Droit de rétractation : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/01019

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Droit de rétractation : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/01019
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[N] [M] [H] [Z]

C/

S.E.L.A.F.A. MJA

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE DIJON

2ème chambre civile

ARRÊT DU 06 JUILLET 2023

N° RG 21/01019 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FYFB

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 17 juin 2021,

rendue par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Beaune – RG : 20-000072

APPELANT :

Monsieur [N] [M] [H] [Z]

né le 06 Novembre 1973 à [Localité 7] (21)

domicilié :

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Thibaud NEVERS, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 31

INTIMÉES :

S.E.L.A.F.A. MJA prise en la personne de Maitre [T] [B], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SASU VIVONS ENERGY

[Adresse 2]

[Localité 6]

non représentée

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis :

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Anne-Line CUNIN, membre de la SCP du PARC – CURTIL – HUGUENIN – DECAUX – GESLAIN – CUNIN – CUISINIER – BECHE – GARINOT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 91

assisté de Me Renaud ROCHE, membre de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 avril 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Sophie DUMURGIER, Conseiller. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :

Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre,

Sophie DUMURGIER, Conseiller,

Leslie CHARBONNIER, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 15 Juin 2023 pour être prorogée au 29 juin 2023 puis au 06 Juillet 2023,

ARRÊT : réputé contradictoire,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon bon de commande signé le 7 mars 2016, après un démarchage à domicile, M. [N] [Z] a commandé à la société Vivons Energy la fourniture et la pose d’un chauffe-eau thermodynamique et de douze panneaux photovoltaïques dans sa maison d’habitation située à [Localité 3], pour un prix TTC de 29 900 euros.

Pour financer cette installation, M. [Z] a souscrit, le même jour, une offre préalable de prêt auprès de la SA BNP Paribas Personal Finance, d’un montant de 29 900 euros remboursable en 180 échéances mensuelles de 307,97 euros, au taux de 5,87 %, après un différé d’amortissement de 12 mois.

Les fonds ont été libérés par l’établissement de crédit entre les mains du vendeur, au vu d’un certificat de livraison de bien et/ou de fourniture de services signé le 23 mars 2016.

Par jugement rendu le 13 décembre 2017, le tribunal de commerce de Paris a ouvert la liquidation judiciaire de la société Vivons Energy et a désigné la Selafa MJA en qualité de mandataire liquidateur.

Par lettre recommandée du 26 février 2018, M. [Z] a déclaré une créance de 41 816, 40 euros ventilée comme suit, auprès de la Selafa MJA qui en a accusé réception le 27 février 2018 :

– 29 900 euros au titre du prix de vente

– 6 076,40 euros au titre des travaux de réfection de la toiture

– 2 090 euros au titre des travaux de démontage et d’électricité

– 1 250 euros au titre du préjudice de jouissance

– 2 500 euros au titre du préjudice moral.

Reprochant au vendeur de ne pas avoir respecté les règles d’ordre public du code de la consommation en matière de contrats conclus hors établissement, M. [Z] a fait assigner la Selafa MJA, en qualité de mandataire liquidateur de la société Vivons Energy, et la SA BNP Paribas Personal Finance devant le tribunal de proximité de Beaune, par actes du 30 juin 2020, afin de voir prononcer la nullité des contrats le liant aux sociétés défenderesses, à titre subsidiaire, leur résolution, et obtenir la fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SASU Vivons Energy à la somme de 8 576,40 euros au titre des frais de remise en état de la toiture et de son préjudice moral et la condamnation de la banque à lui payer la somme de 11 086,92 euros au titre des échéances de prêt déjà réglées au 5 avril 2020, outre la somme de 6 076 euros au titre des travaux de remise en état, la somme de 2 500 euros en réparation de son préjudice moral et une indemnité de procédure de 3 800 euros.

A titre subsidiaire, il sollicitait la condamnation de la banque à lui payer la somme de 29 900 euros en réparation de la perte de chance résultant des fautes commises par le prêteur.

Au terme de ses dernières écritures devant le tribunal, la SA BNP Paribas Personal Finance lui demandait de :

A titre principal,

– déclarer les demandes formées par M. [Z] irrecevables en l’absence de déclaration de créances,

A titre subsidiaire,

– débouter M. [Z] de l’ensemble de ses demandes, les conditions d’annulation des contrats de vente et de crédit n’étant pas réunies et le demandeur ayant confirmé la nullité par l’exécution volontaire des contrats,

– dire et juger que M. [Z] sera tenu d’exécuter les contrats jusqu’à leur terme,

A titre plus subsidiaire, dans l’hypothèse où le tribunal prononcerait la nullité des contrats,

– condamner M. [Z] à lui payer la somme de 29 900 euros, déduction à faire des règlements,

– fixer au passif de la liquidation de la société Vivons Energy la somme de 17 303,20 euros au titre des intérêts perdus,

A titre infiniment subsidiaire, dans l’hypothèse où la nullité des contrats serait prononcée et une faute de l’établissement de crédit retenue,

– débouter M. [Z] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner M. [Z] à lui payer la somme de 29 900 euros à titre de dommages-intérêts,

– fixer au passif de la liquidation de la société Vivons Energy la somme de 47 203,20 euros au titre du capital et des intérêts perdus,

En tout état de cause,

– condamner M. [Z] à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [Z] aux entiers dépens.

La Selafa MJA, ès-qualités, n’a pas comparu en première instance.

Par jugement rendu le 17 juin 2021, le tribunal de proximité de Beaune a :

– déclaré irrecevables les demandes de nullité du contrat principal et celle subséquente du contrat de crédit afférent présentées par M. [N] [Z],

– débouté M. [N] [Z] de l’ensemble de ses demandes,

– condamné M. [N] [Z] à exécuter le contrat de prêt souscrit auprès de la société Sygma, aux droits de laquelle intervient la société BNP Paribas Personal Finance, jusqu’à son terme,

– condamné M. [N] [Z] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [N] [Z] au paiement des dépens.

M. [Z] a relevé appel de cette décision, par déclarations reçues au greffe les 28 juillet 2021 et 30 août 2021, portant sur l’ensemble des chefs de jugement expressément critiqués.

Les deux procédures d’appel ont été jointes par ordonnance rendue le 21 septembre 2021 par le magistrat de la mise en état.

Au terme de conclusions notifiées le 20 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens au soutien de ses prétentions, M. [Z] demande à la cour de :

Vu les articles 1116, 1184, 1338 anciens du code civil,

Vu l’article L 622-21 du code de commerce,

Vu les articles L 111-1, L 111-7, L 121-1, L 121-16, L 121-17, L 121-18, L 121-18-1, L 311-32, L 312-16 anciens du code de la consommation,

– infirmer en l’ensemble de ses dispositions le jugement rendu le 17 juin 2021 par le tribunal de proximité de Beaune,

Réformant le jugement déféré sur les points critiqués et statuant à nouveau :

– juger que ses demandes tendant à obtenir la nullité ou la résolution des contrats conclus avec la SAS Vivons Energy et la SA BNP Paribas Personal Finance sont recevables,

A titre principal :

– prononcer la nullité du bon de commande n°1439 du 7 mars 2016 de la SASU Vivons Energy et du contrat de crédit affecté de la SA BNP Paribas Personal Finance du 7 mars 2016,

A titre subsidiaire :

– prononcer la résolution du bon de commande n°1439 du 7 mars 2016 de la SASU Vivons Energy et du contrat de crédit affecté de la SA BNP Paribas Personal Finance du 7 mars 2016 et ce à compter de la date de l’assignation,

En conséquence,

– fixer sa créance dans la liquidation judiciaire de la SASU Vivons Energy à 8 576,40 euros,

– juger que les fautes commises par la SA BNP Paribas Personal Finance la prive de sa créance de restitution,

– débouter la SA BNP Paribas Personal Finance de l’ensemble de ses demandes,

– condamner la SA BNP Paribas Personal Finance à lui restituer l’ensemble des échéances qu’il a réglées soit la somme de 11 086,92 euros du 05/05/2017 au 05/04/2020, augmentée des intérêts légaux à compter de l’assignation,

– condamner la SA BNP Paribas Personal Finance à lui régler les sommes suivantes, augmentées des intérêts au taux légal à compter de l’assignation :

‘ 6 076,40 euros au titre des travaux de remise en état,

‘ 5 000 euros au titre du préjudice moral,

Plus subsidiairement,

– condamner la SA BNP Paribas Personal Finance à lui régler la somme de 29 900 euros au titre de la perte de chance de ne pas contracter,

Y ajoutant,

– condamner la SA BNP Paribas Personal Finance à lui régler la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SA BNP Paribas Personal Finance aux entiers dépens de première instance et d’appel, qui devront comprendre le coût du procès-verbal de constat de Me [W] du 30 juillet 2018, que la SELAS Legi conseils Bourgogne pourra faire recouvrer conformément aux dispositions prévues à l’article 699 du code de procédure civile.

Au terme de conclusions notifiées le 14 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens au soutien de ses prétentions, la SA BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :

Vu les articles L 111-1 et suivants, L 311-1 et suivants et L 312-56 du code de la consommation,

Vu les articles 1241 et 1338 alinéa 2 du code civil,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de proximité de Beaune du 17 juin 2021,

Par conséquent, statuant à nouveau et y ajoutant :

A titre principal,

– dire et juger que M. [N] [Z] est irrecevable en ses demandes en l’absence de déclaration de créances,

– dire et juger que les conditions de nullité des contrats de vente et de crédit ne sont pas réunies,

– dire et juger que M. [N] [Z] ne peut plus invoquer la nullité du contrat de vente, et donc du contrat de prêt, du fait de l’exécution volontaire des contrats, de sorte que l’action est irrecevable en application de l’article 1338 alinéa 2 du code civil,

– dire et juger qu’elle n’a commis aucune faute,

En conséquence,

– débouter M. [N] [Z] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– dire et juger que M. [N] [Z] sera tenu d’exécuter les contrats jusqu’au terme,

À titre subsidiaire et dans l’hypothèse où la nullité des contrats serait prononcée,

– dire et juger que l’absence de faute de l’établissement de crédit laisse perdurer les obligations de restitutions réciproques,

– condamner M. [N] [Z] à lui payer la somme de 29 900 euros (capital déduction à faire des règlements),

– fixer au passif de la liquidation de la société Vivons Energy, prise en la personne de son liquidateur, Me Frédérique Levy, la somme de 17 303,20 euros au titre des intérêts perdus,

A titre infiniment subsidiaire et dans l’hypothèse où la nullité des contrats serait prononcée et une faute des établissements de crédit retenue,

– débouter M. [N] [Z] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner M. [N] [Z] au paiement de la somme de 29 900 euros à titre de dommages et intérêts,

– fixer au passif de la liquidation de la société Vivons Energy, prise en la personne de son liquidateur, Me Frédérique Levy, la somme de 47 203,20 euros au titre du capital et des intérêts perdus,

En tout état de cause,

– condamner M. [N] [Z] à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

– condamner le même aux entiers dépens de l’appel.

M. [Z] a fait signifier sa déclaration d’appel et ses conclusions à la Selafa MJA, par actes du 22 octobre 2021 et du 21 mars 2023, remis à une personne habilitée à les recevoir.

La SA BNP Paribas Personal Finance a fait signifier ses conclusions à la Selafa MJA par acte du 17 janvier 2022, remis à une personne habilitée à le recevoir.

La Selafa MJA, ès qualités, n’a pas constitué avocat.

La clôture de la procédure a été prononcée le 28 mars 2023.

SUR CE

Sur la demande de M. [Z] tendant à l’annulation ou à la résolution du contrat conclu avec la société Vivons Energy

Sur la recevabilité de cette demande

Pour déclarer irrecevables les demandes formées par M. [Z] contre la société Vivons Energy, le tribunal s’est fondé sur les articles L 622-21 et L 641-3 du code de commerce et a relevé que le demandeur n’avait présenté aucune déclaration de créance dans le délai de deux mois suivant la publication au Bodacc du jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire de ladite société, alors que sa créance est antérieure à la procédure et qu’aucune action n’a été engagée préalablement à l’ouverture de la procédure collective.

L’article L. 622-17, I du code de commerce dispose que les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance.

Si, selon les articles L. 622-21, I, et L. 641-3 du code de commerce, le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent, l’action en annulation ou en résolution d’un contrat pour inexécution d’une obligation autre qu’une obligation de payer une somme d’argent n’est ni interrompue ni interdite par le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire, peu important que cette action tende également à la restitution de fonds : cf arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 15 juin 2022 rendu sous le n°21-10.802.

Par ailleurs, il résulte des articles L. 622-17, L. 622-21, I, L. 641-3 et L. 641-13 du code de commerce que lorsqu’un contrat conclu avant l’ouverture de la procédure collective est annulé ou résolu, après l’ouverture de cette procédure, pour inexécution d’une obligation autre qu’une obligation de payer une somme d’argent, la créance de restitution, bien que née postérieurement à l’ouverture de la procédure collective, ne peut bénéficier du traitement préférentiel prévu par ces dispositions, faute d’être née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période.

En conséquence, le débiteur ne peut être condamné à payer cette créance de restitution et, conformément aux dispositions des articles L. 624-2 et L. 641-14 du code de commerce, le créancier, après l’avoir déclarée, ne peut en faire constater le principe et fixer le montant qu’en suivant la procédure de vérification des créances devant le juge-commissaire : cf arrêts de la chambre commerciale de la Cour de cassation rendus le 15 juin 2022, cité ci-dessus, et du 1er juin 2023 n°21-18.367.

En conséquence, en l’espèce, M. [Z] est recevable en sa demande en annulation ou en résolution du contrat du 7 mars 2016, dès lors que sa demande n’est pas fondée sur l’inexécution par la société Vivons Energy d’une obligation de payer une somme d’argent.

En revanche, les demandes tendant à la fixation de créances au passif de la liquidation judiciaire de la société Vivons Energy, qu’elles émanent de M. [Z] ou de la SA BNP Paribas Personal Finance sont irrecevables.

Sur le bien-fondé de la demande d’annulation ou de résolution du contrat

A titre principal, M. [Z] agit en nullité du contrat sur le fondement des dispositions d’ordre public du code de la consommation en vigueur au 7 mars 2016, parmi lesquelles :

– l’article L. 121-16 qui définit notamment la notion de ‘contrat hors établissement’ comme tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur dans un lieu qui n’est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d’une sollicitation ou d’une offre faite par le consommateur,

– l’article L. 121-17 qui dispose que préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, notamment les informations suivantes : les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ; lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation et qui précise que la charge de la preuve concernant le respect des obligations d’information pèse sur le professionnel,

– l’article 121-18-1 selon lequel toutes les informations ci-dessus sont prescrites à peine de nullité du contrat,

– l’article L. 111-1 selon lequel avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, notamment les informations suivantes : les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ; le prix du bien ou du service, en application des articles L. 113-3 et L. 113-3-1 ; en l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service.

M. [Z] fait valoir à juste titre que le contrat du 7 mars 2016 ne précise ni date, ni délai d’exécution pour les travaux d’installation des matériels vendus par la société Vivons Energy, ce qui suffit à rendre ce contrat nul.

Il est désormais de jurisprudence constante que la confirmation d’un acte nul procède de son exécution volontaire en connaissance du vice qui l’affecte et que la reproduction lisible, dans un contrat conclu hors établissement, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à ce type de contrat, permet au souscripteur de prendre connaissance du vice résultant de l’inobservation de ces dispositions : cf arrêts de la première chambre civile de la Cour de cassation du 31 août 2022 n° 21-12.968 et du 1er mars 2023 n° 22-10.361, rendus au visa de l’article 1338 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

En l’espèce, le contrat produit aux débats par M. [Z], qui affirme qu’il ne lui en a pas été laissé un exemplaire le 7 mars 2016 et qu’il ne l’a obtenu qu’après plusieurs relances, ne comporte aucune reproduction des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable au contrat.

En conséquence, M. [Z] n’a pas pu prendre connaissance du vice qui affectait ce contrat, si bien qu’aucune confirmation de ce contrat nul ne peut être déduite de son exécution volontaire par M. [Z].

Par infirmation du jugement dont appel, la cour prononce la nullité du contrat conclu le 7 mars 2016 entre M. [Z] et la société Vivons Energy.

Sur l’annulation du contrat de crédit et ses conséquences

En application de l’article L 311-32 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au 7 mars 2016, le contrat de crédit est annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement annulé.

La cour prononce donc la nullité du contrat de crédit liant M. [Z] à la SA BNP Paribas Personal Finance, le jugement dont appel étant également infirmé en ce qu’il a condamné M. [Z] à exécuter ce contrat jusqu’à son terme, étant en outre relevé que ce contrat n’a pas été conclu avec la société Sygma.

La nullité du contrat de crédit entraîne la remise des parties en l’état antérieur à sa conclusion, et donc le remboursement

– par la banque des sommes payées en exécution de ce contrat

– par l’emprunteur du capital versé en son nom par la société de crédit au vendeur, sauf à démontrer l’existence d’une faute privant l’établissement de crédit de sa créance de restitution.

Pour s’opposer à la restitution des fonds versés par l’organisme de crédit, M. [Z] lui reproche d’avoir :

-octroyé un crédit accessoire à un contrat nul,

-débloqué l’intégralité des fonds entre les mains de l’installateur sans s’être assuré que celui-ci avait exécuté son obligation,

– insuffisamment vérifié sa solvabilité. S’agissant de ce dernier manquement, la cour rappelle que s’il était établi, il serait sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts contractuels, droit qui en l’espèce est déjà perdu du fait de l’annulation du contrat ; par ailleurs, il ressort des propres écritures et pièces de M. [Z] qu’un premier contrat de crédit du 16 février 2016, accessoire à un premier contrat de fourniture et pose des mêmes matériels par la société Vivons Energy, portant sur le même capital et remboursable dans des conditions semblables, lui avait été refusé en raison de sa situation économique fragile, si bien que, même à supposer établi ce dernier manquement de la banque, M. [Z] ne peut pas sérieusement prétendre avoir, de ce fait, perdu une chance de ne pas contracter le crédit du 7 mars 2016.

Il est exact qu’en sa qualité de professionnel du crédit ayant choisi de travailler avec la société Vivons Energy qui vendait ses propres produits et prestations sous condition qu’elle-même accorde un crédit, également vendu par l’intermédiaire de cette société, la SA BNP Paribas Personal Finance devait s’assurer par un minimum de vérifications que le contrat principal respectait les dispositions protectrices du code de la consommation.

Or, en l’espèce, en accordant le crédit litigieux à M. [Z] et a fortiori en débloquant les fonds à la société Vivons Energy, alors que le contrat conclu entre M. [Z] et cette société était affecté d’une cause évidente de nullité, la SA BNP Paribas Personal Finance a eu un comportement fautif.

La SA BNP Paribas Personal Finance expose avoir débloqué les fonds à réception d’un certificat de livraison de bien et/ou de fourniture de services daté du 23 mars 2016, cosigné par la société Vivons Energy et par M. [Z], attestant de la pleine exécution du contrat du 7 mars 2016.

Toutefois, alors qu’il apparaissait clairement dans le contrat liant M. [Z] à la société Vivons Energy que cette dernière s’était contractuellement engagée à l’égard de celui-ci jusqu’à l’obtention de son contrat d’achat avec EDF, et était tenue de s’assurer de l’effectivité du raccordement des panneaux photovoltaïques au réseau électrique, pour lequel elle devait accomplir toutes les démarches utiles, il était raisonnablement impossible que le 23 mars 2016, soit 16 jours après la signature du contrat et en l’absence de demande de M. [Z] à être livré immédiatement, la société Vivons Energy ait satisfait à toutes ses obligations. Ainsi, malgré la réception du certificat de livraison de bien et/ou de fourniture de services, la SA BNP Paribas Personal Finance a fait preuve de négligence lors du déblocage des fonds.

Or, M. [Z] établit par le constat qu’il a fait dresser le 30 juillet 2018 par huissier de justice, que le chauffe-eau thermodynamique a été livré mais non installé et que les panneaux photovoltaïques n’ont jamais été raccordés au réseau électrique. Ainsi, à la date du 23 mars 2016, c’est sans contrepartie utile pour M. [Z] que la somme de 29 900 euros a été versée à la société Vivons Energy, dont le placement en liquidation judiciaire et l’état d’impécuniosité de son dossier, tel qu’invoqué par la Selafa MJA dans son courrier à la cour du 2 novembre 2021, rend illusoire qu’elle restitue cette somme à M. [Z].

Dans ces circonstances, M. [Z] justifie d’un préjudice financier, en lien de causalité avec les fautes commises par la SA BNP Paribas Personal Finance.

En conséquence, la cour condamne la SA BNP Paribas Personal Finance à restituer à M. [Z] l’ensemble des fonds payés en exécution du contrat de crédit annulé et la déboute de sa demande de restitution du capital de 29 900 euros.

Sur les demandes indemnitaires de M. [Z]

M. [Z] demande à la cour de condamner la SA BNP Paribas Personal Finance à lui payer les sommes suivantes :

– 6 076,40 euros au titre du coût des travaux de remise en état de sa toiture,

– 5 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Toutefois, à supposer que M. [Z] procède effectivement à la dépose des panneaux photovoltaïques et à la réfection de sa toiture et à supposer établi le préjudice moral qu’il allègue, il convient de le débouter de sa demande, dès lors que les fautes commises par l’organisme de crédit sont sans lien de causalité avec ces deux postes de préjudice exclusivement imputables à la société Vivons Energy.

Sur les frais de procès

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d’appel doivent être supportés par la SA BNP Paribas Personal Finance, avec pour ceux d’appel application de l’article 699 du même code au profit du conseil de M. [Z].

Les conditions d’application de l’article 700 du code de procédure civile ne sont réunies qu’en faveur de M. [Z]. Toutefois, dans les circonstances particulières de l’espèce, la cour décide en équité de laisser à sa charge l’ensemble des frais non compris dans les dépens qu’il a exposés, parmi lesquels le coût du constat du 30 juillet 2018.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement déféré SAUF en ce qu’il a débouté M. [N] [Z] des demandes indemnitaires formées à l’encontre de la SA BNP Paribas Personal Finance,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes de M. [N] [Z] et de la SA BNP Paribas Personal Finance aux fins de fixation de créances au passif de la liquidation judiciaire de la SASU Vivons Energy,

Déclare recevable la demande de M. [Z] tendant à l’annulation et/ou la résolution du contrat conclu le 7 mars 2016 avec la SASU Vivons Energy,

Annule ce contrat et consécutivement le contrat de crédit du 7 mars 2016 conclu entre M. [Z] et la SA BNP Paribas Personal Finance,

Déboute la SA BNP Paribas Personal Finance de sa demande de restitution du capital de 29 900 euros,

Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance à restituer à M. [Z] toutes les sommes payées en exécution du contrat annulé, soit la somme de 11 086,92 euros arrêtée au 5 avril 2020,

Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance aux dépens de première instance et d’appel,

Autorise la Selas Legi Conseil à recouvrer directement à son encontre les dépens d’appel qu’elle a avancés sans en avoir reçu provision,

Dit n’y avoir lieu à aucune application de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, plus amples ou contraires.

Le Greffier, Le Président,

 


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