Nullité de constat : 20 septembre 2022 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/07599

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Nullité de constat : 20 septembre 2022 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/07599
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COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 20 SEPTEMBRE 2022

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 19/07599 – N° Portalis DBVK-V-B7D-ONBN

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 21 OCTOBRE 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 17/02881

APPELANTS :

Monsieur [P] [E]

né le 19 Juillet 1968 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représenté par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES-SENMARTIN ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représenté par Me Yves FOURNIE, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant

Madame [K] [G] divorcée [E]

née le 21 Avril 1935 à [Adresse 5] (66)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES-SENMARTIN ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représenté par Me Yves FOURNIE, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant

INTIMES :

Monsieur [V] [S] – [W] [J]

né le 04 Décembre 1952 à [Localité 7] (21)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Bertrand CHAPY de la SAS RESOLVANCE AVOCATS, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

SARL WHITE CAT prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Bertrand CHAPY de la SAS RESOLVANCE AVOCATS, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

Ordonnance de clôture du 07 Juin 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 JUIN 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre chargé du rapport et M. Emmanuel GARCIA, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Madame Leïla REMILI, Vice-présidente placée

Greffier lors des débats : Madame Audrey VALERO

ARRET :

– Contradictoire.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 28 juin 2002, [V] [J] a acquis un fonds de commerce et le droit au bail commercial dans des locaux dont [P] [E] était nu propriétaire, et [K] [E] usufruitière.

Par acte du 18 juillet 2012, [V] [J] a donné le fonds de commerce en location-gérance à une société GJC dont le gérant était [O] [R].

Par acte du 25 novembre 2015, [V] [J] a notifié au bailleur une demande de renouvellement du bail commercial qui s’est poursuivi pour une nouvelle durée de neuf ans.

Par acte du 18 octobre 2016, [V] [J] a cédé le fonds de commerce à la société White Cat créée par [O] [R].

Par actes du 11 août et du 22 août 2017, les consorts [E] ont fait citer [V] [J] et la société White Cat pour faire prononcer la résiliation du bail aux motifs de travaux sans l’autorisation du bailleur, d’une activité de restauration sur place distincte de celle prévue au bail de bar tabac, de la mise en location-gérance sans autorisation du bailleur et en violation des stipulations du bail.

[V] [J] et la société White Cat opposent la nullité du procès-verbal d’huissier du 24 mai 2017 en raison d’un stratagème déloyal de se présenter comme un client, qu’il n’y a pas eu de transformation des locaux, mais une rénovation et mise aux normes, que l’activité connexe résulte du bail précédent dont le renouvellement a purgé les droits du preneur, que le bail ne stipule pas de conditions d’information d’une location-gérance ni d’une cession de fonds de commerce.

Le jugement rendu le 21 octobre 2019 par le tribunal de Grande instance de Perpignan énonce dans son dispositif :

– Rejette la demande de nullité du procès-verbal d’huissier.

– Déboute les consorts [E] de l’ensemble de leurs demandes.

– Condamne les consorts [E] à payer la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Le jugement rejette l’argument d’un stratagème déloyal de l’huissier pour établir la preuve de ses constatations en s’installant en terrasse comme un client pour observer l’activité exercée.

Il rejette la demande de résiliation de plein droit alors que le bailleur n’a pas mis en demeure préalablement d’exécuter les conditions contractuelles.

Il observe que la déclaration préalable en mairie pour les travaux de rénovation d’une véranda existante n’a pas fait l’objet d’opposition, que l’huissier a constaté que la véranda antérieure était fixée sur la façade de la même façon que la nouvelle, de sorte que les travaux ne caractérisent pas une transformation de la structure ou une démolition soumise à autorisation du bailleur, et encore moins concernant une enseigne lumineuse qui est un élément de communication nécessaire au commerce.

Concernant la modification d’activités, le jugement observe que [V] [J] a fait connaître à son bailleur par acte du 28 janvier 2008 l’intention d’adjoindre à l’activité café bar celle de restauration rapide sans cuisson sur place, et par réponse du 15 février 2008, [K] [E] s’est opposée à l’adjonction d’une activité de restaurant. Cependant, la demande de renouvellement du bail commercial par acte du 25 novembre 2015 pour une nouvelle durée de neuf ans a été acceptée, de sorte que le bailleur n’est plus recevable à invoquer des manquements commis pendant le bail précédent, et il n’est pas démontré la poursuite de manquements par une activité de restaurant pendant la durée du bail renouvelé, alors que le procès-verbal d’huissier du 22 juin 2017 ne constate aucun élément de cuisine, et que l’activité de distribution de restauration rapide sans cuisson ou préparation culinaire présente un caractère connexe à l’activité de café bar.

Sur le défaut de signification au bailleur de la location-gérance, le jugement constate que le bail ne mentionne aucune obligation d’exploitation directe ou interdiction de mettre en location-gérance.

Le jugement expose qu’il n’y a pas de délai légal pour procéder à la notification au bailleur de la cession du fonds de commerce, de sorte que la signification par acte du 18 mai 2017 de la cession du 18 octobre 2016 n’est pas fautive, d’autant que le bailleur a accepté de recevoir le paiement des loyers par le cessionnaire.

[P] [E] et [K] [E] ont relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 22 novembre 2019.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 7 juin 2022.

Les dernières écritures pour [P] [E] et [K] [E] ont été déposées le 2 juin 2022.

Les dernières écritures pour [V] [J] et la société White Cat ont été déposées le 9 mai 2022.

Le dispositif des écritures pour [P] [E] et [K] [E] énonce :

– Constater la résiliation du bail aux torts exclusifs du preneur, et prononcer l’expulsion de tous occupants, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la décision.

– Ordonner le séquestre des meubles garnissant les lieux aux frais du preneur.

– Condamner solidairement [V] [J] et la société White Cat au paiement d’une indemnité d’occupation trimestrielle de 2824 € hors charges de la date de la décision jusqu’à la libération des lieux.

– Condamner solidairement [V] [J] et la société White Cat aux dépens, et au remboursement des honoraires proportionnels résultants des dispositions de l’article 10 du décret du 12 décembre 1996 dans le cadre d’une exécution forcée, et au paiement de 7000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [E] exposent que le contrat de bail stipule que le preneur ne pourra sans autorisation écrite ni sous-louer ni transformer les lieux, ni céder son droit au bail autrement qu’à l’acquéreur du fonds de commerce bar tabac qu’il est autorisé à exercer, que [V] [J] a sollicité par lettre du 28 janvier 2008 l’adjonction d’une activité de restauration qui a été refusée, que par acte du 15 novembre 2015 celui-ci a notifié une demande de renouvellement du bail, que les loyers ont été payés début 2017 par une société GJC, puis une société White Cat, que des travaux d’une pose de véranda ancrée au mur caractérisant un immeuble par destination ont été effectués, alors qu’ils avaient seulement donné une autorisation de réparation de la véranda existante.

Ils critiquent l’appréciation du premier juge d’un caractère connexe d’une activité de restauration rapide sans cuisson, alors qu’il est établi que le preneur fabrique et vend des tapas qui exige nécessairement la cuisson des aliments crus, que la liste de matériel du contrat de location-gérance et des commentaires de clients établissent qu’il prépare également des crêpes, sans que les locaux soient pourvus d’un système d’extraction de l’air pollué conforme à la réglementation qui serait à la charge du bailleur.

Ils soutiennent l’illicéité de la location-gérance sans autorisation pour une activité plus étendue que celle du bail, ainsi que de la signification tardive de la cession du fonds de commerce.

Le dispositif des écritures pour la société White Cat et [V] [J] énonce (en termes de prétention, les mentions de « Dire et juger que » ne caractérisant pas une prétention) :

A titre subsidiaire, annuler le procès-verbal de constat d’huissier du 24 mai 2017, ou au moins l’écarter des débats.

En conséquence, débouter les consorts [E] de leurs demandes.

– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré.

– Infirmer le jugement en ce qui concerne la nullité du constat d’huissier qu’il convient de prononcer.

– Condamner [P] [E] et [K] [E] à payer à [V] [J] et la société White Cat chacun la somme de 5000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamner solidairement [P] [E] et [K] [E] au paiement des dépens de première instance et d’appel avec distraction au profit de l’avocat.

[V] [J] expose que le bailleur a accepté le renouvellement du bail pour neuf ans à compter du 1er janvier 2016 par courrier du 23 décembre 2015, qu’il a cédé son fonds de commerce à la société White Cat par acte du 18 octobre 2016, cession signifiée au bailleur le 18 mai 2017.

Il demande la confirmation de l’appréciation du premier juge qu’aucune transformation du local n’a été effectuée touchant la structure de l’immeuble, s’agissant de la rénovation d’une véranda existante, ou de la pose d’une enseigne.

[V] [J] et la société White Cat soutiennent que la distribution de tapas et de crêpes n’engage pas de transformation d’aliments crus, que la restauration rapide sans aménagements importants est considérée comme connexe à celle de café bar.

Ils soutiennent qu’il n’avait pas l’obligation de signifier la mise en location-gérance, ni même la cession du fonds de commerce préalablement à l’entrée dans les lieux.

Ils soutiennent le défaut de validité du constat d’huissier fondé sur un stratagème déloyal, par des procédés en masquant son identité et sa qualité, sur la connexion sur le site Internet, au téléphone, et pendant le constat sur place.

MOTIFS

Sur l’objet du litige

Le dispositif des écritures de la partie appelante qui limite l’objet du litige soumis à la cour demande de prononcer la résiliation du bail aux torts du preneur.

L’argumentaire des écritures critique l’appréciation du premier juge que la preuve n’est pas établie, d’une part que les travaux concernant la véranda caractérisaient une transformation de structure ou une démolition soumise à autorisation du bailleur, d’autre part que le service proposé caractérisait une restauration cuisinée incompatible avec l’activité mentionnée au bail.

Le bailleur appelant reprend également ses prétentions rejetées au titre de la contestation de la licéité de la mise en location-gérance et de la signification tardive de la cession du fonds de commerce.

Sur la location-gérance et la cession du fonds de commerce

Le premier juge a relevé avec pertinence que le bail commercial ne comporte aucune disposition interdisant la mise en location-gérance ou l’exploitation par un tiers du fonds de commerce.

Les consorts [E] n’apportent pas de critique utile en affirmant sans le démontrer que la location-gérance avait été consentie pour des activités distinctes du fonds de commerce de bail commercial.

La cour observe que l’acquisition du fonds de commerce par la société White Cat rend le débat sur la location-gérance qui a cessée sans objet actuel.

Les consorts [E] n’apportent pas davantage de critique utile aux motifs pertinents du premier juge qu’il n’y a pas de délai légal pour procéder à la notification au bailleur de la cession du fonds de commerce, alors que la notification a été effectuée par acte du 18 mai 2017 et que le bailleur a accepté les paiements des loyers par le cessionnaire.

La cour confirme le rejet de la demande de résiliation du bail fondée sur les conditions de la location-gérance et de la cession du fonds de commerce.

Sur le respect de la destination contractuelle

Le bail mentionne une activité de « bar tabac ».

Le preneur conteste la validité des constatations du procès-verbal d’huissier du 24 mai 2017, en ce qu’elles auraient été faites par un stratagème déloyal.

Le procès-verbal indique constater la présence d’une terrasse sur le trottoir, avec des tables sur lesquelles sont posées des cartes des propositions de consommation de tapas et produits de restauration rapide, que l’huissier énumère.

Il indique constater le service de salades composées accompagnées de viandes cuites, qu’il n’a pas pu accéder aux cuisines, ainsi que la présence d’une véranda fixée sur le mur.

Ces éléments ne caractérisent aucun stratagème déloyal, les constatations de l’huissier ne requérant aucune obligation de décliner son identité avant d’y procéder, s’agissant de constatations visuelles sans interrogatoire de personnes.

La cour confirme le rejet de la demande de nullité du procès-verbal.

Par ailleurs, ni ce procès-verbal, ni la constatation sur un procès-verbal du 9 mars 2017 d’une affiche de recrutement pour la saison d’un commis de cuisine, n’établissent la preuve de transformation de produits alimentaires en cuisine pour préparer les plats avant de les servir à la clientèle, nécessitant comme il est prétendu sans le démontrer l’obligation pour le bailleur d’installer des mécanismes d’extraction de fumée, pour l’un quelconque des produits proposés sur les cartes, alors qu’il n’est rapporté la constatation d’aucun équipement de cuisine, qu’un procès-verbal d’huissier du 22 juin 2017 décrit les éléments d’équipements intérieurs qui ne comportent pas de matériel de cuisson et de préparation culinaire de transformation des aliments qui excéderait l’activité traditionnelle de bar.

La cour confirme par ces motifs que le bailleur n’établit pas que l’activité actuelle du bail renouvelé comporte une activité de restauration autre que l’accompagnement traditionnel d’une activité de bar.

Le recrutement d’un commis de cuisine ne porte pas d’indication d’un contenu d’activité qu’il exercerait excédant la distribution des produits de tapas et d’accompagnements sans transformation cuisinée par cuisson.

Aucune faute contractuelle n’est démontrée à ce titre.

Sur les travaux de la véranda

La seule page produite par l’une ou l’autre partie du contrat de bail mentionne que le preneur ne pourra transformer les locaux sans autorisation écrite.

Dans l’espèce, les procès-verbaux d’huissier du 9 mars 2017 et du 24 mai, et les photographies produites, établissent la mise en place d’une véranda accolée au mur de la façade de l’immeuble, sur la voie publique, remplaçant une véranda précédente.

Ces pièces ne caractérisent d’aucune façon une transformation de la surface des locaux loués par la pose d’une véranda remplaçant une véranda précédente sur l’emprise de l’espace public extérieur à la location.

Les photographies de l’ancienne et de la nouvelle véranda ne permettent pas d’établir une atteinte à la façade plus importante par des boulons que par un éventuel procédé de collage, dont les conséquences éventuelles ne pourraient d’ailleurs relever que du droit du bailleur à des frais de remise en état au départ du locataire.

La cour confirme l’absence de preuve d’une transformation du local loué qui contreviendrait à l’interdiction contractuelle.

Sur les autres prétentions

La cour confirme le jugement du 21 octobre 2019 concernant les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est équitable de mettre à la charge de la partie appelante qui succombe une part des frais non remboursables exposés en appel par la partie intimée, pour un montant de 4000 €.

La partie appelante supportera les dépens de l’appel.

 


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