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En matière de bonne foi, se prévaloir de bonne foi (exonératrice de responsabilité) suppose de produire des pièces au soutien de son argumentation permettant d’établir que les propos en cause reposent sur une base factuelle suffisante.
M. .[B] a obtenu la condamnation de l’Association française de normalisation (AFNOR) et son directeur de la publication, devant le tribunal correctionnel, pour diffamation publique envers un particulier, à la suite de la diffusion, sur le réseau intranet de l’AFNOR, , d’un compte rendu de conférence téléphonique contenant les allégations suivantes : « La reprise in extenso de cette norme XP AFNOR soumise à copyright sans la citer est selon [I] [L] un pillage délictueux, et, il estime de plus qu’après une analyse comparée, [C] [B] ne propose rien de nouveau dans sa contribution » et « Dans ce contexte, la reprise in extenso de ce document dans un document CEN dans une contribution datée du mois de juin est inacceptable. » et « Cette contribution reprend le contenu de la norme EX CEV, soumise à copyright ».
Lorsque l’auteur des propos soutient qu’il était de bonne foi, il appartient au juge de rechercher, en premier lieu, en application de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme, si lesdits propos s’inscrivent dans un débat d’intérêt général et reposent sur une base factuelle suffisante, notions qui recouvrent celles de légitimité du but de l’information et d’enquête sérieuse, afin, en second lieu, si ces deux conditions sont réunies, d’apprécier moins strictement les critères de l’absence d’animosité personnelle et de la prudence et mesure dans l’expression.
N° P 22-84.234 F-D
N° 00861
RB5
5 SEPTEMBRE 2023
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 SEPTEMBRE 2023
M. [T] [R] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, chambre 2-7, en date du 19 mai 2022, qui, pour diffamation non publique envers un particulier, l’a condamné à 38 euros d’amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [T] [R], les observations de Me Ridoux, avocat de M. [C] [B], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l’audience publique du 6 juin 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 19 septembre 2019, M. [C] [B] a fait citer l’Association française de normalisation (AFNOR) et M. [T] [R], en sa qualité de directeur de la publication, devant le tribunal correctionnel, pour diffamation publique envers un particulier, à la suite de la diffusion, sur le réseau intranet de l’AFNOR, le 21 juin 2019, d’un compte rendu de conférence téléphonique contenant les allégations suivantes : « La reprise in extenso de cette norme XP AFNOR soumise à copyright sans la citer est selon [I] [L] un pillage délictueux, et, il estime de plus qu’après une analyse comparée, [C] [B] ne propose rien de nouveau dans sa contribution » et « Dans ce contexte, la reprise in extenso de ce document dans un document CEN dans une contribution datée du mois de juin est inacceptable. » et « Cette contribution reprend le contenu de la norme EX CEV, soumise à copyright ».
3. Par jugement en date du 21 octobre 2021, le tribunal correctionnel a déclaré irrecevable la citation directe visant l’AFNOR, dit que l’action publique n’était pas prescrite, requalifié les faits en diffamation non publique, déclaré M. [R] coupable et condamné ce dernier à 38 euros d’amende.
4. M. [R] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première branche
5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. [R] coupable de diffamation non publique commis le 21 juin 2019 à la Plaine Saint-[C] ; et l’a condamné au paiement d’une amende contraventionnelle d’un montant de trente-huit euros, alors :
« 2°/ que la liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ; que le propos incriminé en l’espèce se limitait à reproduire fidèlement, sans les déformer, les propos de M. [B] en spécifiant bien qu’il s’agissait d’une opinion individuelle ; qu’en refusant le bénéfice de la bonne foi à M. [R], sans indiquer en quoi si le propos incriminé dépassait les limites admissibles de la liberté d’expression dans la critique, par l’AFNOR, association placée sous tutelle du Ministère chargé de l’Industrie, à laquelle l’Etat a confié l’activité d’intérêt général de normalisation ayant pour objet de fournir des documents de référence élaborés de manière consensuelle par toutes les parties intéressées, d’une contribution faite par une personne privée reprenant le contenu d’une norme AFNOR dont celle-ci détient les droits de propriété intellectuelle, la Cour d’appel a méconnu les articles 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 29 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Pour refuser au prévenu le bénéfice de la bonne foi et confirmer le jugement, l’arrêt attaqué, après avoir énoncé que les propos poursuivis portent atteinte à l’honneur ou à la considération de la partie civile, retient que la rédactrice du compte rendu et salariée de l’AFNOR ne s’est pas contentée de restituer les échanges intervenus lors de la conférence téléphonique, comme l’aurait fait un journaliste dans le cadre d’une interview, mais qu’elle a, au contraire, retranscrit les propos, sans aucune distance, et les a synthétisés par ces termes : « cette contribution reprend le contenu de la norme XP CEV, soumise à copyright », reprenant ainsi clairement les allégations à son compte.
8. Les juges ajoutent que M. [R], en raison de ses fonctions de directeur de publication de l’AFNOR, ne peut valablement s’exonérer de sa responsabilité en soutenant qu’il n’aurait pas été informé du contenu du compte rendu avant sa publication sur intranet, dès lors qu’il lui appartenait de le vérifier.
9. Ils en concluent qu’aucune des pièces produites par la défense n’est de nature à constituer une base factuelle des allégations litigieuses, base factuelle qu’elle ne revendique d’ailleurs pas et qu’en conséquence, même si l’animosité personnelle du prévenu n’est pas caractérisée en l’espèce, le bénéfice de la bonne foi ne peut lui être accordé, les limites admissibles de la liberté d’expression ayant été dépassées au cas présent.
10. C’est à tort que la cour d’appel a omis de rechercher si les propos litigieux s’inscrivaient dans un débat d’intérêt général.
11. En effet, lorsque l’auteur des propos soutient qu’il était de bonne foi, il appartient au juge de rechercher, en premier lieu, en application de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme, si lesdits propos s’inscrivent dans un débat d’intérêt général et reposent sur une base factuelle suffisante, notions qui recouvrent celles de légitimité du but de l’information et d’enquête sérieuse, afin, en second lieu, si ces deux conditions sont réunies, d’apprécier moins strictement les critères de l’absence d’animosité personnelle et de la prudence et mesure dans l’expression.
12. Cependant, l’arrêt n’encourt pas la censure dès lors que, s’il s’est prévalu de l’excuse de bonne foi, M. [R] n’a produit aucune pièce au soutien de son argumentation permettant d’établir que les propos reposaient sur une base factuelle suffisante.
13. Dès lors, le moyen doit être écarté.
14. Par ailleurs, l’arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. [R] devra payer à M. [B] en application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille vingt-trois.