Droit de rétractation : 7 septembre 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/01775

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Droit de rétractation : 7 septembre 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/01775
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COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 07/09/2023

la SCP GUILLAUMA – PESME – JENVRIN

Me Sandrine AUDEVAL

ARRÊT du : 07 SEPTEMBRE 2023

N° : 143 – 23

N° RG 21/01775 –

N° Portalis DBVN-V-B7F-GMPA

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de blois en date du 20 Mai 2021

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265269462967096

S.A. CREATIS

Agissant poursuites et diligences de son représenant légal domicilié audit siège en cette qualité

[Adresse 5]

[Localité 4]

Ayant pour avocat postulant Me Christophe PESME, membre de la SCP GUILLAUMA – PESME – JENVRIN, avocat au barreau d’ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Olivier HASCOET, membre de la SELARL HAUSSMANN KAINIC HASCOET HELAIN, avocat au barreau de l’ESSONNE

D’UNE PART

INTIMÉS : – Timbre fiscal dématérialisé N°:

1265265612813608

Madame [V] [Y] – [U] épouse [Y]

née le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 8]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Ayant pour avocat Me Sandrine AUDEVAL, avocat au barreau de BLOIS

Monsieur [G] [Y]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 7]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Ayant pour avocat Me Sandrine AUDEVAL, avocat au barreau de BLOIS

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 28 Juin 2021

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 11 Mai 2023

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l’audience publique du jeudi 08 JUIN 2023, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en charge du rapport, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l’article 805 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Madame Ferréole DELONS, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le jeudi 07 SEPTEMBRE 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Selon offre préalable acceptée 15 octobre 2013, la société Creatis a consenti à M. [G] [Y] et Mme [V] [U], son épouse, un prêt de regroupement de crédits d’un montant de 123 100 euros, remboursable en 144 mensualités de 1 464,30 euros incluant les intérêts au taux nominal de 8,36 % l’an et les primes d’assurance.

Des échéances étant restées impayées, la société Creatis a mis en demeure les emprunteurs, par courrier du 10 juillet 2017 adressé sous pli recommandé réceptionné le 22 juillet suivant, de régulariser la situation en lui réglant la somme de 4 287,86 euros dans un délai de trente jours, sous peine de déchéance du terme.

La société Creatis a provoqué la déchéance du terme le 24 août 2017 et a fait assigner M. et Mme [Y] en paiement devant le tribunal de grande instance de Blois par acte du 10 janvier 2018.

Par jugement du 3 octobre 2019, en retenant que l’offre de crédit était en rédigée en caractères dont la hauteur était inférieure au corps huit exigé par l’article R. 311-5 du code de la consommation, le tribunal a :

– dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner une mesure de conciliation,

– constaté que le fichier des incidents de crédit des particuliers (FICP) a été dûment consulté par la SA Creatis le 14 octobre 2013,

– constaté que la SA Creatis a rempli son obligation d’information préalable en matière de regroupement de crédits,

– constaté que M. [G] [Y] et Mme [V] [U] ont bien été mis en possession d’un bordereau de rétractation et d’une notice d’information relative à l’assurance du crédit,

– dit que la SA Creatis est déchue de son droit aux intérêts contractuels,

– constaté la nullité de la clause d’indemnité conventionnelle stipulée au contrat de regroupement de crédits conclu suivant offre acceptée le 15 octobre 2013,

– dit, en conséquence, que les sommes perçues au titre des intérêts, qui seront productrices d’intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû,

– enjoint à la SA Creatis de produire un décompte actualisé de sa créance alléguée, exempt de tout intérêt et précisant le montant des intérêts perçus, ainsi qu’un historique de compte,

– ordonné la réouverture des débats,

– renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 5 novembre 2019,

– réservé l’ensemble des demandes des parties sur lesquelles il n’est pas statué par le dispositif de la présente décision, ainsi que les dépens.

Par jugement du 20 mai 2021, le tribunal judiciaire de Blois a :

– condamné M. [G] [Y] et Mme [V] [U] épouse [Y] à payer à la SA Creatis la somme de 52 018,61 euros en deniers ou quittances, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision,

– dit que les intérêts échus par année entière produiront eux-mêmes intérêts au taux légal conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

– dit, toutefois, que M. et Mme [Y] s’acquitteront desdites sommes en principal et intérêts en 23 versements mensuels de 1 350 euros payables entre le 1er et le 10 de chaque mois à compter du 1er juin 2021, puis un 24ème versement égal au montant des sommes restant dues en principal et intérêts,

– dit que ces règlements s’imputeront par priorité sur le capital restant dû,

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,

– condamner M. et Mme [Y] aux dépens.

La société Creatis a relevé appel de ces deux décisions par déclaration du 28 juin 2021, en critiquant expressément les chefs des dispositifs des deux jugements en cause lui faisant grief.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 16 mars 2022, la SA Creatis demande à la cour de :

– déclarer la SA Creatis recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions d’appel,

– déclarer M. [G] [Y] et Mme [V] [U] mal fondés en leurs demandes, fins et conclusions, et les en débouter,

Y faire droit,

– infirmer les jugements entrepris des 3 octobre 2019 et 20 mai 2021 en leurs dispositions critiquées dans la déclaration d’appel,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a constaté que M. [G] [Y] et Mme [V] [U] ont bien été mis en possession d’un bordereau de rétractation,

Statuant à nouveau,

– condamner solidairement M. [G] [Y] et Mme [V] [U] à payer à la SA Creatis la somme de 97 995,39 euros avec intérêt au taux contractuel de 8,36 % à compter de la mise en demeure du 10 juillet 2017,

– ordonner la capitalisation annuelle des intérêts par application de l’article 1343-2 du code civil,

– condamner solidairement M. [G] [Y] et Mme [V] [U] à payer à la SA Creatis la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner solidairement M. [G] [Y] et Mme [V] [U] à payer à la SA Creatis aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 5 mai 2023, M. et Mme [Y] demandent à la cour de :

Vu le jugement en date du 3 octobre 2019,

Vu le jugement en date du 20 mai 2021,

Vu l’article R.311-5, l’article L311-12, l’article L311-48 du code de la consommation,

Vu l’article 1315 du code civil,

Vu la jurisprudence citée,

Vu les pièces versées aux débats,

– confirmer le jugement en date du 3 octobre 2019 en ce qu’il :

‘ dit que la SA Creatis est déchue de son droit aux intérêts contractuels,

‘ constate la nullité de la clause d’indemnité conventionnelle stipulée au contrat de regroupement de crédits conclu suivant l’offre acceptée le 15 octobre 2013,

‘ dit, en conséquence, que les sommes perçues au titre des intérêts, qui seront productrices d’intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû,

– confirmer le jugement du 20 mai 2021 en ce qu’il :

‘ condamner M. [G] [Y] et Mme [V] [U] épouse [Y] à payer à la SA Creatis la somme de 52 018,61 euros en deniers ou quittances, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision,

‘ dit que les intérêts échus par année entière produiront eux-mêmes intérêts au taux légal conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

‘ dit, toutefois, que M. et Mme [Y] s’acquitteront desdites sommes en principal et intérêts en 23 versements mensuels de 1 350 euros payables entre le 1er et le 10 de chaque mois à compter du 1er juin 2021, puis un 24ème versement égal au montant des sommes restant dues en principal et intérêts,

‘ dit que ces règlements s’imputeront par priorité sur le capital restant dû,

‘ dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties ;

‘ dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,

– infirmer le jugement en date du 3 octobre 2019 en ce qu’il :

‘ constate que M. [G] [Y] et Mme [V] [U] épouse [Y] ont bien été mis en possession d’un bordereau de rétractation ;

Et statuant à nouveau sur ce point :

– dire et juger que M. [G] [Y] et Mme [V] [U] épouse [Y] n’ont pas été mis en possession d’un bordereau de rétractation,

En conséquence,

– dire et juger que la SA Creatis est déchue de son droit aux intérêts contractuels,

– débouter la SA Creatis de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,

– déduire de la créance alléguée par la SA Creatis, l’intégralité des paiements

intervenus depuis le mois d’octobre 2019, soit la somme de 56 700 euros (1 350 € x 42 mois) à parfaire jusqu’à la décision à intervenir,

– débouter la SA Creatis de ses demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile, la capitalisation des intérêts fondée sur l’anatocisme, et l’exécution provisoire de la décision à intervenir,

– condamner la SA Creatis à payer à M. et Mme [Y], la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 11 mai 2023, pour l’affaire être plaidée le 8 juin suivant et mise en délibéré à ce jour.

SUR CE, LA COUR :

Sur l’exception tirée de la taille des caractères de l’offre de crédit :

Par application de l’alinéa premier de l’article L. 311-48 ancien du code de la consommation, devenu l’article L. 341-4 du même code, le prêteur est déchu du droit aux intérêts lorsqu’il ne remet pas au preneur un contrat satisfaisant aux conditions de l’article L. 311-18 devenu l’article L. 312-28, notamment un contrat rédigé de manière lisible, en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit, comme le prescrit l’article R. 311-5, devenu R. 312-10.

Selon l’article R. 312-10 du code de la consommation, le contrat prévu à l’article L. 312-28 doit être présenté de manière claire et lisible et rédigé en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit.

Le corps est la mesure standard du caractère d’imprimerie, exprimée en points et délimitée par l’extrémité supérieure de la plus haute ascendante et l’extrémité inférieure de la plus basse descendante. Le corps huit correspond à 3 mm en points Didot. On mesure le corps d’une lettre de la tête des lettres montantes (l, d, b) à la queue des lettres descendantes (g, p, q). Le blanc que l’on remarque d’une ligne à l’autre provient du talus existant entre les lettres qui ne montent ni ne descendent (comme le a, le o, le c). Il faut, pour s’assurer du respect de l’exigence réglementaire, diviser la hauteur en millimètres d’un paragraphe (mesuré du haut des lettres montantes de la première ligne au bas des lettres descendantes de la dernière ligne) par le nombre de lignes qu’il contient, et vérifier que le quotient ainsi obtenu est au moins égal à trois millimètres.

En l’espèce, l’article I-1 intitulé « conditions d’acceptation ou de rétractation du crédit », d’une hauteur de 98 mm, concentre 31 lignes, dont chacune occupe 3,16 mm, et ce paragraphe pourrait d’ailleurs contenir jusqu’à 32 lignes (98/3).

Dans leur entier, chacun des articles I intitulé « conditions légales et réglementaires » et II intitulé « conditions générales du prêteur », qui comptent respectivement 79 et 66 lignes pour des hauteurs de 250 et 210 mm, satisfont eux aussi aux exigences réglementaires puisque chacune des lignes occupe plus de 3 mm (3,16 mm pour l’article 1 et 3,18 mm pour l’article II).

L’offre litigieuse étant par ailleurs présentée de manière claire et lisible, c’est de manière inexacte que le premier juge a retenu que la société Creatis devait être déchue du droit aux intérêts pour avoir soumis à M. et Mme [Y] une offre ne satisfaisant pas aux exigences de l’article R. 311-5, devenu R. 312-10, du code de la consommation.

Sur l’exception tirée de l’absence de formulaire détachable de rétractation :

L’article L. 311-12 du code de la consommation, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, devenu l’article L. 312-21 du même code, énonce que l’emprunteur peut se rétracter sans motifs dans un délai de quatorze jours calendaires révolus à compter du jour de l’acceptation de l’offre de contrat de crédit comprenant les informations prévues à l’article L. 311-18 et précise que, afin de permettre l’exercice de ce droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit.

Si la Cour de cassation a un temps considéré que la reconnaissance écrite, par l’emprunteur, dans le corps de l’offre préalable, de la remise d’un bordereau de rétractation détachable joint à cette offre laissait présumer la remise effective de celui-ci et qu’il appartenait en conséquence à l’emprunteur de rapporter la preuve de l’absence de remise du bordereau ou, à défaut, de son caractère irrégulier (v. par ex. Civ. 1, 12 juillet 2012, n° 11-17.595), comme l’a retenu le premier juge, cette jurisprudence a cependant évolué à la suite d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE 18 décembre 2014 CA Consumer Finance, C-449/13).

Désormais, la preuve par le prêteur de la communication à l’emprunteur du bordereau détachable de rétractation ne saurait résulter de la seule signature apposée par l’emprunteur sous une clause type par laquelle celui-ci reconnaît cette remise. Une telle reconnaissance ne constitue qu’un simple indice, que le prêteur doit compléter par d’autres éléments pour établir l’exécution de son obligation envers l’emprunteur. A défaut, la sanction encourue par le prêteur est la déchéance de son droit aux intérêts (v. par ex. civ. 1, 21 octobre 2020, n° 19-18.971).

En l’espèce, la société Creatis produit deux liasses contractuelles de contrats de regroupement de crédits dont elle assure qu’elles sont identiques à la liasse qui a été adressée à M. et Mme [Y], et qui comportent toutes les deux, sur l’exemplaire destiné à être conservé par les emprunteurs, un formulaire de rétractation détachable.

Alors que l’offre de crédit litigieuse a été émise par la société Creatis le 14 octobre 2013, les liasses contractuelles communiquées correspondent à des offres émises, pour l’une le 12 octobre 2011, pour l’autre, le 31 mars 2017.

Une simple comparaison des exemplaires destinés à être renvoyés au prêteur montre que les liasses produites ne sont pas identiques à celles qui avaient été adressées à M. et Mme [Y].

Alors que sur la première page de l’exemplaire de l’offre qui a été acceptée et renvoyée par M. et Mme [Y], figure un article I-2 intitulé « exécution du contrat de crédit » qui comporte, en colonne de gauche, 8 lignes, l’article I-2 comportant le même intitulé figurant sur l’exemplaire de l’offre à renvoyer datée du 12 octobre 2011, ne comporte, en colonne de gauche, que 7 lignes, et, sur l’exemplaire daté du 31 mars 2017, ce même article ne compte, sur la colonne de gauche, que 4 lignes.

Ces différences typographiques ne permettent pas de retenir que les liasses contractuelles dotées d’un bordereau de rétractation produites par la société Creatis sont identiques à la liasse qui avait été adressée aux intimés.

En l’absence d’autre élément de nature à compléter le simple indice que constitue la signature des intimés sous la clause de l’offre de prêt litigieuse selon laquelle ils ont reconnu rester en possession d’un exemplaire du contrat de crédit doté d’un formulaire détachable de rétractation, la cour ne peut que constater que la société Creatis échoue à établir la preuve de l’exécution de ses obligations envers les intimés.

Le jugement entrepris, qui a déchu la société Creatis de son droit aux intérêts, sera donc confirmé, par substitution de motifs.

Sur le montant de la créance de la société Creatis :

Il résulte de l’article L. 311-48 du code de la consommation, dans sa version applicable au 15 octobre 2013, que lorsque le prêteur est déchu en totalité du droit aux intérêts, comme en l’espèce, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, et que les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur la capital restant dû.

M. et Mme [Y] ne justifient pas des règlements qu’ils indiquent avoir continuer à effectuer à hauteur de 1 350 euros par mois postérieurement au jugement entrepris et le dernier décompte produit par la société Creatis, sans historique, ne permet pas de faire le compte des règlements intervenus postérieurement audit jugement.

Les parties n’ayant pas mis la cour en mesure d’actualiser la créance de la société Creatis, cette créance sera arrêtée, comme au jugement entrepris, selon décompte arrêté au 26 août 2020, ainsi qu’il suit :

– capital prêté : 123 100 euros

– règlements à déduire : 70 003,31 euros (dont 40 404,40 euros au titre des intérêts)

– intérêts produits au taux légal sur les intérêts à restituer : 1 078,08 euros

– solde dû arrêté au 26 août 2020 : 52 018,61 euros

Les conditions générales du contrat de crédit comportant une stipulation expresse de solidarité, M. et Mme [Y] seront solidairement condamnés à payer à la société Creatis, pour solde du crédit arrêté au 26 août 2020, duquel il conviendra le cas échéant de déduire leurs règlements postérieurs, la somme sus-énoncée de 52 018,61 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 27 août 2020.

La présente condamnation étant assortie, non pas des intérêts de retard au taux du prêt comme le prévoit l’article L. 311-24 ancien devenu l’article L. 312-38 du code de la consommation, mais des intérêts moratoires au taux légal prévus par l’article 1153 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ces intérêts se capitaliseront dans les termes de l’article 1154 ancien, devenu 1343-2, du code civil, à compter du 10 janvier 2018, date de la demande (v. par ex. com. 4 juillet 2018, n° 17-13.128).

Sur la demande d’annulation de la stipulation fixant une indemnité conventionnelle de 8 % en cas de défaillance de l’emprunteur :

L’opération de crédit litigieuse étant exclusivement destinée à regrouper des crédits à la consommation, ainsi qu’il est établi par la pièce 10 de la société Creatis, il résulte des dispositions de l’article L. 313-15 du code de la consommation, dans sa version en vigueur au 14 octobre 2013, que l’opération de regroupement de crédits en cause est soumise, non pas aux règles du code de la consommation qui régissent les crédits immobiliers, mais à celles qui gouvernent les crédits à la consommation, notamment aux prescriptions des articles L. 311-24 et D. 311-6.

C’est donc de manière inexacte que M. et Mme [Y] soutiennent que la clause du contrat de crédit qui fixe l’indemnité conventionnelle de résiliation à 8 % du capital restant dû au jour de la défaillance serait nulle, en ce que l’article R. 312-3 [ancien] prévoit que cette indemnité ne peut excéder 7 % des sommes dues au titre du capital restant dû et des intérêts échus et non versés, alors que cet article s’applique aux crédits immobiliers et qu’en application de l’article D. 311-6 applicable à l’opération de crédit en cause, c’est-à-dire aux crédits à la consommation, cette indemnité peut être conventionnellement fixée à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.

Le jugement déféré qui a constaté la nullité de la stipulation en cause sera donc infirmé sur ce chef.

Sur la demande de délais de paiement :

En application de l’article 1244-1, devenu 1343-5, du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.

Compte tenu de la situation financière dont ils justifient, le premier juge a justement accordé à M. et Mme [Y] des délais de paiement et dit que les paiements ainsi échelonnés s’imputeront en priorité sur le capital.

La décision déférée sera en conséquence confirmée sur ce chef.

Sur les demandes accessoires :

La société Creatis, qui succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l’instance d’appel et sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur ce dernier fondement, la société Créatis sera condamnée à régler à M. et Mme [Y], à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité des frais qu’ils ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité de procédure de 1000 euros.

PAR CES MOTIFS

Infirme les décisions entreprises en ce qu’elles ont constaté que M. [G] [Y] et Mme [V] [U] épouse [Y] ont été mis en possession d’une offre de crédit dotée d’un bordereau de rétractation et en ce qu’elles ont constaté la nullité de la clause d’indemnité conventionnelle stipulée au contrat de regroupement de crédits conclu selon offre acceptée le 15 octobre 2013,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Dit n’y avoir lieu d’annuler ou de constater la nullité de la stipulation fixant à 8 % du capital restant dû l’indemnité conventionnelle de résiliation prévue en cas de défaillance des emprunteurs,

Constate que la société Creatis n’établit pas avoir soumis à M. et Mme [Y] une offre de crédit dotée d’un formulaire de rétractation,

Confirme les décisions entreprises pour le surplus de leurs dispositions critiquées,

Y ajoutant et précisant,

Condamne solidairement M. [G] [Y] et Mme [V] [U] épouse [Y] au paiement du solde du crédit litigieux et précise que la somme de 52 018,61 euros a été arrêtée au 26 août 2020,

Précise que les intérêts seront capitalisés annuellement selon les modalités prévues à l’article 1343-2 du code civil à compter du 10 janvier 2018,

Condamne la société Creatis à payer à M. [G] [Y] et Mme [V] [U] épouse [Y] la somme (globale) de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de la société Creatis formée sur le même fondement,

Condamne la société Creatis aux dépens de l’instance d’appel.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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