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Chambre civile
Section 2
ARRÊT N°
du 2 NOVEMBRE 2022
N° RG 21/00323
N° Portalis DBVE-V-B7F-CA4I
JD – C
Décision déférée à la Cour :
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Bastia, décision attaquée en date du 15 Avril 2021, enregistrée sous le n° 19/01377
S.A.R.L. RACHIDI CONSTRUCTION
C/
[P]
Copies exécutoires délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU
DEUX NOVEMBRE DEUX-MILLE-VINGT-DEUX
APPELANTE :
S.A.R.L. RACHIDI CONSTRUCTION
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social
N°25 les Vallons
[Localité 1]
Représentée par Me Jean-André ALBERTINI, avocat au barreau de BASTIA substitué par Me Vanina CERVONI, avocate au barreau de BASTIA
INTIMÉ :
M. [L] [P]
né le 4 Janvier 1943 à TOULON (83000)
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Charles-Eric TALAMONI, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/1605 du 16/07/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BASTIA)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 8 septembre 2022, devant Judith DELTOUR, conseillère, chargée du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Jean-Jacques GILLAND, président de chambre
Judith DELTOUR, conseillère
Stéphanie MOLIES, conseillère
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Françoise COAT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 2 novembre 2022.
ARRÊT :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Françoise COAT, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE
Alléguant avoir réalisé des travaux de second ‘uvre, suivant devis de 111 161,60 euros du 18 mai 2018, un solde restant dû de 33 036,30 euros, réclamé suivant facture du 8 avril 2019 et mise en demeure du 19 juillet 2019, par acte du 18 novembre 2019, la S.A.R.L. Rachidi construction a assigné M. Ange [P] devant le tribunal de grande instance de Bastia pour obtenir divers constats et sa condamnation au paiement de 33 036,60 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 juillet 2019, de 500 euros au titre des frais de constat d’huissier, des dépens et de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 15 avril 2021, le tribunal judiciaire de Bastia a :
– prononcé la nullité du constat d’huissier de Me [B] [F] en date du 28 octobre 2019,
– condamné M. [L] [P] à payer à la S.A.R.L. Rachidi la somme de
12 036,09 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 août 2019,
– condamné M. [L] [P] à supporter les entiers dépens de l’instance en cours, à l’exception des frais du constat d’huissier du 28 octobre 2019, déclaré nul par le présent jugement,
– condamné M. [L] [P] à payer à la S.A.R.L. Rachidi la somme de l 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté la demande de M. [L] [P] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire.
Par déclaration reçue le 29 avril 2021, la S.A.R.L. Rachidi constructions a interjeté appel de la décision. L’avis portant désignation du conseiller de la mise en état a été délivré le 30 avril 2021. L’appelant a conclu au fond le 28 juillet 2021.
Suivant conclusions d’incident notifiées le 29 juillet 2021, par ordonnance du 9 novembre 2021 le conseiller de la mise en état a :
– débouté M. [L] [P] de ses demandes,
– ordonné le renvoi de l’affaire à la mise en état du 2 février 2021 pour vérification des délais et le cas échéant clôture,
– condamné M. [L] [P] au paiement des dépens de l’incident,
– condamné M. [L] [P] à payer à la S.A.R.L. Rachidi construction une somme de 750 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions communiquées le 19 avril 2022, la S.A.R.L. Rachidi construction a sollicité, au visa des articles 1787, 1353 et 1359 du code civil :
– d’infirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité du constat d’huissier de Me [F], condamné M. [P] à payer à la S.A.R.L. Rachidi construction à verser la somme de 12 036,09 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 août 2019,
Statuant à nouveau :
– juger que le procès-verbal de constat invoqué par la demanderesse a été dressé par Me [F] alors que l’entreprise avait la garde du chantier,
– rejeter la demande de nullité formée par M. [P],
Sur le fond,
– juger que M. [P] a donné son accord aux travaux réalisés par la S.A.R.L. Rachidi construction,
– constater le défaut de paiement de la facture de 35 495,02 euros en principal afférente aux travaux réalisés par la S.A.R.L. Rachidi construction,
– condamner M. [P] à payer à la S.A.R.L. Rachidi construction la somme de
35 495,02 euros au titre de la facture due avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 juillet 2019,
– débouter l’intimé de l’ensemble de ses moyens, fins et conclusions.
– débouter M. [P] de son appel incident.
En tout état de cause,
– condamner M. [P] au paiement de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, des dépens y compris le constat d’huissier du 28 octobre 2019.
Elle a fait valoir la validité du constat comme preuve, l’absence de réception et la garde du chantier laissée à l’entreprise, l’absence de réalisation de tous les travaux et la réduction consécutive du montant des demandes, la facture réclamée correspondant à 30 % du montant du marché, en dépit d’une erreur dans la rédaction de l’assignation, que les prestations réalisées correspondaient à des menuiseries extérieures, l’examen imparfait du constat par le tribunal et les omissions volontaires de M. [P] à l’occasion de ce constat, sa mauvaise foi qui l’amène à se contredire. Elle a soutenu l’absence de preuve des désordres ou leur caractère tellement minime qu’ils n’avaient pas nécessité de réparations, alors qu’elle n’était pas chargée de la conception des travaux mais seulement de l’exécution, que “la menace pénale brandie par M. [P] relève plus du délire que du délit”, qu’en tout état de cause la preuve du défaut de conformité n’est pas rapportée et qu’un abattement éventuel ne saurait excéder 5 %, les intérêts légaux commençant à courir à compter du 30 août 2019, sur la somme de 33 036,30 euros visée dans la mise en demeure.
Par conclusions communiquées le 31 janvier 2022, M. [P] a sollicité de :
– confirmer le jugement exclusivement en ce qu’il a prononcé la nullité du constat d’huissier de Me [F], du 28 octobre 2019,
– infirmer tous les autres chefs de jugement,
Statuant à nouveau :
– débouter la S.A.R.L. Rachidi construction de ses demandes,
– la condamner au paiement de 5000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner au paiement des dépens.
Il a fait valoir au visa des articles 9 du code civil et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la nullité du procès-verbal d’huissier réalisé dans un lieu privé,
“une stratégie judiciaire fondée sur le mensonge et la dissimulation”, la contradiction entre le montant de la facture et le montant de la réclamation, l’existence d’un acompte de
33 348,88 euros, la présence de malfaçons, d’inexécutions et de désordres résultant du constat d’huissier. Il a critiqué l’argumentation de la S.A.R.L. Rachidi construction et, soutenant son appel incident, le jugement en ce qu’il s’est fondé sur le constat d’huissier qu’il avait lui-même sollicité alors que les travaux avaient été repris par d’autres entreprises. Il a soutenu le non-respect du permis de construire et de la réglementation thermique susceptibles de sanctions pénales.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 1er juin 2022.
L’affaire a été fixée à plaider à l’audience du 8 septembre 2022. L’affaire a été mise en délibéré pour être rendu par mise à disposition au greffe le 2 novembre 2022
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le premier juge a considéré que le constat d’huissier réalisé à l’initiative de l’entreprise sans autorisation du maître d’ouvrage devait être annulé et il a fait les comptes entre les parties sur la base des éléments de preuve fournis et procédé à une réduction forfaitaire de 10 % du montant de la facture qu’il avait retenue pour tenir compte des malfaçons.
Sur le constat d’huissier du 28 octobre 2019
Les dispositions des articles 1788 et 1789 du code civil déterminent à qui incombe la charge des risques en cas de perte de la chose indépendamment de la question de la propriété. En l’espèce, la chose (l’immeuble objet des travaux) n’a pas péri de sorte que ces dispositions ne sont pas applicables et ne permettent pas à l’entreprise de soutenir à leur visa qu’elle pouvait pénétrer sur le chantier en dehors du temps des travaux quand bien même il n’y aurait pas eu de réception. En l’espèce, les travaux font suite à un devis du 18 mai 2018, une mise en demeure a été adressée le 19 juillet 2019, suivant facture du 8 avril 2019, puis une sommation de payer le 30 août 2018, tous éléments qui démontrent que le 28 octobre 2019, l’entreprise ne pouvait plus sans autorisation du maître d’ouvrage pénétrer sur le chantier.
Le jugement ne peut qu’être confirmé en ce qu’il a prononcé la nullité du constat d’huissier du 28 octobre 2019.
Sur les comptes
Saisi dans ces conditions d’une demande de paiement d’un solde de facture, le premier juge devait “faire les comptes entre les parties”. Pour autant, il ne pouvait pas sans expertise ni avis technique contradictoire soumis à la discussion des parties, procéder à la réduction forfaitaire de la facture. Une éventuelle réduction forfaitaire ne pouvait excéder les 5 % de retenue proposés par la S.A.R.L. Rachidi construction à titre subsidiaire.
La S.A.R.L. Rachidi construction poursuit le paiement d’un solde de facture de 35 495,02 euros mais elle a réclamé dans son assignation 33 036,30 euros et proposé devant le
premier juge, à titre subsidiaire de réduire sa facture à 33 720,55 euros représentant 5 % du montant de la facture, compte tenu du défaut de finition.
Aucune expertise n’a été réalisée. Hormis le constat annulé, qui ne peut fonder aucune demande, sont seulement versés aux débats le constat d’huissier à l’initiative de M. [P], la facture du 15 mai, des photographies dont il n’est pas contesté qu’elles figurent l’ouvrage litigieux et une attestation du maire de la commune.
La réalité de la relation contractuelle et la réalisation des travaux ne sont pas sérieusement contestables, elles sont d’ailleurs démontrées par les pièces de M. [P]. Ainsi, la lettre recommandée avec accusé de réception du 25 septembre 2019 où il réclame l’organisation d’une réception, démontre sa volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage en l’état et qu’il considérait que les travaux étaient terminés.
Le procès-verbal de constat du 22 juin 2020 démontre que le doublage placo a été réalisé ainsi que la pose de l’isolation (photographies du constat d’huissier) à l’exception d’une zone non achevée au plafond d’une pièce ; la porte d’entrée est citée dans ce même constat, neuf fenêtres ou porte-fenêtres ont été dénombrées. La mention “tous les coffres de volets roulants de toute la maison ont été placés à l’intérieur” démontre qu’ils sont présents, l’huissier a mesuré les ouvertures intérieures et il cite la “porte de la buanderie” prouvant sa présence sur place, le cliché n°10 met en évidence deux portes et la porte de service.
Les photographies en pièce n°6, prises en cours de chantier, démontrent que la porte de garage a été posée avec son volet roulant ainsi que la présence d’une porte intérieure. M. [P] ne rapporte pas la preuve contraire. S’il fait valoir que les travaux ont été terminés par une autre entreprise, il ne démontre pas qu’il a payé la pose de ces équipements à cette autre entreprise, pour le compte de qui il appartiendra. En outre, ce constat met en évidence que l’ouvrage pouvait faire l’objet d’une réception avec éventuellement des réserves, pour les défauts de finition (deux interstices de jonction autour de fenêtres, défaut d’habillage d’une zone du plafond, une fenêtre fixe en salle de bains).
Quoiqu’il en soit M. [P] n’est plus propriétaire de l’immeuble litigieux puisqu’au terme de l’attestation versée au débat, il a été vendu courant 2020. M. [P], qui ne réclame que la confirmation du jugement, ne démontre aucun préjudice personnel, direct et certain imputable à l’entreprise.
Il résulte de ce qui précède que le jugement doit être réformé.
Statuant de nouveau, M. [P] est condamné à payer à la S.A.R.L. Rachidi construction la somme de 31 384,48 euros correspondant au montant de sa réclamation de 33 036,30 euros, déduction faite de 5 % correspondant aux défauts de finition non contestés et conformément à la proposition, avec intérêts au taux légal à compter du 30 août 2019.
La S.A.R.L. Rachidi construction est déboutée de ses demandes plus amples et M. [P] est débouté de ses demandes contraires.
Le jugement est confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les demandes en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. La S.A.R.L. Rachidi construction est déboutée de ses demandes contraires notamment relatives au constat du 28 octobre 2019. M. [P] succombe encore en cause d’appel, il est condamné au paiement des dépens étant relevé qu’il est bénéficiaire de l’aide juridictionnelle alors même qu’il a vendu l’immeuble litigieux en 2020. Il est débouté de sa demande en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et condamné à ce titre à payer à la S.A.R.L. Rachidi construction la somme de 3 000 euros.