Droit de rétractation : 20 juillet 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 22/00727

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Droit de rétractation : 20 juillet 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 22/00727
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JG/ND

Numéro 23/2588

COUR D’APPEL DE PAU

2ème CH – Section 1

ARRET DU 20/07/2023

Dossier : N° RG 22/00727 – N° Portalis DBVV-V-B7G-IEVE

Nature affaire :

Prêt – Demande en remboursement du prêt

Affaire :

[K] [T]

C/

S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE AQUITAINE POITOU CHARENTES

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 20 Juillet 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 03 Avril 2023, devant :

Madame Joëlle GUIROY, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l’appel des causes,

Joëlle GUIROY, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Marc MAGNON et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Joëlle GUIROY, Conseillère

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [K] [T]

né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 4] (64)

de nationalité française

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Jean BAGET de la SCP CLAVERIE-BAGET ASSOCIES, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE AQUITAINE POITOU CHARENTES

immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 353 821 028

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Valérie DABAN, avocat au barreau de PAU

Assistée de Me Benjamon HADJADJ, avocat au barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 04 NOVEMBRE 2021

rendue par le JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE PAU

Exposé du litige et des prétentions des parties :

Par acte du 11 août 2017, Monsieur [K] [T] a contracté un prêt de 35.000 euros auprès de la SA Caisse d’Épargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes remboursable sur une durée de 72 mois.

A compter du mois de mai 2018, [K] [T] a cessé de rembourser les mensualités du prêt.

Par courrier du 23 juillet 2018, la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes a mis en demeure Monsieur [K] [T] de lui payer les échéances impayées et les pénalités de retard, soit la somme de 1.445,14 euros.

Puis par courrier recommandé du 12 septembre 2018, la banque a prononcé la déchéance du terme et a demandé le paiement de l’intégralité des sommes restant dues.

Poursuivant à titre principal le paiement de la somme de 30.479,80 euros, par acte d’huissier du 10 juillet 2020 remis selon les dispositions de l’article 658 du code de procédure civile, la société Caisse d’Épargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes a fait assigner [K] [T] sur le fondement des dispositions des articles 1134 et 1154 du code civil dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131.

Par jugement en date du 4 novembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Pau a :

– condamné [K] [T] à payer la somme de 30.479,80 euros, arrêtée au 12 septembre 2018, au titre du contrat de prêt n° 9993079, à la société Caisse d’Épargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes outre intérêt au taux légal à compter de cette même date.

– dit que la société Caisse d’Épargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes sera privée en totalité du droit de percevoir les intérêts au taux contractuel jusqu’à la déchéance du terme.

– débouté Monsieur [K] [T] de sa demande de dommages et intérêts.

– condamné Monsieur [K] [T] à payer à la société Caisse d’Épargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes la somme de 400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné Monsieur [T] aux entiers dépens ;

– débouté les parties de toutes autres demandes non satisfaites.

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

Par déclaration en date du 11 mars 2022, [K] [T] a interjeté appel du jugement.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 mars 2023 et l’audience de plaidoirie a eu lieu le 3 avril 2023.

**

Par conclusions notifiées le 29 mars 2023 par RPVA, [K] [T] demande à la cour de

– dire l’appel interjeté recevable et bien fondé,

– constater que la déchéance du terme n’a pas été régulièrement prononcée,

– la lui déclarer inopposable,

En conséquence,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamné à payer la somme de 30.479,80 € outre intérêts ;

– le condamner seulement à hauteur de la somme de deux mille trois cent quatre-vingt euros trente huit centimes (2 398,38 €) [sic] échue et impayée au 11 septembre 2018,

Subsidiairement,

– par application des articles 10, 287 et 288 du code de procédure civile,

– procéder à une vérification de l’écrit contesté par tous moyens qui plaira à la juridiction d’ordonner,

– lui donner acte qu’il exécutera cette ou ces mesures à première demande,

Très subsidiairement,

– faire application de la loi sur les prêts à la consommation et ses applications jurisprudentielles,

– constater en conséquence que la Caisse d’Épargne a agi envers lui en violation des articles L.311-5, L311-6, 1.311-8, L.311-9 et L 311-18 du code de la consommation et des articles 1353 et 1375 du code civil,

– constater que la Caisse d’Épargne a commis des fautes entraînant un préjudice pour lui constitué par la perte de chance de ne pas contracter,

– en réparation de ce préjudice condamner la Caisse d’Épargne à lui verser la somme de trente mille quatre cent soixante dix neuf (30.479 euros),

– prononcer compensation entre la somme réclamée par la Caisse d’Épargne et celle due par elle à titre de dommages et intérêts,

– condamner la Caisse d’Épargne à lui payer la somme de mille cinq cents euros (2 000 €) [sic] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– la condamner aux entiers dépens.

**

Par conclusions notifiées le 30 mars 2023 par RPVA, la SA Caisse d’Épargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes, demande à la cour de

Vu les articles 1134 et 1154 du code civil dans leur version antérieure à l’ordonnance n°2016-131, version applicable en l’espèce compte tenu de la date de conclusion du contrat,

Vu l’article L 311-48 devenu l’article L 341-1 du code de la consommation,

Vu les articles 1226 et 1227 et suivants du code civil,

 

– débouter Monsieur [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

A titre subsidiaire :

– ordonner la résolution du contrat de prêt souscrit par Monsieur [T] ;

En conséquence :

– le condamner à lui payer la somme de 30.479,80 €, outre intérêts au taux légal, au titre du prêt n°9993079, à compter de la décision à intervenir ;

– ordonner la capitalisation des intérêts dus par une année entière à compter de la signification de la décision à intervenir.

En tout état de cause, condamner [K] [T] au paiement d’une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Faisant application des termes de l’article 455 du code de procédure civile, la cour entend se référer pour l’exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessus.

MOTIVATION :

– sur le rabat de l’ordonnance de clôture :

Avant l’ouverture des débats, et par mention au dossier, suite à leur demande et en accord avec elles, la cour a révoqué l’ordonnance de clôture et fixé la clôture à la date de l’audience, sans renvoi, les parties ayant indiqué qu’elles n’entendaient pas répliquer aux dernières de leurs conclusions.

– sur la demande en paiement du capital restant dû :

Monsieur [T] ne conteste pas avoir souscrit un crédit à la consommation auprès de la SA Caisse d’Épargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes d’un montant de 35.000 euros remboursable en 72 mensualités, que les fonds ont été mis à sa disposition et qu’il a connu des difficultés de paiement à compter de mai 2018.

Il expose cependant que la banque ne lui a pas remis un exemplaire du contrat et qu’il ne dispose pas de l’échéancier de remboursement de telle sorte qu’il est impossible de connaître les conditions dans lesquelles la déchéance du terme pouvait intervenir.

Or, il affirme que la lettre recommandée du 23 juillet 2018, contenant mise en demeure de rembourser les sommes dues, ne lui a pas été régulièrement adressée alors que son accusé de réception ne comporte pas le nom de son signataire ni la date de la présentation ou de la distribution de la lettre.

Enfin, s’agissant de la lettre recommandée du 12 septembre 2018 portant déchéance du terme, il soutient que l’accusé de réception indique qu’elle a été présentée le 14 septembre 2018 mais elle ne comporte pas de signature de son destinataire, la lettre ayant été retournée à l’expéditeur le 1er octobre 2018.

Il souligne par ailleurs que la banque lui a transmis des correspondances à une adresse qui n’était pas la sienne pour être celle de sa tante, ce qui avait été signalé à l’établissement bancaire par courrier du 12 septembre 2017 et qu’elle a fait le choix de ne pas lui notifier les courriers dont elle se prévaut par voie de signification comme elle en avait pourtant la possibilité.

Il en conclut que la banque ne peut se prévaloir de la déchéance du terme du prêt objet du litige et reproche au premier juge d’avoir dit que la banque était fondée à obtenir le paiement de l’intégralité des sommes restant dues.

Il estime en effet n’être redevable que des échéances échues et restées impayées au 11 septembre 2018, c’est-à-dire à la date d’établissement de la lettre contenant déchéance du terme, soit 2.398,38 euros.

Il fait aussi grief à la décision entreprise d’avoir écarté sa demande de vérification de la signature figurant sur l’accusé de réception de la lettre du 23 juillet 2018 alors que de celle-ci dépend la solution du litige.

La société Caisse d’Épargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes, qui indique avoir égaré le contrat de prêt n°9993079 signé par Monsieur [T], lui rétorque qu’en l’absence de règlement des mensualités échues, elle l’a mis en demeure de régulariser les paiements par courrier du 23 juillet 2018, ce qui est resté vain.

Elle a donc prononcé, par courrier du 12 septembre 2018, la déchéance du terme rendant l’ensemble des sommes impayées immédiatement exigibles.

Elle précise que faute de produire le contrat, elle ne réclame pas les intérêts conventionnels qui y étaient stipulés et maintient sa demande visant à voir condamner [K] [T] à lui payer la somme de 30.479,80 € au titre du prêt qu’elle lui a consenti, outre intérêts au taux légal, à compter de la décision à intervenir.

En droit, et au terme de l’article 1103 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

En outre, conformément aux dispositions de l’article L. 312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés et, jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.

Cependant, conformément aux dispositions des articles 1217, 1224 et 1225 du code civil, la déchéance du terme ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle, que cette déchéance résulte de la résolution du contrat par application d’une clause résolutoire stipulée dans le contrat de prêt ou, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur.

En l’espèce, l’existence du prêt de la somme de 35.000 euros consenti par la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes à [K] [T] est en tout état de cause établie par le relevé de son compte bancaire attestant du virement à son bénéfice, le 12 août 2017, de ladite somme sous le libellé : “virt prêt 9993079 du 11/08/2017” et les mensualités qu’il a versées en remboursement des échéances dues jusqu’en mai 2018, la banque versant en outre le tableau d’amortissement du crédit courant jusqu’au 5 septembre 2023.

A compter de mai 2018, [K] [T] s’est montré défaillant dans le remboursement des mensualités dues, ce qu’il ne contredit pas.

Dans ce contexte, la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes lui a adressé, le 23 juillet 2018, une lettre portant expressément mise en demeure de payer les échéances dues, soit la somme de 1.445,14 euros, dans un délai de 15 jours suivant la réception du courrier à défaut de quoi la déchéance du terme serait prononcée.

Elle remet au débat l’accusé de réception de cette lettre dont Monsieur [T] conteste la régularité en ce qu’elle n’identifie pas son signataire et n’est pas datée.

Confronté à ces éléments mais sans réellement affirmer qu’il n’a pas signé cet accusé de réception, Monsieur [T] demande qu’il soit constaté qu’il n’est pas établi qu’il en a été le destinataire ou, subsidiairement qu’il soit recouru à la mesure de vérification d’écriture prévue par les articles 287 et 288 du code de procédure civile ou toute mesure d’instruction utile conformément aux dispositions de l’article 10 du même code.

Toutefois, cet accusé de réception mentionne l’adresse personnelle de Monsieur [T] qui correspond à celle qu’il a communiquée dans les justificatifs de solvabilité qu’il avait remis à l’organisme prêteur.

En outre, il comporte une signature dans l’encadrement prévu pour la signature du destinataire ou de son mandataire et, si elle a été apposée sous la mention du mandataire, la demande de précision du nom et prénom du mandataire qui y figure n’a pas été renseignée.

Or, suivant la demande du premier juge, Monsieur [T] a remis au débat des documents administratifs signés de sa main, soit un certificat de cession de véhicule daté du 19 novembre 2016, un contrat de travail du 24 octobre 2020, la copie de son passeport délivré le 4 décembre 2020, la copie de sa carte d’identité délivrée le 25 février 2003 et celle qui lui a succédé et la copie d’un acte de cession de parts sociales qu’il a signé le 31 décembre 2017.

En outre, la banque a, elle aussi, versé une promesse synallagmatique de vente et un contrat d’autorisation de découvert négocié signés par Monsieur [T] respectivement le 7 juillet 2017 et le 4 août 2017.

Il résulte de l’examen de ces pièces et des signatures de Monsieur [T] qu’elles varient d’un acte à l’autre mais comportent des similitudes qui permettent de dire, comme l’a jugé le premier juge, qu’il est le signataire de l’accusé de réception de la lettre de mise en demeure du 23 juillet 2018, étant rappelé qu’il n’est pas mentionné le nom ou prénom du mandataire qui aurait dû y figurer s’il avait été signé par une personne autre que lui-même.

S’agissant de la date de remise de la lettre de mise en demeure, l’accusé de réception produit ne comporte que celle du 23 juillet 2018 qui est la date d’envoi.

Cependant, en l’état de la jurisprudence de la Cour de cassation, la mise en demeure que le créancier doit adresser au débiteur en application de l’article 1231 du code civil n’étant pas de nature contentieuse, le défaut de réception effective par le débiteur de la mise en demeure, adressée par lettre recommandée, n’affecte pas sa validité (Civ. 1ère, 20 janvier 2021 n° 19-20.680).

Ainsi et alors qu’en l’espèce un délai de près de deux mois s’est écoulé avant le prononcé de la déchéance du terme résultant de la lettre du 12 septembre 2018, délai très largement supérieur à celui de la remise d’une lettre recommandée, le grief soulevé par Monsieur [T] sera écarté, ceci d’autant qu’il ne justifie d’aucun paiement depuis mai 2018 ni d’une quelconque démarche de régularisation de ses impayés.

Enfin, l’argument selon lequel Monsieur [T] n’aurait pas été destinataire du courrier car il ne résidait pas à l’adresse à laquelle des lettres lui ont été adressées par l’établissement bancaire sera aussi écarté, la lettre de mise en demeure lui ayant été transmise à l’adresse qui était la sienne selon le contrat de travail et les fiches de paie qu’il a lui-même produites.

Aucune irrégularité ne ressort dès lors de la lettre de mise en demeure du 23 juillet 2018.

S’agissant de la lettre portant déchéance du terme datée du 12 septembre 2018 et adressée le 13 septembre 2018 elle porte le nom et l’adresse de Monsieur [T].

L’accusé de réception indique que le pli a été “présenté/avisé le 14 septembre 2018” mais, selon cachet de la poste à la date du 1er octobre 2018 , il a été retourné à son expéditeur, son destinataire ayant été avisé mais n’ayant pas réclamé la correspondance.

Il en résulte que la lettre a été adressée à l’adresse qui était celle de l’appelant et que sa non remise ne relève pas d’un manquement de la banque à ses obligations.

Il y a dès lors lieu de constater que la déchéance du terme a été valablement prononcée par le prêteur à la suite de la mise en demeure demeurée sans effet.

En conséquence, [K] [T] sera débouté de sa demande en infirmation du jugement entrepris qui l’a condamné à payer le capital restant dû outre intérêt à compter de la déchéance du terme, soit le 12 septembre 2018, à l’établissement prêteur.

– Sur les demandes de Monsieur [T] au titre du non-respect par l’organisme prêteur de ses obligations :

Monsieur [T] fonde son action sur la violation des articles L. 311-5, L. 311-6, L. 311-8, L. 311-9 et L. 311-18 du code de la consommation, abrogés par ordonnance du 14 mars 2016, et des articles 1353 et 1375 du code civil.

Il reproche à la Caisse d’Épargne de ne pas lui avoir remis un exemplaire du contrat de prêt et demande à ce que, compte tenu de cette défaillance, elle soit présumée avoir manqué à la protection dont il devait bénéficier si elle avait respecté :

– son devoir d’information résultant des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-18 du code de la consommation ;

– son devoir de mise en garde contre le risque de surendettement prévu à l’article L. 311-6 de ce code alors qu’elle ne lui a pas fait remplir une fiche de renseignements permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé était adapté à ses besoins et à sa situation financière,

– son devoir de vérification de sa solvabilité en application de l’article L. 311-9 du même code,

– son devoir d’explication en application de l’article 1353 du code civil,

– son devoir de l’informer qu’il disposait d’un droit de rétractation pendant une durée de quatorze jours.

Il affirme qu’il en résulte l’existence d’une faute mais également un lien de causalité avec sa situation problématique actuelle et le préjudice qu’il subit du fait de la privation d’une chance de ne pas avoir emprunté.

Il ajoute que si la sanction légale des manquements de l’organisme prêteur à ses obligations consiste en la déchéance de son droit au paiement des intérêts au taux conventionnel, rien n’interdit à la juridiction de constater une faute supplémentaire ayant consisté à substituer à l’objet initial un objet fictif. puisque sa demande était d’obtenir le financement de l’achat de parts sociales et d’un compte courant d’associé dans une SARL alors que la banque fait état du financement de l’achat d’un véhicule neuf.

Il considère ainsi que le comportement volontairement illicite de l’établissement prêteur doit aboutir à la condamnation de la banque à lui payer en principal la somme restée impayée, soit 30.479,00 euros.

La SA Caisse d’Épargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes s’oppose à ces demandes soutenant que le non-respect des obligations prévues par les dispositions du code de la consommation et rappelées par Monsieur [T] est sanctionné par la déchéance de son droit aux intérêts au taux conventionnel.

Or, elle reconnaît ne pas être en mesure de produire le contrat de prêt, aussi ne réclame-t-elle aucune somme au titre des intérêts stipulés par le prêt.

Elle soutient toutefois avoir respecté ses obligations d’information, de mise en garde et de vérification de solvabilité envers Monsieur [T].

Elle ajoute ne pas lui avoir octroyé le prêt dont question pour l’achat de parts sociales d’une société et souligne d’ailleurs qu’il ressort des pièces produites que les parts de la SAS Monte Christo Club ont été acquises pour la seule somme de 735 euros.

En droit, il résulte de l’article L. 312-12 du code de la consommation, dans sa version en vigueur du 01 juillet 2016 au 01 avril 2018, que le banquier était tenu, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, de fournir à l’emprunteur, sous forme d’une fiche d’informations, sur support papier ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement.

De même, l’article L. 312-17 du code de la consommation alors applicable faisait obligation au préteur d’établir une fiche comportant notamment les éléments relatifs aux ressources et charges de l’emprunteur ainsi que, le cas échéant, aux prêts en cours contractés par ce dernier laquelle devait contribuer à l’évaluation de sa solvabilité par le prêteur.

En outre, l’article L. 312-19 du code de la consommation en vigueur à la date souscription du crédit stipulait que “l’emprunteur peut se rétracter sans motif dans un délai de quatorze jours à compter du jour de l’acceptation de l’offre de contrat de crédit comprenant les informations prévues à l’article L.312-28”.

Les articles L. 341-1 et suivants du même code précisent que le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l’emprunteur les informations précontractuelles et lui faire signer ou valider la fiche mentionnée à l’article L. 312-17 est déchu du droit aux intérêts.

En l’espèce, l’établissement prêteur admet qu’il ne peut produire au débat le contrat de prêt et ne peut, comme la charge lui en incombe, rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles.

Il s’ensuit qu’il doit être déchu de son droit aux intérêts conventionnels et que la somme restant due par Monsieur [T] s’établit au montant du principal de 30.479,80 euros, 8 mensualités de 511,21 euros outre 430,52 euros ayant été payées sur les 35.000 euros prêtés.

Ladite somme portera intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2018 sans qu’il ne soit fait droit à la demande de la banque en capitalisation des intérêts dus, l’article 1343-2 du code civil n’étant pas applicable aux crédits à la consommation.

S’agissant du devoir de mise en garde du banquier, il est de jurisprudence acquise que lors de la conclusion du contrat, le banquier dispensateur de crédit est tenu à l’égard de l’emprunteur non averti d’un devoir de mise en garde à raison de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur et du risque d’endettement excessif né de l’octroi du crédit.

S’il appartient au prêteur de prouver qu’il a rempli son devoir de mise en garde, il appartient à l’emprunteur qui agit sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour manquement, par l’établissement de crédit à cette obligation, d’établir au préalable qu’à l’époque de la souscription du prêt litigieux, sa situation financière justifiait l’accomplissement par la banque d’un tel devoir.

En l’espèce, Monsieur [T] produit ses fiches de paie pour les mois de juin à août 2017 indiquant qu’il a alors perçu un salaire de respectivement 1.517,44 euros, 1.517,30 euros et 1425,61 euros. Il justifie aussi avoir souscrit, le 18 novembre 2016, un prêt de 12.500 euros remboursable en 60 mensualités.

Cependant, la banque fait valoir qu’elle lui avait octroyé le crédit objet du litige à raison de ses ressources professionnelles, justifiées par la remise de ses fiches de paie pour la période d’avril à juin 2017 et son avis d’imposition 2016 (total des salaires et assimilés déclarés : 20.926 euros), de ses charges, telles que ressortant de l’avis de sommes de payer au titre de son loyer de 227,70 euros en principal, mais également de l’acte notarié portant promesse de vente d’un bien immobilier lui appartenant en indivision avec [Y] [E] et [C] [T] signé le 7 juillet 2017 pour un montant de 241.200 euros.

Or, Monsieur [T] n’apporte aucun autre renseignement sur sa situation économique et notamment n’établit pas que la promesse de vente du bien immobilier signée le 7 juillet 2017 n’a pas aboutie ni qu’il subissait des charges plus importantes que celles indiquées.

Ainsi, il ne prouve pas qu’il se trouvait, au jour de la signature du contrat dans une situation financière justifiant l’accomplissement par la banque d’un devoir de mise en garde et que l’octroi du crédit à la consommation était de nature à faire naître un risque d’endettement excessif au regard de ses capacités financières globales.

Enfin, s’agissant de la substitution d’objet du contrat il sera relevé qu’il n’apporte aucun élément objectif de nature à asseoir son affirmation, ceci d’autant que la cession de parts sociales a été formalisée le 31 décembre 2017 et pour un montant de 735 euros.

Ainsi, sa demande en dommages et intérêts, en sus de la déchéance du droit du banquier aux intérêts conventionnels, sera rejetée.

Dès lors, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions et y ajoutant [K] [T], qui succombe dans ses prétentions, sera condamné, outre les dépens, à payer à la Caisse d’Épargne et de prévoyance Aquitaine-Poitou-Charente la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Pau rendu le 4 novembre 2021 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Déboute Monsieur [K] [T] du surplus de ses demandes ;

Déboute la société Caisse d’Épargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes de sa demande en capitalisation des intérêts ;

Condamne Monsieur [K] [T] aux dépens d’appel ;

Condamne Monsieur [K] [T] à payer à la société Caisse d’Épargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Marc MAGNON, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Catherine SAYOUS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.

La Greffière, Le Président,

 


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