Sous-location : 31 mars 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 22/00807

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Sous-location : 31 mars 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 22/00807
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N° RG : 22/00807

N° Portalis :

DBVQ-V-B7G-FFEI

ARRÊT N°

du : 31 mars 2023

A. L.

Mme [C] [T]

C/

Mme [E] [S]

[S]

Formule exécutoire le :

à :

SELARL Raffin associés

SCP Dupuis – Lacourt – Migne

COUR D’APPEL DE REIMS

1ère CHAMBRE CIVILE – SECTION II

ARRÊT DU 31 MARS 2023

APPELANTE AU PRINCIPAL ET INTIMÉE INCIDEMMENT :

d’un jugement rendu le 1er décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières (RG 17/01602)

Mme [C] [T]

[Adresse 13]

[Localité 17]

Comparant et concluant par Me Eric Raffin, membre de la SELARL Raffin associés, avocat au barreau de Reims

INTIMÉE AU PRINCIPAL ET APPELANTE INCIDEMMENT :

Mme [E] [S]

[Adresse 7]

[Localité 15] – Suisse –

Comparant et concluant par Me Pierre-Yves Migne, membre de la SCP Dupuis – Lacourt – Migne, avocat au barreau des Ardennes

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Pety, président de chambre

Mme Lefèvre, conseiller

Mme Magnard, conseiller

GREFFIER D’AUDIENCE :

Mme Roullet, greffier, lors des débats et du prononcé

DÉBATS :

À l’audience publique du 2 mars 2023, le rapport entendu, où l’affaire a été mise en délibéré au 31 mars 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par M. Pety, président de chambre, et par Mme Roullet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Mme [E] [S], de nationalité néerlandaise, a vécu de nombreuses années aux Pays-Bas avec son compagnon, M. [Z] [T]. Le 6 février 1998, ils ont acquis ensemble, chacun pour moitié indivise, une propriété située à [Localité 17] (Ardennes) de plus de 8 hectares, dite [Localité 19], cadastrée section B :

– 2 –

– lieu-dit «[Localité 20]» n°[Cadastre 8] (étang), [Cadastre 9] (friche), [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12],

– lieu-dit «[Localité 19]», n°[Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 14],

– lieu-dit du «[Localité 23]», n°[Cadastre 6].

M. [T] a acheté seul une propriété voisine composée d’une maison d’habitation et de plusieurs parcelles de champs, dénommée [Localité 18].

M. [T] est décédé le 9 décembre 2000.

Sa fille, Mme [C] [T] a recueilli dans sa succession la propriété du [Localité 18] et la moitié indivise du [Localité 19], l’autre moitié appartenant à Mme [S], selon acte de partage amiable entre les trois enfants de M. [Z] [T] reçu par Me [H] [D], notaire à [Localité 22], le 30 mars 2007.

Le 4 août 2017, Mme [S] a fait assigner Mme [C] [T] devant le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l’indivision.

Par ordonnances des 6 juillet 2018 et 12 avril 2019, une expertise, puis une extension de la mission de l’expert ont été décidées par le juge de la mise en état afin d’évaluer la propriété indivise et l’indemnité d’occupation pouvant être sollicitée à compter du 9 décembre 2000, puis du 1er janvier 2012.

L’expert a déposé son rapport le 27 décembre 2019.

Mme [S] a demandé au tribunal, notamment :

– d’ordonner la liquidation de l’indivision du [Localité 19],

– d’ordonner la vente de l’immeuble par licitation à la barre du tribunal sur une mise à prix de 95 000 euros,

– de désigner le notaire en charge des opérations de partage pour procéder à la vente de l’ensemble immobilier,

– d’en fixer l’indemnité d’occupation aux sommes suivantes :

. 2012/2013 : 5 000 euros par an,

. 2014/2015 : 6 700 euros par an,

. 2016/2017 : 7 300 euros par an,

. 2018/2019/2020 : 13 000 euros par an,

– de condamner Mme [C] [T] à payer à Mme [S] la moitié de l’indemnité d’occupation du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2019, soit 32 000 euros,

– de condamner Mme [C] [T] à lui payer la somme de 6 500 euros à titre d’indemnité d’occupation annuelle à compter du 1er janvier 2020 jusqu’à ce que le partage soit définitif.

Mme [C] [T] a sollicité du tribunal, notamment :

– l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l’indivision,

– de dire n’y avoir lieu à licitation et que le notaire devra rechercher si un partage amiable est possible,

– si, par impossible, la licitation était ordonnée de fixer la mise à prix à la somme de 60 000 euros,

– 3 –

– de constater que Mme [S] s’est désintéressée de l’ensemble immobilier indivis sans pour autant être privée de son droit d’en user et de la débouter de ses demandes en indemnité d’occupation,

– subsidiairement de fixer l’indemnité d’occupation comme suit :

. 2014/2015 : 1 340 euros par an,

. 2016/2017 : 1 460 euros par an,

. 2018/2019 : 2 600 euros par an,

– de dire que le notaire devra établir le compte d’administration de l’indivision,

– de débouter Mme [S] de toutes ses demandes.

Le jugement du 1er décembre 2021 a :

– ordonné l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l’indivision,

– désigné pour y procéder Me [W] [J], notaire à [Localité 21],

– commis le juge coordonnateur de la 1ère chambre civile pour surveiller les opérations,

– préalablement, ordonné la vente sur licitation par Me [J] de la propriété dénommée [Localité 19], sur une mise à prix de 95 000 euros, avec possibilité de baisse de mise à prix d’un quart, puis de moitié à défaut d’enchères,

– rappelé que les copartageants peuvent à tout moment abandonner les voies judiciaires et poursuivre le partage à l’amiable,

– dit que Mme [C] [T] est redevable d’une indemnité d’occupation comme suit :

. 2012/2013 : 2 500 euros par an,

. 2014/2015 : 5 360 euros par an,

. 2016/2017 : 5 840 euros par an,

. 2018/2019 : 10 400 euros par an,

. 2020 : 4 000 euros,

– débouté les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté les demandes plus amples ou contraires,

– condamné chacune des parties aux dépens de l’instance qui seront employés en frais privilégiés de partage,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Le 7 avril 2022, Mme [T] a fait appel de cette décision en ses dispositions :

– ordonnant la vente sur licitation par Me [J] et en fixant la mise à prix,

– disant Mme [C] [T] redevable d’une indemnité d’occupation et en fixant le montant,

– la déboutant de ses demandes plus amples ou contraires et de celle au titre des frais irrépétibles.

Par conclusions du 6 juillet 2022, Mme [T] demande à la cour d’infirmer le jugement afin de :

– dire que le notaire commis devra rechercher si un partage en nature des biens indivis est possible,

– 4 –

– subsidiairement, si la cour confirmait la décision de licitation, dire qu’elle aura lieu sur une mise à prix de 60 000 euros, avec possibilité de baisse d’un quart, puis de moitié,

– débouter Mme [S] de ses prétentions à indemnité d’occupation,

– subsidiairement, si la cour accueillait le principe d’une telle indemnité, renvoyer la fixation de son montant à la compétence du notaire désigné,

– plus subsidiairement, fixer l’indemnité d’occupation due à l’indivision aux montants suivants :

. 2014/2015 : 1 340 euros par an,

. 2016/2017 : 1 460 euros par an,

. 2018/2019 : 2 600 euros par an,

– en toute hypothèse, débouter Mme [S] de ses demandes d’indemnité d’occupation pour les années 2012, 2013 et 2020,

– dire que Mme [T] s’acquittera de l’indemnité d’occupation mise à sa charge entre les mains du notaire désigné, qui devra établir le compte d’administration de l’indivision,

– condamner Mme [S] à lui verser une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux dépens de première instance et d’appel.

Selon écritures du 5 octobre 2022, Mme [S] conclut, par appel incident, à l’infirmation du jugement afin de voir fixer comme suit l’indemnité d’occupation de l’ensemble immobilier :

. 2012/2013 : 5 000 euros par an,

. 2014/2015 : 6 700 euros par an,

. 2016/2017 : 7 300 euros par an,

. 2018/2019/2020 : 13 000 euros par an,

puis à 13 000 euros par an à compter de l’année 2021 incluse, et ce jusqu’à ce que le partage de l’indivision successorale intervienne.

Elle sollicite la confirmation du jugement pour le surplus, ainsi que la condamnation de Mme [T] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens, dont distraction au profit de l’avocat de l’intimée.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 février 2023.

* * * *

Motifs de la décision :

Sur la vente par licitation du [Localité 19] :

Sur le principe de la licitation :

L’article 1361 du code de procédure civile dispose : «Le tribunal ordonne le partage, s’il peut avoir lieu, ou la vente par licitation si les conditions prévues à l’article 1378 sont réunies».

Selon l’article 1377 du même code, «Le tribunal ordonne, dans les conditions qu’il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués».

– 5 –

L’article 1378 ajoute : «Si tous les indivisaires sont capables et présents ou représentés, ils peuvent décider à l’unanimité que l’adjudication se déroulera entre eux. A défaut, les tiers à l’indivision y sont toujours admis».

Mme [T] fait valoir que les parties n’ont pu s’entendre sur un éventuel rachat des droits par l’une ou l’autre en raison de la discordance entre leurs évaluations respectives de l’ensemble immobilier, que le rapport d’expertise du 27 décembre 2019 l’a estimé à 95 000 euros, chiffre accepté par les parties, ce qui devrait permettre la reprise de discussions utiles sur un partage en nature.

Mme [S] répond qu’aucune discussion n’est actuellement en cours sur un partage en nature ou sur l’acquisition par une partie des droits de l’autre partie, qu’au surplus la configuration de l’ensemble immobilier rend inenvisageable un partage en nature, qu’enfin elle-même n’entend aucunement devenir propriétaire de l’intégralité du [Localité 19], compte tenu de sa proximité avec le domicile de Mme [T] à [Localité 16] et de l’éloignement de celui de Mme [S], qui habite à [Localité 15] en Suisse.

[Localité 19] est constitué de 12 parcelles de natures variées : étangs, fonds de lande ou de forêt, ancien moulin à l’état d’abandon, construction en bois illégale que Mme [T] a fait bâtir en 2010 sans autorisation administrative et en zone inconstructible. L’ensemble immobilier de 8,3612 hectares se situe dans un massif forestier de grande ampleur et dans une zone de protection spéciale «Plateau ardennais» ; il s’agit d’une zone humide non constructible.

La configuration des lieux permet difficilement de procéder à un partage en nature, d’autant que l’accès se fait par un unique chemin rural étroit, puis par un chemin privé qui dessert également le [Localité 18], propriété de Mme [T] ; en outre les biens en cause n’intéressent pas Mme [S]. Or Mme [T] ne formule aucune proposition d’achat de la part indivise de Mme [S]. Enfin, il doit être relevé que le rapport d’expertise date du 27 décembre 2019, que l’action en partage a été engagée par Mme [S] le 4 août 2017 et que M. [Z] [T] est décédé le 9 décembre 2000, depuis plus de 22 années. Le temps écoulé démontre qu’il est nécessaire de procéder à la licitation des biens. Le jugement est à cet égard confirmé.

Sur le montant de la mise à prix :

Le tribunal a fixé la mise à prix au montant de la valeur de l’ensemble immobilier proposée par l’expert judiciaire, soit 95 000 euros, avec faculté de baisse de la mise à prix d’un quart, puis de moitié à défaut d’enchères.

Mme [T] objecte que le sapiteur à fixé à 70 000 euros la valeur vénale de l’ensemble immobilier, incluant pour 6 600 euros le terrain bâti que constitue la parcelle B[Cadastre 3], à savoir un terrain sur lequel est édifié un ancien moulin à l’état d’abandon (rapport page 33) et que l’expert judiciaire a proposé d’évaluer l’ensemble à 70 000 euros dans le cas où une reconstruction du moulin à l’identique ne serait pas autorisée en cas de démolition et à 95 000 euros dans le cas contraire, où la parcelle B[Cadastre 3] pourrait être assimilée à un terrain à bâtir.

– 6 –

L’expert n’ayant pas obtenu de réponse à sa demande de CU opérationnel déposée le 7 novembre 2019 pour éclaircir la situation, Mme [T] en déduit que l’évaluation du bien doit être limitée à 70 000 euros. Elle ajoute que, de manière constante, la mise à prix doit être fixée à une valeur inférieure à la valeur vénale pour attirer les enchérisseurs, la baisse de mise à prix n’étant qu’une solution subsidiaire à l’effet incitatif très incertain.

Mme [S] se fonde sur le courrier du maire d'[Localité 17] daté du 23 octobre 2019, annexé au rapport d’expertise, selon lequel “Concernant l’ancien moulin, il pourrait être envisagé de le détruire et le reconstruire précisément au même endroit. Il figure bien sur le cadastre sous la référence section B n°[Cadastre 3].” Elle rappelle que la restauration d’un bâtiment qui conserve l’essentiel de ses murs porteurs et présente un intérêt architectural ou patrimonial peut être autorisée, même s’il se trouve en zone non constructible.

Elle ajoute qu’il est de l’intérêt des deux parties de céder l’immeuble au meilleur prix et reproche à Mme [T] de manoeuvrer pour acquérir le bien à moindre prix.

Le courrier du maire d'[Localité 17] du 23 octobre 2019 précise que les parcelles qui composent l’immeuble [Adresse 13], sont classées en zone inconstructible, mais que le moulin situé sur la zone B[Cadastre 3] pourrait être détruit et reconstruit au même endroit.

Il est logique, dès lors, que l’expert judiciaire ait assimilé ladite parcelle à un terrain à bâtir et, compte tenu de son alimentation en eau et électricité, ait retenu un prix de 32 480 euros qui porte celui de l’ensemble immobilier à 95 880 euros (après déduction des 6 600 euros intégrés dans la proposition de 70 000 euros), arrondi à 95 000 euros. En effet, 70 000 euros – 6 600 euros + 32 480 euros = 95 880 euros.

Il est cependant exact qu’une mise à prix doit être fixée pour permettre la nécessaire attractivité du bien. C’est le tribunal qui fixe la mise à prix et dispose à cet effet d’un pouvoir discrétionnaire, par application de l’article 1273 du code de procédure civile auquel renvoie l’article 1377 du même code.

En conséquence, la mise à prix du [Localité 19] est fixée à 75 000 euros, avec faculté de baisse du prix d’un quart, puis de la moitié à défaut d’enchères, la décision combattue étant réformée de ce chef.

Sur la demande d’indemnité d’occupation :

Sur le principe de l’indemnité d’occupation :

L’article 815-9 du code civil prévoit :

«Chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l’effet des actes régulièrement passés au nom de l’indivision. A défaut d’accord entre les intéressés, l’exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.

L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité».

– 7 –

La jouissance privative d’un immeuble indivis résulte de l’impossibilité de droit ou de fait, pour les coïndivisaires d’user de la chose. Il est, par ailleurs, constant qu’il appartient à celui qui se prévaut de la jouissance privative d’un coïndivisaire d’en établir l’existence.

Mme [S] rappelle que, selon la configuration particulière des lieux décrite par l’expert judiciaire, l’ensemble immobilier litigieux est composé de plusieurs parcelles sur lesquelles se trouvent le gîte construit par Mme [T] et le moulin, ainsi que des étangs en amont. Cet ensemble, situé en contrebas de la voie publique, n’est pas visible de la route. Le chemin d’accès, particulièrement étroit, est un chemin rural, puis un chemin privé, qui dessert la propriété voisine dite [Localité 18], appartenant à Mme [T], composée de sa maison d’habitation et de parcelles attenantes ou proches de l’ensemble immobilier litigieux.

Or, Mme [T] est la seule à disposer des clés du portail permettant l’accès aux parcelles du [Localité 19] sur lesquelles se trouvent le moulin et le gîte. Elle est également la seule à disposer des clés du gîte. Par suite, Mme [S] ne peut accéder à l’ensemble immobilier indivis, ni pénétrer au sein du gîte. Le fait que Mme [T] ait érigé sur une parcelle indivise une construction en bois sans autorisation de Mme [S] (ni des autorités administratives) est révélateur de ce qu’elle s’est considérée comme la seule propriétaire des lieux.

Mme [T] se limite à expliquer, pour sa part, que Mme [S] s’est totalement désintéressée du [Localité 19] après le décès de son compagnon, M. [T], laissant la fille de celui-ci en assumer l’entière charge : taxes foncières, assurances, entretien des haies et du chemin, élagage et abattage des arbres, débroussaillage, ainsi qu’elle en justifie par ses pièces n° 3 à 27. Elle a donc été contrainte de trouver des sources de revenus pour assumer les dépenses nécessaires à la conservation du bien indivis, et pour ce faire, elle a construit, puis loué un modeste gîte.

Il apparaît clairement, dans ce contexte, que Mme [T] a bénéficié de la jouissance privative des lieux litigieux et est débitrice envers l’indivision d’une indemnité d’occupation, ainsi qu’exactement analysé par le premier juge.

Il appartiendra au notaire en charge des opérations de partage de procéder aux comptes de l’indivision, en y intégrant les dépenses sus-évoquées nécessaires à la conservation des lieux au sens de l’article 815-13 du code civil qu’a assumées Mme [T].

Sur le montant de l’indemnité d’occupation :

Le juge de la mise en état a donné pour mission à Mme [R] [X], expert judiciaire, de donner un avis sur le montant de l’indemnité d’occupation qui pourrait être réclamée pour l’occupation privative de l’immeuble, compte tenu notamment de son état et de sa valeur locative et ce, depuis le 1er janvier 2012.

L’expert expose que les recherches entreprises pour trouver des termes de comparaison répondant à la catégorie du bien n’ayant pas abouti, il a retenu les loyers encaissés par Mme [T] comme éléments de référence. Celle-ci lui ayant transmis des pièces sur les revenus perçus au titre des locations Airbnb et «La belle campagne» (nom du gîte sur le site Ardennes Tourisme) sur les années 2014 à 2019, l’expert a calculé des valeurs locatives arrondies concernant trois périodes :

– 8 –

. 2014 et 2015 : 6 700 euros par an,

. 2016 et 2017 : 7 300 euros par an,

. 2018 et 2019 : 13 000 euros par an.

Il a précisé que la période 2014-2015 correspondait à un démarrage d’activité et que les revenus avaient ensuite progressé constamment, qu’il s’agissait de valeurs locatives établies à partir de revenus bruts, qu’un indivisaire occupant ne bénéficiait pas de la protection d’un locataire, ce qui conduisait à réduire l’indemnité d’occupation par rapport à un loyer, que ladite indemnité devait donc porter «sur une valeur locative réduite comprise entre 20 et 30 %».

Il est toutefois constant que la précarité de l’occupation conduit à diminuer le montant du loyer correspondant de 10 à 30 % et non à chiffrer l’indemnité à 10 à 30 % de la valeur locative. La rédaction de l’expert apparaît ici incorrecte et doit être rectifiée, sans pouvoir fonder valablement les critiques de Mme [T].

La cour relève que le premier juge a appliqué aux valeurs données par l’expert une minoration de 20 % en raison de la précarité du titre de l’occupant, à savoir :

. 2014 et 2015 : 5 360 euros par an,

. 2016 et 2017 : 5 840 euros par an,

. 2018 et 2019 : 10 400 euros par an.

Cette appréciation pertinente de l’indemnité due à l’indivision est confirmée.

Mme [S] sollicite la fixation à 5 000 euros par an de l’indemnité d’occupation due en 2012 et 2013 et à 13 000 euros par an de l’indemnité d’occupation due chaque année à compter de 2020 et jusqu’au partage.

Mme [T] rétorque que l’exploitation du gîte n’a commencé qu’en 2014 et qu’aucune location n’a été conclue en 2020 en raison de la crise sanitaire.

En l’absence de tout élément sur les revenus produits par le gîte en 2012 et 2013, s’agissant d’une entreprise aux débuts nécessairement modestes et progressifs et dont la date est ignorée, mais Mme [T] bénéficiant déjà à l’époque d’une jouissance privative des lieux indivis, l’indemnité d’occupation sera fixée à 1 000 euros par année.

La particularité de l’année 2020 conduit à fixer à 2 000 euros l’indemnité d’occupation due à l’indivision pour ladite année.

La décision querellée est ainsi réformée sur ces points.

Mme [S] est en droit de réclamer le paiement à l’indivision d’une indemnité d’occupation jusqu’à la date du partage. Il convient de la fixer au montant retenu pour les années 2018 et 2019, soit 10 400 euros par an.

Sur les dépens et frais irrépétibles :

Le jugement condamne chacune des parties aux dépens de l’instance qui seront employés en frais privilégiés de liquidation et partage.

– 9 –

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer cette disposition et à laisser à chaque partie la charge de ses dépens d’appel, ce qui ne permet pas de faire application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Mme [T] et Mme [S] succombant chacune pour partie, aucune considération d’équité ne commande d’accueillir leurs prétentions respectives sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

* * * *

Par ces motifs,

Statuant dans les limites de l’appel,

– Infirme ledit jugement en ses dispositions relatives au montant de la mise à prix sur licitation des parcelles composant [Localité 19] et au montant de l’indemnité d’occupation dont Mme [T] est redevable envers l’indivision au titre des années 2012, 2013, 2020 ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

– Dit que la propriété sise sur la commune d'[Localité 17], dénommée [Localité 19], dont le jugement du 1er décembre 2021 énumère les références cadastrales des parcelles, sera vendue sur licitation par Me [J] selon les modalités prévues par ce jugement, mais sur une mise à prix de 75 000 euros, avec faculté de baisse du prix d’un quart, puis de la moitié à défaut d’enchères ;

– Dit que Mme [T] est redevable envers l’indivision d’une indemnité d’occupation fixée comme suit :

. années 2012 et 2013 : 1 000 euros par an,

. années 2014 et 2015 : 5 360 euros par an,

. années 2016 et 2017 : 5 840 euros par an,

. années 2018 et 2019 : 10 400 euros par an,

. année 2020 : 2 000 euros

. années suivantes jusqu’au partage : 10 400 euros par an ;

– Rappelle que le notaire chargé de procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage de l’indivision devra établir un compte d’administration de l’indivision ;

– Confirme le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

– Déboute les parties de leurs demandes respectives sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d’appel, ce qui ne permet pas de faire application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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