usage d’habitation au 1er janvier 1970, étant observé :
– qu’aux termes de l’article L 631-7 du code de la construction et de l’habitation, le local doit être affecté à un usage d’habitation au 1er janvier 1970, le texte ne posant pas une simple présomption d’affectation à un usage d’habitation ;
– que la mention de l’occupation du bien par le propriétaire ne se réfère pas à la date du 1er janvier 1970 (contrairement à l’hypothèse de la perception d’un loyer au 1er janvier 1970), en sorte que l’occupation par le propriétaire ne peut être considérée comme étant acquise dès le 1er janvier 1970 ;
– qu’au demeurant, comme le souligne d’ailleurs habituellement la Ville de [Localité 6], la preuve à apporter n’est pas celle de l’occupation du bien au 1er janvier 1970 mais de l’affectation du bien à un usage d’habitation à cette date de référence ;
– que de même, si le local est décrit sur la fiche comme étant à usage exclusif d’habitation, cette description ne vaut qu’à la date à laquelle la fiche est renseignée, soit au 9 octobre1970.
Si la Ville de [Localité 6] soutient que l’établissement de la fiche H2 impliquerait nécessairement un usage d’habitation au 1er janvier 1970, les dispositions invoquées du décret n°69-1076 du 28 novembre 1969 ne permettent toutefois pas non plus une telle déduction (article 38, les déclarations sont établies sur des formules spéciales fournies par l’administration ; article 39, la date de référence de la première révision foncière quinquennale des évaluations foncières des propriétés bâties est fixée au 1er janvier 1970 ; article 40, les formules visées à l’article 38 comportent, à la date de leur souscription, les renseignements utiles à l’évaluation de chaque propriété ou fraction de propriété […] la date limite d’envoi ou de remise des déclarations est fixées au plus tard en ce qui concerne les biens autres que les établissements industriels au 15 octobre 1970 pour les communes de plus de 5.000 habitants).
La présomption d’usage d’habitation au 1er janvier 1970 telle qu’alléguée ne résulte ainsi ni de ces textes ni, par ailleurs, d’aucun autre texte.
La seule production, à hauteur d’appel, d’une copie d’une page d’un annuaire téléphonique de 1968, avec mention du nom de Mme [K], ne donne en réalité aucune indication sur l’usage d’habitation à la date de référence, la seule mention de coordonnées téléphoniques à cette adresse ne signifiant pas que la personne en cause a établi sa résidence ou son domicile à l’adresse du bien.
La ville ne produit pas l’acte d’acquisition du bien avant la date du 1er janvier 1970, qui aurait été susceptible d’établir que les locaux étaient bien affectés à un usage d’habitation, dès avant cette date.
Aucun autre élément probant n’est versé aux débats s’agissant de la preuve de l’usage d’habitation, qui n’apparaît donc pas établi au 1er janvier 1970.
Dans ces conditions, il y a lieu pour la cour de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, en ce compris le sort des dépens de première instance exactement réglé par le premier juge.
La ville de [Localité 6] sera condamnée aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris ;
Condamne la ville de [Localité 6] aux dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE POUR LA PRESIDENTE
DE CHAMBRE EMPÊCHÉE