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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 3
ARRET DU 28 JUIN 2023
(n° , 15 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00485 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC4MV
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Décembre 2020 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 18/04795
APPELANT
Monsieur [W] [T]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Claude BURGEAT de la SELARL CABINET BURGEAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0001
INTIMES
Maître [Y] [E]
[Adresse 1]
[Localité 5]/France
Représenté par Me Antoine BEAUQUIER de l’AARPI BCTG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R191
Fondation DES APPRENTIS D’AUTEUIL –
Agissant en la personne de ses représentants légaux, domiciliés audit siège en cette qualité.
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Eric ALLERIT de la SELEURL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241
Représentée par Me Constance DE LA HOSSERAYE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0127
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle LEBEE, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et M. Douglas BERTHE, Conseiller, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M.Douglas BERTHE, Conseiller,
Mme Marie GIROUSSE, Conseillère
Mme Emmanuelle LEBEE, Magistrate exerçant des fonctions juridictionnelles,
Greffier, lors des débats : Madame Laurène BLANCO
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M.Douglas BERTHE, Conseiller, faisant fonction de président et par Mme Anaïs DECEBAL, Greffière, présent lors de la mise à disposition.
*
* *
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 2 février 1990, Mme [L] [N], aux droits de laquelle se trouve la Fondation apprentis d’auteuil, a consenti un bail commercial à M. [W] [T], portant sur des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 4], pour une durée de neuf ans à compter du 1er octobre 1989 et moyennant un loyer annuel en principal de 55 000 francs, soit 8 384,70 euros.
Par acte extrajudiciaire du 24 mars 1998, le bailleur a délivré un congé avec offre de renouvellement au preneur puis les parties ont régularisé un nouveau bail le 9 juillet 1998 portant sur les mêmes locaux pour une durée de 9 ans à compter du 1er octobre 1998 et moyennant un loyer annuel en principal de 65 000 francs, soit 9 909,19 euros.
Par acte extrajudiciaire du 30 mars 2007, un congé avec offre de renouvellement a été délivré à M. [T] puis par acte sous seing privé du 22 mai 2008, le bail a été renouvelé pour une durée de 9 ans à compter du 1er octobre 2007 et moyennant un loyer annuel en principal de 13 599,74 euros.
Par acte extrajudiciaire du 18 mars 2016, le bailleur a fait signifier à M. [T] un congé pour le 30 septembre 2016 avec offre de renouvellement moyennant le paiement d’un loyer porté à la somme annuelle de 16 390 euros.
M. [T], assisté de maître [Y] [E], avocat, a régularisé une promesse de cession de droit au bail sous conditions suspensives. Cette promesse de cession est devenue caduque.
En l’absence d’accord sur le prix du bail renouvelé, M. [T] a saisi le juge des loyers commerciaux qui, le 6 octobre 2017, a rendu un jugement de radiation après exercice par le preneur de son droit d’option par acte extrajudiciaire du 12 avril 2017.
Par acte d’huissier de justice du 11 juillet 2017, la Fondation apprentis d’auteuil a fait assigner M. [T] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir ordonner une mesure d’expertise pour déterminer le montant de l’indemnité d’éviction et celui de l’indemnité d’occupation.
Par ordonnance du 3 octobre 2017, le juge des référés a désigné M. [C] en qualité d’expert à cette fin.
Reprochant à maître [E] de n’avoir pas invoqué les dispositions de l’article L.145-54 du code de commerce à l’occasion de la cession envisagée, M. [T] a obtenu que les opérations d’expertise soient déclarées communes à maître [E] aux termes de l’ordonnance du 5 avril 2018.
Par acte d’huissier de justice du 17 avril 2018, M. [T] a assigné la Fondation apprentis d’auteuil et maître [E], ès-qualité, aux fins d’ordonner le sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport de l’expert, de fixer l’indemnité d’éviction à un montant minimal de 2 400 000 euros et de condamner maître [E] à lui payer la somme représentant le différentiel entre la somme de 2 400 000 euros et le montant de l’indemnité d’éviction fixée par le tribunal, ce à titre de dommages et intérêts outre la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par décision du 29 juin 2018, le juge chargé du contrôle des expertises a fait droit à la demande de M. [T] de voir étendre la mission de l’expert à la détermination de la valeur du droit au bail qui résulterait de l’application de l’article L.145-51 du code de commerce.
L’expert a déposé son rapport le 31 octobre 2018 aux termes duquel il a conclu à une indemnité d’éviction de 381 264 euros. Il a également évalué la valorisation du droit au bail par application des dispositions de l’article L.145-51 du code de commerce à la somme de 2 181 000 euros. Il a conclu par ailleurs à une indemnité d’occupation du 1er octobre 2016 au 12 avril 2017 d’un montant de 25 276 euros et du 12 avril 2017 jusqu’à la libération des locaux à la somme de 42 800 euros.
Par jugement du 15 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :
– constaté que le congé délivré le 18 mars 2016 par la Fondation apprentis d’auteuil à M. [W] [T] puis l’exercice de son droit d’option par la Fonadtion apprentis d’auteuil le 12 avril 2017, a mis fin, à compter du 30 septembre 2016 minuit, au bail liant les parties et portant sur les locaux situés [Adresse 2] à [Localité 4] ;
– dit que ce congé a ouvert droit pour M. [W] [T] au paiement d’une indemnité d’éviction et que M. [W] [T] est redevable envers la Fondation apprentis d’auteuil d’une indemnité d’occupation du 1er octobre 2016 jusqu’à la libération effective des locaux;
– condamné la Fondation apprentis d’auteuil à payer à M. [W] [T] la somme globale de 381 264 euros au titre de l’indemnité d’éviction ;
– dit que les frais de licenciement seront payés par la Fondation apprentis d’auteuil sur justificatifs ;
– condamné M. [W] [T] à payer à la Fondation apprentis d’auteuil la somme annuelle de 25 276 euros en principal, hors taxes et charges, du 1er octobre 2016 au 12 avril 2017 puis celle de 42 800 euros du 13 avril 2017 jusqu’à la libération effective des locaux et la remise des clés au titre de l’indemnité d’occupation ;
– ordonné la compensation des créances réciproques de M. [W] [T] et de la Fondation apprentis d’auteuil ;
– débouté M. [W] [T] de sa demande de dommages et intérêts formée à l’encontre de maître [E] ;
– débouté la Fondation apprentis d’auteuil de sa demande de séquestre de l’indemnité d’éviction ;
– condamné la Fondation apprentis d’auteuil aux dépens, en ce inclus les frais d’expertise ordonnée en référé et confiée à M. [C] ;
– condamné la Fondation apprentis d’auteuil à payer à M. [W] [T] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
– ordonné l’exécution provisoire.
****
Par déclaration du 30 décembre 2020, M. [W] [T] a interjeté appel partiel du jugement.
Par conclusions déposées le 26 avril 2021, la Fondation apprentis d’auteuil a interjeté appel incident partiel du jugement.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Vu les conclusions déposées le 24 mars 2023, par lesquelles M. [W] [T], appelant à titre principal et intimé à titre incident, demande à la Cour de :
– débouter la Fondation d’auteuil de sa demande relative à l’irrecevabilité des écritures de Monsieur [T] au visa de l’article 960 du code de procédure civile ;
– déclarer Monsieur [W] [T] recevable et bien fondé en son appel ;
– infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a fixé l’indemnité d’éviction à la somme de 381 264 euros, fixer les indemnités d’occupation à la somme de 25 576 euros en principal du 1er octobre 2016 au 12 avril 2017 puis à la somme de 42 800 euros du 13 avril 2017 jusqu’à la libération effective des locaux, et dit que les demandes de dommages et intérêts formés à l’encontre de Madame [E] n’étaient pas fondées ;
Statuant à nouveau
– fixer le montant de l’indemnité d’éviction due à Monsieur [W] [T] à la somme de 3 276 264 euros sous réserve des indemnités de licenciement dues à son salarié ;
– condamner la Fondation d’Auteuil à payer à Monsieur [W] [T] ladite somme de
3 276 264 euros sous réserve des indemnités de licenciement dues à son salarié et sous déduction des sommes versées en exécution de la décision de première instance ;
– dire en tout état de cause que cette indemnité ne saurait être inférieure à la valeur du marché actuel dudit local soit 2 800 000 euros sous réserve des indemnités de licenciement dues à son salarié ;
– dire que jusqu’à l’exercice du droit d’option par le bailleur, le montant de l’indemnité d’occupation devait s’apprécier en fonction de l’évolution des indices, soit à la somme de 15.127,88 euros, soit 8.040 euros pour la période considérée, puis, et jusqu’à la libération effective des locaux, à la somme de 35 667 euros sur la base d’un loyer annuel de 900 euros au mètre carré ;
– confirmer la décision entreprise au titre du trouble commercial et de la perte sur stock ;
– dire Monsieur [W] [T] recevable et bien fondé en son action en responsabilité civile professionnelle à l’encontre de Madame [Y] [E] ;
– condamner Madame [E] au paiement de la somme de 200 000 euros sauf à parfaire à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par Monsieur [T] compte tenu de l’impossibilité dans laquelle il s’est trouvé d’arrêter son activité professionnelle ;
À titre subsidiaire, et dans l’hypothèse où le montant de l’indemnité d’éviction fixé par la décision à intervenir s’avérerait inférieur à la somme de 2 400 000 euros :
– condamner Madame [Y] [E] à payer à Monsieur [W] [T], la somme représentant le différentiel entre la somme de 2 400 000 euros et le montant de l’indemnité d’éviction fixé par la décision à intervenir ;
– dire que Madame [Y] [E] est tenue de garantir Monsieur [W] [T] de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au titre des dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise, ainsi qu’au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
En tout état de cause,
– condamner solidairement les intimés à payer à Monsieur [W] [T] la somme de 15.000 euros titre l’article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées le 07 mars 2023, par lesquelles la Fondation apprentis d’auteuil, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la Cour de :
– déclarer Monsieur [W] [T] tant irrecevable que mal-fondé en son appel ;
– déclarer irrecevable les conclusions récapitulatives signifiées le 6 mai 2022 au nom de Monsieur [T] pour non-respect des dispositions de l’article 960 du code de procédure civile ;
– déclarer recevable et bien-fondé la Fondation apprentis d’auteuil en ses conclusions d’intimée et d’appel incident, mais aussi en sa demande reconventionnelle ;
– déclarer irrecevable et mal-fondé Monsieur [T] en ses demandes fins et conclusions d’appelant ; le débouter de l’intégralité de ses demandes ;
En conséquence,
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
– fixé l’indemnité d’éviction due par la Fondation Apprentis d’Auteuil à Monsieur [W] [T] au titre de l’article L 145-14 du Code de commerce à la somme de 381.264 euros (trois cent quatre quatre vingt et un mille euros et deux cent soixante quatre cents) ;
– fixé le montant de l’indemnité d’occupation exigible à compter du 1er octobre 2016 à la somme totale en principal la somme de 25.276,00 euros au titre de la période comprise entre le 1er octobre 2016 et le 12 avril 2017 et à la somme de 42 800,00 euros/an, soit
3 567,00 euros/mois à compter du 13 avril 2017 jusqu’à l’entière libération des locaux et la date de restitution effective des locaux, outre les charges et taxes prévues par la convention locative échue ;
– condamné Monsieur [W] [T] au paiement du rappel de l’indemnité d’occupation;
– dit que ces sommes porteront intérêts depuis le 1er octobre 2016 et que ces intérêts porteront eux-mêmes intérêts en application de l’article 1154 du code civil ;
– infirmer le jugement (i) en ce qu’il a mis la totalité des dépens à la charge de la Fondation en ce compris la totalité des dépens en ce compris les frais de l’extension de mission de Mr [C], demandée par Monsieur [T] pour les besoins de son action en responsabilité contre son ancien conseil et (ii) en ce qu’il a condamné la Fondation apprentis d’auteuil à payer une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Monsieur [T] ;
– déclarer recevable et bien fondée la Fondation apprentis d’auteuil en sa demande reconventionnelle consécutive à la restitution du local loué par Monsieur [T] en date du 31 mars 2021 ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
– condamner Monsieur [W] [T] à payer la somme de 2 300,00 euros à la Fondation apprentis d’auteuil au titre du remboursement des frais liés à l’extension de la mission de Monsieur [C] à la demande de l’appelant ;
– condamner chacune des parties à conserver à sa charge les frais liés à la procédure de première instance et n’y avoir lieu à condamner la Fondation à payer une indemnité à Monsieur [T] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de la procédure au fond ;
– condamner Monsieur [W] [T], en l’état des éléments nouveaux portés à la connaissance de la Cour sur les conditions de restitution des locaux par le locataire, au paiement, au titre des réparations locatives et de l’immobilisation des locaux loués à cette fin, de la somme de 51.040,00 euros TTC, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;
– condamner Monsieur [W] [T] au paiement de la somme de 8.000,00 euros (huit mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Monsieur [W] [T] aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par la société Taze-Bernard [K], en la personne de Maître Eric [K], conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées le 15 février 2023, par lesquelles maître [Y] [E], intimée, demande à la Cour de :
– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 15 décembre 2020 en toutes ses dispositions ;
– condamner Monsieur [W] [T] à payer 10 000 euros à Maître [Y] [E] au titre de l’article 700 de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties. Cependant, pour une meilleure compréhension du présent arrêt, leur position sera succinctement résumée.
Sur l’irrecevabilité des conclusions de l’appelant,
La Fondation des apprentis d’auteuil, intimée à titre principal et appelante à titre incident, expose que les conclusions récapitulatives de M. [T] mentionnaient l’adresse du local qu’il avait restitué depuis plus d’un an, et ce malgré une sommation interpellative du 6 février 2023, que l’irrégularité caractérisée par le non-respect des exigences de l’article 960 du code de procédure civile lui fait grief dès lors que tant la signification que l’exécution de l’arrêt à intervenir ne pourront être entrepris, ce qui justifie la mise en ‘uvre d’une fin de non recevoir.
M. [T], appelant à titre principal et intimé à titre incident, expose que sa nouvelle adresse a été régulièrement communiquée en conformité avec les articles 960 et suivants du code de procédure civile, la régularisation pouvant intervenir jusqu’au prononcé de la clôture.
Sur l’indemnité d’éviction,
L’appelant à titre principal expose qu’il a fait valoir ses droits à la retraite depuis 2014, ce qui l’a conduit à vouloir céder le fonds de commerce à l’âge de 67 ans, que la Fondation d’Auteuil ne pouvait ignorer cet âge dès lors que le mémoire en demande du 24 juin 2016 communiquée à celle-ci mentionnait cet âge, que les dispositions de l’article L.145-51 du code de commerce ont vocation à s’appliquer, que ces dispositions ne sont pas subordonnées à l’information préalable du bailleur relative à l’entrée en retraite, qu’au regard de la notification le 12 avril 2017 de son droit de rétractation, le bailleur a voulu le priver du renouvellement de son bail et donc de l’empêcher de céder son bail, que la valeur du fonds de commerce qu’il a exploité est inférieure à la valeur de son droit au bail, que le montant du droit au bail doit être fixé à la somme de 3 272 000 euros compte tenu de l’excellente commercialité des lieux, qu’au titre du trouble commercial et de la perte sur stock, il entend adopter les chiffres retenus par l’expert, soit respectivement 3 604 euros et 660 euros, sous réserve des indemnités de licenciement dues à son salarié.
L’intimée à titre principal expose :
sur les prétentions adverses, que l’appelant ne l’a pas informée de ses droits à la retraite, que les actes signés avec le bailleur ne comportaient pas la date de naissance de M. [T], qu’aucune des correspondances de M. [T] ne faisait référence à la mise en ‘uvre de ses droits en application des dispositions de l’article 145-51 du code de commerce, que l’assignation délivrée en date du 18 janvier 2018 à la requête de M. [T] à l’encontre de Me [E] contient un aveu judiciaire dans les termes suivants : « dans la mesure où le requérant [Monsieur [T]] reproche à son précédent conseil de ne pas l’avoir informé sur la possibilité qui lui était offerte de céder son droit au bail dans les conditions de l’article 145-51 du Code de commerce, et qu’aujourd’hui Monsieur [T] se trouve dans l’impossibilité absolue de céder ledit droit au bail, il semble bien fondé à poursuivre la responsabilité civile professionnelle de Me [E] (‘) », qu’une indemnité n’est due que pour l’activité de photographe exclusivement, qu’aucune faute ne peut être reprochée au propriétaire dans la mise en oeuvre de son droit d’option en ce que celui-ci est un attribut de son droit de propriété (Cass. Civ. 6 juill. 1949), que l’indemnité d’éviction destinée à réparer le préjudice causé par le défaut de renouvellement ne saurait prendre en compte « l’impossibilité (alléguée) dans laquelle Monsieur [T] se serait trouvé de céder son fonds dans le cadre des dispositions de l’article L 145-51 du code de commerce », qu’il ressort des pièces versées aux débats, que Monsieur [T] n’a jamais notifié au bailleur son intention de céder son bail dans les conditions de l’article L.145-51 du code de commerce.
Sur l’indemnité d’occupation,
L’appelant expose que la somme de 900 euros doit être retenue au titre de la valorisation du mètre carré, qu’en l’absence de motif de déplafonnement, la période antérieure au droit d’option devait s’apprécier en fonction de l’évolution des indices, soit à la somme de 15 127,88 euros, soit 8 040 euros pour la période considérée.
L’intimée expose que la fixation au montant unitaire de 900 euros / m²B ne peut être retenu au regard des références de comparaison citées par l’expert, que l’indemnité de 1 200 euros est justifié par l’excellente situation dans la rue Sant-Honoré et le flux de chalandise complémentaire découlant de l’accroissement du nombre de voyageurs entrant des trois stations de métro situées dans la zone considérée, de l’instauration de la ZTI et de l’accroissement du nombre de salariés dans cette zone, qu’aucun abattement de précarité ne peut être appliqué du 1er octobre 2016 au 12 avril 2017 dès lors que le droit d’option a été notifié à cette dernière date, qu’un abattement de 10 % doit être retenu.
Sur les travaux de remise en état,
L’intimée, sur appel incident, expose que l’état des lieux de sortie dressé en présence de Monsieur [T] a révélé que les locaux n’avaient pas été entretenus par le locataire dans le respect des obligations prévues au bail, lequel oblige le preneur, en sa page 4, à « faire exécuter tant au début du bail que pendant son cours, toutes réparations, petites ou grosses, sans aucune exception, (‘) de telle sorte qu’en fin de jouissance, le preneur rende les locaux en parfait état de réparation et d’entretien », que tant les revêtements de mur, que de sol, que les peintures, les sanitaires et l’électricité ont été constatés par l’huissier diligenté comme étant dans un état déplorable, que la vitrine comme le rideau de fer n’ont pas davantage été entretenus ainsi que cela ressort des constatations de l’huissier et des photos prises par ce dernier, que l’appelant n’a pas fait dresser l’état des réparations locatives, lesquelles s’élèvent à la somme de 41 499 euros TTC, que cette demande se rattache à la demande initiale par un lien suffisant s’agissant de l’application d’une clause du bail à la suite d’un événement intervenu en cause d’appel, qu’à titre subsidiaire, elle serait admise en tant qu’accessoire ou complément nécessaire des demandes initiales nées de l’intervention du départ du locataire.
L’appelant expose que les demandes au titre des réparations locatives et de l’immobilisation des locaux loués sont des demandes nouvelles en cause d’appel, que compte tenu de la durée de jouissance des locaux de plus de 30 années, et alors même qu’il a répondu à ses obligations contractuelles en effectuant des réparations nécessaires et en entretenant les lieux, ceux-ci ont été affectés par la vétusté dont il ne saurait supporter la charge.
Sur la responsabilité civile professionnelle de Mme [E],
L’appelant expose que la mission de Mme [E] était de rédiger les actes permettant la réalisation de la vente de son droit au bail, que Me [E] n’a pas pris la précaution d’alerter son client sur les dispositions de l’article L.145-51 du code de commerce, que le préjudice résultant de la faute professionnelle commise par Me [E] est d’avoir privé Monsieur [T] du produit de la cession du droit au bail envisagée, étant précisé que d’autres offres lui ont été faites immédiatement après avoir régularisé le projet établi par Madame [E] à des conditions financières encore plus avantageuses (2.700.000 euros), et d’avoir contraint Monsieur [T] à poursuivre, contre son gré, son activité professionnelle, que le montant de ce préjudice est donc de 2 400 000 euros, en ce qui concerne la perte du prix de cession, somme à laquelle il conviendra de soustraire le montant de l’indemnité d’éviction telle qu’elle sera fixée par la cour, dans l’hypothèse où celle-ci se révélerait inférieure à ladite somme de 2.400.000 euros et à laquelle il convient d’ajouter le montant du préjudice du concluant lié à l’impossibilité dans laquelle il s’est trouvé de cesser son activité professionnelle, préjudice estimé à la somme de 200 000 euros, qu’il a été contraint de poursuivre une exploitation au regard du montant de sa retraite de 1 500 euros par mois, que le lien de causalité est caractérisé, que le courriel du 23 juin 2016 a été adressé la veille de la notification de son mémoire en fixation.
Maître [Y] [E], intimée, expose :
sur la faute, que le manquement allégué par M. [T] n’a jamais eu lieu en ce que ce dernier connaissait l’existence de la procédure prévue à l’article L. 145-51 du code de commerce et avait spécifiquement prévu que Me [E] avait pour seule mission de régulariser la promesse d’acquisition de la Maison Père, avec laquelle il est rentré en pourparlers avant son intervention, que lorsque M. [T] l’a rencontrée pour la première fois, celle-ci ne pouvait plus le conseiller utilement sur la cession-despécialisation, puisqu’il avait déjà accepté une offre d’achat de son droit au bail par la Maison Père, que le manquement allégué n’entrait pas dans sa mission, laquelle se limitait à la négociation de la cession du bail avec Me [O] et la Maison Père et non au renouvellement du bail, que la procédure de cession-despécialisation aurait été constitutive d’un dol puisqu’elle impliquait d’accpet d’abord le renouvellement du bail en dissimulant une volonté réelle de départ à la retraite de M. [T] au bailleur, que la procédure de cession-despécialisation n’était pas opportune économiquement puisqu’elle aurait été longue et coûteuse,
sur le préjudice, que le préjudice invoqué par l’appelant méconnaît le principal fondamental de la perte de chance, lequel devra être proche de zéro en raison de la réalisation improbable de l’événement, que la base indemnitaire est surévaluée dès lors que la prise en compte d’un « gain Pinel » dans l’évaluation d’un bail est contraire à l’esprit de la loi en l’absence de fondement juridique, que l’article L.145-34 du code de commerce n’est pas applicable au cas de despécialisation,
sur le lien de causalité, que sa mission était déjà terminée lorsque le dommage s’est produit.
MOTIFS DE L’ARRÊT :
Sur la fin de non-recevoir tirée de l’article 960 du code de procédure civile :
Il résulte des articles 960 et 961 du code de procédure civile que la constitution d’avocat indique si la partie est une personne physique ainsi que ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance, que les conclusions ne sont pas recevables tant que ces indications n’ont pas été fournies. Cette fin de non-recevoir peut toutefois être régularisée jusqu’au jour du prononcé de la clôture ou, en l’absence de mise en état, jusqu’à l’ouverture des débats.
En l’espèce, les dernières conclusions de M. [W] [T] ont été déposées et signifiées le 24 mars 2023, l’ordonnance de clôture ayant été prononcée le 12 avril 2023. Ces conclusions récapitulatives ne mentionnent plus que l’appelant demeure à l’adresse des locaux loués mais au [Adresse 7] à [Localité 8], domicile que l’intéressé justifie en produisant une facture de ligne téléphonique fixe.
Les dispositions susvisées ont dès lors été respectées et la fin de non-recevoir soulevée par la Fondation APPRENTIS D’AUTEUIL sera rejetée.
Sur le fondement du droit à l’indemnité d’éviction :
Selon l’article L 145-57 du code de commerce, pendant la durée de l’instance relative à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, le bailleur peut refuser à tout moment le renouvellement à charge pour lui de supporter tous les frais. En ce cas, l’article L 145-14 du code de commerce, prévoit que le refus de renouvellement signifié par le bailleur met fin au bail mais ouvre droit au profit du locataire à une indemnité d’éviction. L’article L145-51 du code de commerce dispose quant à lui, dans sa rédaction applicable au litige, que lorsque le locataire ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite ou ayant été admis au bénéfice d’une pension d’invalidité attribuée par le régime d’assurance invalidité-décès des professions artisanales ou des professions industrielles et commerciales, a signifié à son propriétaire et aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce son intention de céder son bail en précisant la nature des activités dont l’exercice est envisagé ainsi que le prix proposé, le bailleur a, dans un délai de deux mois, une priorité de rachat aux conditions fixées dans la signification. À défaut d’usage de ce droit par le bailleur, son accord est réputé acquis si, dans le même délai de deux mois, il n’a pas saisi le tribunal de grande instance. La nature des activités dont l’exercice est envisagé doit être compatible avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble. Les dispositions du présent article sont applicables à l’associé unique d’une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, ou au gérant majoritaire depuis au moins deux ans d’une société à responsabilité limitée, lorsque celle-ci est titulaire du bail.
En 1’espèce, la Fondation APPRENTIS D’AUTEUIL a délivré le 18 mars 2016 à M. [W] [T] un congé, à effet au 30 septembre 2016, avec offre de renouvellement puis a exercé son option le 17 avril 2017 pour refuser le renouvellement et offrir le paiement d’une indemnité d’éviction. Ce congé, dont la régularité n’est pas contestée, a mis fin, à compter du 30 septembre 2016 minuit, au bail renouvelé liant les parties.
La cour rappelle qu’aucun délai n’est imposé par les textes pour exercer l’option ouverte par le statut au titre de l’article L 145-57 qui n’interdit pas au bailleur d’exercer son option avant même la fixation judiciaire du montant du loyer, le refus du renouvellement en cours de procédure ne pouvant être considéré comme fautif ou constitutif d’un abus de droit. En effet, la faculté pour le propriétaire de refuser le renouvellement du bail est une prérogative protégée par la loi et résultant du droit de propriété du bailleur. Toutefois, la loi garantit au même titre la propriété commerciale en ce que le refus entraîne une lourde obligation pour le bailleur d’indemniser le locataire de toutes les conséquences de son éviction et au surplus de supporter tous les frais. En revanche, l’éviction du preneur du fait du bailleur et l’indemnisation qui en découle résulte expressément de l’article L 145-14 du code de commerce alors que l’article L145-51 du code de commerce ne concerne pas l’éviction du preneur par le bailleur mais se borne à prévoir une option de rachat du droit au bail au bénéfice de ce dernier.
Pour autant, la mise en ‘uvre du dispositif prévu par l’article L145-51 du code de commerce est expressément conditionnée par la demande préalable du preneur au bénéfice de ses droits à la retraite ou d’avoir été admis au bénéfice d’une pension d’invalidité et par l’expression de son intention non équivoque de céder son bail dans les formes et conditions fixées par le texte, soit la précision de la nature des activités dont l’exercice est envisagée, le prix proposé ainsi qu’une signification par actes extrajudiciaires au propriétaire ainsi qu’aux créanciers inscrits de ces informations.
M. [W] [T] ne justifie pas avoir signifié au bailleur ainsi qu’aux éventuels créanciers inscrits, son intention de céder son bail avec déspécialisation en se prévalant des dispositions de l’article L.145-51 du code de commerce dans les conditions susmentionnées. Il ne saurait donc être utilement être reproché au bailleur d’avoir connu l’âge de son locataire et d’avoir pu en inférer le souhait pour ce dernier de partir à la retraite alors que tout au contraire le preneur a manifesté son intention de renouveler le bail en saisissant le juge des loyers commerciaux le 23 février 2017 aux fins de détermination du prix du bail renouvelé. De même, aucune norme ne contraint le bailleur à proposer à son locataire le bénéfice du dispositif prévu par l’article L145-51 du code de commerce, le choix du recours à la cession-déspécialisation incombant exclusivement au titulaire du droit au bail.
Ainsi, aucune indemnité d’éviction ne peut être due par la Fondation APPRENTIS D’AUTEUIL sur le fondement de l’article L145-51 du code de commerce.
C’est donc une indemnisation sur le fondement de l’article L 145-14 du code de commerce et pour la seule activité prévue au bail qui sera recherchée.
Sur l’indemnité principale :
L’indemnité d’éviction a pour objet de compenser le préjudice qui résulte pour le locataire de la perte de son droit au bail. Si 1e fonds n’est pas transférable, l’indemnité principale correspond à la valeur du fonds, est dite de remplacement et comprend la valeur marchande du fonds, déterminée selon les usages de la profession, la valeur plancher étant 1e droit au bail. La consistance du fonds de commerce est déterminée par les seules activités autorisées par le bail et s’apprécie à l’époque du refus du renouvellement.
La cour invite à se référer à la description détaillée que fait le premier juge des locaux et de la qualité de l’emplacement loué. M. [T] exerçait, selon la destination prévue au bail, une activité de photographie et tous accessoires dépendant de cette activité (studio de photographie avec atelier et laboratoire ainsi que tout ce qui concerne l’audiovisuel : image, son).
Les parties s’accordent sur le fait que l’éviction a entraîné la perte du fonds de commerce et ouvre droit au profit du preneur à une indemnité de remplacement. Elles s’accordent également sur le fait que la valorisation marchande du fonds par la méthodologie du chiffre d’affaires aboutit à une valeur moindre que le droit au bail (94 334 € selon l’expert).
Il n’est pas contesté par les parties que la surface pondérée des locaux loués est de 39,63 m²B et que le loyer de renouvellement aurait été, si le bail avait été renouvelé, de 15 128 euros, soit le loyer plafond, faute de motifs de déplafonnement.
Pour fixer une valeur locative de marché, l’expert propose plusieurs références locatives et retient sans être contredit un prix unitaire de 1 500 euros du m² pondéré, ce qui conduit à une valeur locative de marché de 59 450 euros (39,63 m²B x 1 500 €) qui sera retenue, les parties ne produisant aucune référence alternative. Le différentiel entre la valeur locative de marché et le loyer de renouvellement plafonné, s’établit donc à 44 322 euros et, eu égard a l’emplacement du local, à sa configuration et à la destination prévue au bail, l’expert a retenu un coefficient de situation de 8,50 que la cour adopte. La valeur du droit au bail ressort donc à 376 737 euros, qui sera arrondie par commodité a 377 000 euros. L’indemnité d’éviction principale sera donc fixée à la valeur du droit au bail soit la somme de 377 000 euros et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur les indemnités accessoires :
Le bailleur demande la confirmation du jugement entrepris sur ce point et en ce sens les parties ne s’opposent donc pas sur les indemnités accessoires, soit une indemnité pour trouble commercial qui sera fixée, comme le propose l’expert, a trois mois du dernier EBE, soit a 3 604 euros, une indemnité pour perte sur stock évaluée par l’expert a 10 % du prix d’achat soit la somme de 660 euros et les frais d’indemnités de licenciement à fixer sur présentation des justificatifs.
Les indemnités accessoires revenant à M. [T] s’élèvent donc à la somme de 4 264 euros.
***
La fondation Apprentis d’Auteuil sera donc condamnée à payer à M. [T] la somme de 381 264 euros au titre de l’indemnité d’éviction globale lui revenant.
Sur l’indemnité d’occupation :
En vertu de l’article L 145-28 du code de commerce, le locataire évincé qui se maintient dans les lieux est redevable d’une indemnité d’occupation jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction qui est égale à la valeur locative de renouvellement déplafonnée.
En l’espèce, M. [T] est redevable de cette indemnité d’occupation dite statutaire, de la date d’effet du congé, soit le 1er octobre 2016 jusqu’à la date où il a restitué les locaux, soit le 31 mars 2021. La cour rappelle qu’au regard d’une jurisprudence constante, l’indemnité d’occupation statutaire n’est pas soumise à la règle du plafonnement, cette indemnité résulte précisément de l’exercice du droit d’option et court à compter de la date d’effet du congé.
Au vu des références produites par l’expert judiciaire (aucune référence n’étant produite par M. [T]), des caractéristiques du local et de son état, le prix unitaire proposé par l’expert et accepté par le bailleur, soit 1 200 euros du m² sera retenu et la valeur locative de renouvellement, déterminée par référence à l’ensemble des prix pratiqués dans le voisinage sera donc fixée à 47 560 euros (soit 39,63 m²B x 1200 €).
Conformément aux usages, l’expert a appliqué un abattement de précarité de 10% qui sera retenu, le titre d’occupation du preneur étant fragilisé par l’éviction, étant précisé que cet abattement ne prendra effet qu’à compter de la signification du droit d’option. L’indemnité d’occupation sera donc fixée à la somme annuelle de 47 556 euros par an, en principal, hors taxes et hors charges pour la période du 1er octobre 2016 au 12 avril 2017 et à celle de 42 800 euros, après application de l’abattement de précarité de 10 %, du 12 avril 2017, date de l’exercice du droit d’option par le bailleur, jusqu’à la libération effective des locaux, soit le 31 mars 2021. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point. Les dispositions du jugement entrepris sur les intérêts courus et la compensation des créances réciproques entre les parties seront également confirmées.
Sur la responsabilité de M e [E] :
Il résulte de l’article 1315 du code civil que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et de l’article 9 du code de procédure civile qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En l’espèce, il est constant que le preneur avait, le 18 mars 2016, offert à M. [T] le renouvellement du bail au prix initial de 16 390 €. M. [T] a notifié le 12 janvier 2017 au bailleur un mémoire en réponse sollicitant le renouvellement du bail au prix plafonné, puis il a assigné son bailleur le 23 février 2017 aux fins de voir fixer le prix du bail renouvelé au loyer plafonné. Ce n’est que le 12 avril 2017, que le bailleur a notifié son droit d’option refusant le renouvellement du bail et rappelant au locataire son droit à une indemnité d’éviction.
M. [T] tout en soutenant qu’il était assisté et conseillé par Me [E] dans le cadre du renouvellement de son bail commercial, ce qui est contesté, affirme qu’aucune lettre de mission ni aucun contrat relative à sa mission n’est produite par cette avocate. Ce faisant M. [T], en exigeant la production d’un titre à la personne à l’encontre de laquelle il réclame l’exécution d’une obligation (en l’espèce un devoir d’assistance et de conseil) inverse la charge de la preuve. Il ne résulte par ailleurs nullement des échanges de courriels produits aux débats que Me [E] a conseillé ou assisté M. [T] dans le cadre du renouvellement du bail commercial de ce dernier. Il résulte en revanche très clairement de tous les actes relatifs au renouvellement du bail que M. [T] soit a agit seul soit a été assisté (depuis le 23 février 2017) par M e Claude Burgeat, avocat au barreau de Paris, le nom de M e [E] n’apparaissant sur aucune notification, signification, mémoire, assignation ou décision de justice.
En outre, M. [T], seul maître de ses droits et dont il a la libre disposition, ne peut utilement soutenir que Me [E] aurait dû lui « faire accepter » dès que possible le renouvellement du bail aux conditions du bailleur.
Là encore, M. [T] ne démontre pas avoir durant la procédure de renouvellement du bail avoir informé son bailleur de son souhait de partir effectivement à la retraite alors que tout au contraire il a manifesté son intention au bailleur de poursuivre son activité et d’obtenir le renouvellement du bail en produisant un mémoire et en saisissant le juge des loyers commerciaux le 23 février 2017 aux fins de détermination du prix du bail renouvelé et qu’il a effectivement poursuivi son activité cinq années après le congé avec offre de renouvellement du bailleur. L’ensemble de ces démarches sont exclusives de la procédure de cession-despécialisation prévue par l’article L. 145-51 du code de commerce. En outre, M. [T] n’est pas fondé à invoquer sa prétendue méconnaissance de la loi qu’il n’est pas censé ignorer. Au surplus, il ressort d’un échange de courriel du 23 juin 2016 relatif à une autre affaire confiée cette fois à Me [E] que celle-ci avait fait observer à M. [T] que celui-ci n’avait pas mis en ‘uvre la procédure relative à son départ à la retraite, cette mise en garde étant bien antérieure à l’exercice du droit d’option du bailleur en date du 12 avril 2017 et à la fin de sa mission le 13 décembre 2016.
Dès lors, M. [T] sera débouté de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de Me [Y] [E].
Sur la demande d’indemnisation au titre des réparations et de l’immobilisation des locaux:
M. [W] [T] dans le corps de ses conclusions indique que la prétention du bailleur serait nouvelle à hauteur d’appel mais ne reprend pas cette fin de non-recevoir dans le dispositif de ses conclusions. En tout état de cause, en première instance, il occupait les locaux qu’il a libéré le 31 mars 2021, date à laquelle un procès-verbal de constat de sortie des lieux a été dressé. Cette demande du bailleur est donc la conséquence de la fin du bail et du départ des lieux du locataire qui en est résulté et se trouve à ce titre recevable. Le bail (page 4) met à la charge du preneur les réparations, l’entretien de la devanture, de la fermeture et des sols, l’entretien, la réparation et le changement à ses frais des réservoirs d’eau, canalisations, chéneaux, descentes d’eau pluviale ainsi que les appareils de gaz, d’électricité et les sanitaires, l’entretien, la réparation et le remplacement à ses frais les vitrages. Le preneur devait en outre rendre en fin de jouissance les lieux en bon état de réparations. L’huissier a constaté de nombreuses traces d’usure et de vétusté sur la grille de devanture, le sol et les moquettes, les peintures, les rangements, les équipements de la cuisine et de la salle de bain, les tissus muraux. Il a en outre constaté que l’installation électrique était vétuste. Une dégradation a été constatée, à savoir la présence d’une fente sur la vitrine droite du rez-de-chaussée. M. [T] est resté locataire d’octobre 1989 à mars 2021 et il n’est pas contesté que le bailleur n’a procédé à aucun travaux d’entretien du local durant cette période. Le devis produit par le bailleur fait état d’une remise aux normes complète de l’installation électrique, du remplacement des équipements des sanitaires, de la cuisine et de la salle de bain et d’une remise à neuf du local (sols, plafonds et murs). Il en résulte qu’en produisant un devis, le bailleur ne justifie pas de dépenses effectivement engagées. En outre, l’essentiel des travaux concerne la vétusté et la mise aux norme ou à neuf d’équipements ou de surfaces qui incombent au bailleur et que le preneur ne s’était pas contractuellement engagé à remplacer ou remettre aux normes ou à neuf. La seule dégradation constatée sur la vitrine n’est pas chiffrée par le bailleur. Il conviendra toutefois d’indemniser ce dernier pour un montant forfaitaire de 2 00 €.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
S’il est exact que la Fondation APPRENTIS D’AUTEUIL a la charge de charge de supporter tous les frais résultant de l’éviction dès lors qu’il a exercé l’option prévue par l’article L 145-57 du code de commerce et indemniser le preneur de son éviction au titre de l’article L 145-14 du même code, un autre contentieux portant sur la responsabilité de Me [E] et sur une valeur locative se fondant sur l’article l’article L145-51 du code de commerce s’est cependant greffé à l’instance et M. [T], sur ces fondements a obtenu l’extension de la mission de l’expertise de M. [C] dont il n’est pas contesté qu’elle a entraîné un surcoût de 2 300 €. Cette extension ne peut donc être considérée comme la conséquence de l’exercice du droit d’option par le bailleur et concerne les demandes distinctes et mal fondées de M. [T]. Le jugement entrepris sera donc réformé et la Fondation APPRENTIS D’AUTEUIL sera condamnée aux dépens de la première instance , en ce inclus les frais d’expertise confiés à M. [C] mais déduction faite de la somme de 2 300 € qui sera mise à la charge de M. [T]. M. [T] succombant à hauteur d’appel en ses demandes contre Me [E] et la Fondation APPRENTIS D’AUTEUIL sera en revanche condamné aux dépens de l’appel. La décision de première instance sera également infirmée en ce qu’elle a condamné la Fondation APPRENTIS D’AUTEUIL au paiement à M. [T] la somme de 3 000 € alors que le bailleur ne contestait aucune des sommes qu’il a été condamné à payer au titre de l’éviction résultant de son droit d’option, le contentieux portant sur des demandes distinctes et mal fondées de M. [T]. Il convient dès lors de laisser à M. [T] la charge de ses frais irrépétibles de première instance. M. [T] succombant, il sera en outre condamné aux dépens de l’appel par application de l’article 696 du code de procédure civile. Il conviendra également d’autoriser la SELARL TAZE-BERNARD [K], en la personne de Maître [H] [K], à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a été fait l’avance sans avoir reçu provision en application de l’article 699 du code de procédure civile.
En outre, il apparaît équitable de condamner M. [T] à payer à la Fondation APPRENTIS D’AUTEUIL et à Me [E] la somme de 8 000 € chacun au titre de leurs frais irrépétibles exposés à hauteur d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
REJETTE la fin de non-recevoir tirée de l’article 960 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement du 15 décembre 2020 du le tribunal judiciaire de Paris, sauf en ce qu’il a :
– condamné la Fondation apprentis d’Auteuil aux dépens, en ce inclus les frais d’expertise ordonnée en référé et confiée à M. [C],
– condamné la Fondation apprentis d’auteuil à payer à M. [W] [T] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau sur ces chefs,
CONDAMNE la Fondation APPRENTIS D’AUTEUIL aux dépens de première instance, en ce inclus les frais d’expertise de M. [C] mais déduction faite de la somme de 2 300 € qui sera mise à la charge de M. [W] [T] et en conséquence CONDAMNE M. [W] [T] à payer à la Fondation APPRENTIS D’AUTEUIL la somme de 2 300 € au titre du remboursement des frais d’extension d’expertise,
LAISSE à M. [W] [T] la charge de ses frais irrépétibles de première instance,
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [W] [T] à payer à la Fondation APPRENTIS D’AUTEUIL la somme de 2 00 € au titre des réparations locatives, assortie de l’intérêt au taux légal à compter de la présente décision,
CONDAMNE M. [W] [T] à payer à la Fondation APPRENTIS D’AUTEUIL la somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par cette dernière à hauteur d’appel,
CONDAMNE M. [W] [T] à payer à Me [Y] [E], la somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par cette dernière à hauteur d’appel,
CONDAMNE M. [W] [T] aux entiers dépens de l’appel et AUTORISE la SELARL TAZE-BERNARD [K], en la personne de Maître [H] [K], à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a été fait l’avance sans avoir reçu provision en application de l’article 699 du code de procédure civile,
REJETTE les autres demandes.
LE GREFFIER P/ LA PRESIDENTE EMPÊCHÉE