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31 juillet 2023
Cour d’appel de Basse-Terre
RG n°
22/01182
COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE
2ème CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N°358
DU 31 JUILLET 2023
N° RG 22/01182
N° Portalis DBV7-V-B7G-DQEW
Décision déférée à la cour : jugement du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre en date du 17 Novembre 2022, dans une instance enregistrée sous le n° 21/00033.
APPELANT :
Monsieur [X] [D] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 13]
Représenté par Maître Charles Nathey de la SELARL Jurinat, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BAR
INTIMEE :
S.A.R.L. Bazar des Iles, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 11]
[Adresse 7]
[Localité 12]
Représentée par Maître Louis-Raphaël Morton, de la SCP Morton & Associés, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BAR
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été appelée en chambre du conseil le 27 mars 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas Habu Groud chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Frank Robail, président de chambre,
Madame Annabelle Clédat, conseillère,
Monsieur Thomas Habu Groud, conseiller.
Les parties ont été avisées de ce que l’arrêt serait prononcé par sa disposition au greffe de la cour le 5 juin 2023. Elles ont ensuite été informées de sa prorogation à ce jour en raison de l’absence d’un greffier et de la surcharge des magistrats.
GREFFIER lors des débats et du prononcé : Mme Armélida Rayapin, greffière.
ARRÊT :
– Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
– Signé par M.Frank Robail, président de chambre et par Mme Armélida Rayapin, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
1°/ Un bail commercial a été consenti le 10 novembre 2010 (suivant acte authentique notarié) par la S.A.R.L. BAZAR DES ILES, bailleresse, au profit de la S.A.R.L. BAZAR IMPORT’S, preneur, sur des locaux sis à [Adresse 18], pour une durée de 9 ans ;
En pages 10 et 11 de cet acte, au chapitre intitulé ‘INTERVENTION DES ASSOCIES’ M. [Y], gérant de la société BAZAR IMPORT’S, s’est constitué caution solidaire de celle-ci, au profit de la bailleresse, ‘en particulier pour le paiement de tous les loyers’ ;
Par jugement du 7 octobre 2016, le tribunal mixte de commerce de POINTE-A-PITRE a ouvert une procédure de redressement judiciaire àl’égard de la société BAZAR IMPORT’S et désigné Me [Z] [H] en qualité de mandataire judiciaire; par jugement du 31 mai 2018 un plan de continuation a été arrêté par la même juridiction, cependant que par jugement du 13 février 2020, ce plan a été résolu et la liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de la débitrice, avec désignation de Me [H], cette fois, en qualité de mandataire liquidateur ;
Par acte du 12 mars 2020, la société BAZAR DES ILES a déclaré créance au passif de cette liquidation ;
Cependant, en mai 2018, le preneur avait fait assigner la bailleresse devant le président du tribunal de grande instance de POINTE-A-PITRE à l’effet de voir diminuer le montant du loyer commercial ;
Une expertise judiciaire a été ordonnée, le rapport d’expertise définitif déposé, cependant qu’en suite de la liquidation judiciaire ouverte le 13 février 2020, le mandataire liquidateur y désigné a poursuivi cette procédure de fixation du loyer commercial ;
Par jugement du 26 août 2021, le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre a :
débouté maître [Z] [H], ès qualités de mandataire liquidateur de la S.A.R.L. BAZAR IMPORT’S de sa demande d’homologation du rapport d’expertise judiciaire déposé par Mme [P] [B], épouse [R], le 3 mars 2020,
débouté maître [Z] [H], ès qualités de mandataire liquidateur de la S.A.R.L. BAZAR IMPORT’S de sa demande de modification du loyer commercial fixé par acte notarié conclu entre cette dernière et la S.A.R.L. BAZAR DES ILES le 10 novembre 2010 comme portant sur la location du local d’exploitation loué par cette dernière,
condamné maître [Z] [H], ès qualités de mandataire liquidateur de la S.A.R.L. BAZAR IMPORT’S, à payer à la S.A.R.L. BAZAR DES ILES, la somme de 1 200 euros d’indemnités de procédure en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
débouté maître [Z] [H], ès qualités de mandataire liquidateur de la S.A.R.L. BAZAR IMPORT’S, de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
condamné maître [Z] [H], ès qualités de mandataire liquidateur de la S.A.R.L. BAZAR IMPORT’S, aux dépens de l’instance, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire ordonnée par jugement du 18 avril 2019;
Appel en a été interjeté ;
2°/ Par acte d’huissier de justice du 19 mars 2021, publié à la Publicité Foncière de POINTE-A-PITRE le 11 mai 2021 sous le n° S00032 du volume 2021, la S.A.R.L. BAZAR DES ILES a poursuivi, pour avoir paiement d’une somme de 443 159,35 euros de la part de M. [X] [D] [Y], ès qualités de caution solidaire de la société en liquidation BAZAR IMPORT’S, la vente forcée des biens et droits immobiliers appartenant à ce dernier et sis à [Localité 13] (cadastrés au lieudit [Adresse 1] sous le n° [Cadastre 2] de la section AT, [Localité 15] (cadastrés au lieudit [Adresse 14] sous les n° [Cadastre 8], [Cadastre 9] et [Cadastre 10], lots 32 et 104 de la section BS) et [Localité 17] (cadastrés au lieudit [Adresse 16] sous les n° [Cadastre 3] à [Cadastre 4] et [Cadastre 5] à [Cadastre 6], lots 23 et 48 de la section AS) et ce par la signification d’un commandement de payer et aux fins de saisie immobilière en cas de non paiement de la susdite somme ;
En l’absence de règlement, ce commandement a été transcrit à la Publicité Foncière de POINTE-A-PITRE le 11 mai 2021 sous le n° 32 du volume 2021S ;
Par acte d’huissier de justice du 6 juillet 2021, la même S.A.R.L. BAZAR DES ILES a fait commandement de saisie et ainsi fait assigner M. [X] [D] [Y], ès qualités, devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de POINTE-A-PITRE à l’effet de voir fixer sa créance à l’égard de ce dernier, ès qualités de caution solidaire, à 443 159,35 euros et ordonner la vente forcée des biens et droits immobiliers appartenant à M. [Y] et sis au [Localité 15], à [Localité 13] et à [Localité 17], en réponse à quoi celui-ci avait conclu, à titre principal, à l’irrecevabilité des demandes pour prescription, à titre subsidiaire, au constat d’une créance non certaine, non liquide et non exigible et à titre infiniment subsidiaire, au sursis à statuer en l’attente de l’arrêt de la cour d’appel dans le cadre de la procédure de fixation du loyer commercial ;
Ce commandement aux fins de saisie valant assignation a été dénoncé à la S.A. BNP PARIBAS ANTILLES suivant acte du 7 juillet 2021 ;
Par jugement d’orientation contradictoire rendu le 17 novembre 2022 entre ces trois parties, le juge de l’exécution :
– a dit que la créance de la société BAZAR DES ILES n’est pas prescrite et que la procédure de saisie immobilière est recevable,
– a dit cette même procédure régulière,
– a déclaré valable le commandement de payer valant saisie délivré le 19 mars 2021,
– a sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure en cours devant la cour d’appel de BASSE-TERRE suite à l’appel interjeté contre un jugement du 26 août 2021,
– a rappelé que dans cette attente les effets des actes d’exécution sont maintenus,
– et a sursis à statuer sur les autres demandes et les dépens ;
M. [Y] a interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique (RPVA) le 22 novembre 2022, n’y intimant que la société BAZAR DES ILES, à l’exclusion de la BNP PARIBAS et y fixant ses critiques du jugement déféré aux dispositions par lesquelles le juge de l’exécution :
– a dit que la créance de la société BAZAR DES ILES n’est pas prescrite et que la procédure de saisie immobilière est ‘régulière’,
– a dit cette procédure régulière,
– a déclaré valable le commandement de payer valant saisie délivré le 19 mars 2021,
– a sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure en cours devant la cour d’appel de BASSE-TERRE suite à l’appel interjeté contre le jugement du 26 août 2021,
– a rappelé que dans cette attente les effets des actes d’exécution sont maintenus,
– et a sursis à statuer sur les autres demandes et les dépens ;
Sur autorisation du président de chambre en date du 13 décembre 2022, M. [Y], suivant acte de commissaire de justice (ex-huissier de justice) en date du 22 décembre 2022, a fait assigner la société BAZAR DES ILES à jour fixe devant cette cour pour l’audience du lundi 13 mars 2023 à 9 heures 30 ;
La société BAZAR DES ILES a constitué avocat par acte remis au greffe et notifié à l’avocat adverse par voie électronique (RPVA) le 28 décembre 2022 ;
Dès le 26 janvier 2023, ladite société a remis au greffe et notifié à l’appelant, par RPVA, des conclusions de saisine du président de chambre (dites ”incident’) aux fins de voir prononcer l’irrecevabilité de l’appel, lesquelles ont été suivies, en réponse à celles de M. [Y], de ‘conclusions d’incident n° 2″ remises et notifiées par même voie le 9 mars 2023 ; l’appelante y a répliqué par des conclusions dites d’incident remises au greffe et notifiées à l’intimée par RPVA le 3 mars 2023 ;
Le président de chambre, dans le cadre d’une procédure à jour fixe, n’ayant pas d’existence juridictionnelle lui permettant de statuer sur une telle fin de non recevoir, ces conclusions ‘d’incident’ n’ont donné lieu à aucune décision ;
L’appelant a conclu au fond en dernier lieu par acte remis au greffe et notifié à l’intimée par RPVA le 3 février 2023 ;
L’intimée a quant à elle conclu au fond pas acte remis au greffe et notifié à l’avocat adverse par RPVA le 26 janvier 2023
A l’issue de l’audience du 27 mars 2023, l’affaire a été mise en délibéré au 5 juin 2023, en suite de quoi les parties ont été avisées de la prorogation de ce délibéré à ce jour en raison de l’absence d’un greffier et des stages-congés des magistrats ;
EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES
1°/ Par ses dernières écritures au fond d’appelant, en date du 3 février 2023, M. [Y] conclut aux fins de voir, au visa des articles L 111-4, L 111-3, L 111-6 du code des procédures civiles d’exécution et 2224 du code civil :
– déclarer son appel recevable et bien fondé,
– infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
A TITRE PRINCIPAL
– constater que la créance est prescrite,
– lui opposer en conséquence une fin de non recevoir,
SUBSIDIAIREMENT, débouter la société BAZAR DES ILES de toutes ses demandes, fins et conclusions après avoir constaté que sa créance n’est ni certaine ni certaine, ni liquide, ni exigible,
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE
– surseoir à statuer en attente de la décision de la cour d’appel actuellement pendante sous le n° RG 21/01009, ainsi que celle du juge commissaire sur la fixation de sa créance,
– condamner la société BAZAR DES ILES à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux dépens ;
M. [Y] précise à ces fins en substance :
– que si l’ordonnance qui l’a autorisé à assigner à jour fixe ne date que du 13 décembre 2022 sur requête formelle du 9 décembre 2022, sa requête initiale en ce sens au président de chambre remontait au 30 novembre précédent, soit dans les délais de la loi, d’une part, et d’autre part, ladite ordonnance faisait suite à une ordonnance de rejet erronée du 2 décembre 2022 (notifiée à son conseil le 7 suivant) car fondée à tort sur les exigences de l’article 908 du code de procédure civile non applicable aux jugements d’orientation du juge de l’exécution, l’article R 322-19 du code des procédures civiles d’exécution précisant que l’appel d’un tel jugement est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe sans que l’appelant ait à se prévaloir dans sa requête d’un péril,
– que, sur la fin de non recevoir tirée de la prescription, le titre exécutoire qui fonde la créance prétendue de la société BAZAR DES ILES à son encontre date du 10 novembre 2010, alors que le commandement aux fins de saisie immobilière date du 19 mars 2021, soit au delà au délai de prescription de 10 ans fulminé par l’article L 111-4 du code des procédures civiles d’exécution,
– que la dénonciation d’une hypothèque judiciaire provisoire faite le 6 juillet 2017 et réitérée le 26 mai 2020 ne lui est pas opposable et n’a donc pu interrompre la prescription à son égard puisque ‘le cautionnement de la société BAZAR DES ILES’ qui lui vaut ces poursuites était arrivé à son terme le 9 novembre 2019 et qu’il ne pouvait être tenu que des dettes nées pendant la durée de ce cautionnement, soit entre le 10 novembre 2010 et le 9 novembre 2019,
– qu’en effet, le bail commercial ainsi cautionné a pris fin le 9 novembre 2019 et s’est ensuite renouvelé tacitement, alors même que le cautionnement, qui ne se présume pas, ne peut s’étendre, s’il ne le prévoit pas, à la période du renouvellement tacite,
– que de toute façon, depuis la réforme des prescriptions du 17 juin 2008, le commandement de payer n’est plus une cause d’interruption de prescription, si bien que le commandement dénoncé par la société BAZAR DES ILES n’a pu avoir cette portée,
– que la déclaration de créance de la société BAZAR DES ILES au passif de la procédure collective de la société BAZAR IMPORT’S en date du 12 mars 2020 ne lui est pas davantage opposable,
– et qu’enfin, BAZAR DES ILES ne justifie pas l’avoir mis en demeure ;
A titre subsidiaire sur le fond, M. [Y] prétend en substance:
– que, pour être certaine, une créance doit être fondée en son principe et, pour être liquide, elle doit être évaluée en argent ou évaluable au regard des éléments contenus au titre, cependant qu’en son commandement du 19 mars 2021 la société BAZAR DES ILES fixe sa créance à 443 159,35 euros alors même :
** qu’elle n’avait déclaré entre les mains du liquidateur que 373 604,91 euros
** que cette déclaration incluait des loyers et des taxes foncières pour 140 216,76 euros, alors qu’il n’a cautionné que le paiement des loyers,
– qu’en outre, la déclaration de créance sus-visée n’a pas encore été validée par le juge commissaire à la liquidation de BAZAR IMPORT’S, celui-ci étant en attente de l’arrêt de la cour d’appel sur l’appel du jugement du 26 août 2021,
– et qu’ainsi n’est-il par permis de tenir la créance litigieuse pour certaine, liquide et exigible, ce qui justifierait à tout le moins un sursis à statuer en l’attente de l’arrêt de la cour sur le susdit jugement et l’ordonnance du juge commissaire arrêtant l’état des créances ;
2°/ Par ses propres dernières écritures au fond remises au greffe le 26 janvier 2023, la société BAZAR DES ILES souhaite voir, au visa des articles L 311-2, L 311-4, L 311-6, L 311-7, R 322-4, R 322-5 et R 322-15 et suivants du code des procédures civiles d’exécution :
A TITRE LIMINAIRE, déclarer irrecevable l’appel interjeté par M. [X] [D] [Y],
A TITRE SUBSIDIAIRE, confirmer le jugement déféré,
EN TOUT ETAT DE CAUSE
– débouter M. [Y] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner M. [Y] à lui payer une somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;
A ces fins, elle prétend en premier lieu, sur sa fin de non recevoir :
– que l’appel de M. [Y] est irrecevable en application de l’article 919 du code de procédure civile, faute pour lui d’avoir présenté sa requête en vue d’être autorisé à assigner l’intimée à jour fixe dans le cadre de l’appel déclaré à l’encontre du jugement déféré, dans le délai de 8 jours de la déclaration d’appel,
– qu’en effet, cette déclaration a été remise au greffe le 23 novembre 2022, tandis que la requête afin d’appel à jour fixe n’a été déposée au greffe du premier président que le 9 décembre 2022 ;
S’agissant de la prescription soulevée par l’appelant, la société BAZAR DES ILES indique :
– qu’aux termes des articles 2244 et 2245 du code civil, le délai de prescription est interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d’exécution ou un acte d’exécution forcée, d’une part et, d’autre part, l’interpellation faite à l’un des débiteurs solidaires par une demande en justice ou par un acte d’exécution forcée ou la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait, interrompt le délai de prescription contre tous les autres,
– que par ailleurs, la déclaration de créance au passif de la procédure collective du débiteur principal interrompt la prescription encourue jusqu’à la clôture de ladite procédure,
– qu’en l’espèce, diverses mesures d’exécution ont été entreprises à l’égard tant de la société débitrice principale BAZAR IMPORT’S qu’à l’encontre de M. [Y], sa caution solidaire (déclarations de créance au passif du redressement puis de la liquidation judiciaire, les hypothèques judiciaires provisoires et définitives prises à l’encontre de l’une ou l’autre) ;
La société BAZAR DES ILES ajoute enfin en substance :
– que le bail commercial authentique du 10 novembre 2010 contient bel et bien, en pages 9 et 10, l’engagement de caution solidaire non équivoque de M. [Y], lequel a été paraphé et signé devant notaire,
– que l’intéressé n’a d’ailleurs jamais contesté les inscriptions d’hypothèques sur ses biens,
– qu’une créance est liquide lorsque le titre qui la fonde contient tous les éléments permettant son évaluation, ce qui est le cas de l’acte notarié sus-visé,
– qu’elle est exigible lorsque son recouvrement peut être immédiat,
– que la formulation du cautionnement de M. [Y] n’exclut pas les charges du bail autres que les loyers puisqu’il y est stipulé qu’il s’oblige ‘en particulier pour le paiement de tous les loyers’,
– que n’en est ainsi pas exclue la taxe foncière,
– et qu’ainsi, sa créance est-elle bel et bien liquide et exigible ;
***
Pour le surplus des explications de chacune des parties, il est expressément référé à leurs conclusions respectives
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur la recevabilité de l’appel
Attendu qu’il n’est pas contesté que l’appel de M. [Y] ait été formé dans les délais de la loi, l’intimée n’en contestant la recevabilité qu’au titre de l’obligation qui était faite à l’appelant, par l’article 919 du code de procédure civile et s’agissant de l’appel d’un jugement d’orientation en matière de saisie immobilière, de saisir le premier président de la cour d’appel d’une demande d’autorisation d’assigner à jour fixe, soit avant la déclaration d’appel soit, au plus tard, dans les 8 jours de celle-ci ;
Or, attendu qu’il est constant que la déclaration d’appel de M. [Y] a été régularisée au greffe de la cour par la voie électronique le 22 novembre 2022, tandis qu’il résulte des éléments du dossier que sa requête afin d’assigner à jour fixe est parvenue au greffe du premier président le 30 novembre 2022, soit dans les 8 jours de ladite déclaration; qu’en effet, en application de l’article 641 du code de procédure civile relative à la computation des délais, lorsqu’un délai est exprimé en jours, celui de l’acte, de l’évènement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas ;
Attendu que la circonstance qu’en suite d’une première ordonnance de rejet du magistrat délégué qui s’est avérée erronée quant à l’appréciation du fondement de la susdite requête, l’appelant ait été contraint d’en déposer une autre, le 9 décembre 2022, pour voir rectifier cette erreur, n’est pas de nature à annihiler la portée de sa première requête du 30 novembre précédent au regard des exigences temporelles de l’article 919 sus-rappelé, non plus d’ailleurs que la circonstance que M. [Y] avait soutenu cette première requête, notamment, du fondement erroné des articles 917 à 919 du code de procéure civile, puisqu’il appartenait au magistrat d’y substituer d’office les seules dispositions applicables, savoir celles de l’article R 322-19 du code des procédures civiles d’exécution ;
Attendu qu’il y a donc lieu de constater qu’en déposant sa requête aux fins d’autorisation d’assigner à jour fixe le 30 novembre 2023 après avoir déclaré son appel le 22 précédent, M. [Y] a parfaitement respecté les exigences des articles R 322-19 et 919 sus-rappelés et que, par suite, son appel est recevable à cet égard et la fin de non recevoir soulevée par l’intimée, infondée ; qu’il convient subséquemment de la rejeter purement et simplement ;
II- Sur la prescription de l’action de la société BAZAR DES ILES
Attendu qu’il est constant que l’action en paiement et saisie immobilière engagée par la société BAZAR DES ILES, par un commandement de payer et aux fins de saisie du 19 mars 2021, à l’encontre de M. [Y] en sa qualité de caution solidaire de la société en liquidation judiciaire BAZAR IMPORT’S, est fondée sur un titre exécutoire consistant dans l’acte authentique conclu entre ces deux sociétés le 10 novembre 2010 pardevant Me [I], notaire à [Localité 13], puisqu’il y est intervenu, en pages 9 et 10, et s’y est expressément déclaré ‘se rendre et constituer caution personnelle et solidaire du Preneur (la société BAZAR IMPORT’S dont il était le gérant) envers le bailleur (la société BAZAR DES ILES) en particulier pour le paiement de tous les loyers’ ;
Attendu que M. [Y], au constat que ce cautionnement authentique date du 10 novembre 2010 et que le susdit commandement ne lui a été délivré que le 19 mars 2021, argue de la prescription décennale des titres exécutoires fulminée par l’article L 111-4 du code des procédures civiles d’exécution et de l’absence de toute interruption par l’effet de la réitération d’une hypoythèque judiciaire provisoire le 26 mai 2020 au motif qu’à cette date son cautionnement était arrivé à son terme depuis le 9 novembre 2019 ;
Mais attendu qu’aux termes de l’article 2244 du code civil, un tel délai de prescription est interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d’exécution ou un acte d’exécution forcée ; et qu’en application de l’article 2245 du même code l’interpellation faite à l’un des débiteurs solidaires par un une demande en justice ou un tel acte d’exécution forcée, interrompt le délai de prescription contre tous les autres ;
Attendu que par ailleurs, la déclaration de créance d’un créancier au passif d’un débiteur principal qui bénéficie d’une procédure collective de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, équivaut à une demande en justice et, par suite, interrompt les délais de prescription pour agir tant à l’encontre du débiteur principal que contre la caution solidaire et cette interruption se prolonge jusqu’à la clôture de la procédure collective ;
Or, attendu qu’il est constant que la société BAZAR IMPORT’S, débitrice principale des sommes que conteste devoir M. [Y] en sa qualité de caution, a été placée en redressement judiciaire en octobre 2016 ; que s’il n’est pas justifié de la déclaration de créance de BAZAR DES ILES au passif de cette première procédure, il est établi qu’en suite du non respect du plan de continuation arrêté par jugement du 31 mai 2018 la débitrice principale a été placée en liquidation judiciaire, sur résolution de ce plan, suivant jugement du 13 février 2020, en suite de quoi BAZAR DES ILES justifie cette fois avoir déclaré sa créance entre les mains du mandataire liquidateur suivant acte dûment produit aux débats en date du 3 mars 2020 et parvenu audit mandataire le 12 suivant, soit avant l’expiration du délai de prescription décennal qui jusque là avait couru depuis le 10 novembre 2010, date du titre exécutoire dont l’exécution est ici poursuivie ; que, s’agissant d’une interruption de prescription et non point d’une simple suspension, il en résulte qu’un nouveau délai de 10 ans a commencé de courir à compter de cet acte interruptif et que, partant, à la date du commandement valant saisie immobilière du 19 mars 2019, l’action de la société BAZAR DES ILES contre M. [Y], ès qualités de caution solidaire de la société BAZAR IMPORT’S, n’était pas prescrite ;
Attendu que la fin de non recevoir soulevée par l’appelant du chef de la prescription décennale est donc infondée, si bien qu’il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a rejetée ;
III- Sur le caractère certain, liquide et exigible de la créance de la société BAZAR DES ILES
Attendu que force est de constater que les parties débattent essentiellement en appel des caractères certain, liquide et exigible d’une créance, en les contestant s’agissant de M. [Y] et, à l’inverse, en en affirmant la réalité pour la société BAZAR DES ILES, alors même que le premier n’a pas succombé sur ce thème en première instance et que le second se borne, in fine, à solliciter la confirmation sur ce point d’un jugement aux termes duquel le premier juge n’y a nullement statué ;
Attendu qu’en effet, le juge de l’exécution y a seulement en l’état décidé de surseoir à statuer en l’attente d’une décision de la cour d’appel quant à la fixation du quantum des loyers commerciaux restant dus, lesquels loyers participent de la créance litigieuse, et ce dans le cadre d’une instance engagée par la débitrice principale (dont M. [Y] est caution solidaire) en vue de voir diminuer ledit loyer ;
Attendu que, compte tenu de la part essentielle des loyers ainsi en cours de fixation dans l’entière créance revendiquée par la société bailleresse au passif de la société BAZAR IMPORT’S et subséquemment réclamée à la caution solidaire, c’est à juste titre que le premier juge a sursis à statuer quant au bien fondé de ladite créance au regard de la nécessité, pour valider la saisie en litige, d’une créance certaine, liquide et exigible;
Attendu qu’en effet, en l’état des productions des parties, si M. [Y] prétend ladite entière créance contient ‘des’ taxe’s’ foncière’s’ (le pluriel étant de lui), qui ne lui incomberaient pas en sa qualité de caution, pour 140 216,72 euros, il commet manifestement une erreur de lecture de la déclaration de créance de la société BAZAR DES ILES au passif de la liquidation judiciaire de la société BAZAR IMPORT’S en date du 3 mars 2020 (pièce 9 de son dossier) et exagère ainsi leur quantum, puisque cette déclaration de créance révèle que ces 140 216,72 euros comprennent pour l’essentiel les loyers impayés au 6 octobre 2016 et seulement la taxe foncière 2016 qui ne peut être que d’un montant dérisoire au regard desdits loyers ; que cette somme est présentée par le créancier comme étant le montant de sa créance pris en compte dans le plan de continuation arrêté au profit de la débitrice avant qu’elle ne fût liquidée ; qu’il n’est rien produit de toute façon qui permette à la cour de retenir le montant de ladite taxe, la déclaration de créance de BAZAR DES ILES au passif du redressement judiciaire dont avait bénéficié la locataire avant que d’être liquidée au constat du non paiement des échéances du plan de redressement, n’étant versée aux débats par aucune des parties ; qu’il appartiendra donc au juge de l’exécution, après que la condition du sursis à statuer aura été levée, de trancher cette question au regard des demandes qui lui seront présentées à cet égard et des pièces qui lui seront proposées à leur soutien ;
Attendu qu’il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a sursis à statuer sur le quantum de la créance due par la caution, ainsi d’ailleurs que demandé à titre subsidiaire par l’appelant et à titre principal par l’intimée ;
IV- Sur les dépens et les frais irrépétibles
Attendu que le jugement déféré est confirmé en ce qui est du sursis à statuer y prononcé, si bien qu’il sera encore confirmé en ce qui est de sa disposition par laquelle le premier juge a réservé les dépens de première instance en fin de cause ;
Attendu qu’en revanche, M. [Y] sucombe en son appel et en supportera subséquemment seul tous les dépens, ainsi que, en équité, une indemnité de 3 500 euros en réparation des frais irrépétibles d’appel qu’il a contraint la société BAZAR DES ILES à y engager ; qu’il sera corrélativement débouté de ses propres demandes de ces deux chefs ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
– Rejette la fin de non recevoir soulevée par la S.A.R.L. BAZAR DES ILES à l’encontre de l’appel formé par M. [Y] à l’encontre du jugement du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de POINTE-A-PITRE en date du 17 novembre 2023,
– Dit par suite cet appel recevable,
– Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions critiquées,
Y ajoutant,
– Déboute M. [X] [D] [Y] de ses demandes au titre des dépens et frais irrépétibles,
– Le condamne à payer à la S.A.R.L. BAZAR DES ILES une somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
Et ont signé,
La greffière Le président