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COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 04 JUILLET 2023
N° RG 22/00217 – N° Portalis DBVY-V-B7G-G5DQ
[O], [T], [U] [C]
C/ S.A.S.U. OCK EXPRESS
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANNECY en date du 20 Janvier 2022, RG F 20/00221
APPELANTE ET INTIMEE INCIDENTE
Madame [O], [T], [U] [C]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Carole MARQUIS de la SELARL BJA, avocat au barreau d’ANNECY
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 73065-2022-000760 du 04/04/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CHAMBERY)
INTIMEE ET APPELANTE INCIDENTE
S.A.S.U. OCK EXPRESS
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Karine GAYET de la SELARL MORELL ALART & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue en audience publique le 09 Mai 2023, devant Monsieur Cyril GUYAT, conseiller faisant fonction de président, désigné par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui s’est chargé du rapport, les parties ne s’y étant pas opposées, avec l’assistance de Madame Capucine QUIBLIER, Greffier lors des débats, et lors du délibéré :
Monsieur Cyril GUYAT, conseiller, faisant fonction de président
Madame Isabelle CHUILON, conseiller,
Madame Françoise SIMOND, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.
Copies délivrées le : ********
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [O] [C] a été engagée par la Sasu Ock express en qualité de chauffeur par contrat à durée indéterminée en date du 8 octobre 2019.
La Sasu Ock express est spécialisée dans le transport de marchandises.
La convention collective du transport routier est applicable.
Au dernier état de la relation de travail, Mme [O] [C] percevait une rémunération mensuelle brute de 1820,04 euros.
Le 11 février 2020 Mme [O] [C] a été victime d’un accident de travail. Elle a été placée en arrêt de travail.
Le 29 avril 2020 Mme [O] [C] et la Sasu Ock express ont signé une convention de rupture du contrat de travail et un formulaire de rupture conventionnelle. Ce document n’a jamais été transmis à la Direccte pour homologation.
Le 17 juin 2020, la Direccte a accusé réception d’une nouvelle convention de rupture entre les parties, datée du 27 mai 2020 et avec un délai de rétractation arrivant à échéance le 11 juin 2020.
Cette convention a été homologuée.
Par requête du 16 octobre 2020 Mme [O] [C] a saisi le conseil de prud’hommes d’Annecy aux fins de solliciter la nullité de sa rupture conventionnelle, la reconnaissance d’une exécution déloyale par l’employeur du contrat de travail, ainsi que diverses indemnités sur ces fondements.
Par jugement en date du 20 janvier 2022, le conseil de prud’hommes d’Annecy a :
– jugé que la rupture conventionnelle signée le 27 mai 2020 n’a fait l’objet d’aucun vice du consentement ;
– jugé que la rupture conventionnelle signée le 27 mai 2020 n’est pas en lien avec l’état de santé de Mme [O] [C] ;
– jugé que la Sasu Ock express a exécuté loyalement le contrat de travail;
– débouté Mme [O] [C] de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle, de licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes afférentes ;
– débouté Mme [O] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
– condamné la société Sasu Ock express à verser à Mme [O] [C] les sommes suivantes :
* 500 € au titre de dommages et intérêts pour défaut de suivi médical ;
* 138 € au titre des heures supplémentaires outre 13,80 € au titre des congés payés afférents ;
– ordonné à la société Sasu Ock express de remettre à Mme [O] [C] son certificat de travail, solde de tout compte et attestation pôle emploi rectifiés sans astreinte ;
– débouté Mme [O] [C] du surplus de ses demandes ;
– débouté la société Sasu Ock express de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société Sasu Ock express aux entiers dépens.
Mme [O] [C] a interjeté appel de cette décision par déclaration d’appel du 8 février 2022 au réseau privé virtuel des avocats. La Sasu Ock express a formé appel incident le 20 juillet 2022.
Par dernières conclusions notifiées le 29 juillet 2022, auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, Mme [O] [C] demande à la cour de :
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Annecy du 20 janvier 2022 sauf en ce qu’il a condamné la société Sasu Ock express à lui payer la somme de 500 euros nets à titre de dommages et intérêts pour absence de suivi médical, condamné la société Sasu Ock express à lui payer la somme de 138 euros bruts au titre des heures supplémentaires et la somme de 13,80 euros bruts au titre des congés payés, débouté la société Sasu Ock express de sa demande de restitution de la somme de 303,34 euros au titre de l’indemnité spécifique de rupture ;
– condamner la société Sasu Ock express à lui verser les sommes suivantes :
* 6000 € net, à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
*1820.04 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 182 € brut au titre des congés payés afférents ;
* 379 € net au titre de l’indemnité de licenciement ou de l’indemnité de rupture conventionnelle ;
* 5000 € net à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
* 2500 € net au titre des honoraires à la Selarl Bja en cause d’appel en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l’aide juridictionnelle ;
– ordonner à la société Sasu Ock express de lui remettre ses documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de l’arrêt à intervenir ;
– juger que la Cour se réserve le droit de liquider l’astreinte ;
– condamner la société Sasu Ock express aux entiers dépens d’appel ;
– rejeter la demande de la société Sasu Ock express de restitution de la somme de 303,34 euros au titre de l’indemnité spécifique de rupture ainsi que toutes ses demandes et prétentions.
La salariée soutient notamment que son consentement à la rupture conventionnelle de son contrat de travail a été vicié par dol.
L’employeur a volontairement antidaté les documents et a trompé la salariée afin d’accélérer la rupture du contrat de travail, en la privant de toute possibilité de rétractation.
La société lui a fait signé le 15 juin 2020 des documents antidatés, avec une date de signature au 27 mai 2020, et avec des mentions fausses.
Alors qu’elle était en arrêt pour accident du travail, un collaborateur atteste l’avoir vue dans les locaux le 15 juin 2020, or la société n’explique pas cette présence.
Elle a été privée du droit d’exercer son droit de rétractation, la privation de ce délai entraine nécessairement la nullité de la rupture conventionnelle et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Aucun entretien préalable ne s’est tenu et l’employeur ne produit aucune convocation à un quelconque entretien.
Conformément à la législation en vigueur, la tenue d’au moins un entretien est une condition essentielle de la rupture conventionnelle.
Le barême prévu à l’article L 1235-3 du code du travail ne permet pas de réparer entièrement le préjudice qu’elle a subi du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur lui a soumis des documents antidatés et a abusé de sa gentillesse et de sa naïveté pour les lui faire signer, ce qui constitue une exécution déloyale du contrat de travail.
Par dernières conclusions notifiées le 20 juillet 2022 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, la Sasu Ock express demande à la cour de :
– infirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a jugé que la rupture conventionnelle signée le 27 mai 2020 n’a fait l’objet d’aucun vice du consentement, jugé que la rupture conventionnelle signée le 27 mai 2020 n’est pas en lien avec l’état de santé de Mme [O] [C], jugé que la Sasu Ock express a exécuté loyalement le contrat de travail, débouté Mme [O] [C] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, condamné Mme [O] [C] à verser la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;
à titre subsidiaire :
– condamner Mme [O] [C] à restituer l’indemnité spécifique de rupture d’un montant de 303.34 € ;
– limiter l’indemnité de licenciement à la somme de 377.65 €.
L’employeur fait valoir que la salariée ne verse aux débats aucune preuve de ses affirmations.
Dans son courrier du 15 avril 2020, c’est la salariée elle-même qui a demandé son départ.
La société n’a exercé aucun pression sur la salariée.
La salariée était parfaitement informée de ses droits puisqu’elle en a fait usage lors de la première procédure.
Il appartient à la salariée de rapporter la preuve de ses accusations.
L’employeur n’a pas été destinataire du courrier du 23 juin 2020, ce dernier en a pris connaissance le 1er juillet 2020 lorsque la salariée lui a adressé une photo de ce courrier par sms.
La rupture conventionnelle ayant été signée le 27 mai 2020, le délai de rétractation expirait le 11 juin 2020 à minuit, le courrier de rétractation du 23 juin 2020 était de toute façon hors délai.
L’entretien n’a pas nécessairement à se tenir dans les locaux de l’entreprise et une convocation formelle à un entretien n’est pas obligatoire.
La salariée échoue à démontrer l’existence d’un quelconque vice de consentement.
Elle ne fait pas la démonstration de l’existence d’un préjudice résultant de l’absence de visite médicale d’embauche et de la prétendu exécution déloyale du contrat de travail qu’elle soulève.
L’instruction de l’affaire a été clôturée le 27 février 2023. Le dossier a été appelé à l’audience de plaidoirie du 9 mai 2023. A l’issue, il a été mis en délibéré au 29 juin 2023, délibéré prorogé au 4 juillet 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la validité de la rupture conventionnelle
Il résulte de l’article L 1237-13 du code du travail que la convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9. Elle fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation. A compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie.
La salariée soutient que la signature de la rupture conventionnelle n’a pas été précédée d’un entretien préalable. Il lui appartient d’en apporter la preuve, or elle ne produit aucun élément au soutien de cette allégation, alors par ailleurs que la convention de rupture qu’elle a signée mentionne la tenue d’un entretien préalable.
La salariée soutient en outre que la convention de rupture du contrat de travail a été antidatée au 27 mai 2020 et qu’elle a en réalité été signée le 15 juin 2020, de sorte qu’elle n’a pas été mise en mesure d’exercer son droit de rétractation.
Il lui appartient d’apporter la preuve de la réalité de ces faits.
La rupture conventionnelle signée par les parties et qui a été transmise pour homologation à la Direccte est datée du 27 mai 2020, et mentionne un délai de rétractation arrivant à échéance le 11 juin 2020.
La salariée produit au soutien de ses allégations:
– un SMS adressé à son employeur le 11 juin 2020 mentionnant ‘j’ai réfléchi je vais signer la rupture’,
– un SMS adressé à son employeur du 1er juillet 2020, contenant la photographie d’un courrier en date du 23 juin 2020 dont elle justifie qu’il a été distribué en recommandé le 25 juin. Elle indique dans ce courrier exercer son droit de rétractation s’agissant de la rupture conventionnelle ‘que nous avons signé le lundi 15 juin 2020 à [Localité 6] au dépôt de BMV. Je constate en effet une erreur concernant la date indiquée sur la convention de rutpure du contrat de travail car ces papiers sont datées au 25 mai 2020. Nous avons signé les papiers le 15/06/2020 je n’ai donc pas dépassé le délai de rétractation à ce jour (…)’,
– la réponse de son employeur à ce SMS, qui indique ne pas avoir reçu ce courrier recommandé,
– une attestation de M. [K] [X], indiquant avoir vu la salariée signant des papiers avec son patron le 15 juin 2020 sur le quai de l’entreprise BMV de [Localité 6],
– une attestation de M. [E] [V], qui indique avoir croisé la salariée le 15 juin 2020 sur le quai de la société BMV.
L’employeur produit pour sa part une attestation de M. [J] [I], chauffeur pour BMV [Localité 6], qui indique avoir été présent le jour où la salariée a signé sa rupture conventionnelle, que celle-ci était très souriante et ravie de mettre fin à son contrat, que le moment était plutôt cordial.
Cet attestant ne précise aucunement la date à laquelle il a assisté à cette scène.
L’employeur soutient que par son SMS du 11 juin 2020, la salariée a seulement voulu indiquer qu’elle ne se rétracterait pas et que sa décision était définitivement arrêtée, le 11 juin étant la date limite de rétractation figurant sur le document de rupture conventionnelle signé par les parties.
Ce SMS apparaît cependant clair dans ces termes, à savoir que la salariée va signer la rupture.
Il résulte de l’analyse des éléments produits par la salariée que :
– le SMS du 11 juin 2020 est clair dans ses termes,
– deux salariés attestent avoir vu Mme [O] [C] sur le quai de l’entreprise BMV de [Localité 6] le 15 juin 2020, et l’un d’eux indique l’avoir vue signer des documents avec son employeur. Aucun élément ne conduit à remettre en question le contenu de ces attestations. L’employeur n’explique pas la raison de la présence de la salariée ce jour-là auprès de lui, alors même qu’elle était en arrêt de travail, ne s’explique pas sur les documents qu’elle a signés en sa compagnie ce jour-là, ne produit pas ces documents,
– il est établi que l’employeur a été informé du courrier de la salariée par laquelle celle-ci contestait la date mentionnée sur la rupture conventionnelle (elle a manifestement mentionné par erreur dans ce courrier la date du 25 mai), soutenait que ce document avait en fait été signé le 15 juin et indiquait souhaiter se rétracter au moins par le SMS du 1er juillet 2020. Il doit être remarqué que l’employeur ne montre aucune réaction particulière à ce courrier, ne conteste pas les allégations qu’il contient, se contentant de répondre à la salariée d’appeler son comptable et de ‘voir avec lui’.
Ces éléments pris dans leur ensemble conduisent à retenir que la convention de rupture, datée du 27 mai 2020, a en réalité été signée le 15 juin 2020.
Le fait d’antidater cette convention de rupture au 27 mai 2020, avec un délai de rétractation arrivant à échéance le 11 juin 2020, a eu pour conséquence de priver de fait la salariée de son droit de rétractation, qui était échu à la date réelle de la signature du document le 15 juin 2020.
Les dispositions légales organisant la rupture conventionnelle du contrat de travail ont pour but de s’assurer, pendant tout le processus de discussion jusqu’à la prise d’effet de la rupture, de la liberté du consentement des parties, comme le préciseexpressément l’article L.1237-11 du code du travail.
Le respect du délai de rétractation constitue ainsi l’une des garanties de la liberté du consentement des parties à la rupture.
La rupture conventionnelle est nulle si le salarié n’a pu bénéficier des garanties prévues par la loi permettant notamment de s’assurer de son consentement.
La convention de rupture conclue entre les parties doit donc être annulée. La décision sur ce point du conseil de prud’hommes est infirmée.
Cette annulation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 30 janv. 2013, n° 11-22.332 ; Cass. soc., 30 mai 2018, n°16-15.273).
Sur les demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse
La salariée est en droit de solliciter le paiement de son préavis. Celui-ci était fixé à un mois. Son salaire mensuel brut moyen s’établit à 1820,04 euros brut. Ainsi, la Sasu Ock express sera condamnée à lui verser la somme de 1820,04 euros à titre d’indemnité de préavis, outre 182 euros de congés payés afférents.
Elle est également en droit de solliciter une indemnité légale de licenciement, dont le montant s’établit, compte-tenu de son ancienneté et de son revenu mensuel moyen, à 379 euros net.
S’agissant de la conformité du barême prévu à l’article L 1235-3 du code du travail aux normes internationales, l’article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996 consacré au ‘droit à la protection en cas de licenciement’ dispose : En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître :
a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motifs valable lié à leur aptitude ou conduite lié à leur aptitude ou conduite ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service,
b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée,
A cette fin, les parties s’engagent à assurer qu’un travailleur qui estime avoir fait l’objet d’une mesure de licenciement sans motif valable ait droit à un recours contre cette mesure devant un organe impartial.
Les dispositions de l’article 24 de la Chartre sociale européenne révisée le 3 mai 1996 ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, ainsi que l’a rappelé la cour de cassation dans deux arrêts du 11 mai 2022 (pourvois n°21-14.490 et 21-15.247) . Dès lors, tant ce texte que les décisions du Comité européen des droits sociaux ne peuvent être utilement invoquées pour voir écarter les dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail.
Sur le contrôle de conventionnalité par rapport à l’article 10 de la convention OIT qui parle du versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée et non pas d’une réparation intégrale et laisse donc aux Etats membres une large part de marge de manoeuvre importante, il faut apprécier le système d’indemnisation dans son ensemble. Il convient de retenir :
– que le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien des avantages acquis et que ce n’est que lorsque la réintégration est refusée par l’une ou l’autre des parties que le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur ;
– que le plafonnement de cette indemnité n’est pas, en soi, contraire au texte conventionnel ;
– que le barème prévu, quelqu’appréciation que l’on puisse porter sur la faiblesse des plafonds concernant les salariés ayant une ancienneté réduite, est conçu sur la base de critères objectifs tenant à l’ancienneté et à la rémunération mensuelle du salarié, le juge disposant d’une marge d’appréciation (s’élevant avec l’ancienneté), lui permettant de tenir compte d’autres facteurs relatifs à la situation personnelle du salarié ;
– que l’indemnité prévue par le barème s’ajoute à l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement et de préavis ;
– que l’indemnité issue du barème n’est pas exclusive de la réparation de préjudices distincts survenus à l’occasion du licenciement.
Dès lors les dispositions de l’article L. 1235- 3 du code du travail dans leur rédaction issue de la loi n°2018-217 du 29 mars 2018, qui fixent un barème applicable à la détermination par le juge du montant de l’indemnité sans cause réelle et sérieuse, sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n°158 de l’Organisation internationale du travail.
L’article L. 1235-3 alinéa 2 dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 qui prévoit une fourchette d’indemnisation pour un salarié ayant moins d’un an d’ancienneté à un mois maximum de salaire brut est proportionné et permet un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général qui est d’assurer une sécurité juridique dans les relations de travail et la sauvegarde des droits fondamentaux du salarié qui est d’obtenir une indemnisation adéquate d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La salariée a été en arrêt de travail jusqu’au 15 mars 2021, a perçu à ce titre des indemnités pour un montant mensuel moyen de 1438 euros brut. Elle a ensuite perçu les indemnités chômage pour un montant mensuel brut d’environ 1000 euros. Elle a signé le 6 décembre 2021 un CDD pour une durée de 19 jours;
Au regard de ces éléments, il sera alloué à Mme [O] [C] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 1820 euros net.
Sur le remboursement des indemnités de chômage
Selon l’article L. 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles qu’il énonce, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés, de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Les conditions d’application de cet article étant réunies, il y a lieu d’ordonner le remboursement par la Sasu Ock Express à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Mme [O] [C] par suite de son licenciement et ce dans la limite de trois mois d’indemnités.
Sur la remise des documents de rupture rectifiés
Il convient, au regard des condamnations ci-dessus, à ordonner à l’employeur de remettre à la salariée les documents de rupture rectifiés.
Il n’y a pas lieu à prononcer d’astreinte.
Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
Aux termes de l’article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Le fait pour un employeur de présenter à la salariée des documents de rupture conventionnelle du contrat de travail antidatés, ce qui était de nature à tromper son consentement éclairé à cette rupture en ne lui permettant pas de bénéficier du délai de rétractation constitue une exécution de mauvaise foi du contrat de travail.
Mme [O] [C] se contente d’alléguer avoir subi un préjudice ‘réel et certain lié aux agissements malhonnêtes de son employeur dans le but d’obtenir son départ’, sans expliquer en quoi aurait consisté ce préjudice. Elle ne produit par ailleurs aucun élément de nature à justifier de l’existence de ce dernier, qui est distinct de celui lié au licenciement.
En conséquence, la décision du conseil de prud’hommes sera confirmée en ce qu’elle a débouté la salariée de sa demande à ce titre.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l’absence de suivi médical
En application de l’article R 3624-10 du code du travail, la salariée aurait dû bénéficier d’une visite d’information et de prévention dans un délai de trois mois à compter de la prise effective de son poste.
Il n’est pas contesté par l’employeur que la salariée n’a pas bénéficié d’une visite médicale à l’embauche.
Cependant, cette absence de visite d’information et de prévention ne mettait pas la salariée dans l’impossibilité de dénoncer, si elle l’estimait nécessaire, des conditions de travail mettant en danger sa santé. Elle ne produit d’ailleurs aucun élément de nature à démontrer qu’elle s’était plainte de ses conditions de travail.
La salariée se contente là encore d’alléguer de l’existence d’un préjudice ‘réel et certain’, sans pour autant produire aucune piède de nature à le démontrer.
En conséquence, la décision sur ce point du conseil de prud’hommes sera infirmée, et la salariée sera déboutée de sa demande à ce titre.
Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires
La salariée soutient que ses heures de récupération suite aux heures supplémentaires qu’elle a effectuées n’auraient jamais été majorées, et sollciite donc un rappel de salaire à ce titre.
L’employeur se contente d’indiquer avoir toujours fait confiance à la salariée pour récupérer correctement ses heures supplémentaires effectuées, et qu’elle ne verse aux débats aucun décompte des récupérations prises qui permettrait d’acréditer sa thèse selon laquelle elle n’aurait pas bénéficié de majorations.
L’employeur ne conteste pas le nombre d’heures supplémentaires que la salariée soutient avoir effectué heures supplémentaires sur lesquelles elle apporte des éléments suffisamment précis, avec un nombre d’heures effectuées chiffrées jour par jour sur les périodes revendiquées.
Cependant, en application de l’article 1353 du code civil, il appartient à l’employeur de démontrer qu’il a effectivement compensé ou versé les majorations pour heures supplémentaires dûes à la salariée, qui constituent une part de son salaire (voir notamment Cass soc 29 mars 2023, n°21-19.631).
L’employeur ne produit aucun élément de nature à justifier qu’il a compensé ou verser ses majorations pour heures supplémentaires.
La demande à ce titre de la salariée apparaît fondée dans son montant au regard des pièces porduites aux débats. La décision sur ce point du conseil de prud’hommes sera confirmée.
Sur la demande tendant au remboursement par la salariée de l’indemnité spcaifique de rupture
En cas d’annulation de la convention de rupture, la salariée doit restituer les sommes qui lui ont été versées dans le cadre de cette convention ( Cass. soc., 30 mai 2018, n°16-15.273).
En conséquence, Mme [O] [C] sera condamnée à verser à la Sasu Ock express la somme de 303,34 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi;
DÉCLARE recevables Mme [O] [C] et la Sasu Ock Express en leurs appel et appel incident,
CONFIRME le jugement du conseil de Prud’hommes d’Annecy du 20 janvier 2022 en ce qu’il a :
– débouté Mme [O] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
– condamné la société Sasu Ock express à verser à Mme [O] [C] la somme de 138 € au titre des heures supplémentaires outre 13,80 € au titre des congés payés afférents ;
– ordonné à la société Sasu Ock express de remettre à Mme [O] [C] son certificat de travail, solde de tout compte et attestation pôle emploi rectifiés sans astreinte ;
INFIRME pour le surplus le jugement du conseil de Prud’hommes d’Annecy du 20 janvier 2022,
Et statuant à nouveau:
DIT que la rupture conventionnelle du contrat de travail de Mme [O] [C] datée du 27 mai 2020 est nulle,
DIT que la nullité de la rupture conventionnelle équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la Sasu Ock Express à verser à Mme [O] [C] :
– 1820,04 euros à titre d’indemnité de préavis, outre 182 euros de congés payés afférents,
– 379 euros net à titre d’indemnité de licenciement,
– 1820,04 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE Mme [O] [C] à verser à la Sasu Ock Express la somme de 303,34 euros au titre de la restitution de l’indemnité de rupture conventionnelle,
DÉBOUTE Mme [O] [C] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’absence de suivi médical,
Y ajoutant,
ORDONNE d’office le remboursement par la Sasu Ock Express à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [O] [C], du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de 3 mois d’indemnités de chômage,
DIT qu’à cette fin, une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée à Pôle Emploi Rhône-Alpes – service contentieux – [Adresse 1],
CONDAMNE la Sasu Ock Express aux dépens,
CONDAMNE la Sasu Ock Express à verser à Mme [O] [C] la somme de 2000 euros au titre des articles 37 et 75 I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.
Ainsi prononcé publiquement le 04 Juillet 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Cyril GUYAT, conseiller, remplaçant Monsieur Frédéric PARIS, président, régulièrement empêché, et Madame Capucine QUIBLIER, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier P/Le Président