Nullité de constat : 20 juin 2019 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 16/22266

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Nullité de constat : 20 juin 2019 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 16/22266
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2019

N° 2019/246

N° RG 16/22266

N° Portalis DBVB-V-B7A-7WSG

SAS P’TIT MOME

C/

SARL DAVIMAR

SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Paule ABOUDARAM

Me Joanne REINA

Me Agnès ERMENEUX- CHAMPLY

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 13 Octobre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 13/04637.

APPELANTE

SAS P’TIT MOME, dont le siège social est sis […]

représentée par Me Paule ABOUDARAM, avocat au barreau d’AIX-EN- PROVENCE, assistée par Me Muriel ANTOINE LALANCE, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMEES

SARL DAVIMAR, dont le siège social est sis […]

représentée par Me Joanne REINA, avocat au barreau de MARSEILLE, assistée par Me Pierre CYCMAN, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Chloé SAVELDELLI, avocat au barreau de PARIS, plaidant

SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE immatriculée au R.C.S. de SAINT ETIENNE sous le numéro 428 268 023, dont le siège social est sis […]

représentée par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX- ARNAUD- CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Pierre CUSSAC, avocat au barreau de PARIS, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 16 Mai 2019 en audience publique. Conformément à l’article 785 du code de procédure civile, Monsieur Pierre CALLOCH, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2019,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

La société DAVIMAR est spécialisée dans la création et la commercialisation de vêtements de prêt à porter diffusés sous la marque BERENICE. Elle commercialise notamment des vêtements au dos desquels est reproduit un dessin d’ailes d’anges, emblématique selon elle de sa marque.

Constatant en 2012 la vente dans des magasins du groupe CASINO de T-shirts fabriqués par la société P’TIT MOME portant des ailes d’anges au dos, la société DAVIMAR a fait procéder à des saisies contrefaçons le 10 décembre 2012 au magasin CASINO de MANDELIEU et au siège social de la société DISTRIBUTION CASINO sur le fondement de la contrefaçon de droits d’auteur.

Par actes en dates des 2 et 3 avril 2013, la société DAVIMAR a fait assigner la société P’TIT MOME et la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE devant le tribunal de grande instance de MARSEILLE en contrefaçon de ses droits d’auteur et en concurrence déloyale, demandant à la juridiction leur condamnation au paiement de dommages intérêts et diverses mesures d’interdiction et de destruction.

Suivant jugement en date du 13 octobre 2016, le tribunal a jugé la société P’TIT MOME et la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE coupables de contrefaçon de droits d’auteur, les a condamnées à verser à la société DAVIMAR une somme de 20 000 € de dommages intérêts, leur a interdit tout acte de fabrication et de commercialisation sous astreinte du produit contrefaisant, les a condamnées à verser à la demanderesse la somme de 8 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et a débouté la société DAVIMAR du surplus de leurs demandes. Par ce même jugement, dont la publication a été ordonnée, le tribunal a condamné la société P’TIT MOME à garantir la société DISTRIBUTION CASINO de l’ensemble des condamnations et à lui verser une somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Suivant déclarations enregistrées au greffe le 14 décembre 2016 et le 16 décembre 2016, les sociétés P’TIT MOME et DISTRIBUTION CASINO ont interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 13 janvier 2017, le conseiller de la mise en état a joint les deux procédures d’appel.

Suivant ordonnance en date du 23 avril 2019, le même conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a renvoyé l’examen de l’affaire à l’audience du 16 mai 2019.

La société P’TIT MOME, par conclusions déposées au greffe le 3 avril 2019, demande à la cour, à l’appui de son appel, d’examiner les trois dessins revendiqués par la société DAVIMAR. Elle conteste la titularité des droits d’auteur sur le dessin de 2005, la commercialisation du dessin du modèle ADELINE et celle du modèle SEB 1, ce qui rendrait la société DAVIMAR irrecevable en ses demandes. Sur le fond, elle conteste toute originalité des oeuvres revendiquées, rappel étant fait en particulier que cette protection ne peut concerner une idée ou un concept, en l’espèce la représentation d’ailes dans le dos. Sur la contrefaçon, elle rappelle que la comparaison entre l’oeuvre et celle alléguée contrefaisante doit se faire au vu des ressemblances existant entre les éléments véritablement dotés d’originalité. Elle conteste enfin l’appréciation faite par le tribunal du montant des dommages intérêts au vu des éléments économiques du litige. Elle affirme que l’action est constitutive d’un abus d’ester en justice et justifie l’octroi de dommages intérêts. Elle relève l’absence de faits distincts de la contrefaçon allégués pour justifier des demandes en concurrence déloyale et en parasitisme et conclut sur ce point à la confirmation de la décision déférée. Elle demande en conséquence à la cour de :

INFIRMER le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 13 octobre 2016 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté la société DAVIMAR de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme.

STATUANT A NOUVEAU,

DIRE ET JUGER que les trois dessins dits « Ailes Bérénice ”, « ANELINE 4 ” et « SEB1 ” ne sont pas éligibles à la protection du droit d’auteur.

DIRE ET JUGER la société DAVIMAR irrecevable à tout le moins mal fondée en ses demandes au titre de la contrefaçon.

DIRE ET JUGER la société DAVIMAR irrecevable à tout le moins mal fondée en son appel incident.

DEBOUTER en conséquence la société DAVIMAR de toutes ses demandes à toutes fins qu’elles comportent.

CONDAMNER la société DAVIMAR à payer à la société P’TIT MOME la somme de 80.000€ à titre de dommages et intérêts pour saisie et procédure abusives et réparation de son préjudice

CONDAMNER la société DAVIMAR à payer à la société P’TIT MOME la somme de 20.000€ au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER la société DAVIMAR aux entiers dépens de la procédure.

A l’appui de son appel, par conclusions déposées au greffe le 17 avril 2019, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE conteste en premier lieu les actes de contrefaçon. Elle soulève la nullité du constat d’achat du 14 septembre 2012 ainsi que des procès verbaux de saisie contrefaçon des 10 et 12 décembre 2012 pour non respect des délais des articles L 332-3 et R 332-3 du Code de la propriété intellectuelle et affirme que l’instance ne concerne que le modèle de T-shirt SEBI 1, les demandes relatives au modèle ANELINE4 n’ayant pas été exposées en première instance.

Sur le modèle SEBI 1, elle conteste l’originalité du dessin revendiqué par la société DAVIMAR et fait observer que ni le tribunal, ni la demanderesse n’ont caractérisé celle ci, reprenant des caractéristiques qui ne sont pas celles du modèle SEBI 1.Le dessin de ce modèle se contenterait de reprendre les traits communs présents dans la culture du tatouage. Elle rappelle les règles jurisprudentielles relatives à la caractérisation de la contrefaçon des droits d’auteur et soutient que le tribunal en a fait une application erronée. La contrefaçon ne serait en conséquence pas établie. Subsidiairement, selon elle, le tribunal aurait surévalué le préjudice subi et aurait notamment à tort retenu l’existence d’un manque à gagner. Sur ce point, la demande d’expertise devrait être rejetée, la cour ne pouvant suppléer la carence de la demanderesse dans l’établissement de la preuve. Enfin, la publication du jugement ne serait pas justifiée au vu des éléments factuels de la cause.

La société DISTRIBUTION CASINO FRANCE conclut à la confirmation de la décision en ce qu’elle a débouté la partie adverse de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme, notamment du fait de l’absence de risque de confusion. Elle excipe là encore de l’absence de préjudice démontré.

La société DISTRIBUTION CASINO FRANCE conclut enfin à la confirmation de la décision en ce qu’elle a condamné la société P’TIT MOME à la garantir de toutes les condamnations en application de l’accord commercial conclu entre les parties.

Au terme de ses écritures, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE demande à la cour de :

A titre principal,

– Vu les articles 9 du Code civil et 6, paragraphe 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, annuler le procès-verbal de constat d’achat du 14 septembre 2012 en ce que l’huissier était assisté d’une employée de la société DAVIMAR, dépendante de celle-ci ;

– Vu les articles L 332-3 et R 332-3 CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE, constater que la société DAVIMAR n’a saisi le Tribunal de la demande visant à la prétendue contrefaçon du modèle SEBI1 que par conclusions du 15 septembre 2015, hors du délai imparti par ces textes, en conséquence annuler les procès-verbaux de saisie contrefaçon des 10 et 12 décembre 2015 ;

– En conséquence, constater que la société DAVIMAR n’établit pas la consistance du dessin figurant, prétendument, au dos du tee-shirt argué de contrefaçon et, infirmant le jugement entrepris, la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire,

– Vu les articles 564 et 565 CODE DE PROCÉDURE CIVILE, dire et juger irrecevables les demandes de la société DAVIMAR en ce qu’elles visent à faire constater la contrefaçon de ses modèles ailes BERENICE et ANELINE4

– Vu l’article 31 CODE DE PROCÉDURE CIVILE dire irrecevables les demandes de la société DAVIMAR visant à faire constater que les modèles ailes BERENICE et ALINE4 sont éligibles à la protection des droits d’auteur

– constater que le Tribunal n’a pas identifié les caractéristiques dont le modèle SEBI1 tire son originalité et qu’il n’a pas établi en quoi le tee-shirt litigieux reprenait ces éléments caractéristiques,

– constater que la société DAVIMAR est toujours défaillante en appel à établir les caractéristiques du modèle SEBI1

– infirmant le jugement entrepris, dire que la société DAVIMAR, faute d’identifier précisément les caractéristiques de SEBI1 dont elle sollicite la protection au titre du droit d’auteur, n’établit pas l’originalité de ce modèle ;

– en conséquence, la dire irrecevable et en tout cas mal fondée en sa demande au titre de la contrefaçon alléguée et la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions.

A titre plus subsidiaire

– constater que la société DAVIMAR n’établit pas que des caractéristiques précises du modèle SEBI1 dont il tirerait son originalité soient reproduites par le dessin du tee-shirt litigieux,

– en conséquence, infirmant le jugement entrepris, dire que la société DAVIMAR n’établit pas que la contrefaçon alléguée soit constituée et la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,

A titre infiniment subsidiaire,

– infirmant le jugement entrepris, rapporter la condamnation à titre de dommages intérêts prononcée à de plus justes proportions et dire que la décision à intervenir ne donnera pas lieu à publication.

SUR LA CONCURRENCE DÉLOYALE ET LE PARASITISME

A titre principal

– Prononcer la nullité des trois procès-verbaux des 14 septembre, 10 et 12 décembre 2012 pour les motifs visés ci-dessus, constater que la société DAVIMAR n’établit pas les faits nécessaires au soutien de ses prétentions afférentes à la concurrence déloyale et au parasitisme, en conséquence, confirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée des dites prétentions

A titre subsidiaire

– Constater que la société DAVIMAR n’établit pas de fait distinct de ceux de contrefaçon au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme, en conséquence, confirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de ses prétentions au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme

A titre plus subsidiaire

– Ramener les demandes indemnitaires de la société DAVIMAR au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme à de plus justes proportions.

SUR LA GARANTIE DE LA SOCIÉTÉ P’TIT MOME

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la société P’TIT MOME devait à la société

DISTRIBUTION CASINO France sa garantie quant à l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre,

Condamner la société DAVIMAR, et à défaut la société P’TIT MOME, à verser à la société DISTRIBUTION CASINO France une indemnité de 25.000 € au titre de l’article 700 CODE DE PROCÉDURE CIVILE compte tenu des frais irrépétibles exposés tant en appel qu’en première instance,

Condamner la société DAVIMAR, et à défaut la société P’TIT MOME, en tous les dépens.

La société DAVIMAR, par conclusions déposées le 19 avril 2019, demande à la cour de confirmer la décision en ce qu’elle a retenu l’existence d’une contrefaçon de droits d’auteur. Elle invoque la titularité sur le dessin invoqué ainsi que le caractère original de celui ci. Elle demande à la cour de retenir les procès verbaux versés et précise que les modèles argués de contrefaçon sont bien les T Shirts ANELINE 4 et SEBI 1.

Sur l’originalité, la société DAVIMAR rappelle que le modèle a été créé dès l’année 2005 et se réfère à l’impression d’ensemble dégagée par celui-ci. La contrefaçon serait établie et de manière incidente, la société DAVIMAR demande que le jugement soit réformé sur le montant des dommages intérêts à allouer, ceux ci devant être fixés à la somme de 90 000 €.

La société DAVIMAR affirme que contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, les deux défenderesses ont commis des fautes distinctes de la contrefaçon, souhaitant profiter de la notoriété du dessin en créant une confusion dans l’esprit des consommateurs. Elle relève en outre l’existence de l’étiquette ‘modèle déposée’ destinée à revendiquer la paternité de l’oeuvre illicitement reproduite. La société DAVIMAR conclut enfin à l’existence d’actes de parasitisme, les défenderesses ayant tenté de profiter de la notoriété de la marque sans bourse délier. Le préjudice en résultant devait être fixé à la somme de 100 000 €. La société DAVIMAR sollicite subsidiairement une mesure d’expertise afin de faire évaluer les préjudices résultant tant de la contrefaçon que des actes de concurrence déloyale et de parasitisme. Au terme de ses écritures, la société DAVIMAR demande à la cour de :

SUR L’APPEL PRINCIPAL :

Confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille, du 13 octobre 2016 en ce qu’il a :

Ecarté la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés P’TIT MOME et distribution CASINO France et dit que la société DAVIMAR est recevable à agir en contrefaçon de ses droits d’auteur sur son dessin d’ailes d’ange ;

Dit que le dessin d’ailes d’ange créé en 2005 et ses déclinaisons à savoir les ailes d’ange figurant sur les tee shirt ANELINE 4 et SEB 1 sont éligibles à la protection instaurée par les livres I et III du code de la propriété intellectuelle ;

Dit qu’en faisant fabriquer et en commercialisant un tee shirt sous la référence 855002 portant au dos une paire d’ailes d’ange, la société P’TIT MOME et la société DISTRIBUTION CASINO France ont commis des actes de contrefaçon des droits d’auteur de la société DAVIMAR ;

Fait interdiction aux sociétés P’TIT MOME et DISTRIBUTION CASINO France de fabriquer, faire fabriquer, vendre ou faire vendre le tee shirt commercialisé sous la référence 855002 portant au dos une paire d’ailes d’ange et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement ;

Ordonné la publication du jugement aux frais avancés des sociétés P’TIT MOME et DISTRIBUTION CASINO France de la décision à intervenir dans trois journaux au choix de la société DAVIMAR sans que le coût de chaque publication ne puisse excéder la somme de 1.500 euros HT ;

Débouté P’TIT MOME de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamné les sociétés P’TIT MOME et DISTRIBUTION CASINO France, in solidum, aux entiers dépens de l’instance, comprenant les frais de saisie-contrefaçon ;

Condamné les sociétés P’TIT MOME et DISTRIBUTION CASINO France, in solidum, à payer à la société DAVIMAR une somme de 8.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dit que les dépens seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamné la société P’TIT MOME à garantir la société DISTRIBUTION CASINO France de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;

Débouter les sociétés P’TIT MOME et DISTRIBUTION CASINO FRANCE de leurs

demandes, fins et conclusions ;

SUR L’APPEL INCIDENT :

Il convient de DIRE ET JUGER l’appel incident formé régulièrement par la société DAVIMAR, recevable et fondé et, en conséquence, de :

– DIRE ET JUGER que, indépendamment des actes de contrefaçon susvisés, les sociétés DISTRIBUTION CASINO et P’TIT MOME, se sont rendus coupables d’actes de concurrence déloyale et de parasitisme au préjudice de la société DAVIMAR ;

– Les CONDAMNER sous la même solidarité à verser à la société DAVIMAR une somme de 100 000 € en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et de parasitisme ;

– CONFIRMER que les sociétés P’TIT MOME et DISTRIBUTION CASINO France se sont rendues coupables d’actes de contrefaçon ;

– Les CONDAMNER, solidairement ou in solidum, les sociétés DISTRIBUTION CASINO et P’TIT MOME à payer à la société DAVIMAR une indemnité de 90 000 € en réparation du préjudice subi au titre des actes de contrefaçon ;

– CONDAMNER solidairement les sociétés DISTRIBUTION CASINO et P’TIT MOME à verser à la société DAVIMAR une indemnité de 20 000 € supplémentaire au titre de l’article 700 du code de procédure civile, cette somme s’ajoutant à celle qui a été accordée aux concluants par le Tribunal de première instance.

A TITRE SUBSIDIAIRE, et pour le cas où la Cour s’estimerait insuffisamment informée,

– DESIGNER tel expert-comptable qu’il lui plaira à l’effet de :

Se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à sa mission,

Entendre tous sachants,

Se rendre dans les locaux des sociétés intimées à l’appel incident, s’il l’estime nécessaire, donner son avis sur les comptes qui lui seront présentés par les sociétés DISTRIBUTION CASINO et P’TIT MOME, et sur les éléments de préjudice énoncés par les parties, analyser les pièces comptables, notamment les livres d’achats et de ventes des intimées à l’appel incident, déterminer d’une part le nombre de t-shirts référencés « 855002 » commandés,

et d’autre part le nombre de pièces vendues, afin d’établir de façon précise le préjudice subi par DAVIMAR, fournir tous éléments procédant de son domaine particulier de compétence, afin d’éclairer la juridiction saisie sur les origines et les causes techniques des faits litigieux allégués

– DONNER à l’expert les pouvoirs les plus étendus afin de mener à bien sa mission, en disant qu’il devra déposer son rapport dans les trois mois de sa saisine,

– DIRE ET JUGER que les frais et honoraires d’expertise seront supportés par les sociétés P’TIT MOME et DISTRIBUTION CASINO France,

– Dans cette hypothèse, CONDAMNER solidairement les sociétés DISTRIBUTION CASINO et P’TIT MOME à payer à la Société DAVIMAR la somme de 60 000 € à titre de provision sur les dommages et intérêts alloués au titre des actes de contrefaçon ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la validité du procès verbal de constat d’achat en date du 14 septembre 2012

Il résulte des énonciations même du procès verbal d’huissier en date du 14 septembre 2012 que l’achat du T-shirt allégué de contrefaçon a été effectué non par l’huissier instrumentaire, mais par une salariée de la société DAVIMAR ; cet achat a été de surcroît opéré hors la vue de l’huissier et sans que celui ci ne constate que le vêtement était bien en rayon dans le centre commercial CASINO concerné, soit le centre commercial de FRÉJUS ; c’est dès lors à bon droit que la société DISTRIBUTION CASINO conclut à la nullité du procès verbal du 14 septembre 2012 effectué dans des conditions ne permettant pas de vérifier que la preuve est rapportée dans des conditions loyales.

L’annulation du procès verbal d’huissier n’ôte pas leur force probante aux autres pièces établissant l’existence et la commercialisation des modèles argués de contrefaçon ; la cour constate que la société DAVIMAR produit trois factures provenant des magasins CASINO de MARSEILLE VALENTINE, CHENOVE et MANDELIEU accompagnées de trois modèles de T-Shirt portant la marque P’TIT MOME ; ces pièces permettent d’affirmer que ces modèles ont bien été produits par la société P’TIT MOME et commercialisés par la société DISTRIBUTION CASINO, ce qu’au demeurant les intéressées ne contestent pas.

Sur la validité des procès verbaux de saisie contrefaçon en date des 10 et 12 décembre 2012

La validité d’un acte de procédure doit s’apprécier au jour où il a été effectué, et en conséquence en application des textes alors applicables ; les 10 et 12 décembre 2012, le Code de la propriété intellectuelle ne prévoyait en matière de droits d’auteur aucune disposition fixant sous peine de nullité de l’acte de saisie contrefaçon un délai courant à compter du jour du procès verbal de saisie contrefaçon pour saisir le juge du fond ; la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE ne peut en conséquence invoquer les dispositions des articles L 332-4 et R 332-2 du Code de la propriété intellectuelle issus de la loi du 11 mars 2014 et du décret du 19 décembre 2014 pour demander de constater la nullité des procès verbaux de saisie diligentés les 10 et 12 décembre 2012.

Sur l’originalité des oeuvres de l’esprit

La société DAVIMAR invoque la protection des oeuvres de l’esprit pour trois dessins, à savoir le dessin originel d’ailes d’ange qu’elle date de 2005 (ci après Ailes BERENICE), puis le modèle figurant sur le T-shirt SEBI1 puis enfin le dessin figurant sur le modèle ANELINE 4 ; le jugement retient expressément dans son dispositif l’originalité des trois dessins.

Il appartient à l’auteur se prévalant de droits sur une oeuvre de caractériser l’originalité de celle-ci ; force est de constater que la description utilisée par la société DAVIMAR et reprise par le tribunal (quatrième paragraphe de la page 9 du jugement) s’applique manifestement au dessin Ailes BERENICE, notamment en ce qui concerne le haut de forme ovale, les trois rangées de petites plumes arrondies, puis les trois rangées successives de petites plumes et de grandes plumes biffant vers l’extérieur ; sur ce point, la cour estime pertinente l’appréciation des premiers juges considérant que l’assemblage des éléments ainsi décrits donne à l’ensemble une physionomie singulière traduisant des choix esthétiques, choix manifestant l’empreinte personnelle du créateur totalement distincte du fond commun constitué par les traditionnelles représentations d’ailes d’ange en architecture, en art pictural et d’après les photographies produites dans le domaine des tatouages ; c’est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré que le dessin Ailes de BERENICE constituait une oeuvre originale, et donc protégeable.

Le dessin SEBI1 reprend la forme générale du dessin Ailes BERENICE ; il se caractérise essentiellement par la représentation réaliste de plumes d’oiseaux, de tâches blanches tranchant avec le naturalisme de la représentation, et par le choix des couleurs, à dominantes bleues, roses et oranges ; là encore, l’ensemble traduit un choix esthétique manifeste, sans rapport avec les représentations traditionnelles en art pictural des ailes d’anges, qui rend le dessin original ; enfin, le dessin ANELINE 4 se présente lui comme des projections de blanc, noir et orange représentant de manière abstraite la forme stylisée de deux ailes non déployées ; ce dessin ne peut au demeurant être décrit comme une déclinaison du dessin Aile BERENICE, mais bien plutôt comme une stylisation évocatrice originale ; ce dessin sera lui aussi considéré comme original.

Sur la contrefaçon

La contrefaçon d’un dessin est caractérisée par la reproduction, voire l’imitation, sans autorisation de leur auteur, des éléments permettant de considérer l’oeuvre comme originale.

En l’espèce, le dessin argué contrefaisant est le dessin figurant sur les T-shirts achetés dans les magasins MARSEILLE VALENTINE, CHENOVE et MANDELIEU ; ce dessin représente deux ailes séparées recouvertes d’une première couche supérieure de plumes violacées et d’une seconde couche de plumes de couleur rouge s’élargissant vers l’extérieur ; le bord supérieur des ailes figurant leur zone d’attache, est de la même couleur violette que la première rangée de plumes ; ce dessin ne reproduit ni n’imite aucun élément du dessin figurant sur le modèle ANELINE 4, ni dans la forme, ni dans les couleurs, ni dans l’impression d’ensemble ; il reprend globalement la forme des paires d’aile des dessins Ailes BERENICE et SEBI1, mais cette forme appartient au fond commun pictural et architectural évoqué plus haut ; la comparaison avec le dessin Ailes BERENICE permet d’affirmer qu’aucun des éléments conférant à ce modèle son originalité n’est reproduit, ou même imité, notamment la forme blanche aux attaches et les quatre couches de plumes stylisées ; l’impression d’ensemble est totalement différente, le dessin Ailes BERENICE étant fait de formes stylisées et le dessin P’TIT MOME jouant, lui, sur les couleurs et le naturalisme des plumes ; de même, la comparaison entre le dessin SEBI1 et le dessin litigieux fait apparaître lui aussi un recours au fond commun représentatif d’ailes d’ange, mais ne révèle aucune reprise d’éléments faisant du dessin créé par la société DAVIMAR une oeuvre originale, à savoir l’existence de taches blanches arbitraires, le dessin réaliste des plumes et le choix des couleurs ; c’est donc à tort que les premiers juges ont considéré que le dessin utilisé par la société P’TIT MOME constituait une contrefaçon des trois modèles revendiqués par la société DAVIMAR ; il y a lieu dès lors d’infirmer le jugement ayant déclaré les sociétés P’TIT MOME et DISTRIBUTION CASINO FRANCE coupables du délit civil de contrefaçon de droits d’auteur.

Sur les actes de concurrence déloyale et de parasitisme

Une action en concurrence déloyale peut-être engagée concurremment à une action en contrefaçon d’un droit privatif dès lors que le demandeur invoque l’existence de faits distincts des faits allégués au soutient de la demande en contrefaçon ; elle peut l’être à titre subsidiaire, s’il est établi qu’un risque de confusion a été engendré par les agissements adverses.

En l’espèce, la société DAVIMAR invoque une faute distincte des faits allégués, à savoir la volonté des intimées de profiter de sa notoriété en instaurant une confusion dans l’esprit du consommateur ; force est de constater que comme il vient d’être indiqué plus haut, le dessin utilisé par les intéressées ne reproduit aucun élément original des dessins DAVIMAR et le consommateur ne peut en aucun cas être induit en erreur sur la provenance des produits ; la société DAVIMAR excipe par ailleurs de l’utilisation par la société P’TIT MOME d’une étiquette ‘Modèle déposé P’TIT MOME’; elle ne justifie cependant pas en quoi cette étiquette lui causerait un préjudice personnel ; c’est dès lors de manière pertinente que les premiers juges ont rejeté la demande en concurrence déloyale ; pour les mêmes motifs factuels, ils ont à bon droit rejeté la demande formée au titre du parasitisme.

Sur les demandes accessoires

Aucun élément circonstancié ne permet d’affirmer que la société DAVIMAR a procédé à des saisies puis a introduit son action dans une intention de nuire ; la société P’TIT MOME sera déboutée de sa demande en dommages intérêts pour procédure abusive.

La société DAVIMAR succombant à la procédure, elle devra verser à la société P’TIT MOME et à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE chacune la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

 


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