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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 05 JUILLET 2023
N° 2023/ 314
N° RG 22/10997
N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ23U
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
C/
[K] [M]
[Y] [V]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Daniel LAMBERT
Me Joseph
CZUB
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de proximité de SALON DE PROVENCE en date du 24 Juin 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-21-0307.
APPELANTE
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 1]
représentée par Me Daniel LAMBERT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Bernard BOULLOUD, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMES
Monsieur [K] [M]
né le 28 Juin 1948 à [Localité 5] (83), demeurant [Adresse 2]
représenté et plaidant par Me Joseph CZUB, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Maître [Y] [V]
pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la STE EASY CONFORT ayant son siège social sis demeurant [Adresse 3]
Signification conclusions les 22/09/2022 et 14/12/2022 à personne habilitée,
défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 09 Mai 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2023.
ARRÊT
Réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2023, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Le 28 novembre 2016, M. [K] [M] a souscrit, à la suite d`un démarchage à domicile, un contrat d’achat et de pose d`une installation photovoltaïque de 9 KW posée en surimposition au bâti, d’un montant de 31 500 € auprès de la SASU EASY CONFORT.
Cet achat a été financé pour partie par un contrat de prêt du 1er décembre 2016 consenti par la société BNP Paribas Personal Finance, sous l’enseigne CETELEM, d’un montant de 23 000 €
au taux débiteur de 3.83 %, remboursable par 144 échéances de 202,64 euros hors assurance.
Les travaux ont été réalisés et ont fait l’objet d’un procès-verbal de réception et d’un appel de fonds signés le 16 décembre 2016. La banque a procédé au déblocage des fonds au profit du vendeur.
La société EASY CONFORT était en procédure de redressement judiciaire depuis le 22 juin
2016 puis a fait l’objet d’un jugement de conversion en liquidation judiciaire le 26 juillet 2017.
Exposant que les règles du démarchage à domicile n’ont pas été respectées, que les prestations réalisées par l’entreprise installatrice étaient partielles et que le prêteur a commis une faute en débloquant les fonds sans vérifier les règles du code de la consommation sur le démarchage à domicile, de nature à le priver de son droit au remboursement , M.[M] a fait assigner Maitre [V] pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société EASY CONFORT et la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE par acte en date du 4 novembre 2021 devant le tribunal de proximité de SALON DE PROVENCE, qui par jugement du 24 juin 2022 a:
Déclaré le présent jugement commun et opposable à M.[Y] [V] pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SASU EASY CONFORT ;
Prononcé la nullité du contrat du 28 novembre 2016 souscrit par M. [K] [M] en vue d’une installation de panneaux photovoltaïques au titre de la violation des règles relatives au démarchage à domicile ;
Prononcé subséquemment la nullité du contrat de prêt affecté souscrit le 28 novembre 2016 auprès de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE pour le financement de cette opération;
Rappelé que l’annulation d’un contrat entraîne restitutions réciproques et constaté que M.[K] [M] tient à la disposition du liquidateur judiciaire l’ensemble des matériels posés à son domicile,
Dit que la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a commis une faute dans la libération des fonds, qui dispense M.[K] [M] de rembourser le montant du crédit qui a été versé la société demanderesse pour son compte,
Condamné la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à restituer à M.[K] [M] le montant des échéances déjà versées soit 13 076,76 euros arrêté au mois d’avril 2022.
Dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit,
Condamné la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux dépens
Condamné la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à verser M.[K] [M] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration au greffe en date du 28 juillet 2022, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a interjeté appel de cette décision.
Elle sollicite:
Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,
S’entendre la Cour,
1) INFIRMER le jugement en ce qu’il a,
-Prononcé la nullité du contrat du 28 novembre 2016 souscrit par M. [K] [M] en vue d’une installation de panneaux photovoltaïque au titre de la violation des règles relatives au démarchage à domicile;
-Prononcé subséquemment la nullité du contrat de prêt affecté souscrit le 28 novembre 2016 auprès de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE pour le financement de cette opération ;
-Dit que la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a commis une faute dans la libération des fonds, qui dispense M.[K] [M] de rembourser le montant du crédit qui a été versé à la société demanderesse pour son compte ;
-Condamné la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à restituer à M.[K] [M] le montant des échéances déjà versées soit 13 076,76 € arrêtés au mois d’avril 2022;
-Condamné la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux dépens ;
-Condamné la SA BNP PARIBAS PERSONAL Finance à verser à M.[K] [M] la somme de 2. 000 € au titre de I’article 700 du code de procédure civile ;
-Débouté les parties de toutes autre demandes plus amples et contraires.
STATUANT A NOUVEAU,
I A titre principal,
2) DEBOUTER M.[K] [M] mal fondé en toutes ses demandes ;
3) CONDAMNER M. [K] [M] à poursuivre l’exécution du contrat de crédit aux clauses et conditions initiales ;
Subsidiairement, si le contrat unissant M. [K] [M] avec la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE était annulé :
3. REMETTRE les parties dans I’état où elles se trouvaient antérieurement à la conclusion du contrat et en conséquence
3.1- CONDAMNER M. [K] [M] à rembourser à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE le capital financé, outre les intérêts au taux légal à compter du déblocage des fonds, déduction faite des versements ayant déjà pu intervenir;
3.2- ORDONNER que le montant de ce remboursement sera assorti d’un intérêt au taux légal avec capitalisation dans les conditions de l’article 1343-2 du Code civil;
En tout état de cause,
4. CONDAMNER M. [K] [M] à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 3 000 euros au titre de I’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel.
A l’appui de son recours, elle fait valoir :
– que le contrat d’entreprise n’est pas nul :qu’il est constant qu’aucun texte n’exige la mention du prix unitaire de chaque élément constitutif du bien offert ou du service proposé de sorte que l’annulation du contrat n’est pas encourue en l’absence d’une telle mention ; que le bon de commande est parfaitement détaillé est conforme à la lettre du texte ; qu’aucune obligation de préciser le rendement n’est mise à la charge de l’installateur en ce qu’il ne peut maîtriser cette donnée ; que le bon de commande comporte une indication précise sur la date d’installation et de raccordement, la date du raccordement étant nécessairement soumise à aléas en raison de l’intervention d’un tiers de sorte qu’elle ne peut être mentionnée avec certitude,
-que même si le contrat principal contenait certaines irrégularités formelles, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, elles ont été couvertes par M.[M], qui a accepté la livraison, la pose sans réserve, signé l’attestation de fin de travaux, sollicité le déblocage des fonds, réglé les échéances du prêt, lu les conditions générales figurant au dos du contrat de vente lui permettant de déceler les prétendues irrégularités formelles, qu’il a couvertes pendant près de 5 ans,
-qu’il n’existe aucun texte qui fasse obligation au prêteur de vérifier la régularité du contrat principal, or il n’y a pas de faute d’abstention en l’absence d’une norme imposant une obligation d’agir sauf mauvaise foi ou intention de nuire,
-qu’elle a libéré les fonds suite à la réception de l’attestation de fin de travaux sans réserve signé par M.[M],
– que M.[M] ne rapporte pas avoir subi un préjudice consécutif à la prétendue faute de l’organisme prêteur ; que le demandeur précise que l’installation est fonctionnelle et productive; que dès lors elle n’a pas être déchue de son droit à restitution alors que l’installation fonctionne.
M.[M] conclut:
– DIRE ET JUGER autant irrecevable que mal fondé l’appel interjeté par BNPPF
– DEBOUTER la société EASY CONFORT et la société BNPPF de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
– CONFIRMER le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection de [Localité 4] le 24 juin 2022 en ce qu’il a prononcé la nullité des contrats liés.
– DIRE ET JUGER autant recevable que bien fondé l’appel incident de M.[M]
– DIRE ET JUGER que les règles applicables en matière de démarchage à domicile n’ont pas été respectées.
– DIRE ET JUGER que les prestations n’ont été que partielles et que BNPPF en débloquant les fonds très rapidement sans vérifier les règles élémentaires et d’ordre public du Code de la consommation sur le démarchage à domicile ou la complète exécution du contrat a commis une ou plusieurs fautes, en lien avec le préjudice subi par le requérant
qui doit priver cette banque de son droit au remboursement du crédit.
– DIRE ET JUGER le bon de commande avec la société EASY CONFORT en date du 28/11/2016 comporte plusieurs irrégularités, notamment l’absence de désignation précise de la nature et des caractéristiques essentielles des biens offerts ou des services proposés.
– DIRE ET JUGER qu’il n’existe aucun détail ou chiffrage poste par poste du matériel à livrer ou installer et des prestations à assurer, qu’il n’y a aucune précision sur les caractéristiques ou marques des différents matériels, panneaux, micro-onduleurs, et accessoires.
– DIRE ET JUGER que les caractéristiques techniques sont de plus largement insuffisantes et ne mentionnent ni la marque et ni les références des produits vendus, la surface et le poids des panneaux, les caractéristiques des panneaux en termes de rendement, de capacité de production et de performances.
– DIRE ET JUGER que la signature du démarcheur fait défaut.
– DIRE ET JUGER que font défaut les mentions sur les garanties légales au sens de l’article L 111-1 5° du code de la consommation et R 111-1 et R 111-2 9° du code de la consommation
– DIRE ET JUGER que les caractéristiques essentielles doivent se trouver dans le contrat, et non dans la documentation accompagnant la livraison des produits
– DIRE ET JUGER que le formulaire détachable destiné à faciliter l’exercice de la faculté de renonciation du consommateur est irrégulier.
– DIRE ET JUGER que le bon de commande litigieux est par conséquent nul.
– DIRE ET JUGER en tout état de de cause que le contrat encourt la résolution judiciaire, tout comme le crédit affecté.
– DIRE ET JUGER que la société EASY CONFORT n’a pas respecté son obligation pré-contractuelle de conseil.
– DIRE ET JUGER que le contrat d’achat et d’exécution de la prestation relatif à l’installation litigieuse souscrit 28/11/16 avec la société EASY CONFORT et le contrat de crédit accessoire conclu le même jour avec BNPPF forment un tout indivisible.
– DIRE ET JUGER que BNPPF en sa qualité de professionnel du crédit aurait dû s’assurer de la validité du bon de commande au regard des règles sur le démarchage à domicile.
– DIRE ET JUGER que BNPPF ne saurait utilement contester une telle obligation en invoquant qu’il est tiers au contrat principal, qu’il n’existe pas d’obligation expresse en ce sens et qu’elle n’a pas nécessairement à sa disposition le bon de commande.
– DIRE ET JUGER en effet qu’en application de l’article L 311-1 11° du code de la consommation le contrat principal et le contrat de crédit forment une opération commerciale unique, si bien que du fait de l’indivisibilité des contrats, l’établissement de crédit doit procéder préalablement aux vérifications nécessaires auprès du vendeur et des consommateurs en réclamant au besoin le bon de commande qui en l’espèce lui aurait permis de déceler immédiatement que le contrat principal était affecté de plusieurs causes évidentes de nullité.
– DIRE ET JUGER que BNPPF a fautivement omis de vérifier l’opération qu’elle finançait et la validité du bon de commande, alors qu’à la simple lecture de celui ci, elle aurait dû constater les graves carences que celui ci présentait au regard des dispositions protectrices du consommateur, et se persuader ainsi que le contrat principal s’en trouvait nul ou à tout le moins annulable et refuser en conséquence de mettre les fonds à la disposition
du vendeur.
– DIRE ET JUGER que BNPPF, établissement partenaire habituel de la société EASY CONFORT et en conséquence particulièrement avertie du déroulement d’une opération d’installation de matériel de production d’énergie photovoltaïque, se devait de s’interroger sur le délai particulièrement bref séparant la signature du contrat de l’attestation de livraison, délai manifestement incompatible avec la complète réalisation de l’opération financée.
– DIRE ET JUGER que BNPPF a commis une faute dans l’accord de financement, ainsi que dans le déblocage des fonds.
– DIRE ET JUGER que BNPPF ne produit même pas une attestation de livraison demande de financement
– PRONONCER en conséquence l’annulation tant du bon de commande avec la société EASY CONFORT que du contrat de crédit affecté avec BNPPF
– DIRE ET JUGER que le requérant n’a jamais entendu couvrir la nullité ou renoncer en toute connaissance de cause à se prévaloir de la nullité.
– DIRE ET JUGER que la demande d’annulation ou de résolution est nécessairement rétroactive et que les parties doivent être replacées dans la situation qui était la leur avant la signature des contrats liés.
– DONNER ACTE au requérant qu’il tient à la disposition du liquidateur de la société EASY CONFORT l’ensemble des matériels posés à son domicile.
Par ailleurs,
– DIRE ET JUGER en tout état de de cause que le contrat encourt la résolution judiciaire
– PRONONCER à tout le moins, la résolution judiciaire du contrat signé le 28/11/16 et du crédit affecté du même jour.
– DIRE ET JUGER que l’expert a clairement mis en relief le manquement au devoir de conseil et l’absence de pertinence économique de l’installation.
– DIRE ET JUGER que l’installation se trouve inapte à produire l’énergie contractuellement annoncée et à permettre à M.[M] des économies substantielles annoncées, élément pourtant déterminant de son consentement à contracter.
– DIRE ET JUGER que la société EASY CONFORT et la société BNPPF ont commis des fautes qui ont causé des préjudices à M. [M]
– DIRE ET JUGER qu’il existe de nombreuses malfaçons relatives à l’installation photovoltaïque, et un problème de rendement colossal, imputables à la société EASY CONFORT et que cette société a gravement manqué à ses obligations contractuelles et pré-contractuelles.
– DIRE ET JUGER que cela constitue par conséquent une inexécution des obligations de la société EASY CONFORT.
– DIRE ET JUGER que le contrat principal sera résolu faute d’exécution par la société EASY CONFORT
– PRONONCER en conséquence la résolution de la vente et, partant, du contrat de crédit affecté conclu avec BNPPF en ce que les deux forment une opération commerciale unique.
Par ailleurs,
– DIRE ET JUGER que la société EASY CONFORT n’a pas respecté son obligation de déposer une demande de déclaration préalable de travaux à la Mairie avec expiration des délais d’opposition avant d’engager les travaux d’installation des panneaux, que la réalisation des travaux ne correspond absolument pas à la déclaration préalable, et enfin que la société EASY CONFORT n’a pas procédé à l’expédition à la mairie de l’attestation d’achèvement et de conformité des travaux, ce qui rend l’installation illégale, et ce qui expose M.[M] à des sanctions pénales pour non respect des dispositions du Code de l’urbanisme.
– DIRE ET JUGER que lorsque BNPPF a débloqué les fonds, l’exécution de la prestation de service n’était que partielle et que rien ne permettait à la banque de s’assurer du caractère complet de cette exécution.
– DIRE ET JUGER que BNPPF en sa qualité de professionnelle du crédit a commis une faute de négligence en débloquant les fonds sans s’assurer que les autorisations d’urbanisme avaient été accordées, et sans s’assurer que l’installation ne soit complètement exécutée.
-DIRE ET JUGER que BNPPF a ainsi libéré les fonds sans s’assurer que les prestations administratives et d’urbanisme obligatoires liées à ce type d’installation aient été exécutées.
– DIRE ET JUGER que la faute de l’organisme de crédit BNPPF le prive du droit de réclamer au requérant le remboursement des sommes prêtées et que la privation de la créance de restitution de la banque, compte tenu de ses fautes constitue l’exact préjudice des emprunteurs.
– DIRE ET JUGER que les parties doivent être remises en l’état antérieur à la conclusion desdits contrats.
– DONNER ACTE au requérant qu’il off re donc de restituer le matériel en contrepartie de l’annulation ou résolution du contrat principal et du contrat de crédit.
En conséquence :
-CONDAMNER la société BNPPF à rembourser à M. [M] toutes les échéances de crédit prélevées depuis la première et confirmer sur ce point le jugement de première instance.
– CONDAMNER la société BNPPF à régler à M. [M] la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice distinct subi du fait de ses fautes et négligences.
A TITRE SUBSIDIAIRE, Si par extraordinaire la juridiction considérait qu’il n’y avait pas lieu de prononcer l’annulation ou la résolution judiciaire du contrat principal avec EASY CONFORT et du crédit affecté avec BNPPF
– CONDAMNER la société BNPPF à verser à M. [M] la somme de 29 180,16 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
– CONDAMNER la société BNPPF à régler à M. [M] la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, tant de première instance que d’appel.
Il soutient:
-que le bon de commande est nul pour non respect de la réglementation en matière de démarchage à domicile faute:
– d’aucun détail de prix poste par poste,
-de l’absence des caractéristiques essentielles du bien et du service notamment en terme de rendement, de capacité de production et de performances, d’étude préalable technique sérieuse,
-de l’absence de délais de livraison et d’exécution de la prestation de service,
-de l’absence de signature du démarcheur,
-d’irrégularité du formulaire de rétractation,
-de l’absence d’indication relative aux modalités de mise en oeuvre des garanties légales,
-que le contrat principal est nul pour erreur
-que la nullité du contrat principal entraîne la nullité du contrat accessoire de crédit interdépendant,
-qu’il n’a jamais renoncé en toute connaissance de cause à se prévaloir de cette nullité,
-que le contrat principal et donc le contrat de crédit accessoire encourent la résolution du fait du non respect par le vendeur de son devoir de conseil et d’in formation pré-contractuelle, faute d’étude technique préalable, du fait d’un problème important de rendement et de pertinence économique de l’installation et un non respect des règles de l’art, des règles d’urbanisme et des malfaçons,
-que la banque devait s’assurer de la validité du bon de commande et ne pas libérer les fonds avant l’exécution complète de la prestation, qu’ainsi elle a commis des fautes qui la privent de sa créance de restitution,
-qu’il subit un préjudice puisque son installation n’est pas fonctionnelle comme cela résulte de l’expertise amiable versée aux débats,
Maître [Y] [V] pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société EASY CONFORT est non comparant.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 avril 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité du contrat de vente
Sur la nullité du contrat de vente pour non respect des dispositions relatives au démarchage à domicile
Il résulte de l’article L111-1 du code de la consommation que tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service et, en cas de litige, il appartient au vendeur de prouver qu’il a exécuté cette obligation.
Selon la formulation de cet article dans sa version applicable au litige, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes:
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné,
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L112-1 à L112-4,
3° En l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service,
4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte,
5° S’il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l’existence et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles.
Dans le cadre du démarchage à domicile, l’article L221-5 du même code impose aux professionnels des obligations d’information pré-contractuelle, notamment relative au droit de rétractation à peine de nullité.
En l’espèce, il n’est pas contesté que le bon de commande a fait suite à un démarchage à domicile.
Il résulte de ce bon de commande versé aux débats, en original, lisible et compréhensible, qu’il concerne une installation photovoltaïque de 9 KW AUTO RFU comportant 36 modules de 250 WC de marque ALLIANTZ, 3 modules 3 000 W de marque DANFOSS, un système de fixation de marque RENUSOL, un système domotique modèle PACK FAS1 de marque COMWATT, une tablette de marque AMENOS pour un coût total de 31 500€, les démarches administratives étant à la charge d’EASY CONFORT, outre l’isolation thermique des 110m² des combles par sac de laine de verre minérale modèle THERMOLOFT de marque KRAUF, pour 3 500€.
Sur le prix du bien ou du service
Il est de jurisprudence constante qu’aucun texte n’exige la mention du prix unitaire de chaque élément constitutif du bien offert ou du service proposé, de sorte que l’indication d’un prix global, comme cela est le cas en l’espèce, n’est pas de nature à entraîner la nullité du contrat.
Sur les caractéristiques essentielles du bien et du service
Si l’article L111-1 du code de la consommation exige une désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés, il n’impose pas l’indication du rendement, de la capacité de production, de la performance ou la production de plans techniques, d’autant que la rentabilité, qui, en outre, dépend notamment d’un tiers, n’est pas contractuellement prévue.
Quand bien même il s’agit d’une installation d’autoconsommation, cette dernière se définit comme le fait de consommer sa propre production d’électricité la journée.
Il est indiqué aux conditions générales de vente que ‘dans le cadre de l’autoconsommation, l’électricité produite par les panneaux photovoltaïques n’est destinée qu’à la consommation directe et personnelle du client, le surplus d’électricité non consommé ne peut être revendu à un organisme de rachat de l’électricité sans un contrat spécifique et un tarif en vigueur spécifique à l’autoconsommation’, aucun engagement de rendement ou de capacité de production ou de rentabilité n’en découle.
Aussi, les désignations techniques du bon de commande rappelées ci-dessus sont suffisantes pour l’information totale du consommateur contractant, afin de lui permettre de comparer avec d’autres offres.
Sur les délais de livraison du bien et d’exécution de la prestation de service
Il est prévu au bon de commande concernant le délai de livraison ‘à compter de la date de signature du présent bon de commande, 90 jours maximum pour l’intervention et 15 jours pour l’exécution des travaux sauf cas particuliers’, pemettant au consommateur d’avoir une idée précise de la date d’installation.
Par ailleurs, quant à la date de raccordement, elle ne saurait être indiquée avec certitude étant soumise à l’aléa liée à l’intervention d’un tiers.
Aussi, le bon de commande paraît régulier sur ce point également.
Sur l’absence de signature du démarcheur
Cette absence de signature du démarcheur, alors même que le bon de commande précise l’identité de ce démarcheur, son numéro de téléphone portable, l’adresse d’EASY CONFORT son numéro de téléphone et de fax, ne saurait justifier la nullité du bon de commande au regard des dispositions de l’article L111-1, 4° de code de la consommation.
Sur le formulaire de rétractation
Quand bien même le bordereau de rétractation serait irrégulier (le point de départ du délai de 14 jours partant non à la signature du contrat mais à la réception des biens), la sanction n’est pas la nullité du bon de commande, mais une prolongation du délai de rétractation de 12 mois à compter de l’expiration du délai de rétractation initial en application de l’article L221-20 du code de la consommation.
Sur l’existence et les modalités de mise en oeuvre des garanties légales
Les conditions générales de vente, dans l’article 9 Garantie Applications GARANTIE LEGALE, exposent plusieurs garanties légales dont dispose le consommateur, ainsi que leurs modalités de mise en oeuvre.
S’il est vrai que cet article reste taisant sur la garantie responsabilité civile décennale obligatoire en matière de fourniture et de pose de panneaux photovoltaïques, il convient de rappeler, que c’est l’absence d’une mention obligatoire, qui est sanctionnée par la nullité, et pas son imprécision, de sorte qu’à ce titre également la nullité du contrat de vente n’est pas encourue.
En conséquence, le jugement entrepris est infirmé en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat de vente et du contrat de crédit subséquent pour irrégularité formelle du contrat de vente aux dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile.
Sur la nullité du contrat de vente pour dol
Il résulte de l’article 1116 ancien du code civil applicable au contrat que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.
M.[M] prétend que les clauses du contrat de vente ne sont pas présentées et rédigées de façon claire et compréhensible, lui ayant fait contracter l’achat d’une installation photovoltaïque incomplètement décrite, dont les performances ont été trompeuses puisque le résultat d’exploitation est très largement inférieur à l’équilibre attendu entre le rendement et le coût et qu’ainsi son consentement n’a pas été donné librement mais qu’il est le fruit de manoeuvres trompeuses de la société EASY CONFORT.
Outre qu’il convient de rappeler que les clauses du contrat de vente sont présentées et rédigées de façon claire et compréhensible, que la description de l’installation photovoltaïque est complète et qu’aucune performance n’a été contractuellement prévue, M.[M] se base pour dénoncer la tromperie sur les performances uniquement sur un rapport d’expertise de M.[Z] en date du 17 août 2021, sans aucune autre pièce l’étayant, or si le juge ne peut refuser d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l’une des parties, quand bien même toutes les parties y aurait participé ou y aurait été convoquées.
Faute pour M.[M] d’établir le dol qu’il invoque, il sera débouté de sa demande de nullité du contrat de vente à ce titre.
Sur la nullité pour non respect du vendeur de son obligation d’information et de conseil
S’il est indéniable que repose sur le vendeur professionnel une obligation d’information et de conseil envers le consommateur, le non respect de cette obligation, si tant est qu’il soit établi, engage la responsabilité du vendeur, mais ne saurait justifier la nullité du contrat, M.[M] échouant à établir la gravité de ce manquement, face à une installation fonctionnelle, dont le rendement n’a pas été contractuellement prévu.
Sur l’inexécution du contrat principal et la demande de résolution judiciaire des contrats liés
M.[M] rappelle que le contrat principal prévoyait non seulement la livraison du matériel mais aussi son installation avec toutes les démarches techniques et administratives obligatoires. Il prétend que la société EASY CONFORT n’a pas exécuté complètement le contrat ce qui justifie sa résolution.
Il lui reproche:
-la non correspondance des ondulateurs facturés à ceux de la commande, qui prévoit 3 ondulateurs de marque DANFOS alors que la facture porte mention de 3 ondulateurs de marque AXUN,
-une facturation incomplète ne reflétant que très partiellement la nature complète de la vente du matériel avec pose et service rendu,
-une installation impropre à sa destination d’économie de dépenses énergétiques,
-une installation sans autorisation de la mairie,
-une réalisation faite en surimposition alors que le contrat d’excédent EDF porte sur une installation intégrée au bâti,
-des non-façons et malfaçons.
Il résulte de l’article 1224 du code civil que la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.
L’article 1227 du même code indique que la résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice.
L’article 1228 précise que le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.
S’il résulte des pièces versées aux débats que les ondulateurs facturés sont d’une marque différente des ondulateurs prévus au bon de commande, il appartient à M.[M] d’établir en quoi cette différence de marque consisterait en une inexécution contractuelle suffisamment grave pour justifier de la résolution du contrat de vente, or ce dernier ne fait que pointer dans ses conclusions cette différence de marque, sans établir le préjudice qui en résulterait pour lui.
Par ailleurs, il fait valoir une facturation incomplète sans dire en quoi elle serait incomplète et en quoi elle consisterait en une inexécution contractuelle grave, de nature à entraîner la résolution judiciaire du contrat.
En outre, il convient de rappeler que la rentabilité de l’installation n’est pas contractuellement prévue de sorte que toutes les critiques relatives à une installation impropre à sa destination d’économie de dépenses énergétiques ne sauraient prospérer d’autant qu’elles reposent uniquement sur l’expertise de M.[Z].
Si cette expertise pointe également des non façons et des malfaçons, il convient de rappeler qu’elle ne saurait fonder à elle seule, sans pièces complémentaires, alors qu’elle émane d’une des parties, ces désordres, quand bien même elle a pu être discutée contradictoirement.
D’autre part, il résulte des pièces versées aux débats que le 14 juillet 2017, M.[M] a signé un contrat d’achat de l’énergie électrique produite par les installations utilisant l’énergie radiative du soleil et bénéficiant de l’obligation d’achat d’électricité avec Electricité de France.
Il résulte de ce contrat, auquel la société EASY CONFORT n’est pas partie, que l’installation respecte les critères d’intégration au bâti. Cette précision apportée par les parties au contrat permettait d’obtenir un tarif d’achat supérieur à celui applicable aux installations en surimposition.
M.[M] ne justifie nullement que l’installation en surimposition soit contraire au mode d’installation prévu au contrat de vente, ni que la société EASY CONFORT soit à l’origine de la précision apportée au contrat d’achat de l’énergie électrique auquel elle n’est pas partie.
Il importe donc peu qu’EDF risque de dénoncer le contrat d’achat d’énergie du fait d’une installation en réalité en surimposition, alors que ce contrat prend en compte une intégration au bâti, ce risque, qui plus est non avéré, n’étant pas imputable à la société EASY CONFORT et n’étant en conséquence nullement de nature à justifier de la résolution du contrat de vente pour inexécution suffisamment grave.
Enfin, il n’est pas contestable qu’il est prévu au bon de commande que les démarches administratives sont à la charge d’EASY CONFORT.
Il résulte des pièces versées aux débats que cette société a fait une déclaration préalable à la réalisation de construction et travaux non soumis à permis de construire portant sur une maison individuelle en date du 9 décembre 2016 soit antérieurement aux travaux d’installation réalisés le 16 décembre 2016.
Cette déclaration préalable a fait l’objet d’une demande de complément en date du 9 janvier 2017 complétée le 2 février 2017, aboutissant à un arrêté de non opposition du 14 février 2017.
M.[M] reproche à EASY CONFORT d’avoir commencé et terminé les travaux avant l’arrêté de non opposition, sans établir en quoi cette inexécution contractuelle lui porterait préjudice et serait suffisamment grave pour justifier de la résolution du contrat.
Il lui reproche également de ne pas avoir déposé de Déclaration Attestant l’Achèvement et la Conformité des Travaux, comme en atteste la mairie par courrier du 8 juillet 2021.
Or cette inexécution contractuelle ne concerne qu’une démarche administrative accessoire à l’objet principal du contrat, qui est la fourniture et la pose d’une installation photovoltaïque, facilement régularisable par une démarche en mairie du propriétaire de l’immeuble (pour lui éviter les sanction pénales théoriquement encourues), elle ne saurait avoir la gravité suffisante pour justifier la résolution du contrat.
En conséquence, M.[M] est débouté de sa demande en résolution du contrat de vente et du contrat de crédit subséquent.
Sur la demande de condamnation de la banque en dommages et intérêts en répartition du préjudice subi
M.[M] considère que la BNPPF a commis des fautes en lien direct avec son préjudice ce qui justifie qu’elle soit condamnée à lui verser des dommages et intérêts.
Quand bien même la banque aurait commis des fautes, encore faut il que M.[M] justifie d’un préjudice en lien direct avec ces fautes.
Or, il résulte de l’expertise amiable diligenté par lui même que l’installation est fonctionnelle et raccordée.
M.[M] ne justifie nullement que l’opération lui soit préjudiciable sur le plan financier, étant rappelé qu’aucune productivité n’a été contractualisée et que seule l’expertise amiable, qui ne saurait se suffire à elle même, argue de non pertinence économique de l’installation.
M.[M] ne justifie pas davantage que cette installation ne lui permet pas de financer sa consommation d’électricité ni qu’elle ne lui apporte aucune rentabilité, d’autant qu’il a attendu près de 5 années avant d’assigner.
En conséquence, M.[M] est débouté de sa demande de dommages et intérêts et condamné à poursuivre l’exécution du contrat de crédit aux clauses et conditions initiales.
Sur les autres demandes
M.[M] est condamné à 1500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 juin 2022 par le Tribunal de proximité de SALON DE PROVENCE,
Statuant à nouveau,
DEBOUTE M.[M] de l’intégralité de ses demandes,
CONDAMNE M.[M] à poursuivre l’exécution du contrat de crédit aux clauses et conditions initiales,
Y ajoutant,
CONDAMNE M.[M] à régler à la BNPPF la somme de 1500€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure Civile,
CONDAMNE M.[M] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT