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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 2
ARRÊT DU 06 JUILLET 2023
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/18300 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGTNJ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Septembre 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 20/53645
APPELANTE
Mme [K] [P]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Gilles KHAIAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1628 et assistée par Me Catherine PODOSICI avocat au barreau de PARIS, toque : C1628
INTIMÉE
LA VILLE DE [Localité 5], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 5], Mme [H] [I], domiciliée en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée et assistée par Me Fabienne DELECROIX de la SELARL DELECROIX-GUBLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R229
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 1er juin 2023 , en audience publique, Michèle CHOPIN, Conseillère, ayant été entendue en son rapport dans les conditions prévues par l’article 804, 805 et 905 du code de procédure civile, devant la cour composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre
Thomas RONDEAU, Conseiller,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSE DU LITIGE
Par exploit en date du 26 mai 2020, la ville de [Localité 5] a fait assigner Mme [P] devant le président du tribunal judiciaire de Paris saisi selon la procédure accélérée au fond, sur le fondement des dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, concernant l’appartement situé [Adresse 1]) (6ème étage, porte 364, lot n°83).
Par jugement du 17 juillet 2020, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la ville de Paris dans l’attente d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Civ. 3e, 15 nov. 2018, n°17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.
Par arrêt du 22 septembre 2020, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18).
Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle a notamment jugé que la réglementation locale de la Ville de [Localité 5] sur le changement d’usage est conforme à la réglementation européenne.
L’affaire a été rétablie à l’audience du 13 juin 2022.
Par conclusions déposées et soutenues à l’audience, la ville de [Localité 5] demandait de voir :
– rejeter la demande de sursis à statuer ;
– rejeter l’exception de nullité du constat ;
– débouter Mme [P] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
– condamner Mme [P] à payer à la Ville de [Localité 5] une amende de 50.000 euros ;
– condamner Mme [P] à payer à la Ville de [Localité 5] une amende de 5.000 euros ;
– condamner Mme [P] à payer à la Ville de [Localité 5] une amende de 10.000 euros ;
– condamner Mme [P] à payer à la Ville de [Localité 5] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner aux entiers dépens.
Par jugement contradictoire du 12 septembre 2022, rendu selon la procédure accélérée au fond, le tribunal judiciaire de Paris a :
– rejeté la demande de sursis à statuer formée par Mme [P] ;
– condamné Mme [P] à payer une amende de 25.000 euros, dont le produit sera versé à la ville de [Localité 5] sur le fondement de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation ;
– condamné Mme [P] à payer une amende civile de 1.000 euros au titre des dispositions de l’article L. 324-1-1 III du code du tourisme, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 5] ;
– débouté la Ville de [Localité 5] de sa demande fondée sur les dispositions de l’article L. 324-1-1 IV du code du tourisme ;
– débouté Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts ;
– condamné Mme [P] à payer à la Ville de [Localité 5] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné Mme [P] aux dépens ;
– rappelé que la décision bénéficie de l’exécution provisoire de plein droit.
Par déclaration du 25 octobre 2022, Mme [P] a interjeté appel de cette décision
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 20 mars 2023, Mme [P] demande à la cour, au visa de l’article 9 du code de procédure civile, de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme et des articles 441-1 et suivants du code pénal, de :
– infirmer le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 12 septembre 2022 par le tribunal judiciaire de Paris (RG n°20/53645), en ce qu’il a :
rejeté sa demande de sursis à statuer, dans l’attente de la procédure pénale,
condamné celle-ci à payer une amende de 25.000 euros, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 5],
condamné celle-ci à payer une amende civile de 1.000 euros au titre des dispositions de l’article L. 324-1-1 III du code du tourisme, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 5],
débouté celle-ci de sa demande de dommages et intérêts,
condamné celle-ci à payer à la Ville de [Localité 5] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné celle-ci aux dépens,
Et en ce que le jugement a implicitement débouté celle-ci de toutes ses demandes,
Statuant à nouveau,
– déclarer celle-ci bien fondée en ses demandes, fins et conclusions, et y faire droit ;
– débouter la ville de [Localité 5] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Ce faisant,
– déclarer nul et de nul effet l’ordre de mission du 16 avril 2018 communiqué le 1er mars 2022 en pièce adverse 13, et l’écarter des débats, notamment en ce qu’il ne figure pas et n’est pas mentionné au procès-verbal de constat du 6 décembre 2019, au regard des incohérences relevées par rapport à la carte de service de l’agent, et en ce qu’il autorise une violation du domicile et comporte des mentions jugées à ce titre contraires à la Constitution ;
– déclarer nul et de nul effet le procès-verbal de constat d’infraction du 3 décembre 2019 produit en pièce adverse 5, et l’écarter des débats ainsi que ses annexes, notamment sur le fondement de l’article L. 651-6 du code de la construction et de l’habitation qui exige que le jour de la visite des locaux l’agent soit muni d’un ordre de mission personnel, et alors que le procès-verbal de constat litigieux ne vise qu’un ordre de mission postérieur à la visite du 16 mai 2019 qui ne permet pas de justifier que lors de la visite sur place du 16 mai 2019 l’agent était alors muni d’un ordre de mission ;
En tout cas, écarter des débats, comme non probant, lesdits ordres de mission et PV de constat d’infraction et ses annexes,
– juger que les éléments de preuve soumis au tribunal par la Ville de [Localité 5] sont insuffisants pour prouver que le local était affecté ou réputé affecté à un usage d’habitation, au sens de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, et tirer toutes les conséquences de que la ville de Paris échoue à démontrer que sont réunies les cinq conditions cumulatives de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation et ne peut se prévaloir d’un changement d’usage illicite au sens de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, au regard des éléments de preuve fournis qui sont contestés, et de la charge de la preuve pesant sur elle ;
Le cas échéant, déclarer celle-ci bien fondée à exciper du motif exonératoire de santé de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme ;
– débouter la ville de [Localité 5] de toutes ses demandes, au surplus cumulées, d’amendes et amendes civiles, et de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens, et les rejeter intégralement ;
– s’entendre condamner la ville de [Localité 5] à lui payer les sommes de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi, 65.000 euros à titre de dommages et intérêts pour production de faux, 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dire et juger que le dossier sera transmis au parquet ;
– s’entendre condamner la Ville de [Localité 5] aux entiers dépens que Me [J] pourra recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
A titre infiniment subsidiairement,
– réduire les amendes à de plus justes proportions, au regard de sa situation, de ses charges, et de la mise en vente de l’appartement.
Mme [P] soutient en substance que :
– le constat d’infraction de la ville de [Localité 5] est nul, l’ordre de mission établi au profit de Mme [F] étant en date du 13 septembre 2019, soit postérieur à la visite sur place en date du 16 mai 2019,
– cette visite est donc intervenue illégalement, de sorte que le procès-verbal de constat d’infraction doit être annulé,
– l’ordre de mission du 16 avril 2018, produit par la Ville en première instance, n’est pas visé par le procès verbal de constat d’infraction, alors qu’il existe une incohérence au regard du numéro de carte de service du contrôleur, de sorte que l’ordre de mission du 16 avril 2019 est nécessairement frauduleux, s’agissant d’un faux fabriqué pour les besoins de la cause,
– cet ordre de mission est également nul en ce qu’il prévoit une violation de domicile contraire à la constitution, ce d’autant plus qu’il n’est pas justifié que l’agent &tait muni d’un ordre de mission personnel,
– ces nullités et incohérences privent le constat d’infraction de toute force probante,
– la ville de [Localité 5] échoue dans sa démonstration du changement d’usage au 1er janvier 1970, les éléments de preuve étant insuffisants, et tous postérieurs à cette date,
– le constat d’infraction et les captures d’écran ne peuvent être retenus,
– Mme [P] a vécu de nombreuses années aux Etats- Unis et héberge régulièrement à [Localité 5] des amis américains alors que le prononcé d’une amende est dépourvu de pertinence au regard du but poursuivi,
– elle ne perçoit aucun revenu, paie des charges et taxes importantes et subit des problèmes de santé, de sorte qu’elle se trouve dans le cadre d’un motif exceptionnel de santé exonératoire,
– elle a subi un préjudice moral important dont la ville de [Localité 5] est responsable pour l’avoir fait assigner dans des conditions inacceptables, de sorte que des dommages intérêts pour mauvaise foi lui seront accordés.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 16 mars 2023, la Ville de [Localité 5] demande à la cour, au visa de l’article 481-1 du code de procédure civile, des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation et de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme, de :
– juger Mme [P] mal fondée en son appel ;
– débouter Mme [P] de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
– condamner Mme [P] à lui payer en cause d’appel la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner aux entiers dépens.
La ville de [Localité 5] soutient en substance que :
– aucun sursis à statuer ne sera accordé, étant précisé que Mme [P] fait valoir qu’elle a déposé plainte avec constitution de partie civile contre la ville de [Localité 5], la maire de [Localité 5] et son adjoint et qu’elle ne produit qu’un avis de constitution de partie civile du 12 octobre 2021,
– Mme [F] a été agréée en qualité de contrôleur assermenté d’usage des locaux par le procureur de la République le 27 mars 2018, est titulaire de la carte de service de contrôleur des logements, et détentrice d’un ordre de mission du 16 avril 2018, de sorte qu’elle est régulièrement habilitée,
– les constats des agents assermentés ne sont pas soumis aux règles qui s’imposent aux huissiers de justice ni à celles qui prévalent en matière d’expertise,
– les constatations de l’agent assermenté ne sont pas erronées et les captures d’écran ont été soumises à un débat contradictoire,
– le local en cause est à usage d’habitation sans aucun changement d’affectation, il n’est pas la résidence principale du loueur, a fait l’objet de locations de courte durée à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile,
– Mme [P] ne s’est pas conformée à l’obligation de déclaration préalable et sera également condamnée à une amende sur le fondement de l’article L 324-1-1 du code du tourisme.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
A titre liminaire, il sera relevé que Mme [P] ne formule plus aucune demande de sursis à statuer aux termes de ses dernières écritures, de sorte que la cour n’a pas à statuer sur ce point.
– sur la nullité de l’ordre de mission du 16 avril 2018 et du constat d’infraction,
Mme [P] soutient que l’ordre de mission du 16 avril 2018 aurait été établi pour les besoins de la cause, et serait frauduleux et en tout état de cause, non visé par le procès-verbal de constat d’infraction établi par la Ville, lequel comporte des incohérences. Ces éléments entacheraient le constat d’infraction de nullité par voie de conséquence.
L’article L 651-6 du code de la construction et de l’habitation est rédigé ainsi :
“Les agents assermentés du service municipal du logement sont nommés par le maire. Ils prêtent serment devant le juge du tribunal d’instance de leur résidence et sont astreints aux règles concernant le secret professionnel.
Leur nombre est fixé à 1 par 30 000 habitants ou fraction de ce chiffre. Ce nombre peut être augmenté par décision ministérielle.
Ils sont habilités à visiter les locaux à usage d’habitation situés dans le territoire relevant du service municipal du logement.
Ils doivent être munis d’un ordre de mission personnel ainsi que d’une carte d’identité revêtue de leur photographie.
La visite des locaux ne peut avoir lieu que de huit heures à dix-neuf heures ; l’occupant ou le gardien du local est tenu de laisser visiter sur présentation de l’ordre de mission ; la visite s’effectue en sa présence.
En cas de carence de la part de l’occupant ou du gardien du local, l’agent assermenté du service municipal du logement peut, au besoin, se faire ouvrir les portes et visiter les lieux en présence du maire ou du commissaire de police. Les portes doivent être refermées dans les mêmes conditions.”
Or, en l’espèce :
– Mme [F], agent assermenté, qui a réalisé le constat d’infraction du 16 mai 2019, est titulaire d’une carte de contrôleur des changements d’usage des locaux d’habitation en date du 22 mars 2018,
– elle dispose en outre d’un ordre de mission personnel établi le 16 avril 2018, pour une durée d’un an renouvelable tacitement, de sorte qu’il était incontestablement en vigueur le 16 mai 2019,
– dans ces circonstances, il importe peu que cet ordre de mission ait été produit au cours de la première instance par la ville de [Localité 5], ou que les numéros de carte de service ne correspondent pas sur les deux ordres de mission produits respectivement du 16 avril 2018 et 13 septembre 2019, ce qui constitue de toute évidence une erreur matérielle, Mme [F] disposant incontestablement de l’habilitation nécessaire à procéder au constat d’infraction.
L’ordonnance attaquée sera donc confirmée en ce qu’elle a considéré que l’agent assermenté disposait d’un ordre de mission valide lors de la visite du bien le 16 mai 2019 et par voie de conséquence, de l’habilitation nécessaire à l’établissement du constat d’infraction.
– sur la force probante du constat d’infraction
Mme [P] conteste la force probante aux mêmes motifs, ajoutant que la constat d’infraction ne respecte pas les pré-requis techniques des constats d’huissiers de justice.
En application des dispositions citées plus haut de l’article L 651-7du code de la construction et de l’habitation :
“Les agents assermentés du service municipal du logement constatent les conditions dans lesquelles sont effectivement occupés les locaux qu’ils visitent. Ils sont habilités à recevoir toute déclaration et à se faire présenter par les propriétaires, locataires ou autres occupants des lieux toute pièce ou document établissant ces conditions. Sans pouvoir opposer le secret professionnel, les administrations publiques compétentes et leurs agents sont tenus de communiquer aux agents du service municipal du logement tous renseignements nécessaires à l’accomplissement de leur mission de recherche et de contrôle.
Quiconque fait volontairement obstacle, en violation des prescriptions ci-dessus, à la mission des agents du service municipal du logement est passible de l’amende civile prévue à l’article L. 651-4.”
Il se déduit de ce texte que les constats d’infraction établis par les agents assermentés ne relèvent pas du formalisme des actes d’huissiers de justice, qu’ils n’ont pas non plus à faire l’objet d’un procès- verbal de constat d’huissier de justice, que les éléments de preuve sont ainsi librement soumis à l’appréciation des juridictions en application des dispositions de l’article 9 du code de procédure civile. Il en est de même pour les captures d’écran annexées au procès-verbal de constat d’infraction qui, ainsi que l’a estimé à bon droit le premier juge, sont soumises au débat contradictoire, étant précisé qu’elles sont lisibles, correspondent aux dires du contrôleur, aucun élément versé aux débats ne permettant de les contester utilement.
L’ordonnance querellée sera confirmée en ce qu’elle a jugé que le constat du 3 décembre 2019 avait force probante.
– sur l’infraction principale
L’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation dispose que toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros par local irrégulièrement transformé.
Selon l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.
Toutefois, lorsqu’une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l’usage d’un local mentionné à l’alinéa précédent, le local autorisé à changer d’usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l’usage résultant de l’autorisation.
Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.
Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article.
Pour l’application des dispositions susvisées, il y a donc lieu d’établir :
– l’existence d’un local à usage d’habitation, un local étant réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés, le formulaire administratif de type H2 rempli à cette époque dans le cadre de la législation fiscale permettant de préciser l’usage en cause ;
– un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.
Il est en outre constant que, s’agissant des conditions de délivrance des autorisations, la ville de [Localité 5] a adopté, par règlement municipal et en application de l’article L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation, le principe d’une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, obligation de compensation qui n’apparaît pas voir été respectée dans le cadre de la présente procédure.
En l’espèce, s’agissant d’abord de l’usage d’habitation, il sera rappelé qu’ici, le bien en cause a fait l’objet d’une demande de permis de construire modificatif du 19 octobre 1990, d’une demande de permis modificatif du 24 février 1997 et d’un certificat de conformité du 11 mars 1999. Il apparaît que ces demandes de permis de construire modificatifs font référence à un permis de construire initial déposé le 10 février 1993 indiquant ‘restructuration d’un bâtiment de 8 étages sur 2 niveaux de sous-sol avec permutation des affectations, suppression des bureaux, extensions de planchers à tous étages’. Les permis de construire modificatifs ont fait l’objet du certificat de conformité cité dont le programme était alors: ‘redistribution d’un bâtiment de 8 étages à usage d’habitation (38 logements supplémentaires) et de stationnement’.
C’est ainsi à juste titre que le premier juge a estimé que la suppression des bureaux n’a pas été remise en cause par les permis de construire modificatifs.
Il sera observé que l’usage du bien au 1er janvier 1970 importe peu, dans la mesure où des travaux sont intervenus avec une autorisation administrative, postérieurement à cette date.
La destination du bien résultant de l’autorisation administrative est donc bien un usage d’habitation, de sorte que ce dernier apparaît établi au sens de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation.
Par ailleurs, l’article L 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation dispose que lorsque le local à usage d’habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, l’autorisation de changement d’usage prévue à l’article L. 631-7 du présent code ou celle prévue au présent article n’est pas nécessaire pour le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.
Mme [P] soutient que le logement en cause est sa résidence principale mais, toutefois, il ressort des pièces produites que :
– le local litigieux est référencé à la location par le cadastre,
– Mme [P], qui réside au 3ème étage de l’immeuble qui abrite le local litigieux, est taxée en résidence principale pour ce bien du 3ème étage, dont elle est également propriétaire, non pour le bien du 6ème étage,
– l’attestation de la gardienne de l’immeuble, produite par Mme [P], indique certes le 10 août 2021 que ‘Mme [P] vivait dans l’appartement, (…) elle recevait beaucoup d’amis et de famille, (..) l’appartement était bien la résidence principale de Mme [P]’ mais cette attestation est postérieure à la période de locations reprochées et ne précise pas lequel des deux appartements appartenant à Mme [P] était censé être sa résidence principale,
– le changement d’adresse produit et daté du 14 novembre 2016 ne comporte aucune indication quant au bien qui fait l’objet de ce changement d’adresse.
Dans ces conditions, le logement en cause ne peut être considéré comme la résidence principale de Mme [P].
Ce logement a fait l’objet de locations de courte durée à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, ainsi qu’en attestent les annonces publiées à cette fin sur le site airbnb.fr, l’hôte se nommant “[K]”. Le constat d’infraction fait état de 286 commentaires figurant sur le site airbnb.fr, publiés octobre 2014 et octobre 2019, le calendrier de réservations étant ouvert jusqu’en octobre 2020.
Mme [P] indique avoir reçu régulièrement des amis américains et les avoir hébergés, sans toutefois en justifier puisqu’elle produit sa propre attestation indiquant qu’elle a vécu 10 ans aux Etats Unis, sans autre précision et celle de Mme [R] qui déclare avoir occupé les lieux entre le 11 mai et le 1er juin 2019, sans qu’aucune précision ne soit donnée quant à l’appartement occupé.
Elle expose également qu’elle dispose d’un motif de santé ‘exonératoire’, ce qui, outre qu’elle ne le caractérise pas, est inopérant dans le cadre de cette infraction principale.
Mme [P], propriétaire des lieux, doit être considérée dans ces conditions comme ayant ainsi changé sans autorisation préalable l’usage des lots litigieux au sens de l’article L 631-7 alinéa 1er du code de la construction et de l’habitation en louant les lieux qui lui appartiennent de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.
L’amende civile prévue par les dispositions de l’article L 651-2 du code de la construction et de l’habitation, constituant une sanction ayant le caractère d’une punition, les éléments constitutifs du manquement qu’elle sanctionne sont par application du principe de légalité des délits et des peines d’interprétation stricte.
Sur le quantum de l’amende, il sera relevé :
– que l’infraction s’est poursuivie sur une période se déroulant d’octobre 2014 et octobre 2019, soit une période de temps longue,
– que, par référence à un gain estimé de 174.277 euros et sur la base d ‘un prix de location de 127 euros par nuit soit sur 22, 5 nuits, une recette mensuelle de 2.857 euros, et compte tenu d’un loyer médian de 1.089 euros par mois, la part du gain illicite peut être estimé, comme l’indique la ville, à la somme de 107.848 euros ;
– que le coût de la compensation aurait été de 66.000 euros,
– que cependant, Mme [P] produit une attestation d’assurance maladie faisant apparaître sa prise en charge à 100% pour une affection de longue durée, bien qu’elle ne produise aucune élément sur sa situation financière.
Ainsi, l’amende prononcée par le premier juge soit 25.000 euros apparaît proportionnée et adaptée, tenant compte des gains perçus, du coût de la compensation et de l’objectif d’intérêt général de la législation, qui tend à répondre à la difficulté de se loger à [Localité 5],
L’ordonnance rendue sera donc confirmée sur ce point.
– sur les infractions secondaires
L’article L. 324-1-1 du code du tourisme dispose notamment que :
II.-Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé.
Cette déclaration préalable n’est pas obligatoire lorsque le local à usage d’habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l’article 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986.
III.-Par dérogation au II, dans les communes où le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L.631-7 à L.631-9 du code de la construction et de l’habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d’un meublé de tourisme.
La déclaration indique si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur au sens de l’article 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 précitée.
IV.-Dans les communes ayant mis en ‘uvre la procédure d’enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale ne peut le faire au-delà de cent vingt jours au cours d’une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.
La commune peut, jusqu’au 31 décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué. Le loueur transmet ces informations dans un délai d’un mois, en rappelant l’adresse du meublé et son numéro de déclaration.
V.- Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du III est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 5.000 euros.
Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 10.000 euros.
S’agissant du défaut de déclaration préalable reproché à Mme [P], ce manquement n’étant pas contesté, le constat d’infraction fait état de ce qu’aucun numéro d’enregistrement ne figure sur les annonces Air bnb ni auprès du téléservice recensant les demandes.
Ce manquement étant passible d’une amende civile depuis le 25 novembre 2018 seulement, date d’entrée en vigueur de la loi dite Elan du 23.11.2018 , ayant perduré jusqu’ en octobre 2019, c’est à juste titre que le premier juge a tenu compte de cette durée réduite, de la situation de santé de Mme [P] a fixé l’amende civile à ce titre à la somme de 1.000 euros.
S’agissant de l’autre infraction au code du tourisme, la ville de [Localité 5] sollicite la confirmation du jugement rendu de sorte que la cour n’a pas à statuer sur ce point.
– sur la demande de dommages intérêts en réparation du préjudice moral subi par Mme [P]
Compte tenu du sens de cette décision, cette demande ne peut qu’être rejetée.
– sur les demandes accessoires
Le sort des dépens et des frais irrépétibles a été exactement tranché par le premier juge.
Mme [P] qui succombe sera condamnée aux dépens de l’appel ainsi qu’à payer à la ville de [Localité 5] une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel.