Droit de rétractation : 6 juin 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/02507

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Droit de rétractation : 6 juin 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/02507
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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 06 JUIN 2023

N° RG 21/02507 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MCUO

E.U.R.L. A.I.P.

c/

S.A.R.L. AGENCE LOOPING

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 mars 2021 (R.G. 2020F00558) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 27 avril 2021

APPELANTE :

E.U.R.L. A.I.P., prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 3]

représentée par Maître Marie-josé MALO de la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S.A.R.L. AGENCE LOOPING, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]

représentée par Maître Aurélie VIANDIER-LEFEVRE de la SELAS AVL AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 02 mai 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE:

Par contrat de licence d’exploitation de site Web en date du 22 janvier 2015, la société à responsabilité limitée à associé unique EURL AIP, qui exerce une activité de travaux en bâtiment et construction, a commandé à la SARL Yadacom, devenue par la suite la société Agence Looping, la création d’un site internet avec services associés, pour une durée de 48 mois, moyennant le versement de 48 échéances de 100 euros HT, soit 120 euros TTC.

L’article 17 du contrat de licence d’exploitation de site web a stipulé une clause résolutoire au profit de la société Agence Yadacom.

Suivant bon de commande distinct en date du 22 janvier 2015, la SARL AIP a en outre donné mandat à la société Yadacom en vue de l’achat d’espaces publicitaires dans les annuaires imprimés et en ligne du groupe Pages Jaunes; la prestation comportant la signature des ordres d’insertion et le suivi de leur exécution, pour l’édition 2015.

Par procès-verbal de réception du 02 février 2015, la société AIP a accepté sans réserve le site internet.

La société AIP a cessé de payer les échéances à compter du mois d’août 2015.

Par courriel du 25 septembre 2015, elle a mis fin au contrat du 22 janvier 2015 en invoquant une absence de référencement, avec perte de toute visibilité sur les Pages jaunes.

Par acte d’huissier de justice du 15 juin 2020, après vaine mise en demeure du 16 septembre 2015, la société Agence Looping a fait assigner la société AIP devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins d’obtenir la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société AIP et sa condamnation au paiement d’une indemnité de résiliation.

Par jugement contradictoire du 02 mars 2021, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

– déclaré la société Agence Looping recevable en ses demandes et débouté la société AIP de sa demande de voir déclarer cette dernière irrecevable pour défaut de qualité et d’intérêt à agir,

– débouté la société AIP de l’ensemble de ses demandes,

– condamné la société AIP à payer à la société Agence Looping la somme de 4 920 euros TTC à titre d’indemnité de résiliation anticipée avec intérêt au taux légal à compter du 16 septembre 2015,

– condamné la société AIP à payer à la société Agence Looping la somme de 492 euros TTC au titre de la clause pénale, avec intérêt au taux légal à compter du 16 septembre 2015,

– dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande d’exécution provisoire,

– condamné la société AIP à payer à la société Agence Looping la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société AIP aux dépens.

Par déclaration du 27 avril 2021, la société AIP a interjeté appel de cette décision, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, intimant la société Agence Looping.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 02 février 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société AIP, demande à la cour de :

– vu les articles 31 et 122 du cpc,

– vu les articles 1137 nouveau du code civil et 1116 ancien du même code,

– vu les articles L.121-17 I, L.121-16-1 III L.121-18-1 alinéa 1er du code de la consommation dans leur version en vigueur à la date du contrat,

– vu le code de la consommation, art. L. 221-3 nouv., art. L. 121-16-1-III anc.,

– vu l’article 1184 ancien du code civil,

– réformer purement et simplement le jugement déféré en ce qu’il a :

– déclaré la société Agence Looping recevable en ses demandes et l’a débouté de sa demande de voir déclarer cette dernière irrecevable pour défaut de qualité et d’intérêt à agir,

– l’a débouté de l’ensemble de ses demandes,

– l’a condamné à payer à la société Agence Looping la somme de 4 920 euros TTC (quatre mille neuf cent vingt euros) à titre d’indemnité de résiliation anticipée avec intérêt au taux légal à compter du 16 septembre 2015,

– l’a condamné à payer à la société Agence Looping la somme de 492 euros TTC (quatre cent quatre vingt douze euros) au titre de la clause pénale, avec intérêt au taux légal à compter du 16 septembre 2015,

– l’a condamné à payer à la société Agence Looping la somme de 1 000 euros (mille euros) sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– l’a condamné aux dépens,

– statuant à nouveau,

– juger la société Agence Looping (anciennement Yadacom) irrecevable en ses demandes, fins et conclusions,

– débouter la société Agence Looping (anciennement Yadacom) de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– juger nul le contrat bon de commande pages jaunes (pièce adverse 2) et le contrat de

référencement web sinon caduque,

– condamner la société Agence Looping (anciennement Yadacom) à lui restituer la somme sauf à parfaire ou diminuer de de 7767,48 euros avec intérêt à compter de la notification des conclusions,

– à titre subsidiaire,

– prononcer la résolution du contrat de référencement web conclu aux torts exclusifs de

la société Agence Looping (anciennement Yadacom),

– juger que le contrat pages jaunes est caduc,

– juger qu’en raison de l’existence d’un ensemble contractuel, les clauses contractuelles

dont se prévaut la société Agence Looping (anciennement Yadacom) ne sauraient recevoir

application,

– condamner la société Agence Looping (anciennement Yadacom) à lui restituer et/ou payer la somme de 7767,48 euros avec intérêt à compter de la notification des conclusions,

– en tout état de cause,

– condamner la société Agence Looping (anciennement Yadacom) à lui payer la somme de 3 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Agence Looping (anciennement Yadacom) au paiement des entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Me Renaud Dufeu conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 12 avril 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Agence Looping, demande à la cour de :

– vu les dispositions des articles 1134, 1147 et suivants du code civil dans leur ancienne version applicable au moment de la souscription du contrat,

– vu le contrat du 22 janvier 2015,

– vu la mise en demeure du 16 septembre 2015,

– vu le jugement rendu en date du jugement du 2 mars 2021,

– confirmer le jugement dont appel, et ainsi,

– prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société AIP,

– condamner la société AIP au règlement d’une somme de 4 920 euros à titre d’indemnité de résiliation anticipée avec intérêt de droit à compter de la date de mise en demeure du 16 septembre 2015,

– condamner la société AIP au règlement d’une somme de 492 euros au titre de la clause

pénale avec intérêt de droit à compter de la mise en demeure du 16 septembre 2015,

– débouter la société AIP de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– juger que l’ensemble des demandes formulées par la société AIP sont irrecevables et

infondées,

– la condamner au versement d’une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,

– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir (sic).

L’ordonnance de clôture est intervenue le 18 avril 2023 et le dossier a été fixé à l’audience du 02 mai 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur la recevabilité des demandes de la société Agence Looping:

1- Se fondant sur les articles 31 et 122 du code de procédure civile, la société AIP soutient que la société Yadacom a cédé le contrat, conformément à l’article 16 des conditions générales, puisqu’elle lui a fait signer un mandat de prélèvement SEPA au profit du créancier ICS, ce qui correspond à la société LOCAM.

Elle souligne que les factures émises par la société Yadacom ne sauraient justifier de son intérêt et de sa qualité à agir, d’autant plus qu’elles ne sont pas conformes aux dispositions réglementaires relatives à la présentation des factures

2- La société Agence Looping réplique qu’elle dispose bien d’un intérêt et d’une qualité à agir puisqu’elle n’a pas cédé le contrat dans le cadre d’une demande de location financière; la société LOCAM ayant refusé la demande de financement

3 – Conformément aux dispositions de l’article 9 du code de procédure civile, il incombait à l’EURL AIP de rapporter la preuve de ses allégations, concernant la cession du contrat de licence d’exploitation de sites Web.

4- Il n’est pas contesté que la société Yadacom est désormais dénommée Agence Looping.

Ainsi que le tribunal l’a relevé, par des motifs pertinents que la cour adopte, il n’est nullement démontré que la société Yadacom ait cédé à un tiers le contrat de licence d’exploitation de site Web qu’elle avait conclu le 22 janvier 2015, en mettant ainsi en ‘uvre l’article 16 des conditions générales, qui lui permettait de soumettre une demande de location financière au partenaire de son choix au nom et pour le compte du client.

Toutes les correspondances adressées à l’EURL AIP proviennent de la société Yadacom, de même que les factures, et le procès-verbal de conformité et de réception.

La seule circonstance que le mandat de prélèvement SEPA comporte, comme nom de créancier, l’indication ‘ICS’ est insuffisante pour prouver la réalité d’une telle cession du contrat.

5- Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d’intérêt à agir.

Sur la recevabilité des demandes de la société AIP:

6- Bien que la société Agence Looping ait, dans le dispositif de ses dernières conclusions,

demandé à la cour de déclarer irrecevable l’ensemble des demandes formulées par la société AIP, elle n’a développé dans le corps de ses conclusions aucun moyen au soutien de cette fin de non-recevoir; l’ensemble de son argumentation s’analysant en des moyens de défense au fond.

Les demandes doivent donc être déclarées recevables.

Sur le moyen tiré de la nullité du contrat:

7- Se fondant sur les dispositions de l’article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, l’EURL AIP soutient que le contrat ‘Bon de commande Pages Jaunes’ est nul, pour cause de dol, en raison des man’uvres frauduleuses tendant à l’amener à contracter, en lui faisant croire que la société Yadacom disposait des droits d’exploitation de la marque Pages Jaunes, et de l’édition des Pages Jaunes alors qu’elle était en réalité qu’un simple intermédiaire.

8- La société Agence Looping conteste toute man’uvre frauduleuse, en soulignant que les contrats ne prêtaient à aucune confusion, et que l’EURL AIP ne pouvait ignorer qu’elle ne réalisait pas elle-même les parutions mais servait seulement d’intermédiaire en qualité de mandataire.

9 – La cour rappelle que selon les dispositions de l’article 1116 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé.

10- Il convient de constater que le bon de commande Pages Jaunes édition 2015 en date du 22 janvier 2015 comporte, en caractères parfaitement lisibles, une mention pré- imprimée située au dessus du cadre réservé à la signature du client, aux termes de laquelle l’EURL AIP en qualité d’annonceur atteste donner mandat écrit à la société Yadacom 19, [Adresse 4] pour effectuer les démarches suivantes:

– achat de ses espaces publicitaires dans les annuaires imprimés et en ligne du groupe Pages Jaunes situé [Adresse 2]. Ceci comprend la signature des ordres d’insertion et le suivi de leur exécution pour l’édition 2015. Il est précisé que le règlement de la facture s’effectuera directement par l’annonceur à Pages Jaunes. En l’occurrence, le mandant reste totalement responsable du paiement envers Pages Jaunes.’

La seule lecture de ce document suffisait à se convaincre que la société Yadacom agissait seulement en qualité de mandataire, et non comme titulaire des droits d’exploitation de la marque Pages jaunes.

Aucun élément ne démontre que le préposé de la société Yadacom ait tenu des propos de nature à induire en erreur le représentant légal de l’EURL AIP.

11- La cour adoptera pour le surplus les motifs pertinents des premiers juges, et il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de nullité pour cause de dol, et celle tendant à la caducité consécutive du contrat de licence d’exploitation de site Web.

Sur le moyen tiré de la nullité du contrat pour violation des dispositions du code de la consommation:

12- L’EURL AIP soutient que le contrat conclu hors établissement est nul, pour violation des dispositions du code de la consommation concernant le droit de rétractation, dont elle n’a pas été informée, alors que la création d’un site Internet se situait hors champ de son activité principale et qu’elle employait moins de cinq salariés.

13- La société Yadacom réplique que les conditions d’application du code de la consommation ne sont pas réunies, et qu’au surplus le gérant de la société AIP avait pris connaissance de l’ensemble des clauses du contrat, parfaitement claires, et notamment de celle par laquelle il déclarait avoir conclu en qualité de professionnel, le site Internet créant un lien direct avec son activité professionnelle.

Elle ajoute qu’en toutes hypothèses, l’EURL AIP avait réglé l’ensemble des échéances entre février 2015 et 2015, de sorte que la cause de nullité invoquée a été couverte dans les conditions exigées par la jurisprudence.

14- La cour rappelle que selon les dispositions de l’article L.121-16 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date de conclusion du contrat (le 22 janvier 2015), le contrat hors établissement est ” tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur :

a) Dans un lieu qui n’est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d’une sollicitation ou d’une offre faite par le consommateur ;

b) Ou dans le lieu où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle ou au moyen d’une technique de communication à distance, immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes’.;

15- Selon les dispositions de l’article L. 121-16 I 3° du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur au 22 janvier 2015, date de conclusion du contrat, les sous-sections 2, 3, 6 et 7, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

16- Selon les dispositions de l’article L.121-17 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur au 22 janvier 2015, préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, notamment, l’information suivante:

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat.

(…)

La charge de la preuve concernant le respect des obligations d’information mentionnées à la présente sous-section pèse sur le professionnel.

17 – Selon les dispositions de l’article L.121-18-1 du code de la consommation, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l’accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l’engagement exprès des parties. Ce contrat comprend, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au I de l’article L. 121-17.

18- En l’espèce, le contrat de licence d’exploitation de site web a été signé le 22 janvier 2015 à [Localité 5] (Lot et Garonne), adresse correspondant au domicile de M. [R] [J], gérant de l’EURL AIP.

Il s’agit donc bien d’un contrat conclu hors établissement.

19- Il résulte par ailleurs de l’examen des dates d’entrée et sortie des salariés, figurant au registre unique du personnel versé au débat (pièce 20) qu’à la date du 22 janvier 2015, l’EURL AIP employait cinq salariés:

-M.Belabakhal

-M.George

-M.Kartoibi

-M.Zouine

-M.Ndosimao.

20- Le contrat du 22 janvier 2015, ayant pour objet la création d’un site internet, avec prestations accessoires (notamment hébergement du serveur, maintenance, référencement sur les principaux moteurs de recherche Internet, réservation et gestion du nom de domaine, création et gestion d’adresse E Mail) n’entrait pas dans le champ de l’activité principale de l’EURL AIP, entrepreneur en bâtiment, spécialisée dans la plâtrerie, les travaux d’isolation, de rénovation et aménagement intérieur.

21- En application de l’article L.121-25 du code de la consommation, les dispositions légales précitées relatives aux contrats conclus hors établissement sont d’ordre public, de sorte que la société AIP ne peut utilement se prévaloir de le mention pré-imprimée selon laquelle le client ‘déclare avoir conclu ce contrat en qualité de professionnel, et que le site Internet créé un lien direct avec son activité professionnelle et qu’en conséquence les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables.’

En effet, l’EURL ne peut avoir valablement renoncé par avance à se prévaloir de la nullité du contrat, dont les effets n’étaient pas acquis.

En outre, en application de l’article L.121-21 du code de la consommation, toute clause par laquelle le consommateur abandonne son droit de rétractation est nulle, de sorte que l’écrit invoqué par la société Agence Looping ne pouvait avoir aucune incidence sur le droit de l’EURL AIP à invoquer le bénéfice des dispositions précitées, en matière de droit à rétractation.

22 – Le contrat encourt en l’espèce la nullité dès lors qu’il ne comporte aucune information relative aux conditions, au délai et aux modalités d’exercice du droit de rétractation, ni de formulaire de rétractation.

23- Il est constant que cette nullité est relative, dès lors qu’elle a été édictée dans l’intérêt de la personne démarchée.

Elle pouvait donner lieu à confirmation, dans les conditions prévues par l’article 1338 alinéas 2 et 3 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, selon lequel ‘à défaut d’acte de confirmation ou ratification, il suffit que l’obligation soit exécutée volontairement après l’époque à laquelle l’obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée.

La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l’époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l’on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers.’

24- Conformément aux dispositions de l’article 1315 ancien du code civil, la charge de la preuve de la confirmation de l’acte nul incombait à la société AIP.

25- Contrairement à ce que soutient cette dernière, la confirmation ne saurait résulter du seul paiement des échéances du contrat de février jusqu’au mois d’aout 2015, dès lors que rien ne démontre que l’EURL AIP ait eu connaissance du vice affectant le contrat au moment où elle effectuait ces paiements, puisque le contrat ne comportait aucun rappel de la législation en vigueur.

Par ailleurs, dès le 25 septembre 2015, l’EURL AIP adressait un courriel à la société Yadacom en contestant la qualité des prestations fournies, et en précisant qu”elle ferait le nécessaire auprès de qui il faudra pour mettre fin à notre contrat’.

Il n’est justifié par ailleurs d’aucun écrit ou d’aucun autre acte postérieur susceptible de caractériser de la part de l’EURL AIP une intention de régulariser le contrat et d’en confirmer la validité.

26 – Il y a donc lieu d’infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de dire nul et de nul effet le contrat conclu entre les parties le 22 janvier 2015.

La nullité du contrat emporte de plein droit, à la charge de la société agence Looping, l’obligation de restituer à la société AIP la totalité des échéances réglées sur le fondement du contrat jusqu’à la date du présent arrêt (étant précisé qu’aucune condamnation chiffrée ne peut être prononcée dans la présente décision, en l’absence de justificatifs des paiements allégués, de sorte qu’il incombera aux parties de faire le compte entre elles, sous réserve de la saisine éventuelle du juge de l’exécution en cas de difficulté non résolue).

27- La société Agence Looping doit être déboutée de l’ensemble de ses demandes tendant à voir prononcer la résiliation du contrat et condamner la société AIP au règlement d’une indemnité de résiliation et d’une clause pénale.

Sur les demandes accessoires:

28- Echouant en ses prétentions aux termes de l’instance, la société Agence Looping doit supporter les dépens de première instance et d’appel, ainsi que la charge de ses frais irrépétibles.

29- Il est équitable d’allouer à la société AIP une indemnité de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel.

30- La demande tendant à voir prononcer l’exécution provisoire de la décision est sans objet, le présent arrêt n’étant pas susceptible de recours suspensif.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Confirme le jugement, en ce qu’il a :

-déclaré la société Agence Looping recevable en ses demandes et débouté la société AIP de sa demande tendant à voir déclarer cette dernière irrecevable pour défaut de qualité et d’intérêt à agir,

-rejeté la demande de la société AIP tendant à voir prononcer la nullité du contrat ‘Bon de commande Pages Jaunes’ pour cause de dol, et la caducité du contrat de de licence d’exploitation de site web,

Infirme le jugement pour le surplus de ses dispositions,

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Déclare recevables les demandes formées par la société EURL AIP,

Vu les articles L.121-16, L.121-17, L.121-18-1 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable au litige,

Déclare nul et de nul effet le contrat conclu hors établissement le 22 janvier 2015 entre la société Yadacom, désormais dénommée Agence Looping et la société EURL AIP,

Condamne en conséquence la société Agence Looping (anciennement dénommée société Yadacom) à restituer à la société EURL AIP la totalité des sommes réglées sur le fondement du contrat du 22 janvier 2015, jusqu’à la date du présent arrêt,

Y ajoutant,

Condamne la société Agence Looping (anciennement dénommée société Yadacom) à payer à la société EURL AIP la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes,

Condamne la société Agence Looping (anciennement dénommée société Yadacom) aux dépens de première instance et d’appel, et autorise Maître Renaud Dufeu avocat, à recouvrer directement ceux dont il aurait fait l’avance sans recevoir provision conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par M. Franco, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 


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