Nullité de constat : 3 mai 2018 Cour d’appel de Paris RG n° 15/20198

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Nullité de constat : 3 mai 2018 Cour d’appel de Paris RG n° 15/20198
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Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRÊT DU 3 MAI 2018

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/20198

Décision déférée à la cour : jugement du 14 septembre 2015 -tribunal de commerce de PARIS – RG n° 2015017481

APPELANTE

SARL FIDUCIAIRE RYVOL & ASSOCIES

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 382 874 790

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Maître Jacques MONTA de la SELEURL Jacques MONTA, avocat au barreau de PARIS, toque : D0546

INTIMÉE

SAS CABINET CARE

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 537 983 223

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Maître Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K148

Ayant pour avocat plaidant Maître Eric CHARLERY, avocat au barreau de PARIS, toque : P53

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1er Mars 2018, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de chambre

Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère

Madame Anne DU BESSET, Conseillère

qui en ont délibéré,

Greffière, lors des débats : Madame Hortense VITELA

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président et par Madame Hortense VITELA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE :

Deux collaboratrices de la société d’expertise comptable Fiduciaire Ryvol § Associés, Mesdames [K] [M] et [V] [B], collaboratrices comptables, ont démissionné de leurs fonctions en 2012 pour être embauchées par le cabinet d’expertise comptable Care.

Treize clients ayant, à la même époque, quitté la société Ryvol pour le cabinet Care, la société Ryvol a invoqué le débauchage, par la société cabinet Care, de ses deux anciennes collaboratrices.

Par ordonnance rendue sur requête en date du 3 avril 2013, le président du tribunal de commerce de Paris a, à la demande de la société Ryvol qui souhait connaître les conditions précises d’embauche des deux salariées par la société Care et si ces embauches s’étaient accompagnées de détournements d’éléments matériels issus des dossiers clients du cabinet, commis Maître [E], huissier audiencier du tribunal en qualité de mandataire de justice, pour exécuter les missions de constat et de recherche de documents demandés par la requérante.

A l’issue des opérations de constat, la société Ryvol a saisi le tribunal de commerce de Paris le 23 septembre 2014 aux fins de voir condamner la société Care pour concurrence déloyale.

Par jugement rendu le 14 septembre 2015, le tribunal de commerce de Paris a :

– débouté la société Cabinet Care de sa demande d’annulation de l’ensemble des procès-verbaux de constats, consécutifs aux ordonnances des 3 avril, 16 octobre et 26 novembre 2013 ;

– confirmé la validité des opérations de l’huissier instrumentaire et des procès-verbaux subséquents ;

– débouté la société Cabinet Care de sa demande d’irrecevabilité de pièces et de restitution des documents, fichiers ou données saisis ;

– condamné la société Cabinet Care à payer à la société Fiduciaire Ryvol & Associés, la somme de 12.688 euros à titre de dommages-intérêts pour actes de concurrence déloyale ;

– condamné la société Cabinet Care à payer à la société Fiduciaire Ryvol & Associés la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonné l’exécution provisoire sans caution ni garantie ;

– débouté les parties de leur demandes autres, plus amples ou contraires ;

– condamné la société Cabinet Care aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA.

Vu l’appel interjeté le 13 octobre 2015 par la société Fiduciaire Ryvol & Associés ;

***

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société Ryvol & Associés, par conclusions signifiées 28 avril 2016, demande, au visa de l’article 1382 ancien du code civil, de :

– dire la société Ryvol, recevable et bien fondée en ses fins, moyens et prétentions d’appel ;

Par conséquent,

Y faisant droit,

– infirmer partiellement le jugement entrepris ;

– dire que la société Care a commis des agissements constitutifs de concurrence déloyale au préjudice de la société Ryvol ;

– condamner en conséquence la société Care à réparer les conséquences dommageables desdits agissements ;

– la condamner au paiement des sommes de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts et de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Sur la validité des opérations de constat sur requête, la société Ryvol expose :

– sur la nullité tirée de l’interdiction faite à la société Care de vérifier le périmètre de la mission, que la société Care ne peut reprocher à l’huissier tout à la fois de ne pas lui avoir notifié la liste contenue dans la pièce n°16 jointe à la requête et d’avoir saisi la liste des clients de la société Care et de l’avoir communiquée à Ryvol ;

– sur le moyen de la nullité tirée du secret professionnel, qu’aucune correspondance à caractère privé ou confidentiel n’a été extraite des fichiers saisis.

Elle souligne que la concurrence déloyale est établie lorsqu’un nouvel employeur détourne la clientèle du concurrent, ou lorsque le débauchage entraîne la désorganisation de l’entreprise en raison de la taille de celle-ci. Elle estime, sur le fondement de l’article 163 du code de déontologie de la profession d’expert-comptable, que la méconnaissance d’une obligation déontologique, comme celles de l’expert-comptable en l’espèce, est une faute susceptible de donner droit à réparation, par exemple pour préjudice moral, sur le fondement d’une action en concurrence déloyale. Elle fait valoir que plusieurs éléments permettent de caractériser la faute de la société Care :

– mise en place par la société Care d’un système d’intéressement sur apport de clientèle par les anciennes employées de la société Ryvol ;

– reprise des dossiers par la société Care, avant même l’information du cabinet Ryvol ;

– acceptation des missions avant d’en avoir dûment informé son prédécesseur

encaissement des honoraires et l’encouragement au non-paiement des honoraires qui restaient dus par certains clients de la société Ryvol.

Sur le montant du préjudice, la société Ryvol considère avoir subi une perte totale de 160.000 euros conséquence non seulement de la perte directe des clients mais également de la désorganisation du cabinet comptable incapable d’assurer normalement toutes ses missions.

La société Care, par conclusions signifiées le 29 février 2016, demande, au visa des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 relative à la profession d’avocat, 488 du code de procédure civile et 1382 ancien du code civil, de :

– réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

– annuler l’ensemble des procès-verbaux de constats dressés par Maître [F] [E], huissier audiencier près le tribunal de commerce de Paris, en exécution des ordonnances des 3 avril, 16 octobre et 26 novembre 2013 rendues dans la présente affaire par le président du tribunal de commerce de Paris, statuant successivement en qualité de juge des requêtes et de juge des référés ;

– déclarer irrecevables les pièces versées par la société Ryvol sous les numéros 22, 23, 25, 27 à 56, 60 à 65 ;

– ordonner à la société Ryvol de restituer, sans droit d’en conserver copie sous quelque support que ce soit, tous documents, fichiers ou données émanant de la société Cabinet Care et reçus dans le cadre de la mesure d’instruction susvisée ;

– débouter la société Ryvol de toutes ses demandes ;

– la condamner à payer à la société Cabinet Care la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et au paiement de tous dépens.

Elle conclut à l’annulation des mesures d’instruction ordonnées dans les locaux de la société Care, sur lesquelles se fonde la société Ryvol, aux motifs que l’huissier poursuivant a empêché le requis de vérifier l’étendue des investigations autorisées par le juge et que ledit huissier a saisi des documents couverts par le secret professionnel.

Sur le fond, elle conteste que ses agissements soient constitutifs d’actes de concurrence déloyale.

Elle souligne que la société Ryvol ne rapporte pas la preuve du caractère déloyal du comportement de la société Care et rappelle que le client est libre de choisir son prestataire.

Sur le débauchage allégué des salariés de la société Ryvol, elle soutient que les contrats de travail des deux salariées excluent tout intéressement dans le cas où des clients de la société Ryvol la démarcheraient. Elle ajoute que les augmentations consenties à ces deux salariées ne sont que de 5 % et ne sont donc pas anormalement élevées.

Elle précise que le départ des deux salariées concernées n’a entraîné aucune désorganisation de Ryvol ; il n’y a eu en réalité qu’une simple réorganisation, Ryvol ayant recruté deux personnes en remplacement de ses salariées démissionnaires.

Elle souligne qu’il n’y a eu aucun détournement de la clientèle de la société Ryvol par la société Care, et que d’ailleurs la jurisprudence ne sanctionne pas le transfert de clientèle en tant que telle, et n’assimile pas une faute déontologique (en l’espèce, l’absence d’avertissement à l’ancien expert-comptable avant le transfert du dossier) à un acte de concurrence déloyale.

Elle ajoute que la société Ryvol n’apporte aucune démontration du préjudice invoqué.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.

***

MOTIFS :

‘ Sur la nullité du procès-verbal de constat d’huissier

Considérant que, par ordonnance en date du 3 avril 2013, le président du tribunal de commerce de Paris, sur le fondement des articles 145 et 149 du code de procédure civile, a commis ‘Maître [F] [E], huissier audiencier de ce tribunal, en qualité de mandataire de justice, avec mission de :

– se rendre au siège social de la SAS Cabinet Care, situés au [Adresse 3], ou en tout autre lieu où serait assurée la gestion administrative et/ou exploitation de ladite société, afin de :

‘ constater que Mesdames [V] [B] et [K] [M] née [V] sont présentes, ou y sont bien employées,

‘ se faire remettre ou rechercher :

1) les lettres ou courriers électroniques échangés entre le Cabinet Care et Mesdames [B] et [M], et ce pour la période courant du 1er avril 2012 jusqu’à la date des opérations de constat,

2) les promesses d’embauche, avant-contrats, contrats de travail ou lettres d’engagement établis pour chacune d’entre elles,

3) les lettres ou courriers électroniques échangés entre le Cabinet Care et les clients ou anciens clients de la société Fiduciaire Ryvol § Associés qui étaient suivis par Mesdames [B] et [M], et ce pour la période courant du 1er avril 2012 jusqu’à la date des opérations de constat,

4) les lettres de mission, devis, factures établis pour les clients ou anciens clients de la société Fiduciaire Ryvol § Associés qui étaient suivis par Mesdames [B] et [M], et ce pour la période courant du 1er avril 2012 jusqu’à la date des opérations de constat,

5) les dossiers, fichiers de toute nature (copies de dossiers physiques, fichiers informatiques, documentations diverses) appartenant ou en provenance de la société Fiduciaire Ryvol § Associés ;

Pour ce faire,

– se faire communiquer au préalable par la requérante tout document de nature à justifier la liste des clients ou anciens clients de la société RYVOL & Associés qui étaient suivis par Mesdames [B] et [M], tels que leur nom commercial ou raison sociale figurent sur la liste établie et communiquée en pièce n°16,

– se faire communiquer par la partie défenderesse les codes d’accès, notamment informatiques, nécessaires à l’exécution de sa mission ; ‘ ;

(‘) ‘Autorisons le mandataire, en cas de difficultés dans la sélection et le tri des éléments recherchés, notamment au regard de leur volume, en cas de difficultés rencontrées dans l’accès aux supports informatiques de la société à procéder à une copie complète en deux exemplaires des fichiers, des disques durs et autres supports de données qui lui paraitront nécessaires en rapport avec la mission confiée, dont une copie placée sous séquestre servira de référentiel et ne sera pas transmise à la partie requérante, et l’autre copie servira au mandataire à procéder, de manière différée, avec l’aide de technicien choisi par lui, à l’ensemble des recherches et analyses visées ci-dessus ;’

(‘) ‘Disons que les parties viendront devant nous, en référé, afin d’examen, en présence du mandataire de justice, des pièces séquestrées et qu’il soit statué sur la communication desdites pièces ;’ ;

Considérant que la société Fiduciaire Ryvol § Associés fait valoir qu’en n’interjetant pas appel de l’ordonnance de référé du 16 octobre 2013, qui l’a déboutée, notamment, de ses demandes de rétractation de l’ordonnance du 3 avril 2013 et de nullité du constat du 11 juin 2013, la société Cabinet Care a implicitement ratifié les opérations de constat et de saisie et ne peut, à présent, en invoquer la nullité ; que, toutefois, la compétence du juge des référés, qui a statué sur une demande de rétractation de l’ordonnance du 3 avril 2013 et de nullité du constat, ne fait pas obstacle à ce que le juge du fond saisi de l’affaire apprécie la régularité des éléments de preuve qui lui sont soumis ; que la société Cabinet Care est en conséquence recevable en sa contestation de la validité des opérations de constat ;

Considérant que société Cabinet Care fait, en premier lieu, valoir que le requis doit être informé de l’étendue des investigations autorisées afin de lui permettre de contrôler si ce cadre est respecté, et que tel n’a pas été le cas en l’espèce, l’huissier de justice ayant refusé de communiquer au conseil du Cabinet Care la pièce n°16 comprenant la liste des clients revendiqués par la société Fiduciaire Ryvol § Associés ;

Mais considérant que l’article 495 du code de procédure civile dispose que l’ordonnance sur requête est exécutoire au seul vu de la minute et que copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée ; qu’il n’est pas contesté que la requête et l’ordonnance du président du tribunal de commerce en date du 3 avril 2013 ont été portées à la connaissance du représentant de la société Care, ainsi qu’en fait foi le procès-verbal de constat dressé le 11 juin 2013 qui précise : ‘après avoir pris connaissance de la requête et de l’ordonnance, Monsieur [A]…’ ; que l’article 495 précité ne prescrit nullement la notification des pièces jointes à la requête ; que l’absence de communication au représentant de la société Cabinet Care de la pièce n°16 jointe à la requête n’a porté aucune atteinte au principe de la contradiction dès lors que la mesure ordonnée se bornait à des constats dont l’objet était circonscrit, avec toute la précision nécessaire, par la requête et par l’ordonnance, lesquelles ont été notifiées au requis ;

Considérant que la société Cabinet Care soutient, en second lieu, que, dans le cadre des opérations de constat et de saisie, l’huissier aurait saisi des correspondances échangées entre Madame [M] et son avocat, documents couverts par le secret professionnel, en violation de l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 qui dispose qu’ ‘en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, (…) et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel’ ;

Mais considérant qu’ainsi que l’indique Ryvol, Maître [E], par suite de l’ordonnance du juge des référés ordonnant la mainlevée du séquestre, a dressé, le 3 février 2014, un procès-verbal duquel il résulte qu’aucune correspondance à caractère privé, ou couvert par le secret professionnel n’a été extraite des fichiers saisis (pièce Ryvol n°20) ; que les captures d’écran du contenu d’une clé USB dont Care prétend qu’un exemplaire lui a été remis (pièce Care n°8) ne présentent à cet égard pas de caractère probant suffisant ;

Que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté la société Cabinet Care de ses moyens de nullité ;

‘ Sur le fond

Considérant que Madame [K] [M], collaboratrice comptable, a démissionné du cabinet Ryvol le 8 août 2012, avec effet au 28 septembre 2012, à l’expiration de ses congés payés et de son préavis ; que Madame [V] [B], collaboratrice comptable, a présenté sa démission du même cabinet le 28 août 2012, avec effet au 30 septembre 2012, à l’issue de son préavis ;

Considérant que la société Ryvol se réfère, au soutien de ses griefs de concurrence déloyale, au départ, pour le cabinet Care, de treize de ses clients au dernier trimestre de 2012 : les sociétés Eurolight System, HDS, MLB, Tolbiac L’Italien, Monsieur [R] [K], Monsieur [X] [C], le docteur [Q] [Y], le docteur [H] [N], le docteur [P] [Q], la SCM du [Adresse 4], la SARL Cardinal Mercier, la SCI Nobel, Madame [N] [W] ;

Considérant que le principe de la liberté du commerce et de l’industrie autorise les entreprises à s’attacher les salariés de concurrents sous réserve qu’elles ne commettent pas d’actes déloyaux à l’encontre de ces derniers ; que le débauchage, consistant, pour une entreprise, à inciter certains salariés d’un concurrent à quitter leur emploi pour les attirer en son sein, n’est illicite que s’il résulte de manoeuvres déloyales ou tend à l’obtention déloyale d’avantages dans la concurrence, de nature à désorganiser l’entreprise concurrente ; qu’ainsi que l’a retenu le jugement entrepris dont la cour adopte sur ce point les motifs, aucun débauchage, par Care, des deux salariées concernées n’est, en l’espèce, caractérisé ; qu’en effet, ni Madame [M], ni Madame [B] n’était liée par une clause de non-concurrence ; que, compte tenu de l’absence de pièces établissant des échanges, avant le 1er octobre 2012, entre Care et les deux salariées en cause, aucune incitation au départ de Care à l’égard de ces salariées, avec intention de nuire, n’est avérée ; qu’une proposition de rémunération plus élevée – en l’espèce de seulement 5 % – ne constitue pas un procédé déloyal à l’égard de l’ancien employeur du salarié concerné ; que la société Ryvol ne rapporte la preuve d’aucun élément propre à établir l’utilisation, par Care, de procédés déloyaux pour inciter les salariées concernées à démissionner ; que la décision déférée sera, en conséquence, confirmée de ce chef ;

Considérant que la société Ryvol soutient, par ailleurs, que le transfert des dossiers de douze clients de la société Ryvol au cabinet Care s’est effectué en méconnaissance des règles déontologiques de la profession d’expert-comptable, en l’espèce de l’article 163 du code de déontologie, ce qui établit que de tels agissements sont constitutifs de concurrence déloyale ;

Considérant que l’article 163 du code de déontologie des experts-comptables dispose que ‘les personnes mentionnées à l’article 141 appelées par un client ou adhérent à remplacer un confrère ne peuvent accepter leur mission qu’après en avoir informé ce dernier. Elles s’assurent que l’offre n’est pas motivée par la volonté du client ou adhérent d’éluder l’application des lois et règlements ainsi que l’observation par les personnes mentionnées à l’article 141 de leurs devoirs professionnels. Lorsque les honoraires dus à leur prédécesseur résultent d’une convention conforme aux règles professionnelles, elles doivent s’efforcer d’obtenir la justification du paiement desdits honoraires avant de commencer leur mission. A défaut, elles doivent en référer au président du conseil régional de l’ordre et faire toutes réserves nécessaires auprès du client ou adhérent avant d’entrer en fonctions. (‘) Le prédécesseur favorise, avec l’accord du client ou adhérent, la transmission du dossier.’ ;

Considérant que les pièces versées aux débats établissent que c’est avant-même l’information du précédent expert-comptable que le cabinet Care a adressé à douze de ses nouveaux clients les lettres de mission et a engagé ses travaux ; que, de même, le cabinet Care ne s’est pas assuré, lorsqu’il a entamé sa mission, que les honoraires avaient été payés par ces derniers dans leur intégralité à la société Ryvol ;

Mais considérant qu’une faute déontologique ne peut constituer un acte de concurrence déloyale que s’il est établi qu’elle est à l’origine du transfert de clientèle ; que tel n’est pas le cas de la seule violation alléguée dès lors qu’il n’est pas démontré que le défaut d’envoi de la lettre exigée avant le transfert du dossier et l’absence de justification du paiement des honoraires au prédécesseur sont à l’origine de l’éventuel détournement de clientèle ; qu’en conséquence, la cour dira qu’aucun acte de concurrence déloyale n’est caractérisé à l’encontre du cabinet Care, déboutera la société Ryvol de l’intégralité de ses demandes et infirmera en ce sens le jugement entrepris ;

Considérant que l’équité commande de condamner la société Ryvol à payer au cabinet Care la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

 


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