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Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 4
ARRÊT DU 8 FÉVRIER 2017
(n° , 19 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 15/02170
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Décembre 2014 -Tribunal de Commerce de LILLE – RG n° 2013000082
APPELANTES
SAS JEAN MARC VALENSI
ayant son siège social [Adresse 1]
[Adresse 2]
N° SIRET : 400 00 3 1 411
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Maître Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148
Ayant pour avocats plaidant Maître Franck BERTHAULT et Maître Elodie LORIAUD de la SELARL BERTHAULT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C0234
SARL BETHSA B
Immatriculée au RCS de Paris sous le n°488 676 727
ayant son siège social [Adresse 3]
[Adresse 3]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Maître Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148
Ayant pour avocats plaidant Maître Franck BERTHAULT et Maître Elodie LORIAUD de la SELARL BERTHAULT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C0234
INTIMÉES
Société ANCIENS ETABLISSEMENTS GEORGES SCHIEVER ET FILS
Immatriculée au RCS d’Auxerre sous le numéro 425 920 352
ayant son siège social [Adresse 4]
[Adresse 4]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Maître Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
Ayant pour avocat plaidant Maître Amélie POULAIN, substituant Maître Thomas DESCHRYVER, avocat au barreau de LILLE
SA AUCHAN FRANCE
Immatriculée au RCS de Lille sous le numéro 410 409 460
ayant son siège social [Adresse 5]
[Adresse 5]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Maître Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
Ayant pour avocat plaidant Maître Amélie POULAIN, substituant Maître Thomas DESCHRYVER, avocat au barreau de LILLE
SAS EURAUCHAN
Immatriculée au RCS de Lille sous le numéro 410 410 260
ayant son siège social [Adresse 6]
[Adresse 5]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Maître Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
Ayant pour avocat plaidant Maître Amélie POULAIN, substituant Maître Thomas DESCHRYVER, avocat au barreau de LILLE
SA TOMBLAINE DISTRIBUTION fusionnée et absorbée par la SA AUCHAN FRANCE en date du 11 juin 2012 puis radiée du RCS de Lille le 22 juin 2012.
ayant son siège social [Adresse 6]
[Adresse 5]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Maître Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
Ayant pour avocat plaidant Maître Amélie POULAIN, substituant Maître Thomas DESCHRYVER, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 3 Janvier 2017, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Irène LUC, Présidente, chargée du rapport et Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Irène LUC, Présidente de chambre, rédacteur
Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère
Monsieur François THOMAS, Conseiller
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Irène LUC dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile,
Greffier, lors des débats : M. Vincent BRÉANT
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Irène LUC, Présidente et par Monsieur Vincent BRÉANT, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La SAS Jean Marc Valensi et la SARL Bethsa B (ci-après, les « sociétés Valensi et Bethsa B ») sont spécialisées dans la fabrication et le négoce de bijoux fantaisie qu’elles distribuent par le canal de la grande distribution.
La société Eurauchan est la centrale de référencement du groupe Auchan. Les sociétés Anciens établissements Georges Schiever et fils, SA Auchan France, et Tomblaine Distribution (ci-après, le « groupe Auchan ») sont spécialisées dans la grande distribution. La société Tomblaine Distribution a été absorbée par la société Auchan France en juin 2012
Les sociétés Valensi et Bethsa B ont entretenu des relations commerciales avec ces différentes entités du groupe Auchan. La société Valensi a été mise en sommeil à partir de 2007.
En 2010, la société Bethsa B a constaté une forte baisse des commandes (de l’ordre de 80%) de la part du groupe Auchan par rapport aux années précédentes, puis dès 2011, le groupe Auchan n’a quasiment plus passé de commandes.
La société Bethsa B considère avoir été victime d’une rupture brutale d’une relation commerciale établie et réclame à ce titre des indemnités réparatrices d’un montant de 649.915,48 euros au groupe Auchan.
Les sociétés Bethsa B et Valensi soutiennent que le groupe Auchan leur a illicitement facturé des prestations fictives et qu’elles ont été victimes d’une fausse coopération commerciale. Elles demandent que soit prononcée la nullité des accords commerciaux concernés et réclament le remboursement de ces prestations pour un montant total de 517.545,73 euros.
Les parties avaient contractuellement prévu, en cas de litige, le recours à la médiation préalablement à la saisine des tribunaux. La demande relative à la nullité des accords commerciaux postérieurs à 2007 a été soumise au Centre de Médiation et d’Arbitrage de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, sans succès.
Les parties n’ayant pas réussi à régler amiablement leurs différends, les sociétés Valensi et Bethsa B ont assigné le groupe Auchan pour faire valoir leurs droits par acte du 27 décembre 2011.
Par jugement du 18 décembre 2014, le tribunal de commerce de Lille a :
– pris acte de la fusion-absorption de la société Tomblaine Distribution par la société SA Auchan France,
– dit la société Bethsa B irrecevable dans ses demandes portant sur la rupture brutale des relations commerciales établies, faute d’avoir saisi préalablement le Centre de Médiation et d’Arbitrage de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris,
– débouté les sociétés JM Valensi et Bethsa B de leurs demandes de nullité des accords de coopération commerciale signés avec Auchan, Eurauchan et la société Anciens établissements Georges Schiever et fils et applicables antérieurement au 31 décembre 2006, pour prescription,
– débouté les sociétés JM Valensi et Bethsa B de leurs demandes de remboursement de l’ensemble des factures émises par Auchan, Eurauchan et la société Anciens établissements Georges Schiever et fils au titre de la coopération commerciale, relevant d’accords postérieurs au 1er janvier 2007, preuve n’étant pas rapportée de l’inexistence de la coopération commerciale,
– condamné in solidum les sociétés Auchan, Eurauchan et Anciens établissements Georges Schiever et fils à payer à la société Bethsa B la somme de 12.849,48 euros TTC en règlement de factures, cette somme étant majorée des intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2013,
– débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires,
– condamné in solidum les sociétés JM Valensi et Bethsa B à verser chacune la somme de 20.000 euros au profit d’Auchan et d’Eurauchan par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum les sociétés JM Valensi et Bethsa B à verser chacune la somme de 3.000 euros au profit de la société Anciens établissements Georges Schiever et fils par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires,
– condamné in solidum les sociétés JM Valensi et Bethsa B aux entiers frais et dépens de l’instance, taxés et liquidés à la somme de 163,80 euros en ce qui concerne les frais de greffe.
La Cour,
Vu l’appel interjeté par les sociétés Valensi et Bethsa B et leurs dernières conclusions notifiées et déposées le 11 août 2015, par lesquelles il est demandé à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné in solidum les sociétés Auchan, Eurauchan et Anciens établissements Georges Schiever et fils à payer à la société Bethsa B la somme de 12.849,48 euros,
– infirmer le jugement entrepris pour le surplus,
statuant à nouveau,
– dire les sociétés Valensi et Bethsa B recevables et bien fondées en leurs demandes,
y faisant droit,
sur la rupture brutale des relations commerciales établies
– dire que les sociétés Auchan, Eurauchan et Anciens établissements Georges Schiever et fils ont commis une double faute en rompant partiellement puis totalement de fac’on brutale les relations commerciales établies qu’elles entretenaient avec la société Bethsa B,
en conséquence,
– condamner in solidum les sociétés Auchan, Eurauchan et Anciens établissements Georges Schiever et fils à verser à la société Bethsa B la somme de 649.915,48 euros à titre de dommages- intérêts,
sur la violation de la réglementation économique relative à la transparence et aux pratiques restrictives de concurrence de 2002 à 2011
– dire que les sociétés Auchan, Eurauchan et Anciens établissements Georges Schiever et fils ont violé les articles L.441-6, dans sa version en vigueur jusqu’au 2 août 2005, L 441-7 et L 441-3 du code de commerce, en :
imposant à la société Valensi la signature d’accords commerciaux ne respectant pas le formalisme imposé par ces articles et portant sur des services ne répondant pas à la définition de la coopération commerciale,
émettant des factures non conformes aux dispositions de l’article L.441-3 du code de commerce,
– dire que les sociétés Auchan, Eurauchan et Anciens établissements Georges Schiever et fils ont obtenu des conditions commerciales discriminatoires de Valensi au sens de l’article L 442-6 I, 1°) dans sa version en vigueur jusqu’au 3 août 2008,
– dire que les sociétés Auchan, Eurauchan et Anciens établissements Georges Schiever et fils ont obtenu de la société Valensi des avantages ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu,
– dire que les sociétés Auchan, Eurauchan et Anciens établissements Georges Schiever et fils ont soumis ou tenté de soumettre Bethsa B à des obligations commerciales créant un déséquilibre significatif,
en conséquence :
– prononcer la nullité des contrats conclus entre la société JM Valensi et Eurauchan de 2002 à 2011,
– condamner in solidum les sociétésAuchan, Eurauchan et Anciens établissements Georges Schiever et fils à verser à la société JM Valensi la somme de 358.915,64 euros HT, assortie des intérêts de retard à compter du 27 décembre 2011,
– condamner in solidum les sociétés Auchan, Eurauchan et Anciens établissements Georges Schiever et fils à verser à la société Bethsa B la somme de 158.630,09 euros HT, assortie des intérêts de retard à compter du 27 décembre 2011,
sur les factures impayées
– dire que le montant des factures impayées de la société BETHSA B s’élève à 32.533,51 euros,
en conséquence,
– condamner in solidum les sociétés Auchan, Eurauchan et Anciens établissements Georges Schiever et fils à verser à la société Bethsa B, outre la somme de 12.849,48 euros allouée par le Tribunal, la somme de 19.664,03 euros TTC, soit au total la somme de 32.533,51 euros, avec intérêts applicables dès l’échéance de chacune des factures au taux d’une fois et demie le taux d’intérêt légal jusqu’au 5 août 2008 et, à compter du 6 août 2008, au taux de trois fois le taux d’intérêt légal.En tout état de cause,
– débouter les sociétés Auchan, Eurauchan et Anciens établissements Georges Schiever et fils de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
– condamner in solidum les sociétés Auchan, Eurauchan et Anciens établissements Georges Schiever et fils à verser à la société JM Valensi et à la société Bethsa B, chacune, la somme de 65.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction, s’agissant des dépens d’appel, au profit de La Selarl Recamier & Associés représentée par Maître Véronique de La Taille, Avocate au barreau de Paris, en application de l’article 699 du code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 25 novembre 2016 par les sociétés Auchan, Eurochan et Anciens Etablissements Georges Schiever et fils, par lesquelles il est demandé à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il prend acte de la fusion absorption de la société Tomblaine Distribution par la société Auchan France,
concernant les demandes formulées au titre de la rupture brutale de relations commerciales établies
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il constate que la société Bethsa B n’a pas mis en ‘uvre la procédure de médiation préalable relative à l’action diligentée au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies et par conséquent, déclarer irrecevables ses demandes,
En toute hypothèse, sur le fond,
– mettre la société Anciens établissements Georges Schiever et fils hors de cause,
– débouter la société Bethsa B de ses demandes à ce titre,
concernant les demandes formulées au titre des accords de coopération commerciale
– mettre la société Anciens établissements Georges Schiever et fils hors de cause,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il déclare prescrites les demandes de nullité au titre des accords antérieurs à 2006 mais le réformer pour le surplus et étendre cette prescription aux actions en nullité des accords conclus en 2007 et 2008,
concernant les actions non prescrites
– confirmer le jugement de première instance qui déboute les sociétés Bethsa B et JM Valensi de leur demande de remboursement des sommes qui auraient été versées par elle en application de ces accords,
en toute hypothèse si la prescription des actions devait être rejetée par la cour,
– débouter les sociétés Bethsa B et JM Valensi de leur demande de remboursement des sommes qui auraient été versées par elle en application des accords de coopération commerciale,
concernant la demande de paiement des factures
– réformer partiellement le jugement entrepris et rejeter la totalité des demandes formulées par les sociétés Bethsa B et JM Valensi à ce titre, en toute hypothèse, mettre la société Anciens établissements Georges Schiever et fils hors de cause,
– condamner in solidum Bethsa B et JM Valensi à payer chacune la somme de 25.000 euros au profit des sociétés Eurauchan et Auchan France au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens avec distraction au profit de Me Bouzidi Fabre en application de l’article 699 du code de procédure civile
SUR CE,
Sur la mise hors de cause de la société Anciens établissements Georges Schiever et fils
La société Anciens établissements Georges Schiever et fils sera mise hors de cause, faute de toute preuve d’un contrat ou d’un flux d’affaires existant entre cette société et les sociétés Bethsa B ou Valensi.
Sur la recevabilité de l’action de la société Bethsa B sur le fondement de l’article L 442-6, I, 5° du code de commerce
Au contraire du groupe Auchan qui soulève l’irrecevabilité de la demande des appelantes fondée sur la rupture brutale, en l’absence de médiation préalable, celles-ci soutiennent que l’action de la société Bethsa B est recevable, l’intention des parties n’ayant pas été de soumettre la rupture de leurs relations commerciales établies à la clause de médiation du contrat.
La clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge constitue une fin de non recevoir qui s’impose au juge. La portée de la clause est définie par l’intention commune des parties, la nature délictuelle, en droit interne, de la responsabilité fondée sur l’article L.442-6-I, 5° du code de commerce n’excluant pas, par principe, l’application d’une clause de médiation, à la condition que les parties aient expressément entendu soumettre ce type de litige à cette procédure alternative de règlement des conflits.
Or, les conventions annuelles signées entre les parties depuis 2007 contiennent une clause de conciliation obligatoire, la dernière version en étant la suivante : « Dans l’hypothèse où un différend surviendrait portant sur la validité, l’interprétation, l’exécution ou la fin pour quelle que cause que ce soit des présentes Conditions Générales de Référencement ou des Conditions Générales de Vente du Fournisseur, les Parties conviennent de rechercher toute solution amiable. En cas d’impossibilité de résolution amiable dudit différend, les Parties conviennent de soumettre ledit différend à une procédure de médiation sous l’égide du Centre de Médiation et d’Arbitrage de la Chambre de commerce et de l’industrie de Paris. Les Parties organiseront leur médiation selon le règlement de Médiation en vigueur de cet organisme. Les frais inhérents à la procédure de Médiation seront partagés à parts égales entre les Parties qui, cependant, conserveront à leur charge les frais et honoraires de leurs conseils et avocats ».
Cette clause, qui vise la fin des «Conditions Générales de Référencement» ou des «CGV du fournisseur» dans les conventions annuelles de 2009 et 2010, ou le «présent contrat» dans la convention de 2007 ou encore «la présente Convention», s’agissant de la convention de 2008, ne vise nullement la fin des relations commerciales établies.
L’action engagée par la société Bethsa B, fondée sur les dispositions de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, vise en effet la rupture d’une relation commerciale établie, depuis 1995 selon elle, depuis 2007 pour Eurochan, et non des différends portant sur la fin de chacune des conventions annuelles.
Il y a donc lieu de déclarer recevable l’action en rupture brutale de la société Bethsa B et d’infirmer le jugement entrepris sur ce point.
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
Les appelantes soutiennent que les intimées ont engagé leur responsabilité délictuelle sur le fondement de l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce, en ayant brutalement diminué, puis complètement interrompu, le volume d’affaires entretenu. Les sociétés appelantes prétendent que la rupture est imputable au groupe Auchan qui a diminué fortement ses commandes en 2010, puis les a totalement cessées en 2011, dans la mesure où Eurauchan pouvait faire sa sélection de produits au titre de 2010 et de 2011, à partir des «permanents», à savoir les produits de la société Bethsa B en sa possession, dont la liste était arrêtée par Auchan au mois de décembre de l’année n-1, après avoir été sélectionnés sur les produits dont un échantillon, dénommé «confié», était envoyé à Auchan. Dès lors, la société Bethsa B n’avait pas à prendre l’initiative de proposer ses produits à la société Auchan, celle-ci étant toujours à l’initiative. Elle indique avoir subi un préjudice d’un montant de 649.915,48 euros découlant de la rupture brutale de ces relations commerciales établies.
Les intimées soutiennent que les relations avec la société JM Valensi ont duré 5 années et non 15, et celles avec la société Bethsa B, 3 années, cette dernière n’ayant pas succédé à la première dans ses relations avec les filiales du groupe Auchan. Elles relèvent qu’aucun caractère établi de ces relations n’est démontré et qu’Aurauchan n’a jamais manifesté son souhait de mettre un terme aux relations commerciales, la société Bethsa B ne démontrant pas avoir fait la moindre proposition d’approvisionnement à Eurauchan en 2010 ou en 2011, à part une offre anecdotique du 20 mai 2010 portant sur un lot de montres. Elles exposent que la société Bethsa B ne démontre pas davantage un quelconque refus qui aurait été signifié par Eurauchan à une proposition commerciale, ni n’atteste avoir adressé un courrier à celle-ci pour s’inquiéter de la baisse prétendue des commandes.
xxx
Si aux termes de l’article L 442-6-I-5° du code de commerce, «Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels», la société qui se prétend victime de cette rupture doit établir au préalable le caractère suffisamment prolongé, régulier, significatif et stable du courant d’affaires ayant existé entre elle et l’auteur de la rupture, qui pouvait lui laisser augurer que cette relation avait vocation à perdurer.
Les parties s’opposent sur l’initiative de la rupture et sur la durée des relations commerciales.
Aucun courrier n’a été adressé par le groupe Auchan à la société Bethsa B pour signifier la fin de leurs relations commerciales. Pour déterminer l’initiateur de la rupture, il convient donc d’examiner le comportement respectif des deux partenaires.
Or, il résulte des pièces versées aux débats par la société Bethsa B et, notamment des courriers adressés chaque année par la société Auchan à la société Bethsa B ou, auparavant, à la société Valensi, que c’est la société Auchan qui fixait les rendez-vous au cours desquels la société Bethsa B présentait ses produits, qui prenait l’initiative des commandes, sur la base de son fonds de produits «permanents», ou, s’agissant des opérations spéciales pour la Fête des Mères, de la Saint-Valentin ou de Noël, sur la base de «demandes de prix et recherche» auprès de la société Bethsa B. Référencée pour un nombre important d’articles, la société Bethsa B était sollicitée chaque année par Auchan, qui lui achetait certains des articles de la liste, dits «confiés», dont elle disposait d’un échantillon.
La société Auchan disposait ainsi, en 2010, de 624 «confiés», c’est-à-dire de 624 produits Bethsa B référencés auprès d’elle, et pouvait choisir, parmi cette large gamme, les produits qu’elle souhaitait commercialiser. La société Bethsa B a adressé à Auchan 218 «confiés» tout au long de l’année 2009, et encore 95 les 3 et 16 mars 2010 pour le « permanent » 2011, c’est-à-dire l’assortiment de 2011, et a répondu à toutes les demandes d’Auchan concernant les opérations spéciales (« bonnes affaires janvier 2011 », « bonne affaires mars 2011 », « bonnes affaires octobre 2011 »). Elle a, par ailleurs signé les contrats de l’années 2010. Enfin, Eurauchan ne démontre par aucune pièce du dossier avoir sollicité la société Bethsa B selon le modus operandi des années antérieures.
Toutefois, il ressort également de l’instruction que la société Bethsa B ne démontre par aucune pièce du dossier avoir fait la moindre proposition d’approvisionnement à Eurauchan en 2010 et 2011, à part une offre anecdotique du 20 mai 2010 portant sur un lot de montres. Elle ne démontre pas davantage un quelconque refus qui lui aurait été signifié par Eurauchan à une proposition commerciale, ni n’atteste s’être à aucun moment inquiétée du silence de la centrale d’achat et de la prétendue baisse, puis cessation, des commandes. La société Eurauchan verse aux débats plusieurs messages électroniques attestant que la société Bethsa B avait changé d’adresse et avait longuement tardé à la communiquer à son distributeur, témoignant ainsi d’un désintérêt certain pour la pérennité de leurs relations commerciales. Eurauchan démontre avoir été conduite à la relancer plusieurs fois pour être en mesure de connaître sa nouvelle adresse, mais aussi pour obtenir ses conditions générales de vente et ses tarifs de 2012. Elle produit aussi aux débats sa proposition d’accord commercial pour 2011 à Bethsa B, qui ne l’a jamais signée, malgré deux relances d’Eurauchan des 25 février 2011 et 3 mars 2011, et n’en a jamais contesté les termes.
Il résulte de ces éléments que la faute devant être démontrée par celui qui s’en prétend victime, la société Bethsa B ne démontre pas à suffisance de droit avoir été victime d’une rupture brutale des relations commerciales de la part des sociétés du groupe Auchan, l’imputabilité même de la rupture à Auchan n’étant pas établie par les pièces du dossier.
La société Bethsa B sera donc déboutée de sa demande fondée sur la rupture brutale.
Sur la coopération commerciale
Les sociétés appelantes soutiennent en substance que les intimées ont violé la réglementation économique en leur imposant le paiement de fausses prestations de services de coopération commerciale, engageant leur responsabilité délictuelle sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 2 du code de commerce (devenu L. 442-6, I, 1). En effet, les appelantes affirment que ces services ne constituaient pas des services de coopération commerciale et que les factures émises par le groupe Auchan ne respectaient par les dispositions de l’article L. 441-3 du code de commerce. Ainsi, elles demandent que soit prononcée la nullité des accords commerciaux conclus sur la période de 2002 à 2011, et que soit réparé le préjudice subi par la restitution des sommes versées à ce titre.
Le groupe Auchan affirme que l’action des appelantes au titre de la demande de nullité des accords de coopération commerciale est prescrite pour le tout. Enfin, les intimées soutiennent que ces demandes ne sont ni fondées, ni justifiées par les pièces produites.
Sur la prescription
Les intimées soutiennent que toutes les demandes en annulation des accords de coopération commerciale sont prescrites, qu’elles concernent les accords de 2002 à 2006 ou les accords de 2007 à 2010.
Mais c’est la prescription entre commerçants de l’article L. 110-4 du code de commerce qui s’applique aux actions en nullité des contrats de coopération commerciale fondées sur l’article L.442-6 du code de commerce. La loi du 17 juin 2008 a porté à cinq ans la durée de la prescription de cet article, qui était auparavant d’une durée de 10 ans. La cour étant saisie d’actions nées en 2002, soit antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, il y a lieu d’appliquer les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 2222 du code civil, selon lequel «le nouveau délai de cinq ans court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la prescription prévue par la loi antérieure». La prescription des actions menées en 2002 ne pouvait être acquise avant le 1er janvier 2012 et la prescription des actions nées en 2007 avant le 19 juin 2013. La première assignation concernant les contrats de coopération commerciale de 2002 à 2006, délivrée le 27 décembre 2011, est donc intervenue avant la date d’acquisition de la prescription. De même, la deuxième assignation du 13 juin 2013 concernant les contrats de coopération commerciale de 2007 à 2011, est intervenue en période non prescrite.
Il y a donc lieu de rejeter l’exception de prescription des sociétés intimées.
Sur le fond
Selon les appelantes, le groupe Auchan aurait obtenu de la société Valensi puis de la société Bethsa B le paiement de sommes au titre de prétendus services de coopération commerciale, puis des remises et ristournes, en totale violation des articles L.441-3, L. 441-6 alinéa 5 devenu L. 441-7 et L. 442-6 du code de commerce. Ces pratiques constitueraient le délit civil d’avantages sans contrepartie et de discrimination, et également des irrégularités formelles des contrats et des factures.
Elles prétendent, notamment, qu’ont été facturés par ce biais à la société Valensi d’abord, puis à la société Bethsa B, des «services de paiement centralisés», des «services d’achat centralisés», un «service de diffusion et de cooptation des assortiments», des «systèmes de bons de réduction», des «services de collection», un «service de création d’événements promotionnels» qui auraient dû être facturés sous forme de remises qualitatives et non sous forme de services de coopération commerciale. En 2009, la majorité des services facturés comme services de coopération commerciale ont été remontés sur les factures des biens vendus sous forme de remises, mais elles soutiennent que les trois nouvelles ristournes conditionnelles qui ont été alors instaurées sont également irrégulières, car insuffisamment précises et opaques. L’existence de contreparties est également contestée, ainsi que la proportionnalité des avantages aux services rendus.
Les sociétés Eurauchan et Auchan SA réfutent toutes ces allégations et soulignent, d’une part, que les services en cause sont bien des services de coopération commerciale, relevant de prestations distinctes de l’achat-vente, et d’autre part que les sociétés appelantes ne démontrent ni l’absence de contrepartie pour défaut d’existence de ces services, ni le caractère disproportionné de leur rémunération. Elles exposent qu’il ne peut être exigé sur le plan probatoire que les sociétés du groupe Auchan justifient l’intégralité des prestations facturées comme services de coopération commerciale de 2002 à 2011. En effet, il appartiendrait en premier lieu aux sociétés appelantes, qui dénoncent les pratiques, de démontrer, par quelques factures concrètes, l’absence de prestations correspondantes.
xxx
En vertu de l’article L. 442-6, I, 2 du code de commerce en vigueur avant le 6 août 2008, devenu le L. 442-6, I, 1 le 6 août 2008 : «- Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan : D’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d’une opération d’animation commerciale, d’une acquisition ou d’un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins ou encore du rapprochement d’enseignes ou de centrales de référencement ou d’achat. Un tel avantage peut également consister en une globalisation artificielle des chiffres d’affaires ou en une demande d’alignement sur les conditions commerciales obtenues par d’autres clients».
Cet article prohibe en premier lieu les services indûment facturés de façon distincte comme services de coopération commerciale, alors qu’ils ne constituent pas des services de coopération commerciale et auraient dû être facturés, sous forme de remise ou ristournes, sur les factures des biens échangés. Il interdit également les services de coopération commerciale ne correspondant à aucun service rendu ou dont la rémunération est manifestement disproportionnée par rapport au service effectivement délivré.
L’article L.441-6 alinéa 5 du code de commerce dans sa version applicable jusqu’au 2 août 2005 et l’article L.441-7 dans sa version du 2 août 2005 ainsi que dans ses différentes versions postérieures, exigent que les accords de coopération commerciale soient consignés par écrit, la loi du 2 août 2005 précisant le contenu du contrat, qui doit indiquer son objet, sa durée, la date à laquelle les services sont rendus, leurs modalités d’exécution, leur rémunération, et les produits auxquels ils se rapportent. L’exigence d’un écrit permet de vérifier que les services visés rentrent bien dans la catégorie des services de coopération commerciale, mais également la réalité de ces services, ainsi que leur rémunération proportionnée et donc qu’ils respectent l’article L. 442-6, I, 1 du code de commerce.
Les services de coopération commerciale constituent « des actions de nature à stimuler ou à faciliter au bénéfice du fournisseur la revente de ses produits par le distributeur, telles la mise en avant des produits ou la publicité sur les lieux de vente’ l’attribution de têtes de gondoles ou d’emplacements privilégiés’ ainsi que la promotion publicitaire », ainsi que les a définis la circulaire Dutreil du 16 mai 2003, et la jurisprudence. Le service doit être détachable de l’achat-vente, c’est-à-dire distinct de la fonction naturelle du distributeur. Autrement dit, les prestations qui font partie inhérente de la fonction même de distributeur ne peuvent faire l’objet de facturation distincte au titre de prestations de coopération commerciale.
Il y a donc fausse coopération commerciale notamment lorsque les services rendus par le distributeur à son fournisseur sont, soit inexistants, soit des pratiques normales et habituelles d’un revendeur qui n’ont rien de spécifiques et ne sont pas détachables de l’achat-vente.
La circulaire rappelle également que, conformément aux exigences de la loi, « le contrat de coopération commerciale doit permettre d’identifier avec précision la nature exacte des services rendus, ainsi que les dates de réalisation de ces services, afin que la correspondance entre ce contrat et la facture du distributeur puisse être établie». Des services présentés comme services de coopération commerciale insuffisamment définis sont également irréguliers.
Au regard de ces articles, il incombe à la cour d’appel, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des faits, de vérifier, ainsi que l’y invitent les sociétés appelantes, que les prestations facturées comme services de coopération commerciale de 2002 à 2011 par Eurauchan constituaient bien des prestations de services spécifiques détachables des simples obligations d’Eurauchan résultant des achats et des ventes, et procuraient une contrepartie réelle aux sociétés Valensi et Bethsa B.
Cet examen sera effectué au regard du rôle des centrales d’achat et de référencement, qui, comme la société Eurauchan, ont pour objectif de négocier, au profit de leurs adhérents du réseau, des conditions d’achat plus avantageuses que celles que chacun d’eux pourrait obtenir individuellement s’il traitait isolément avec les fournisseurs. La société Eurauchan est en charge du référencement et de la négociation des conditions d’achat des produits commercialisés pour l’ensemble des magasins du groupe, qu’ils soient intégrés ou non.
De 2002 à 2007, les relations se sont nouées entre les sociétés Valensi et Eurauchan, de 2008 à 2011 entre Bethsa B et Eurauchan.
Année 2002
En vertu de l’article L441-6 du code de commerce en vigueur en 2002, «Tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer à tout acheteur de produit ou demandeur de prestation de services pour une activité professionnelle qui en fait la demande son barème de prix et ses conditions de vente. Celles-ci comprennent les conditions de règlement et, le cas échéant, les rabais et ristournes. (‘). Les conditions dans lesquelles un distributeur ou un prestataire de services se fait rémunérer par ses fournisseurs, en contrepartie de services spécifiques, doivent faire l’objet d’un contrat écrit en double exemplaire détenu par chacune des deux parties».
Pour 2002, ont été signés entre la société Valensi et la société Eurauchan un «accord de remises et ristournes 2002 », un « accord de coopération commerciale 2002 » et cinq conventions de services.
Il convient de souligner que l’accord de coopération commerciale 2002 ne contient aucune définition des services censés être rendus par Auchan, l’article 3 de l’accord intitulé « description des services » n’ayant en effet pas été complété. Par ailleurs, le prix de ces prétendus services de coopération commerciale n’est pas davantage défini, l’article 4 se contentant de prévoir un pourcentage du chiffre d’affaires réalisé, sans que ce pourcentage soit précisé, et le versement d’acomptes d’un montant total de 20.580 euros. Mais les services sont détaillés et la tarification précisée dans les conventions de services. Celles-ci portent chacune sur les services suivants : « service de paiement centralisé » moyennant le versement de 1 % du chiffre d’affaires ; « service d’achats centralisés pour les opérations saisonnières » moyennant une rémunération de 1 % du chiffre d’affaires ; « service d’achats centralisés pour les produits du permanent sur les deux saisonnalités » moyennant le prix de 5% du montant des achats réalisés sur les « produits du permanent » ; service de «diffusion et de cooptation des assortiments » moyennant le prix de 1 % du chiffre d’affaires.
Le service de paiement centralisé comprend «le regroupement de tous les paiements qui pourraient être adressés séparément par chaque point de vente exploité par les sociétés adhérentes d’Eurauchan et leurs filiales et l’envoi au fournisseur dans des délais rapides et réguliers d’un titre de paiement unique pour chaque centre payeur». Il s’agit des modalités de paiement des sociétés adhérentes d’Eurauchan au fournisseur référencé. Ce service de paiement constitue des modalités particulières d’achat qui ne sont pas détachables de l’opération d’achat/vente et n’ont nullement pour objet de stimuler la revente des produits Valensi aux consommateurs. Il ne saurait donc constituer un service de coopération commerciale.
La «convention de services d’achats centralisés pour les produits du permanent sur les deux saisonnalités» comprend «l’envoi centralisé des commandes des magasins sur les produits permanents du fournisseur deux fois par an (février 2002 et juillet 2002)» et «la préconisation de quantités à l’article pour chaque niveau de magasins». La «convention de services d’achats centralisés pour les opérations saisonnières» comprend «l’envoi centralisé des commandes des magasins sur des produits saisonniers». L’envoi centralisé des commandes relève de la fonction même de la centrale d’achat, celui-ci ayant pour objet de négocier des tarifs intéressants pour tous ses adhérents par le regroupement des commandes. Dès lors, ce service n’est pas davantage détachable de l’opération d’achat-vente. L’optimisation et la centralisation des commandes, l’unicité des négociations et la centralisation de paiement auraient du être mentionnées sur les barèmes de réduction des fournisseurs et faire l’objet d’une remise sur facture.
Il en est de même du service « de cooptation et de diffusion des assortiments ». Ce service qui consiste à « faire coopter l’assortiment national défini ensemble dans le cadre de la révision de gamme par l’ensemble des hypers du Groupe (‘) » est au surplus mal défini. Il semble qu’il s’agisse d’un référencement des produits des fournisseurs sur l’ensemble des hypermarchés du groupe, caractérisé par une codification unitaire, la diffusion des prix et conditions de vente du fournisseur sans que celui-ci ait à se mobiliser dans chacun de ces hypermarchés. Ce service n’est pas davantage détachable de l’activité achat/vente. La fonction essentielle de la centrale d’achat est en effet de référencer, pour l’ensemble de ses adhérents, des produits et d’en négocier le prix. Il s’agit d’un service rendu aux adhérents, probablement facturé à ceux-ci, même si la cour ne dispose pas des contrats régissant les rapports de la centrale d’achat avec ses adhérents.
La société Eurauchan ne justifie pas en quoi ces opérations pourraient être qualifiées de coopération commerciale, se contentant de souligner que ces prestations ont été utiles au fournisseur, ce qui ne constitue pas un critère de qualification des services de coopération commerciale. Elle ajoute également que la société Valensi n’a pas démontré qu’elles n’auraient pas été exécutées, ce qui ne constitue pas le grief majeur fait par cette société à Eurauchan, cette société centrant ses griefs sur la mauvaise qualification des prestations, qui auraient dues, selon elle, être facturées comme remises sur les prix.
Enfin, s’agissant du « service de commande centralisée », il n’est pas démontré que les intimées se seraient fait rémunérer deux fois la même prestation, d’une part, un service de commande centralisée sur les « produits du permanents » et, d’autre part, un service de commande sur les « produits saisonniers », le groupe ayant des commandes «saisonnier» et des commandes «permanents», bien distinctes, selon les termes du contrat de référencement, qui varient en fonction des saisons et qui font l’objet de deux collections Automne / Hiver et Printemps/Eté comme le prêt-à-porter. Mais ce grief n’était que surabondant par rapport au grief principal.
En définitive, la société Valensi a donc bien démontré que les services proposés en 2002 par Eurauchan comme des services de coopération commerciale n’avaient pas pour objet la promotion, la démonstration et la préconisation active de ses produits auprès des consommateurs. Il en résulte l’irrégularité des conventions, sur le fondement de l’article L.442-6, I, 2°, a) du code de commerce, en vigueur au moment des faits, et leur nullité pour absence de cause.
La société Valensi est donc bien recevable à demander la restitution des sommes versées par elle à ce titre à Eurauchan en 2002.
Année 2003
Sur la forme comme sur le fond, l’accord signé en 2003 diffère peu de celui conclu en 2002. Les mêmes griefs que ceux décrits ci-dessus peuvent ainsi être faits à la société Eurauchan.
L’accord de coopération commerciale 2003 ne contient aucune définition des services censés être rendus par Auchan, l’article 3 de l’accord intitulé « description des services » n’ayant en effet pas été complété, et le prix de ces prétendus services de coopération commerciale n’étant pas non plus défini, l’article 4 se contentant de prévoir un pourcentage du chiffre d’affaires réalisé sans pour autant préciser ce pourcentage. Le versement d’acomptes est prévu à ce titre pour un montant total de 20 250 euros.
Les conventions de services sont les mêmes que celles signées l’année précédente, à l’exception d’un nouveau service, intitulé « système de bon de réduction », fixé à 0,50 % du chiffre d’affaires.
Cette convention ne satisfait pas davantage aux exigences de l’article L 441-6 alinéa 5. En effet, la description du pseudo-service objet de cette convention n’est pas suffisamment précise. A aucun moment les dates d’exécution des opérations de « bon de réduction » ne sont précisées. Par ailleurs, la convention ne définit pas les produits censés déclencher l’émission du bon de réduction ou ceux sur lesquels s’appliquera la remise au consommateur. Il est ainsi impossible de savoir si cette convention concerne des produits Valensi. Le fait que les opérations envisagées ne soient nullement décrites et que l’article 3, prévoyant l’avance par Auchan des réductions de prix accordées au consommateur, n’ait pas été complété confirme bien que cette nouvelle convention de service n’a pas été exécutée et a été insérée dans l’accord commercial uniquement pour justifier en apparence le paiement de 0,50 % du chiffre d’affaires supplémentaires.
La société Eurauchan se contente pour toute explication de souligner que la société Valensi ne prétend pas avoir elle-même démarché certains hypermarchés Auchan, ce qui ne répond pas au grief fait plus haut.
La société Valensi est donc bien recevable à demander la restitution des sommes versées par elle à ce titre à Eurauchan en 2003, au titre de tous les services mentionnés plus haut.
Année 2004
La forme des accords est légèrement modifiée par rapport aux années précédentes : la description des prestations objet des « conventions de service » a été modifiée, et la convention « bon de réduction » est désormais intitulée « Convention d’utilisation du Processus ‘Cagnotte’ et Bons de réduction ». Un nouveau service dit « cagnotte » y a été ajouté.
L’accord de coopération commerciale 2004 suscite les mêmes griefs que les précédents. Toutefois, le montant des acomptes fixé par Auchan en contrepartie de prétendus services de coopération non définis au contrat s’alourdit encore, puisqu’il est porté à 40.500 euros, une nouvelle prestation s’ajoutant à la liste de 2004.
Les conventions de « service de paiement centralisé », « services d’achats centralisés pour les opérations saisonnières », « service d’achats centralisés pour les produits du permanent sur les deux saisonnalités », « service de diffusion et de validation des assortiments » sont reprises. De façon générale, les descriptions des services sont toujours aussi peu explicites sur la nature des services rendus et les obligations d’Auchan. Les contrats exposent sommairement les pseudo-services sans précision sur leur application concrète. Pour les mêmes raisons que celles vues plus haut, ces services ne constituent pas de vrais services de coopération commerciale.
L’accord « Convention d’utilisation du Processus ‘Cagnotte’ et Bons de réduction » ne mentionne toujours pas les dates d’exécution des obligations et les produits objets des opérations « Cagnotte » et « Bons de réduction » ne sont toujours pas définis.
Une nouvelle « convention de service de contrôle qualité » s’ajoute aux autres. Il s’agit d’un «contrôle qualité par un expert extérieur sur une sélection de produits du fournisseur avec la communication des comptes-rendus d’examen des produits non satisfaisants. Ce contrôle porte essentiellement sur les poids or et pierres, la qualité du métal et des pierres ou perles, ainsi que sur la finition des objets » ; «le contrôle qualité réalisé par les responsables réceptions des bijouteries en magasins sur l’ensemble des produits livrés par le fournisseur avec la communication des comptes-rendus d’examen des produits non satisfaisants. Ce contrôle porte essentiellement sur la présence des poinçons légaux, le poids des objets, la qualité générale et la conformité avec la pièce étalons (book photos) ».
La description de ce service révèle, là encore, qu’il ne s’agit pas d’un service détachable de l’opération d’achat/vente, destiné à favoriser la revente des produits du fournisseur. Il est question d’un simple contrôle de conformité, par Eurauchan, des produits livrés par Valensi à Auchan, avant leur mise en rayon. Ce service n’est pas de nature à stimuler ou faciliter les ventes du fournisseur, celui-ci étant toujours tenu d’une obligation de garantie des vices cachés et d’une obligation de délivrance de ses propres produits (livrer des produits conformes à l’échantillon remis à Auchan), et, enfin de livrer les produits offrant la sécurité à laquelle le consommateur peut s’attendre (en vertu des articles 1386-1 et suivants du code civil en vigueur au moment des faits).
Par ailleurs, les obligations à la charge d’Auchan à ce titre ne sont pas définies avec suffisamment de précision, les dates d’exécution de la pseudo-prestation n’étant pas déterminées, ni les produits concernés (sélection de produits). Enfin, ce service est facturé à hauteur de 0,50 % du chiffre d’affaires de Valensi et tout retard donne droit à intérêts (article 3), sans que soit mentionnée la date de paiement qui ferait courir le retard. Enfin, ces intérêts se cumulent avec ceux, de 12 %, prévus à l’article 5 de l’accord commercial.
La société Valensi est donc bien recevable à demander la restitution des sommes versées par elle à ce titre à Eurauchan en 2004, au titre de tous les services mentionnés plus haut.
Année 2005
Les mêmes services sont convenus entre les parties, seuls ayant changé l’intitulé du service de bons de réduction et la rémunération du service de diffusion et de validation des assortiments, qui passe de 2,5 % à 3,25 %. Les mêmes griefs seront donc retenus au titre de l’année 2005.
Année 2006
Si la présentation est différente, les accords se composant de « conditions particulières de référencement Eurauchan », d’un « accord de réduction de prix CPV » et de deux avenants « service de suivi qualité » et « service de diffusion des plans merchandising », les services déjà contenus dans les «conventions de service» des accords commerciaux 2005 se retrouvent dans les «conditions particulières de référencement » : « service administratif et de paiement centralisé » (article 1 A) ; « service d’édition et de diffusion du book des offres promotionnelles nationales » (1.B), qui correspond à l’ancien « service d’achat centralisé des produits saisonniers » ; « service de commande centralisée et/ou EDI » (article 1 C) ; « service de diffusion des assortiments » (article 1 D). Pour les raisons énoncées supra, ces prestations ne constituent pas des services de coopération commerciale.
Par ailleurs, plusieurs services sont facturés deux fois, ce qui démontre à plus forte raison leur caractère fictif.
En effet, la centralisation des commandes est prévue au titre de l’article 1.C. « service de commande centralisée » moyennant le prix de 5 % du montant des achats centralisés et au titre de l’article 1.B. « Service d’édition et de diffusion du book des offres promotionnelles nationales » qui prévoit, entre autres prestations, « la centralisation des commandes pour le comptes du fournisseur » et en contrepartie duquel Auchan exige un prix de 1,5 % du chiffre d’affaires.
L’édition d’un catalogue présentant les produits du fournisseur est mentionnée à l’article 1.B comme « service d’édition et de diffusion du book des offres promotionnelles nationales » aux termes duquel Auchan s’engage notamment à éditer un catalogue reprenant un descriptif des produits objets des offres promotionnelles en contrepartie de 1,5 % du chiffre d’affaires et, d’autre part, à l’article 1.D. « Service de diffusion des assortiments » qui prévoit la préparation d’un catalogue permettant « aux chefs de rayon de connaître l’ensemble de la gamme référencée » moyennant le versement de 4 % du chiffre d’affaires.
Par ailleurs, le « service de suivi qualité », qui correspond à l’ancien service de «contrôle qualité », et dont la définition a été modifiée par rapport aux versions antérieures de la convention de service, prévoit, au nombre des prestations auxquelles s’engage le distributeur, le « retrait des produits de la vente avant l’expiration de la date limite de vente » ou l’établissement d’une « notice d’utilisation que le Fournisseur n’aura ainsi pas à réaliser ». Ces services ne sont manifestement pas prévus pour les bijoux, mais pour des produits périssables, ce qui confirme encore la fictivité de ces services.
Enfin un nouveau service est créé, le « service diffusion des plans merchandising », qui permet à Auchan d’exiger de Valensi le paiement de 5000 euros en contrepartie de la communication aux magasins Auchan des plans de masse et/ou détail des magasins, éléments qui relèvent exclusivement de son organisation interne et qui n’ont, compte tenu de la nature des produits distribués, aucun intérêt pour Valensi. Ces plans sont d’ailleurs destinés aux magasins, le fournisseur n’y ayant accès que sur sa demande. Ce service ne constitue donc pas un service de coopération commercial destiné à promouvoir les produits de Valensi auprès des consommateurs.
Année 2007
Les accords commerciaux conclus en 2007 dits « conditions particulières de vente » se composent de 3 documents contractuels distincts : « conditions de règlement », «services de centrale Eurauchan », et « services publi-promotionnels ». Le service de «contrôle qualité » est supprimé.
Le document «Services de centrale Eurauchan» contient les mêmes services que ceux inclus dans les conditions particulières de vente de l’année précédente. Ils appellent donc les mêmes griefs.
En outre, un nouveau service, dit « service de négociation centrale groupe », est ajouté.
Ce service « négociation centralisée » permet à Auchan d’exiger le paiement d’une somme correspondant à 1,5 % du chiffre d’affaires de Valensi, sans en réalité fournir de nouvelle prestation, le principe même de la centrale de référencement et donc, de l’organisation du groupe Auchan, étant précisément de centraliser la négociation des adhérents du groupe Auchan avec le fournisseur. Comme les autres services inclus dans les conditions particulières de vente, il ne constitue pas un service détachable de l’opération d’achat-vente de nature à favoriser la revente des produits du fournisseur. Il est dès lors parfaitement infondé pour Auchan de se faire rémunérer ce service sous la qualification de service commercial, et ce, d’autant plus que le fournisseur est contraint de payer, s’il veut être référencé.
Enfin, en 2007 encore, Auchan s’est fait rémunérer deux fois les mêmes services, les «services de commande centralisée» étant prévus deux fois dans les conditions particulières de référencement (pages 2 et 3), rémunérés à hauteur de 5 % des achats centralisés sur la base du cours de l’or pour la première, de 1 % de leur chiffre d’affaires ristournable pour la seconde.
Pour la première fois en 2007, les accords commerciaux contiennent une convention de « services publi-promotionnels ». Il s’agit d’un accord-cadre, dont l’objet rentre bien dans la catégorie des accords de coopération commerciale. Mais l’article 5 intitulé « description des services » est rédigé en termes vagues et ne détaille ni la date à laquelle les services sont rendus, ni leur durée, ni les produits auxquels ils se rapportent, se contentant de renvoyer la définition de ces éléments à des contrats d’application non versés aux débats et dont on peut penser qu’ils n’ont jamais été conclus, la société intimée ne les produisant pas dans ses pièces. Par ailleurs, le prix n’est pas mentionné.
Par ailleurs, la société Valensi prétend que ces services n’ont pas été effectués. La société Eurauchan se contente de prétendre que la preuve repose sur la société Valensi.
Mais il convient de rappeler que si, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi Dutreil, du 2 août 2005, la charge de la preuve reposait sur le demandeur, celui-ci devant établir la preuve que le distributeur n’avait pas rendu le service pour lequel il avait été rémunéré, la loi Dutreil a modifié l’article L.442-6 du code de commerce en introduisant la mention suivante : « dans tous les cas, il appartient au prestataire de services, au producteur, au commerçant, à l’industriel ou à la personne immatriculée au répertoire des métiers qui se prétend libéré doit justifier du fait qui a produit l’extinction de son obligation ». En pratique, pour les contrats conclus après le 2 août 2005, dans le cadre d’une prestation de coopération commerciale, cette disposition impose aux distributeurs de prouver qu’ils ont réellement rempli l’obligation pour laquelle ils ont obtenu un avantage, l’acceptation des factures par les fournisseurs ne suffisant pas à démontrer que les services ont été effectivement rendus. La société Auchan ne rapporte pas de commencement de preuves à cet égard.
Bilan
Au total, la société Valensi a versé à la société Eurauchan la somme de 301 599,29 euros au titre de la fausse coopération commerciale de 2002 à 2007 et des services publi-promotionnels de 2007.
Les prétendus accords de coopération commerciale établis en violation de l’article L.442-6 du code de commerce sont nuls sur le fondement de l’article 1131 du code civil en vigueur au moment des faits litigieux. En effet, leur cause est illicite puisqu’ils violent les dispositions impératives d’ordre public dudit article. La nullité est encourue dès lors qu’elle est invoquée par celui dont la loi qui a été méconnue tendait à assurer la protection, en l’espèce le fournisseur protégé par la législation d’ordre public relative à la coopération commerciale. La nullité implique le remboursement par les sociétés Auchan des sommes versées au titre de la coopération commerciale soit la somme de 301 599,29 euros .
La société Aurauchan conteste en vain les chiffres communiqués, dès lors qu’ils sont attestés par un expert comptable, Monsieur [M], et confortés par des factures versés aux débats, pour les années 2005 et 2006. Il appartenait à Eurauchan de contester cette somme à partir de sa propre comptabilité et de ses factures, ce dont elle s’est abstenue.
Il y a donc lieu de condamner la société Eurauchan à payer à la société Valensi la somme de 301 599,29 euros.
Année 2008
A partir de 2008, les accords sont signés par la société Bethsa B. Ceux-ci sont calqués sur le modèle de l’année précédente.
Comme les années précédentes, les conditions particulières de référencement comportent des prestations ne correspondant pas à de la coopération commerciale s’agissant d’opérations qui ne sont pas détachables de l’opération d’achat-vente et ne favorisent pas la revente des produits du fournisseur : « Service de négociation centrale groupe », « Service administratif et de paiement centralisé », « Service de commande centralisée » et « Service de diffusion des assortiments ».
Un nouveau « service de collection » est ajouté qui fait double emploi avec le service de diffusion des assortiments. L’annexe « service de centrale Eurauchan 2008 » prévoit en effet la rémunération d’un « service de diffusion des assortiments » qui « comprend l’engagement de diffuser l’assortiment national à l’ensemble des hypermarchés et supermarchés, c’est-à-dire : – La préparation d’informations qui permettent aux chefs de rayon de connaître l’ensemble de la gamme référencée chez le Fournisseur ; – La structure des assortiments par type de magasin et/ou de linéaire. (‘) », moyennant le paiement d’un taux de 4 % du CA Ristournable. Le « service de collection », pour sa part, « comprend tout ou partie des prestations suivantes : (‘) – La présentation des produits du fournisseur à l’ensemble des chefs de rayon lors de collections réalisées par Eurauchan (‘) ;- La préconisation d’implantation de son ou de ses produits. (‘) », moyennant le versement d’un taux de 5 % du CA ristournable sur le montant des achats centralisés base cours de l’or 12 900 euros.
La société Auchan se fait ainsi rémunérer deux fois la présentation des produits du fournisseur aux membres du réseau Eurauchan. La seule différence entre ces deux services est que l’un porte sur de prétendus produits faisant l’objet de collections, tandis que l’autre porte sur l’ensemble des produits du fournisseur (ce qui inclut forcément les produits faisant l’objet de collections).
L’accord-cadre intitulé « Services promotionnels Eurauchan 2008 » prévoit un service promotionnel sur différents supports (catalogue, presse régionale et nationale, radio, site Internet’) qui rentre dans la définition de la coopération commerciale. Sont versés aux débats six avenants d’application. Ces avenants sont réguliers.
Au total, en 2008, la société Bethsa B a réglé à Eurauchan la somme de 40 175 euros, au titre de la fausse coopération commerciale et des accords publi promotionnels. Les factures versées aux débats permettent d’évaluer à 21 585 euros les sommes versées au titre des accords publi promotionnels. Eurauchan sera donc condamnée à payer à la société Bethsa B la somme de 18 590 euros, soit la différence entre 40 175 euros et 21 585 euros.
Années 2009 à 2011
A la suite de l’adoption de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, Auchan a modifié la présentation de ses accords commerciaux. En 2009, une convention de distribution est signée avec Bethsa B qui regroupe « les conditions de l’opération de vente » (Titre I), « les obligations destinées à favoriser la relation commerciale » (Titre II) et les « services de coopération commerciale » (Titre III). Les conditions commerciales sont récapitulées au Plan d’affaires (annexe 1). Par ailleurs, un avenant à la convention de distribution intitulé « Ristourne de détention numérique » a été signé en cours d’année.
L’ensemble des services non-détachables de l’opération d’achat-vente qui figuraient les années précédentes dans des conventions de services ou dans les conditions particulières de référencement tels que les services de centralisation et faisant l’objet d’une facturation directe par Auchan sont désormais qualifiés d’« obligations destinées à favoriser la relation commerciale » donnant lieu à une remise sur facture du fournisseur.
Si trois nouvelles ristournes conditionnelles (dont ristournes de gamme et ristournes de détention numériques) apparaisent, les éléments versés aux débats par la société Bethsa B ne sont pas suffisamment circonstanciés pour établir ses griefs.
Au titre des trois années 2009 à 2011, la société Bethsa B prétend que les services n’auraient aucune contrepartie, mais la société Eurauchan verse aux débats des pièces (tracts publicitaires, lettres de ristournes, books, attestations de l’agence de communication en charge des clichés pour les opérations promotionnelles), attestant de la réalité de certaines prestations publicitaires en 2010, de sorte que ce grief n’est pas constitué à suffisance de droit.
Enfin, si la société Bethsa B prétend que des avenants auraient été antidatés pour couvrir des ristournes qui auraient été facturées avant la convention les prévoyant, elle n’en rapporte pas la preuve suffisante.
Sur le non-respect des règles de transparence tarifaire
Si les sociétés appelantes exposent que la violation des articles L. 441-6 aliéna 5 devenu L 441-7 et L. 441-3 du code de commerce constitue une violation de règles d’ordre public économique et ne permet pas de vérifier la réalité des prétendus services et encore moins qu’il s’agit de services de coopération commerciale au sens du premier de ces articles, seuls susceptibles de justifier une rémunération, elles n’en tirent aucune conséquence juridique en l’espèce. La violation de ces règles ne saurait démontrer en soi, en toute hypothèse, le caractère exorbitant et totalement disproportionné des sommes versées durant toutes ces années.
Sur le déséquilibre significatif
Les appelantes soutiennent que les clauses de retour, de pénalités en cas de retard de paiement ou de retard de livraison ou encore de révision de tarifs, imposées au fournisseur, caractériseraient un déséquilibre significatif entre les parties. Elles exposent que les nouvelles ristournes imposées à partir de 2009 constitueraient également un déséquilibre significatif. Toutefois, ces assertions ne sont assorties d’aucune demande dans le dispositif des conclusions, à l’exception de la clause de retour, qui seule, fait l’objet d’une demande d’indemnisation.
La « Clause dite de retour » contenue notamment dans les plans d’affaires 2009, 2010 et 2011 permet aux magasins Auchan de retourner jusqu’à 7% des produits achetés et ce, sans aucune justification.
Sur ce point, les sociétés intimées soutiennent à juste titre que cette clause n’est pas en soi déséquilibrée, la totalité de la mévente n’étant pas mise à la charge du fournisseur, sans contrepartie. Enfin, les appelantes ne démontrent pas que cette clause aurait été effectivement mise en oeuvre. Elles seront donc déboutées de leurs demandes d’indemnisation à hauteur de 5 ou 7 % du chiffre d’affaires réalisé.
Sur les pratiques discriminatoires
Selon l’article L. 442-6, I, 1, supprimé le 6 août 2008, «- Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan :De pratiquer, à l’égard d’un partenaire économique, ou d’obtenir de lui des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d’achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence».
Mais les appelantes ne démontrent pas qu’elles auraient été victimes de pratiques discriminatoires. Cette demande sera donc rejetée.
Sur les factures
La société Bethsa B fait état de factures impayées d’un montant total de 32 533,51 euros, au titre de marchandises impayées.
Si la société Eurauchan oppose que la société Bethsa B lui devrait une somme de 25 290,13 euros correspondant à des factures de coopération commerciale impayées, elle ne verse aucune de ces factures aux débats, qui permettraient à la cour d’une part d’apprécier leur réalité et d’autre part, de déterminer s’il s’agit de factures concernant de la vraie coopération commerciale.
Dès lors il y a lieu de faire droit à la demande de la société Bethsa B et de condamner la société Eurauchan au paiement de la somme de 32 533,51 euros assortie des intérêts applicables dès l’échéance de chacune des factures au taux d’une fois et demie le taux d’intérêt légal jusqu’au 5 août 2008 et à compter du 6 août 2008, au taux de trois fois le taux d’intérêt légal.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Les sociétés Eurauchan et Auchan SA succombant, elles supporteront les dépens de première instance et d’appel in solidum et seront condamnées in solidum à payer aux sociétés Valensi et Bethsa B la somme de 30 000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Et, statuant à nouveau,
MET la société Anciens Etablissements Georges Schiever et fils hors de cause,
PREND ACTE de la fusion-absorption de la société Tomblaine Distribution par la société Auchan France,
DÉCLARE recevable l’action en rupture brutale de la société Bethsa B,
LA DÉCLARE infondée,
DÉBOUTE la société Bethsa B de sa demande dirigée contre les sociétés Eurauchan et Auchan SA pour rupture brutale des relations commerciales,
REJETTE l’exception de prescription soulevée par les sociétés intimées,
CONSTATE que les sociétés Eurauchan et Auchan SA ont facturé de 2002 à 2007 à la société Valensi de la fausse coopération commerciale, contraire à l’article L. 442-6, I, 1° du code de commerce,
CONDAMNE les sociétés Eurauchan et Auchan SA in solidum à payer à la société Valensi la somme de 301 599,29 euros en remboursement à ce titre, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2011,
CONSTATE que les sociétés Eurauchan et Auchan SA ont facturé en 2008 à la société Bethsa B de la fausse coopération commerciale, contraire à l’article L. 442-6, I, 1° du code de commerce,
CONDAMNE les sociétés Eurauchan et Auchan SA in solidum à payer à la société Bethsa B la somme de 18 590 euros, en remboursement à ce titre, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2011,
CONDAMNE les sociétés Eurauchan et Auchan SA in solidum au paiement à la société Bethsa B de la somme de 32 533,51 euros assortie des intérêts applicables dès l’échéance de chacune des factures au taux d’une fois et demie le taux d’intérêt légal jusqu’au 5 août 2008 et à compter du 6 août 2008, au taux de trois fois le taux d’intérêt légal,
CONDAMNE les sociétés Eurauchan et Auchan SA in solidum aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
CONDAMNE les sociétés Eurauchan et Auchan SA in solidum à payer aux sociétés Valensi et Bethsa B la somme de 30 000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le GreffierLa Présidente
Vincent BRÉANT Irène LUC