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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
————————–
ARRÊT DU : 10 MAI 2017
(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, président,)
N° de rôle : 13/03074
SAS PROMAN 090
c/
[G] [L]
[T] [P]
[F] [B]
SAS 33 INTERIM
SAS JPI HOLDING
SAS GROUPE JTI
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 16 avril 2013 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 1, RG : 13/00521) suivant déclaration d’appel du 16 mai 2013
APPELANTE :
SAS PROMAN 090, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social. [Adresse 1]
Représentée par Maître Stéphane GUITARD de la SELARL STEPHANE GUITARD, avocat postulant au barreau de BORDEAUX
Représentée par Maître Jean-Claude SASSATELLI, avocat plaidant au barreau de MARSEILLE
INTIMÉS :
[G] [L]
né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
Représenté par Maître Luc BOYREAU de la SCP LUC BOYREAU, avocat postulant au barreau de BORDEAUX
Représenté par Maître LALLIARD substituant Maître Gérard BENOIT, avocat plaidant au barreau de LYON
[T] [P]
née le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 2]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]
Représentée par Maître Luc BOYREAU de la SCP LUC BOYREAU, avocat postulant au barreau de BORDEAUX
Représentée par Maître LALLIARD substituant Maître Gérard BENOIT, avocat plaidant au barreau de LYON
[F] [B]
née le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 2]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]
Représentée par Maître Luc BOYREAU de la SCP LUC BOYREAU, avocat postulant au barreau de BORDEAUX
Représentée par Maître LALLIARD substituant Maître Gérard BENOIT, avocat plaidant au barreau de LYON
SAS 33 INTERIM, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 5]
Représentée par Maître Luc BOYREAU de la SCP LUC BOYREAU, avocat postulant au barreau de BORDEAUX
Représentée par Maître LALLIARD substituant Maître Gérard BENOIT, avocat plaidant au barreau de LYON
SAS JPI HOLDING, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 6]
Représentée par Maître Luc BOYREAU de la SCP LUC BOYREAU, avocat postulant au barreau de BORDEAUX
Représentée par Maître LALLIARD substituant Maître Gérard BENOIT, avocat plaidant au barreau de LYON
SAS GROUPE JTI, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 6]
Représentée par Maître Luc BOYREAU de la SCP LUC BOYREAU, avocat postulant au barreau de BORDEAUX
Représentée par Maître LALLIARD substituant Maître Gérard BENOIT, avocat plaidant au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 27 mars 2017 en audience publique, devant la cour composée de :
Elisabeth LARSABAL, président,
Catherine COUDY, conseiller,
Catherine BRISSET, conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Irène CHAUVIRE
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE :
Le groupe Proman, qui a pour activité le travail temporaire, possède un réseau de 180 agences locales, composé de différentes sociétés, dont les sociétés Proman 057, Proman 061, Proman 062, Proman 090 et Proman Performance. Ces sociétés disposent d’une agence commune sise à [Localité 3], et d’un important fichier commun de clients et intérimaires, notamment dans le sud-ouest de la France.
Les sociétés Proman 057, Proman 061, Proman 062 ont employé durant plusieurs années, jusqu’au printemps 2012, quatre salariés :
– M. [L], embauché le 2 mai 2008 par Proman 057 en qualité de commercial chargé d’affaires,
– M. [U], embauché le 5 janvier 2009 par Proman 062 en qualité de chargé d’affaires, puis promu en qualité de responsable d’agence, statut cadre, par la société Proman 061 le 1er janvier 2011,
– Mme [P], embauchée le 1er mars 2010 par Proman 062, en qualité de chargé d’affaires,
– Mme [B], embauchée le 15 novembre 2011 par Proman 057 en qualité d’assistance d’agence.
Ces salariés ont eu accès au portefeuille clients et aux fichiers ‘intérimaires’ de Proman.
Une clause de non-concurrence a été insérée dans leur contrat de travail respectif, afin de préserver les intérêts de l’entreprise.
Lorsque les relations contractuelles entre les sociétés Proman et les employés se sont interrompues, par étapes à compter du printemps 2012, l’employeur a expressément maintenu la clause de non-concurrence et les anciens salariés ont perçu la contrepartie financière correspondant à cette clause.
M. [U], M. [L] et Mme [P] ont intégré dès le printemps 2012 une structure concurrente, la société 33 Intérim, située à [Localité 4] près [Localité 2], dont l’objet social est “l’activité d’entreprise de travail temporaire au sens de la loi n°72-1 du 3 janvier 1972 ainsi que le recrutement et le placement personnel pour le compte de tiers”.
Mme [B] les a rejoints en septembre 2012, pour occuper un poste identique.
Cinq sociétés du groupe Proman, dont la société Proman 090, ont saisi le président du tribunal de commerce de Bordeaux en désignation d’un huissier de justice, avec pour mission d’effectuer une saisie dans les locaux de la société 33 Intérim, afin de mettre en lumière l’étendue de la violation de la clause de non-concurrence par les anciens salariés.
Par ordonnance du 27 septembre 2012, le président du tribunal de commerce a désigné maître [T], huissier de justice, pour effectuer cette mission.
Les sociétés Proman 090 et Proman Performance n’étaient pas liées par un contrat de travail avec les salaries en cause mais estimaient avoir subi un préjudice du fait de la violation de la clause de non-concurrence et des agissements de concurrence déloyale.
Par acte du 5 novembre 2012, les cinq sociétés requérantes ont saisi le juge des référés du tribunal de commerce, afin de voir autoriser l’huissier de justice à leur communiquer les documents saisis dans les locaux de 33 Intérim et séquestrés en son étude.
Le tribunal a fait droit à cette requête par ordonnance du 27 novembre 2012.
Litige commercial
Ces sociétés ont ensuite saisi le tribunal de commerce de Bordeaux au fond d’une action en concurrence déloyale et en complicité de violation de clause de non-concurrence, dirigée contre la SAS Intérim 33, son président la société Groupe Groupe JTI et la société JPI holding.
Par arrêt rendu le 31 mars 2014, la chambre commerciale de la cour a déclaré irrecevables les demandes au motif qu’il s’agissait d’une action de groupe et a annulé le procès verbal de constat du 24 octobre 2012. Cette décision a été cassée par la cour de cassation par arrêt du 10 février 2015 et l’affaire a été renvoyée devant la cour d’appel de Toulouse qui a statué par arrêt du 6 avril 2016 irrévocable, déclarant l’action recevable, rejetant la demande d’annulation du constat d’huissier, disant que les sociétés 33 Intérim et Groupe JTI ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice cinq sociétés Proman et les condamnant in solidum à payer :
– à la société Proman 057 : 2 500 €
– à la société Proman 061 : 70 000 €
– à la société Proman 062 : 8 000 €
– à la société Proman 090 : 188 000 €
– la société Proman performance : 1300 €.
Litiges prud’homaux
Les sociétés Proman 057, 061 et 062 ont fait assigner en référé les quatre salariés devant le conseil de prud’hommes de Bordeaux afin de faire cesser l’activité concurrentielle illicite. Ces demandes ont été rejetées par arrêt confirmatif du 11 avril 2013.
Parallèlement, les quatre salariés ont saisi, en octobre 2012, le conseil de prud’hommes de Bordeaux d’un ensemble de demandes tendant à faire annuler la clause de non-concurrence et à obtenir le payement d’indemnités au titre de la rupture de leur contrat. Les sociétés Proman ont formé des demandes reconventionnelles en dommages intérêts pour violation de la clause de non-concurrence.
Litige civil
Par ailleurs, régulièrement autorisées par ordonnance du 4 décembre 2012, les sociétés Proman Performance, Proman 057, Proman 061, Proman 062, Proman 090 ont, par acte du 13 décembre 2012, fait assigner à jour fixe Mme [P], Mme [B], M. [L], M. [U], la société 33 Intérim, la société JPI Holding et la société Groupe Groupe JTI devant le tribunal de grande instance de Bordeaux, afin notamment de voir reconnaître la responsabilité délictuelle des anciens salariés en leur reprochant des actes de concurrence déloyale et de violation de clause de non-concurrence.
Chacune de ces sociétés a assigné devant le tribunal de grande instance ceux des quatre anciens salariés d’une des sociétés du groupe avec laquelle elle n’était pas liée par l’un des contrats de travail rompus ; ainsi, s’agissant de la société Proman 057 , ont été assignés M. [U] et Mme [P] . Mme [B] et M. [L] étaient salariés de la société Proman 057, M. [U] était salarié de la société Proman 61, et Mme [P] était salariée de la société Proman 062. Leurs contrats de travail comportaient une clause de non-concurrence qui a été expressément maintenue lors de la rupture du contrat de travail, et dont la contrepartie financière a été versée par l’ancien employeur.
Par jugement du 16 avril 2013, le tribunal de grande instance de Bordeaux a, par jugement réputé contradictoire, les sociétés 33 Interim, JPI Holding et Groupe JTI ayant été défaillantes :
– déclaré irrecevable l’action de la société Proman 090,
– condamné la société Proman 090 à payer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à:
* M. [L] la somme de 800€,
* Mme [P] la somme de 800€,
* Mme [B] la somme de 800€,
– condamné la société Proman 090 aux dépens,
– dit n’y avoir lieu à exécution du jugement.
Le tribunal a considéré :
– s’agissant des demandes liées aux clauses de non concurrence, qu’il ne pouvait retenir sa compétence que pour les seuls agissements invoqués comme constituant une concurrence déloyale et qu’il devait donc exclure toutes les demandes liées aux clauses de non concurrence,
– concernant les fins de recevoir invoquées par les défendeurs tirées du défaut de droit d’agir de la société demanderesse, que les cinq sociétés Proman 057, Proman 061, Proman 062, Proman 090, et Proman Performance ont fait délivrer des assignations séparées devant le tribunal de grande instance, contre les défendeurs anciens salariés, en invoquant chacune à leur encontre un même préjudice, qu’il est ressorti des éléments qu’une même entité économique globale, usant des mêmes locaux et de fichiers communs, s’est présentée à l’instance juridiquement divisée par utilisation de la personnalité, chaque société apparaissant comme un instrument juridique sans individualisation dans l’activité économique comportant la communauté déjà évoquée, et que, conformément à l’autonomie de chaque personne morale, une action doit être engagée au nom de chacune d’elles, en fonction de ses intérêts propres, tel n’étant pas le cas en l’espèce. En conséquence, l’action de la société Proman 090 a été déclarée irrecevable.
La société Proman 090 a relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe de son avocat en date du 16 mai 2013, dans des conditions de régularité non contestées.
Par arrêt avant dire droit du 8 septembre 2014, la cour d’appel de Bordeaux a sursis à statuer dans l’attente des décisions définitives de la juridiction prud’homale dans le cadre des procédures opposant Mme [P] à la société Proman 062, M. [L] et Mme [B] à la société Proman 057 et réservé les dépens.
Etat des litiges prud’homaux fondant le sursis à statuer
Par arrêt de la chambre sociale en date du 17 février 2016, statuant sur l’appel formé à l’encontre d’un jugement du conseil de prud’hommes de Bordeaux concernant Mme [P] la cour d’appel de Bordeaux a :
– réformé partiellement la décision attaquée,
– prononcé la nullité de la clause de non-concurrence figurant à l’article 7 du contrat de travail,
– dit que la clause est inopposable à la salariée,
– débouté Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts,
– déclaré irrecevables les autres demandes de la société Proman 057 tendant à voir reconnaître la responsabilité délictuelle de Mme [P] en lui reprochant des actes de concurrence déloyale, dans la mesure où la 1ère chambre de la cour est déjà saisie de ces mêmes demandes,
– condamné la société Proman 057 à verser à Mme [P] la somme de 1.500€ en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Une décision similaire a été rendue par arrêt du même jour concernant Madame [B].
La société Proman 057 a formé un pourvoi en cassation contre ces deux arrêts.
S’agissant du litige prud’homal concernant M. [L], par jugement non frappé d’appel du 3 octobre 2016 rendu sous la présidence du juge départiteur faisant suite à un premier jugement du 7 mars 2016 frappé d’appel, le conseil de prud’hommes de Bordeaux a rejeté la demande de celui-ci en indemnisation liée à la clause de non-concurrence et l’a déclaré coupable de concurrence déloyale à l’égard de la société Proman 057 par détournement frauduleux de documents, démarchage systématique des clients et débauchage des intérimaires, et l’a condamné au remboursement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et au paiement des sommes de 5000 € à titre de pertes financières et 4000 € en réparation de son préjudice moral.
Litige civil
Par conclusions n°7 signifiées par RPVA le 6 mars 2017, la société Proman 090 demande à la cour de :
– la recevoir en ses demandes et les dire bien fondées,
– infirmer intégralement le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux,
par conséquent et statuant à nouveau,
– sur les exceptions et demandes de nullité:
* dire et juger n’y avoir lieu à surseoir à statuer, dès lors que la présente action repose exclusivement sur des faits de concurrence déloyale fondée sur les dispositions de l’article 1382 du code civil (antérieurement au 1er octobre 2016), et non sur une violation de la clause de non concurrence,
* rejeter la demande d’irrecevabilité de l’action qualifiée à torts de prétendue action de groupe, formée par les intimés,
* constater que le rapport d’enquête privé de la société Sud Intelligence a été retiré des débats par l’appelante à compter du 1er mars 2017,
* débouter les intimés de la demande de nullité du constat d’huissier du 24 octobre 2012 et ses annexes, dont le rapport du sapiteur [X],
– sur la responsabilité :
* dire que les intimés se sont rendus coupables de concurrence déloyale envers la société Proman 090 notamment par détournement frauduleux de documents, démarchage systématique de clients, débauchage des intérimaires,
* constater qu’aucune demande n’est formée par l’appelante au titre de la violation de la clause de non-concurrence par les intimés au préjudice de leur ex-employeur, non partie à la présente instance,
– sur la parfaite recevabilité des éléments de preuve récoltés :
* débouter les intimés de leur demande d’annulation du constat d’huissier du 24 octobre 2012, et du rapport du sapiteur [X],
– sur la réparation des préjudices subis,
* condamner in solidum M. [L], Mme [P] et Mme [B], in solidum avec les sociétés 33 Interim et Groupe JTI à verser à la société Proman 090 :
* la somme de 188.000 € en réparation du préjudice subi du fait de la concurrence déloyale, conformément aux dispositions de la décision rendue par la cour d’appel de Toulouse le 6 avril 2016 et dire que cette condamnation est prononcée elle-même in solidum, avec celle énoncée envers les sociétés 33 Interim et Groupe JTI par ledit arrêt et réglée depuis,
* la somme de 5.000€ de dommages-intérêts au regard du préjudice moral,
– sur les frais et dépens:
* condamner in solidum M. [L], Mme [B] et Mme [P] à verser à la société Proman 090 la somme de 10.000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, dont ceux distraits au profit de maître Guitard, avocat postulant près la cour d’appel de Bordeaux,
* dire que la décision est commune et exécutoire envers les sociétés 33 Interim, JPI Holding, Groupe JTI par application des dispositions de l’article 331 du code de procédure civile.
Par conclusions n° 4 signifiées par RPVA le 23 mars 2017 Mme [P], Mme [B], M. [L], la société 33 Interim, la société JPI Holding, la société Groupe JTI demandent à la cour de :
à titre principal,
– surseoir à statuer dans l’attente des décisions définitives du juge prud’homal dans le cadre des procédures opposant Mme [P] à la société Proman 062 actuellement pendante devant le Conseil de Prud’hommes de Bordeaux sous le numéro de RG F 12/02381 ainsi que des procédures opposant M. [L] ainsi que Mme [B] à la société Proman 057,
à titre subsidiaire,
– dire et juger que la société Proman 090 exerce de concert avec les sociétés Proman 057, Proman 061, Proman 062 et Proman Performance une action de groupe à l’encontre de M. [L], Mme [P] et Mme [B],
en conséquence,
– dire et juger la société Proman 090 irrecevable en toutes ses demandes et l’en débouter,
à titre très subsidiaire,
– dire et juger irrecevables et mal fondées les demandes formulées par la société Proman 090 sur le fondement de la violation des clauses de non concurrence souscrites par M. [L], Mme [P] et Mme [B] au profit respectif des sociétés Proman 057 et Proman 062,
– dire et juger nulle et de nul effet la clause de non concurrence figurant dans le contrat de travail de M. [L], Mme [P] et Mme [B],
– dire et juger nul et de nul effet le rapport d’enquête privée de la société Sud Intelligence ainsi que le procès-verbal de constat dressé par maître [T] et ses annexes,
– les écarter des débats ainsi que tous documents saisis au siège de la société 33 Interim à l’occasion des opérations instrumentées par l’huissier de justice,
– dire et juger que la société Proman 090 ne rapporte pas la preuve des actes de concurrence déloyale qu’elle invoque à leur encontre,
en tout état de cause,
– débouter la société Proman 090 de l’intégralité de ses prétentions, fins et moyens,
– condamner la société Proman 090 à leur payer la somme de 5.000€ chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Proman 090 aux entiers dépens, ceux d’appel distraits au profit de la société Luc Boyreau, avocat postulant auprès de la cour d’appel de Bordeaux.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 13 mars 2017, révoquée et reportée à la demande des parties au 27 mars 2017 pour tenir compte des dernières conclusions.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l’article 455 du code de procédure civile.
Il est précisé que la cour statue par quatre arrêts distincts de ce jour sur les actions analogues engagées par les quatre autres sociétés du groupe, objets de jugements identiques du tribunal de grande instance de Bordeaux et d’un arrêt similaire de sursis à statuer rendu à la même date.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de sursis à statuer
Le sursis à statuer prononcé par arrêt du 8 septembre 2014 l’était dans l’attente des décisions définitives de la juridiction prud’homale dans le cadre des procédures opposant Mme [P] à la société Proman 061 et M. [L] et Mme [B] à la société Proman 057.
En l’état de ces procédures :
– les sociétés du groupe Proman se sont désistées en 2013 de leurs actions à l’encontre de M. [U] ;
– le jugement rendu le 3 octobre 2016 par le conseil de prud’hommes de Bordeaux sous la présidence du juge départiteur dans le litige opposant M. [L] à la société Proman 057 n’a pas été frappé d’appel et doit être considéré comme définitif, et ce jugement condamne M. [L] à indemniser la société Proman 057 de son préjudice sur le fondement de la concurrence déloyale, après avoir considéré dans un premier jugement que la clause de non-concurrence était nulle ;
– il a été statué par la chambre sociale de la cour d’appel de Bordeaux sur les jugements concernant Mme [P] et Mme [B] par deux arrêts du 7 février 2016, qui ont déclaré nulle la clause de non-concurrence, et irrecevable la demande sur le fondement de la concurrence déloyale au motif du litige civil pendant devant la 1ère chambre, et ces deux arrêts ont été frappés de pourvoi par la société Proman 057.
La cour considère qu’il n’y a pas lieu de surseoir à statuer pour les raisons suivantes :
– sur les cinq sociétés Proman appelantes, seules deux, les sociétés Proman 057 et Proman 062 sont concernées par un litige prud’homal à l’encontre pour la première de Mme [B] et pour la seconde de Mme [P]
– les demandes des sociétés du groupe Proman sont fondées, pour chacune des sociétés, non contre ceux des salariés de la société 33 Intérim qui étaient leurs salariés mais contre les anciens salariés des autres sociétés du groupe Proman ;
– en conséquence, les demandes de chacune des sociétés du groupe Proman sont fondées exclusivement sur la concurrence déloyale et non sur la clause de non-concurrence, en l’absence de contrat de travail la liant au salarié concerné ;
– sur les trois litiges prud’homaux liés aux demandes des cinq sociétés groupe Proman, l’un est définitivement clos s’agissant de la concurrence déloyale (M. [L]), les deux autres ne sont plus susceptibles d’un recours suspensif d’exécution (Mme [P] et Mme [B], arrêts frappés de pourvoi), et en ne relevant pas appel du jugement du 3 octobre 2016 le condamnant pour concurrence déloyale, M. [L] admet que celle-ci était constituée ;
– enfin, alors que les sociétés demanderesses formaient initialement des demandes d’expertise pour déterminer leur préjudice, en ne formant pas de pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse statuant sur renvoi de cassation dans le litige commercial entre les sociétés Proman d’une part, et 33 Intérim, Groupe JTI et JPI holding d’autre part, les cinq sociétés Proman admettent l’évaluation qui a été faite pour chacune de son préjudice matériel et se bornent à présenter, à l’encontre des anciens salariés, des demandes de condamnation in solidum avec les société 33 Intérim et Groupe JTI pour les montants arbitrés par la cour d’appel de Toulouse, très inférieurs à leurs demandes initiales, qui ont été réglés à la suite de cet arrêt, et une demande au titre du préjudice moral ;
– les sociétés 33 Intérim et Groupe JTI ayant été condamnées sur le fondement de la concurrence déloyale, il s’en infère que les demandes de condamnation à des montants identiques contre les salariés sont formées sur le même fondement, de sorte que la solution du litige prud’homal est indifférente à la solution du litige civil, d’autant que les demandes subsidiaires formées par la société sur le fondement de la concurrence déloyale ont été déclarées irrecevables au motif de l’action civile pendante devant la 1ère chambre civile de la cour d’appel de Bordeaux, de sorte que si cette chambre civile statue sur la concurrence déloyale, cette irrecevabilité pourra être considérée comme fondée.
Sur la recevabilité des demandes de la société Proman 090
Le tribunal a déclaré irrecevable la demande de la société au motif que les cinq sociétés groupe Proman avaient agi sous une forme analysée comme une action de groupe et non chacune en fonction de ses intérêts propres en distinguant les faits précis de concurrence déloyale la visant.
La cour ne suivra pas cette analyse.
Il apparaît en effet que l’existence d’un préjudice n’est pas une condition de recevabilité de l’action en responsabilité mais de son succès et que la société présente une demande de dommages intérêts pour son préjudice matériel qui lui est propre, calquée sur les dommages intérêts modulés en fonction de son chiffre d’affaires accordés par la cour d’appel de Toulouse dans le litige commercial à la charge de la société 33 Intérim et de la société Groupe JTI, et une demande de dommages intérêts à l’encontre de certains des anciens salariés des sociétés, de sorte qu’il conviendra le cas échéant d’apprécier si la société apporte la preuve de faits de concurrence déloyale dont elle a elle-même été victime.
Le jugement sera infirmé et il y a lieu en conséquence de statuer sur les demandes de la société Proman 090.
Sur le retrait du rapport d’enquête privée de la société Intelligence sud
La société appelante invoquait à l’appui de sa demande un rapport d’enquête privée de la société Intelligence sud, dont les personnes physiques intimées avaient soulevé la nullité en ce qu’il portait atteinte à leur vie privée, argument retenu par les juridictions commerciales et sociales saisies du litige.
Elle a retiré cette pièce de son dossier et demande par ses dernières conclusions du 6 mars 2017 qu’il lui en soit donné acte, les dites conclusions ne fondant plus la demande sur ce rapport.
Il sera fait droit à cette demande , étant observé que les intimés ne semblent pas avoir pris conscience de cette évolution puisqu’ils persistent dans leurs dernières conclusions du 23 mars 2017 à demander à la cour de juger nul et de nul effet ce rapport et de l’écarter des débats, demande dont il sera constaté qu’elle est sans objet.
Sur la nullité du constat d’huissier
Les intimés font valoir que le constat d’huissier sur lequel la société appelante fonde sa demande est nul à divers titres.
S’agissant du fait que l’huissier n’aurait pas respecté les termes de sa mission, en ce qu’il aurait posé aux anciens salariés de société Proman rencontrés dans les locaux de la société 33 Intérim des questions allant au delà de celles visées par l’ordonnance du président du tribunal de commerce :
‘- exercent-ils une activité auprès de la société 33 Intérim et dans l’affirmative, laquelle et depuis quelles époque ‘
– dans la négative, quelle est la raison de leur présence dans ses locaux le jour de la sommation, et dans le passé ‘
– enregistrer les déclarations des répondants et toutes paroles prononcées et faits constatés, en s’abstenant toutefois d’interpellations autres que celles nécessaires à l’accomplissement de sa mission.’,
au motif qu’il a posé à Mme [P] et M. [L] rencontrés sur place des questions relatives à M. [U], qui n’était pas présent, et à leur date d’embauche, leur rémunération, leur qualité d’associés, ou sur la violation de la clause de non-concurrence,
il apparaît :
– d’une part que M. [L] et Mme [P] ont répondu sans réticence à ces questions, étant précisé qu’à la lecture par l’huissier de l’ordonnance le commettant, il lui a été indiqué que sa venue était attendue et même plus tôt
– d’autre part que ces questions entrent dans le champ de mission relatif aux déclarations des répondants résultant d’interpellations nécessaires à l’accomplissement de sa mission, visant, au delà de la sommation aux anciens salariés des société Proman devenus salariés de la société 33 Intérim , à rechercher des éléments relatifs à la violation de la clause de non-concurrence par ces salariés.
S’agissant du défaut d’ exécution personnelle par l’huissier maître [T] de sa mission en ce qu’un rapport a été établi par le sapiteur M. [J], ce rapport (pièce 23 de l’appelante) adressé par celui-ci par courrier à en tête de [X] concept le 24 octobre 2012 à l’huissier qui a établi lui-même son constat le même jour en reproduisant textuellement le rapport de M. [J], il apparaît que la circonstance que M. [J] transmette son rapport par la voie de [X] concept, dont le siège est dans le Loiret pour des opérations effectuées à [Localité 2], n’est pas de nature, alors que l’huissier était autorisé à se faire assister d’un sapiteur, à entacher la validité du constat. En effet, le rôle du sapiteur, dont la présence était nécessaire au regard de la technicité des opérations de saisie informatique, n’est pas limité à l’autorisation de connecter tout dispositif sur les matériels de l’entreprise, et le sapiteur intervient sous la responsabilité et le contrôle de l’huissier, qui, en annexant le rapport du sapiteur, en valide le contenu; Il est précisé que la mission de l’huissier était une mission de constat et non d’expertise, de sorte qu’il n’est tiré aucune conclusion des constatations effectuées.
S’agissant du fait que l’impartialité du technicien ayant accompagné l’huissier lors de ses constatations, M. [J], serait mise en cause par le fait qu’il a couru deux courses à pied à [Localité 5], siège social des sociétés du groupe Proman, avec un dossard Proman, cet unique élément n’est pas raisonnablement suffisant à faire douter de l’impartialité du technicien ; il n’est pas contesté que celui-ci présente des compétences dans le domaine du travail temporaire, et il s’est borné lors des opérations au siège de la société 33 Intérim à des constatations sous la conduite de l’huissier et en présence de celui-ci, l’analyse annexée par l’huissier, qui ainsi se l’approprie, ayant été effectuée par [X] concept, et les intimés ne soutenant pas que cette analyse serait inexacte en ce qu’elle relève, sur la base des documents saisis, des recoupements entre l’activité et les fichiers de la société 33 Intérim et ses fichiers ‘clients’ et ‘intérimaires’ et ceux de la société Proman requérante, les documents étant produits et l’analyse conforme à ceux-ci, et ce sans qu’il soit allégué que le procès verbal d’huissier soit entaché de faux en ce qu’il se fonderait sur des documents qui n’ont pas été saisis.
Il résulte de ces considérations qu’il n’y a pas lieu de prononcer la nullité du constat de maître [T] en date du 24 octobre 2012.
Sur la concurrence déloyale
L’action en concurrence déloyale fondée, en l’absence de rapport contractuel entre la société Proman 090 et les intimés, sur l’article 1382 ancien du code civil devenu 1240 suppose la démonstration par la société Proman 090 d’une faute, d’un lien de causalité et d’un préjudice, étant rappelé que la concurrence est en principe libre dans le cadre de la liberté du commerce, sauf précisément procédés déloyaux.
Il est souligné que la 1ère chambre civile de la cour ne statue pas sur des allégations de violation de la clause de non-concurrence incluse dans les contrats de travail des salariés des sociétés Proman, ou sur la validité de cette clause, mais sur le fondement de la concurrence déloyale, en application de l’article 1382 ancien du code civil, de sorte que la demande figurant au dispositif des conclusions des intimés tendant à juger nulle et de nul effet la clause de non-concurrence incluse au contrat de travail de M. [L], Mme [B] et Mme [P] est sans objet.
Il apparaît que la société Proman 090 satisfait à la charge probatoire qui lui incombe, les faits de concurrence déloyale étant caractérisés, notamment par les pièces saisies lors du constat d’huissier (pièce 22 et annexes), et de trois ordres, étant précisé que, si dans le cadre du litige concernant chacune des cinq sociétés Proman en cause, il appartient à chacune d’elles d’apporter ces preuves pour ce qui la concerne, l’existence d’une agence unique à [Localité 3] avec des fichiers clients et intérimaires auxquels avaient accès librement chacune des cinq sociétés et qui leur étaient communs permet de prendre en considération, pour la détermination de la faute, des éléments qui sont communs aux cinq sociétés et non individualisés au sein de la société 33 Intérim : le détournement du personnel permanent des sociétés Proman, le débauchage du personnel intérimaire des sociétés Proman et le démarchage systématique et déloyal de la clientèle.
S’agissant du détournement du personnel permanent des sociétés Proman
Il est précisé que M. [U] était salarié de la société Proman 061, et que les sociétés appelantes se sont désistées de leur appel à son encontre après qu’il a eu été licencié par la société 33 Intérim en 2013.
Il est rappelé que la cour ne statue pas sur la violation de la clause de non-concurrence contenue aux contrats de travail, et souligné que M. [U], cadre responsable d’agence, licencié en 2013 par la société 33 Intérim, a délivré aux sociétés Proman devant huissier une déclaration circonstanciée, parfaitement recevable sans devoir obéir aux exigences de l’article 202 du code de procédure civile compte tenu des modalités de son recueil, sur les circonstances dans lesquelles lui- même et les trois autres salariés ont été démarchés de façon organisée par les dirigeants de la société 33 Intérim et de la société Groupe JTI (Messieurs [D] père et fils) pour faire venir ces salariés, avec étalement dans le temps pour permettre la transmission d’informations par les salariés restés en place avant qu’ils ne rejoignent la société 33 Intérim.
Ainsi, il apparaît que :
– la société 33 Intérim a déplacé début 2012 son siège social de [Localité 6] à [Localité 4], en changeant de nom pour, de Softratt rail, devenir 33 Intérim, nom plus évocateur et géographiquement ciblé,
– elle a démarré son activité en embauchant entre juillet et octobre 2012 quatre salariés des sociétés Proman,
* dont l’un, M. [L] avait été licencié pour faute grave pour un fait unique d’insultes au chef de secteur, et est parti immédiatement, licenciement non contesté
* un autre, M. [U], cadre, licencié pour cause réelle et sérieuse pour désengagement et absence de réaction après le départ à la concurrence d’une collaboratrice (Mme [P]), un mois après le départ programmé d’un autre collaborateur (M. [L]), a effectué son préavis et a au cours de celui-ci transmis des informations à la société 33 Intérim qui lui en a adressé (sur le bail commercial) et qui l’a embauché dès la fin du préavis,
* une troisième, Mme [P], a démissionné, n’a pas effectué son préavis et a sollicité des informations de la quatrième Mme [B] restée en poste pour effectuer son préavis,
* la quatrième, Mme [B], a démissionné et a effectué son préavis en transmettant des informations à ses anciens collègues ayant déjà rejoint la société 33 Intérim , par laquelle elle a elle-même été ensuite embauchée dès la fin de son préavis.
M. [U] a par ailleurs déclaré à l’huissier que la société 33 Intérim avait promis aux salariés débauchés un salaire supérieur à celui perçu chez Proman et un intéressement, et pour certains une participation au capital, et la prise en charge de leurs frais judiciaires en cas d’action de leur ancien employeur.
Le but déloyal de la stratégie progressive de départ des salariés ayant permis un transfert de données est établi par les échanges de mails relevés par l’huissier assisté du sapiteur, le procédé consistant pour les salariés Proman à s’envoyer de leur adresse Proman des mails sur leur adresse personnelle, puis à les retransférer sur l’adresse de leur anciens collègues au sein de la société 33 Intérim, ou leur adresse ouverte au sein de celle-ci pour certains avant même qu’ils n’en soient devenus les salariés , dans le cas de M. [L] et Mme [B]. Cette stratégie a permis à la société 33 Intérim de s’approprier dans un but déloyal les données et connaissances acquises au sein de leur ancienne entreprise et dans le cas de Mme [P], celle-ci était plus particulièrement en lien avec Mme [B] pour se faire envoyer des informations complètes sur des salariés intérimaires habituellement employés par les sociétés Proman. M. [L] et M.[U] cadre responsable d’agence étaient plus particulièrement chargés du démarchage des employeurs clients(pièce 19c).
S’agissant du débauchage du personnel intérimaire des sociétés Proman
Il est constant que les salariés intérimaires recrutés par les agences d’intérim ne font pas partie du personnel de celles-ci, et qu’ils sont libres de s’inscrire concomitamment dans plusieurs agences d’intérim, de sorte que le fait qu’après avoir été embauchés pour des missions par une société Proman, ils soient ensuite ou en même temps inscrits à la société 33 Intérim n’est pas en soi constitutif de concurrence déloyale.
En revanche, il ressort des documents informatiques recueillis lors du constat d’huissier (pièce 22 H de l’appelante) que le dossier « intérimaires » de la société 33 Intérim contenait 415 fichiers faisant référence à des personnes du fichier intérimaires Proman, lesquels contiennent 201 documents annotés Proman, ce qui démontre que ces documents viennent directement des sociétés Proman.
Ceci est révélateur d’un détournement de listes d’intérimaires, qui a pu être opéré grâce aux contacts entre les salariés restés en place et ceux déjà embauchés chez 33 Intérim, ce qui est à l’évidence un procédé déloyal, que la société 33 Intérim, qui débutait son activité, ne pouvait ignorer, pas plus que M. [L] et Mme [P] qui y a activement participé en sollicitant des informations de Mme [B] restée chez Proman 057, et en utilisant ces informations au profit de son nouvel employeur en connaissance de cause, ou Mme [B], qui transmettait des informations à la société 33 Intérim, en répondant parfois qu’elle ne pouvait pas à un moment précis, en raison de présence inopportune.
S’agissant du démarchage systématique de la clientèle
Celle-ci est en l’espèce constituée par les employeurs ayant recours à du personnel intérimaire, les constatations des documents informatiques prélevés lors du constat d’huissier (pièce 22H et annexes) font apparaître que 47 fichiers ou répertoires font référence à des entreprises du fichier Proman, lesquels contiennent quinze documents annotés Proman , qui n’ont pu arriver en possession de la société 33 Intérim que par l’intermédiaire des salariés Proman par elle débauchés, ce qui comme pour les salariés intérimaires évoqués ci-dessus, constitue un procédé déloyal, même si les employeurs de personnel intérimaire ont eux aussi la faculté de s’adresser concomitamment à plusieurs agences, ce recours simultané devant être spontané et, sur les 21clients facturés par la société 33 Intérim au cours de ses premiers mois d’existence,17 faisaient partie du fichier Proman, ce qui constitue une proportion trop importante pour ne relever que de la diversification choisie par les clients, dont deux ont d’ailleurs attesté. Et Mme [P], de par ses anciennes fonctions au sein de la société Proman 062, savait nécessairement que son nouvel employeur avait été mis en possession du fichier de l’agence de [Localité 3] des sociétés Proman. M. [L] était informé des modalités d’acquisition de sa clientèle par son nouvel employeur et Mme [B] a contribué à la création de celle-ci en renseignant ses anciens collègues, puis en intégrant à son tour la société 33 Intérim.
Ce procédé ressort également du témoignage de M. [U] (pièces 97 et 98), que ne suffit pas à renverser l’attestation de dénégation de M. [L], mis en cause dans le litige.
Il résulte de ces éléments que la société 33 Intérim, la société Groupe JTI, président de la SAS 33 Intérim , M. [L], Mme [B] et Mme [P] ont commis au préjudice de la société Proman 090 des actes de concurrence déloyale, étant précisé que la société Proman 090 ne forme pas de demandes d’indemnisation à l’encontre de la société JPI Holding, que la cour d’appel de Toulouse n’a pas reconnue responsable d’actes de concurrence déloyale.
Sur le préjudice
Les agissements de concurrence déloyale des intimés autres que la société JPI Holding ont eu une incidence sur la chiffre d’affaires de la société Proman 090, qui a été inférieur à ce qu’il aurait pu être si une partie de sa clientèle et des intérimaires de son fichier n’avait pas été attraite vers la société 33 Intérim par les procédés de concurrence déloyale ci dessus relevés.
Le lien de causalité entre ces faits de concurrence déloyale et l’incidence sur le chiffre d’affaires est établi, alors que la société 33 Intérim débutait son activité et n’aurait pas sans ces agissements pu réaliser dès ses premiers mois d’existence un chiffre d’affaires conséquent en devant prendre le temps de se créer une clientèle et un fichier intérimaires.
La société Proman 090 demande la condamnation de M. [L], Mme [B] et Mme [P] au paiement de la somme de 188 000 € au titre de son préjudice matériel, qui est la somme arbitrée par la cour d’appel de Toulouse statuant dans le litige commercial, et mise à la charge des sociétés 33 Intérim et Groupe JTI, et qui a d’ailleurs été réglée. Cette condamnation est demandée in solidum.
Il sera fait droit à cette demande, à hauteur de 10 000 € pour chacun d’eux, compte tenu du rôle prépondérant des sociétés instigatrices de la concurrence déloyale, ce préjudice étant évalué sur la base de deux tiers du chiffre d’affaires réalisé par la société 33 Intérim par référence à la chute du chiffre d’affaires de la société Proman 090, et ce limité à l’année 2012, la société n’ayant pas pour la période postérieure justifié de son chiffre d’affaires, ni de la perte de clients, qui en tout état de cause, avaient la liberté de choisir de maintenir leur relation commerciale avec la société 33 Intérim, et ne précisant pas devant la cour d’appel de Bordeaux, pas plus qu’elle ne l’ont fait devant la cour d’appel de Toulouse, les critères de répartition du chiffre d’affaires entre les cinq sociétés parties à ce litige.
La condamnation in solidum se justifie par l’action concertée menée par les sociétés 33 Intérim et Groupe JTI, dont les dirigeants étaient père et fils, et M. [L], Mme [B] et Mme [P], qui ont utilisé au bénéfice de la société 33 Intérim leur connaissance de la société Proman 090.
Les sociétés 33 Intérim et Groupe JTI ayant déjà été condamnées par arrêt irrévocable de la cour d’appel de Toulouse du 6 avril 2016 statuant sur renvoi de cassation, il y a lieu de constater cette condamnation et dire que la somme au paiement de laquelle sont condamnés M. [L] , Mme [P] et Mme [B] est due in solidum avec les sociétés 33 Intérim et Groupe JTI.
S’agissant du préjudice moral allégué par la société Proman 090, il apparaît constitué dans le contexte de l’action concertée à laquelle M. [L], Mme [B] et Mme [P] ont participé consciemment et qui démontre une volonté de nuire ; M. [L], Mme [B] et Mme [P] seront chacun condamnés à payer à la société Proman 090 une somme de 2000 €.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
M. [L], Mme [B] et Mme [P], dont les demandes sont rejetées, seront condamnés aux dépens de première instance et d’appel.
M. [L], Mme [B] et Mme [P], les sociétés 33 Intérim, Groupe JTI et JPI Holding seront déboutés de leur demande en application de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [L], Mme [B] et Mme [P], tenus aux dépens, seront condamnés solidairement à verser à la société Proman 090 la somme de 2500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il n’y a pas lieu à application de l’article 331 du code de procédure civile, les sociétés 33 Intérim , Groupe JTI et JPI Holding étant partie à la procédure, quand bien même la société Proman 090 ne forme contre elles aucune demande directe.