Droit de rétractation : 4 juillet 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/01354

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Droit de rétractation : 4 juillet 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/01354
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ARRET N°321

FV/KP

N° RG 21/01354 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GIGZ

[Y]

C/

S.A.R.L. ALLSUN

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 04 JUILLET 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01354 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GIGZ

Décision déférée à la Cour : jugement du 12 mars 2021 rendu(e) par le Tribunal de Grande Instance de LA ROCHE SUR YON.

APPELANT :

Monsieur [W] [Y]

né le [Date naissance 4] 1964 à [Localité 8] (85)

[Adresse 2]

[Localité 6]

Ayant pour avocat plaidant Me Isabelle BLANCHARD de la SELARL ADLIB, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON.

INTIMEES :

S.A.R.L. ALLSUN, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 10]

[Localité 3]

Défaillante

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE Venant aux droits de la Société SYGMA BANQUE

[Adresse 1]

[Localité 5]

Ayant pour avocat plaidant Me Aurélie DEGLANE de la SELARL BRT, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 24 Mai 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Claude PASCOT, Président

Monsieur Fabrice VETU, Conseiller

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

– REPUTE CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon bon de commande n°11191 en date du 1er février 2016, Monsieur [W] [Y] a confié à la SARL ALLSUN une installation de douze panneaux photovoltaïques pour un montant total de 21.800 euros.

Ce contrat a été financé par un contrat de crédit souscrit selon offre du même jour par Monsieur [W] [Y] auprès de la société SYGMA BANQUE d’un montant de 21.800 euros remboursable, après différé d’amortissement de 12 mois, en 168 échéances de 233,12 euros , assurance comprise, au taux de 5,76 % (taux annuel effectif global de 5,81 %).

Le 16 février 2016, Monsieur [W] [Y] a signé un document attestant de la fin des travaux aux termes duquel il demande au prêteur de verser au vendeur la somme précitée.

Suivant jugement du juge des tutelles de la [Localité 9]-sur-Yon en date du 21 février 2017, Monsieur [W] [Y] a été placé sous curatelle renforcée exercée par l’UDAF de la Vendée.

Par la suite, le 23 août 2018, Monsieur [Y] a déposé plainte pour abus de faiblesse en raison de plusieurs démarchages à son domicile sur la période comprise entre le 07 janvier 2016 et le 08 février 2016 pour des engagements d’un montant total de 74.111 € et, plus singulièrement :

– le 07/01/2016 : Sté TERRA NOVA : poêle à granules + ballon thermodynamique : 16.900 euros TTC,

-le 26/01/2016 : Sté TERRA NOVA : porte d’entrée, système de ventilation centrale pulsée : 9.000 euros TTC,

– le 08/02/2016 : Sté TERRA NOVA : porte de garage : 8.900 euros TTC,

– le 01/02/2016 : Sté ALL SUN : 12 panneaux photovoltaïques : 19.500 euros TTC,

– le 04/02/2016 : Sté BATI ENERGIES CONSEILS : bardage bois : 8 960 euros TTC,

– le 05/02/2016 : Sté BATI ENERGIES CONSEILS : adoucisseur d’eau + traitement charpente: 10.851 euros TTC.

Par exploit en date du 09 avril 2019, Monsieur [W] [Y] , assisté de son curateur l’UDAF de Vendée, a assigné les sociétés ALLSUN et SYGMA BANQUE, sollicitant notamment la nullité du contrat de vente et du contrat de crédit affecté conclu le 1er février 2016 et la constatation d’une faute du prêteur de nature à le priver de son droit à restitution du capital.

La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE (la BNP Paribas) est intervenue volontairement à l’instance, en sollicitant la mise hors de cause de la société SYGMA BANQUE et s’est opposée aux demandes de Monsieur [W] [Y] .

Par jugement daté du 12 mars 2021, le tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon a :

– Constaté l’intervention volontaire de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la société SYGMA BANQUE ;

– Constaté la mise hors de cause de la société SYGMA BANQUE ;

– Rejeté la demande de monsieur [W] [Y] tendant à l’annulation du contrat de vente conclu entre la SARL ALLSUN et monsieur [W] [Y] le 1er février 2016 ;

– Rejeté la demande de monsieur [W] [Y] tendant à l’annulation du contrat de prêt conclu entre la société SYGMA BANQUE et monsieur [W] [Y] le 1er février 2016 ;

– Rejeté la demande de dommages-intérêts formée par monsieur [W] [Y] à l’encontre de la SARL ALLSUN ;

– Condamné monsieur [W] [Y] à verser à la SARL ALLSUN la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Condamné monsieur [W] [Y] à verser à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la société SYGMA BANQUE, la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Rejeté la demande de monsieur [W] [Y] formée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Condamné monsieur [W] [Y] aux entiers dépens de la procédure ;

– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision ;

– Rejeté toute demande plus ample ou contraire.

Par déclaration du 26 avril 2021, Monsieur [W] [Y], assisté de son curateur, l’UDAF de Vendée, a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a constaté l’intervention volontaire de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la société SYGMA BANQUE et constaté la mise hors de cause de la société SYGMA BANQUE.

Par jugement daté du 03 février 2021 publié au BODACC n°31A des 13 et 14 février 2021, le tribunal de commerce de Bordeaux a placé la société ALLSUN en redressement judiciaire.

Par jugement en date du 14 avril 2021 publié au BODACC n°81A des 24 et 25 avril 2021, le tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé la liquidation judiciaire de la société ALLSUN et a désigné la SELARL EKIP en qualité de liquidateur.

Par acte du 25 mai 2021, Monsieur [Y], assisté de son curateur, a fait signifier à la SELARL EKIP, ès qualités de liquidateur, sa déclaration d’appel et, par même acte, lui a donné assignation d’avoir à comparaître dans le cadre de la présente procédure. La société BNP PARIBAS a constitué avocat le 04 mai 2021.

Par acte du 25 mai 2021, M. [Y] a fait signifier la déclaration d’appel à la SELARL EKIP, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société ALLSUN, laquelle n’a pas constitué avocat.

L’instruction de l’affaire a été clôturée à l’audience du 09 mai 2022 et mise en délibéré.

Par arrêt réputé contradictoire en date du 30 août 2022, la cour de céans a :

Infirmé la décision du tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon daté du 12 mars 2021,

Statuant à nouveau,

Prononcé la nullité du contrat principal signé le 1er février 2016 entre la SARL ALLSUN et Monsieur [W] [Y] pour altération des facultés personnelles de ce dernier,

Prononcé en conséquence de la nullité du contrat principal, la nullité du contrat de crédit signé le même jour entre la société SYGMA BANQUE aux droits de laquelle est intervenue la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, et Monsieur [W] [Y],

Avant dire droit sur le surplus des demandes,

Ordonné la réouverture des débats et la révocation de l’ordonnance de clôture,

Invité les parties à conclure sur les moyens soulevés d’office en cours de délibéré, tirés de :

– l’irrégularité du contrat principal conclu entre Monsieur [W] [Y] et la SARL Allsun, selon bon de commande numéro 11-191 en date du 1er février 2016, par violation des dispositions des articles L. 121-17 et suivants et L. 121-27 (par absence du bordereau de rétractation, absence d’information sur les conditions et modalités de la faculté de rétractation, absence de rappel des textes d’ordre public applicables en la cause),

-de la faute éventuelle commise par la société Sygma banque aux droits de laquelle se trouve désormais la société BNP Paribas Personal finance, pour avoir versé la somme de 21’800 euros à la SARL Allsun au vu d’un contrat principal encourrant la nullité; faute de nature à la priver de son droit à restitution du capital, en cas de préjudice consécutif à cette faute.

Par conclusions communiquées par voie électronique le 27 octobre 2022 , Monsieur [W] [Y] demande à la Cour de :

– Condamner la liquidation judiciaire de la société ALLSUN à garantir Monsieur [W] [Y] de son obligation de remboursement de l’emprunt à l’égard de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ;

– Juger que [W] Monsieur [Y] ne sera pas tenu, en tout état de cause, au remboursement du prêt conclu avec la société SYGMA BANQUE, devenue BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, compte-tenu du comportement fautif de cette dernière, la privant de son droit de restitution du capital prêté ;

– Condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à restituer à Monsieur [Y] la somme de 15.619,04 €, au titre des échéances mensuelles qu’il a réglées, sauf à parfaire ;

– Fixer la créance de Monsieur [W] [Y] à l’encontre de la liquidation judiciaire la société ALL SUN à la somme 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et financier ;

– Débouter la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions contraires à celles de Monsieur [Y] ;

– Condamner solidairement la société ALL SUN et la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à verser à Monsieur [W] [Y] la somme de 5.000 € à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens.

Par conclusions RPVA du 27 septembre 2022, la BNP PARIBAS demande à la cour de :

A titre principal,

‘ Juger qu’aucune faute n’a été commise par la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE dans le déblocage des fonds,

‘ Juger que Monsieur [W] [Y] ne justifie d’aucun préjudice certain, direct et personnel qui résulterait directement d’une éventuelle faute de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,

‘ Condamner Monsieur [W] [Y] assisté de son curateur l’UDAF de Vendée à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 21.800 € au titre de l’obligation pour l’emprunteur de restituer le capital prêté diminué des remboursements effectués, et juger que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision,

A titre subsidiaire, en cas de faute du prêteur et de préjudice de l’emprunteur,

‘ Condamner Monsieur [W] [Y] assisté de son curateur l’UDAF de Vendée à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 21.800 € au titre de l’obligation pour l’emprunteur de restituer le capital prêté diminué des remboursements effectués, et Juger que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision,

‘ Juger que le préjudice subi par Monsieur [W] [Y] s’analyse comme une perte de chance de ne pas contracter, dont la probabilité est de l’ordre de 5%, soit la somme maximum de 1.000 €,

‘ Ordonner la compensation entre les sommes mises à la charge de chacune des parties,

A titre plus subsidiaire, en cas de débouté du prêteur de son droit à restitution du capital,

‘ Fixer la créance de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE au passif de la liquidation judiciaire de la société ALLSUN à la somme de 21.800 € à titre de dommages et intérêts,

En toutes hypothèses,

‘ Débouter Monsieur [W] [Y] assisté de son curateur l’UDAF de Vendée de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

‘ A titre principal, Condamner Monsieur [W] [Y] assisté de son curateur l’UDAF de Vendée à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 2.200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel, ainsi qu’aux entiers frais et dépens de l’appel,

‘ A titre subsidiaire, Fixer la créance de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE au passif de la liquidation judiciaire de la société ALLSUN à la somme de 2.200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel, ainsi qu’aux entiers frais et dépens de l’appel.

Pour un plus ample exposé des faits, prétention et moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives conformément à l’article 455 du Code de procédure civile.

Par exploit daté du 09 novembre 2022, M. [Y] a fait signifier à la SELARL EKIP es qualité de liquidateur judiciaire de la société ALLSUN ses conclusions RPVA du 27 octobre 2022.

Par message RPVA du 05 mai 2023, la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a indiqué avoir notifié par message électronique ses conclusions.

La clôture de l’instruction de l’affaire est intervenue suivant ordonnance datée du 26 avril 2023 pour être plaidée à l’audience du 24 mai 2023, date à compter de laquelle elle a été mise en délibéré à ce jour.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la faute de l’établissement bancaire au titre du financement d’un contrat entaché d’une cause de nullité

1. L’article L.121-17 du Code de la consommation précité dispose que préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les informations prévues aux articles L.111-1 et L.111-2 ;

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat ;

[…]

2. Aux termes de l’article R. 121-1 du même code, Le formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l’article L. 121-17 figure en annexe au présent article.

3. L’article L. 121-27 du Code de la consommation portant dispositions particulières aux contrats conclus distance portant sur des services financiers dispose :

En temps utile et avant qu’il ne soit lié par un contrat, le consommateur reçoit des informations dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat et portant sur :

1° L’identité et les coordonnées du professionnel et de toute personne agissant pour son compte ;

2° Les informations relatives aux produits, instruments et services financiers proposés ;

3° Le droit de rétractation ;

4° Les conditions contractuelles, notamment tarifaires, et les modalités ainsi que le lieu de conclusion du contrat ;

5° La loi applicable au contrat et la juridiction compétente.

4. L’article R. 121-3 applicable à la cause énonce que :

I.-Pour l’application de l’article L. 121-27, le fournisseur communique au consommateur des informations concernant :

[…]

3° Le contrat à distance : le fournisseur informe le consommateur de l’existence du droit de rétractation mentionné à l’article L. 121-29, de sa durée, des conséquences pécuniaires éventuelles de sa mise en oeuvre, ainsi que de l’adresse à laquelle le consommateur doit notifier sa décision. En cas d’absence d’un tel droit, le fournisseur en informe le consommateur ainsi que des conséquences de cette absence.

Pour les contrats pour lesquels s’applique le délai de rétractation mentionné à l’article L. 121-29, le fournisseur informe le consommateur du fait que, sauf accord exprès de ce dernier, le contrat ne peut commencer à être exécuté qu’à l’expiration du délai de rétractation. Pour les contrats de crédit à la consommation prévus au chapitre Ier du titre Ier du livre III, le fournisseur informe le consommateur du fait que, même avec son accord, le contrat ne peut commencer à être exécuté durant les sept premiers jours, sauf s’agissant des contrats de crédit affecté, qui ne peuvent commencer à être exécutés durant les trois premiers jours.

Le fournisseur informe le consommateur des droits contractuels que peuvent avoir les parties de résilier le contrat, sans omettre les éventuelles pénalités imposées par le contrat dans ce cas.

4° […]

e) L’existence ou l’absence du droit de rétractation mentionné à l’article L. 121-29 et, si ce droit existe, sa durée et les modalités de son exercice, y compris des informations sur le montant que le consommateur peut être tenu de payer en vertu de l’article L. 121-30.

5. En l’état de son arrêt mixte, la cour rappelle qu’elle avait sollicité des parties qu’elles s’expliquent sur les irrégularités formelles du contrat contraires aux articles L. 121-17, L. 121-27 et R. 121-3 et suivants du code de la consommation, tenant à l’absence de bordereau de rétractation régulier et d’information sur la faculté et les modalités de rétractation, l’absence de rappel des textes applicables en la matière dans le corps du contrat, dès lors qu’il est admis en droit que la banque commet une faute en s’abstenant de vérifier la régularité formelle du contrat principal avant de verser les fonds empruntés

6. Sur ce point, M. [Y] fait valoir qu’en contradiction avec les dispositions des articles L. 121-17 et suivants et L. 121-27 et suivants du Code de la consommation, le contrat principal ne comporte ni bordereau de rétractation, pas davantage les informations sur les conditions et modalités de rétractation et encore moins le rappel des textes d’ordre public applicables en la cause.

Selon lui, la faute successive du démarcheur et du prêteur lui cause un préjudice puisqu’il n’a pas été en mesure de se rétracter de cet achat démesuré par rapport à ses finances et n’a pas pu connaître ses droits. Il ajoute que s’il avait disposé de son bordereau de rétractation, il aurait pu se rétracter dans le délai imparti après que ces proches aient pu constater l’ampleur des engagements par des démarcheurs sans scrupules.

7. M. [Y] conclut que le fait que l’installation photovoltaïque soit opérationnelle est sans conséquence sur le préjudice qu’il subit, consistant à supporter des charges démesurées et provoquant une situation de surendettement.

8. L’intimée objecte que l’emprunteur n’a jamais remis en cause la validité formelle du contrat principal conclu avec la société ALLSUN et explique, s’agissant des conditions et modalités d’exercice du droit de rétractation, que ces informations figuraient au verso du bon de commande, au sein des conditions générales de vente dont Monsieur [Y] a reconnu être resté en possession.

Par ailleurs, soutient la BNP PERSONAL FINANCE, l’irrégularité formelle du contrat principal n’est pas susceptible, à elle seule, d’entraîner la privation du prêteur de son droit à restitution du capital puisque l’emprunteur doit justifier d’un préjudice résultant directement de cette éventuelle faute.

9. Selon elle, cette démonstration n’est pas apportée par M. [Y] qui ne soulève aucun grief relativement à l’installation photovoltaïque, laquelle est donc parfaitement opérationnelle.

10. La cour rappelle que dès lors que le législateur a prévu que le bon de commande doit prévoir à peine de nullité la faculté de rétractation prévue à l’article [7] 121-25 ainsi que les conditions d’exercice de cette faculté, il demeure impératif de lui remettre le formulaire destiné à exercer ce droit. Toutefois, la cour rappelle que seule l’existence d’un préjudice en lien de causalité avec la faute du prêteur peut entraîner la privation totale ou partielle du droit de ce dernier à sa créance de restitution du capital.

11. La cour constate que le prêteur a bien commis des fautes en mettant à disposition le capital emprunté entre les mains de l’installateur alors que les irrégularités affectant le bon de commande au regard des dispositions précitées du code de la consommation, et causes de la nullité du contrat de vente, étaient apparentes et facilement décelables par le prêteur dans le cadre de son obligation de vérification de la régularité du bon de commande.

12. Au titre des nullités, la cour constate qu’il n’est pas produit de bordereau de rétractation ou de formulaire détachable destiné à exercer cette faculté et, partant, d’informations sur ce droit essentiel tandis que la circonstance selon laquelle le client déclare avoir pris connaissance des conditions générales de vente et des dispositions de la n°2014-344 et du code de la consommation figurant au verso du bon de commande et notamment de la faculté de renonciation prévue à l’article [7] 121-17 du Code de la consommation ne peut être considérée comme suffisante au regard des textes susvisés.

13. Il en va de même de la déclaration de l’acquéreur qui reconnait rester en possession d’un double du présent bon de commande doté d’un formulaire détachable de rétractation alors que ce formulaire n’est pas produit.

14. Enfin, la seule mention d’un texte du code de la consommation applicable ou encore d’une loi ne peut suppléer l’absence de reproduction intégrale des textes applicables en la matière dans le corps du contrat.

15. De la sorte, sans examiner le grief tenant à la faute du prêteur dans le déblocage des fonds, il y a lieu d’indiquer que le prêteur a engagé sa responsabilité.

16. S’agissant du préjudice, la cour constate que l’impossibilité pour M. [Y] de pouvoir formellement se rétracter, elle-même majorée par l’altération des facultés mentales de l’intéressé (dont la cour a établi que cette altération n’avait pu échapper à la société à la SARL ALLSUN, laquelle lui a fait signer de nombreux contrats à la suite du premier, dont il n’avait pourtant aucune utilité) a été directement à l’origine pour l’appelant d’engager une procédure de surendettement avec l’aide de son curateur.

17. La cour rappelle en outre qu’au regard de la dégradation de la situation budgétaire de M. [Y], il a été préconisé la vente de son logement, étant rappelé :

– que la curatelle a été ouverte un an seulement après la conclusion du contrat, que cette mesure a été mentionnée en marge de l’acte de naissance le 06 avril 2017 et inscrit au répertoire civil conformément aux dispositions des articles 1057 et suivants du Code de procédure civile ;

– que depuis, il n’a plus la maîtrise du fonctionnement de ses comptes alors qu’il a toujours travaillé.

18. Compte tenu de ces éléments, la faute commise par la société BNP PERSONAL FINANCE, consistant à remettre le capital au vendeur sans vérification du contrat de vente a causé un préjudice à M. [Y] équivalent au capital emprunté, soit la somme de 21.800 €.

19. Le jugement sera infirmé et la BNP PERSONAL FINANCE sera déboutée de sa demande de restitution du capital selon des modalités précisées au dispositif du présent arrêt.

Sur les autres demandes de dommages et intérêts

20. En vertu de l’article 1240 du Code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

21. M. [Y] indique qu’il a subi un préjudice moral et financier en raison de la trahison et de l’abus de sa faiblesse de la part de commerciaux et démarcheurs mal intentionnés et soutient que les biens et services vendus, pour plus de 74 000 € au total, n’ont apporté aucune plus-value à la maison de Monsieur [Y], estimée à 120 000 €.

22. La BNP PERSONAL FINANCE ne conclut pas sur ce point.

23. La cour observe que l’ensemble des dommages allégués ont d’ores et déjà été réparés en l’absence d’obligation à restituer le capital et dès lors que M. [Y] conservera une installation photovoltaïque à son domicile en l’absence de constitution de la SELARL EKIP, en sa qualité de liquidateur de la société ALLSUN.

24. La décision sera ainsi confirmée de ce chef.

Sur le recours du prêteur

25. L’article L.311-33 du Code de la consommation, devenu l’article L.312-56 du même code, dispose que si la résolution judiciaire ou l’annulation du contrat principal survient du fait du vendeur, celui-ci pourra, à la demande du prêteur, être condamné à garantir l’emprunteur du remboursement du prêt, sans préjudice de dommages et intérêts vis-à-vis du prêteur et de l’emprunteur.

26. La banque sollicite la fixation au passif de la procédure collective de la société venderesse la créance de restitution dont elle serait privée du fait de la faute du vendeur dans la rédaction du bon de commande.

27. Dès lors que l’origine des nullités résulte d’un agissement du vendeur et que les conséquences de l’annulation doivent dès lors peser sur celui-ci, cette demande est fondée à hauteur de la somme de 21.800 € représentant la créance de restitution dont elle a été privée du fait de la faute du vendeur dans la rédaction du bon de commande.

28. Il sera fait droit à la demande de fixer la créance la BNP PERSONAL FINANCE au passif de la liquidation judiciaire de la société ALLSUN pour un montant de 21.800 € à titre de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes

29. Il apparaît équitable de la condamner la BNP PERSONAL FINANCE in solidum avec la société ALLSUN à payer à 3.000 € au titre des frais irrépétibles alloués à M. [X] de rejeter la demande de l’intimée à ce titre.

30. La BNP PERSONAL FINANCE et la société ALLSUN seront condamnés in solidum aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Vu l’arrêt mixte de la présente chambre de la Cour d’appel de Poitiers en date du 30 août 2022 ayant :

Infirmé la décision du tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon daté du 12 mars 2021,

Prononcé la nullité du contrat principal signé le 1er février 2016 entre la SARL ALLSUN et Monsieur [W] [Y] pour altération des facultés personnelles de ce dernier,

Prononcé en conséquence de la nullité du contrat principal, la nullité du contrat de crédit signé le même jour entre la société SYGMA BANQUE aux droits de laquelle est intervenue la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, et Monsieur [W] [Y],

La cour, statuant à nouveau,

– Dit que la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, a commis une faute dans la libération des fonds à l’origine d’un préjudice pour l’emprunteur,

– Prive en conséquence la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, de son droit à restitution de l’ensemble des fonds prêtés soit, la somme, de 21.800 €,

– Condamne la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à restituer à Monsieur [W] [Y] l’intégralité des sommes versées au titre du contrat de crédit précité, soit la somme de 15.619,04 € arrêtée au 10 octobre 2022, et majorée de tous paiements postérieurs à cette date sous réserve de leur justification par Monsieur [W] [Y],

– Fixe au passif de la société Agence France écologie une créance de 21.800 € (vingt et un mille et huit cent euros) de dommages-intérêts au profit de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,

Y ajoutant,

Condamne in solidum la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE et la SARL ALLSUN à payer à Monsieur [W] [Y] la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles,

Rejette les autres demandes,

Condamne in solidum la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE et la SARL ALLSUN aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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