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7 septembre 2023
Cour d’appel de Colmar
RG n°
20/03648
MINUTE N° 23/633
NOTIFICATION :
Copie aux parties
Clause exécutoire aux :
– avocats
– parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE – SECTION SB
ARRET DU 07 Septembre 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 20/03648 – N° Portalis DBVW-V-B7E-HOIL
Décision déférée à la Cour : 04 Novembre 2020 par le pôle social du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG
APPELANTE :
S.A.S. [7]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-christophe SCHWACH, avocat au barreau de STRASBOURG, substitué par Me FRICK, avocat au barreau de COLMAR
Désignation de la SELAS MJE en la personne de Me [X] [C] en tant que liquidateur judiciaire
INTIMEE :
URSSAF D’ALSACE
[Adresse 13]
[Localité 1]
Comparante en vertu d’un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Juin 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme HERBO, Président de chambre, et Mme GREWEY, Conseiller, chargées d’instruire l’affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme HERBO, Président de chambre
Mme GREWEY, Conseiller
M. LAETHIER, Vice-Président placé
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier
ARRET :
– réputé contradictoire
– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme HERBO, Président de chambre,
– signé par Mme HERBO, Président de chambre, et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La Sas [7] (ci-après « la société ») a fait l’objet d’un contrôle de l’application des législations de sécurité sociale, d’assurance chômage et de garantie des salaires par l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) d’Alsace portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016.
A la suite de ce contrôle, une lettre d’observations du 12 octobre 2017 a été adressée par l’URSSAF d’Alsace à la société portant sur 6 chefs de redressement.
Il en est résulté un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d’assurance chômage et d’AGS d’un montant de 26 559 euros.
Par courrier du 14 novembre 2017, la société a contesté les points n° 2, 4 et 6 de la lettre d’observations.
Par courrier du 24 novembre 2017, l’URSSAF a maintenu l’intégralité du redressement.
Le 7 décembre 2017, l’URSSAF a notifié à la société une mise en demeure portant sur un montant total de 30 819 euros, dont 26 555 euros de cotisations et 4 264 euros de majorations de retard.
Par courrier du 23 janvier 2018, la société a saisi la commission de recours amiable de l’URSSAF, qui a confirmé le bien-fondé du redressement lors de sa séance du 22 mai 2018.
Par acte introductif d’instance du 26 juillet 2018, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg, d’un recours à l’encontre de la décision de la commission de recours amiable.
Par jugement du 4 novembre 2020, notifié le 9 novembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg a :
– confirmé la décision de rejet de la commission de recours amiable de l’URSSAF d’Alsace du 22 mai 2018,
– validé le redressement opéré par l’URSSAF d’Alsace à hauteur de 26 559 euros en cotisations et contributions sociales,
– validé la mise en demeure de payer la somme de 30 819 euros,
– condamné la Sas [7] à payer à l’URSSAF d’Alsace la somme de 30 819 euros,
– débouté la Sas [7] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné cette dernière aux entiers dépens de la procédure.
La société a interjeté appel de ce jugement par déclaration d’appel du 9 décembre 2020.
Par jugement du 14 février 2022, la chambre des procédures collectives commerciales du tribunal judiciaire de Strasbourg a prononcé la liquidation judiciaire de la Sas [7] et a désigné la Selas MJE, en la personne de Maître [X] [C], en qualité de liquidateur judiciaire.
L’URSSAF a déclaré sa créance définitive à la procédure collective le 5 octobre 2022 pour un montant total de 67 012,66 euros.
L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 8 juin 2023.
Par conclusions du 28 juillet 2021, reprises oralement à l’audience, la société demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris,
– annuler le redressement litigieux concernant les points n° 2, 4 et 6 de la lettre d’observations,
– condamner l’URSSAF d’Alsace aux entiers frais et dépens ainsi qu’à la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 17 février 2023, reprises oralement à l’audience, l’URSSAF d’Alsace demande à la cour de :
– ordonner la mise en cause du liquidateur judiciaire,
– déclarer l’appel formé par la SAS [7] recevable et l’en débouter quant au fond,
– confirmer le jugement déféré,
– fixer sa créance à la somme de 26 555 euros en cotisations,
– rejeter la demande de condamnation de l’URSSAF aux entiers frais et dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeter toute autre demande de la société.
Régulièrement convoqué par lettre recommandée réceptionnée le 8 septembre 2022, Maître [X] [C], liquidateur judiciaire de la société, n’était pas présent ni représenté à l’audience.
Il est renvoyé aux conclusions précitées pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l’appel :
Interjeté dans les forme et délai légaux, l’appel est recevable.
Sur la mise en cause du liquidateur judiciaire
L’URSSAF demande à la cour d’ordonner la mise en cause du liquidateur judiciaire suite au jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 14 février 2022 prononçant la liquidation judiciaire de la Sas les cuisines de l’atelier.
Cependant, cette mise en cause a été effectuée par lettre recommandée réceptionnée le 8 septembre 2022 par Maître [X] [C], liquidateur judiciaire de la société.
Sur la prise en charge de dépenses personnelles ‘ vêtements (point n° 2 de la lettre d’observations ‘ 120 euros)
Les premiers juges ont exactement rappelé, d’une part le principe général d’assujettissement aux cotisations sociales des sommes et avantages accordés aux salariés en contrepartie ou à l’occasion du travail posé par les dispositions de l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale (la cour ajoutant cependant la référence aux articles L.136-1 et L.136-2 du même code et l’article 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 pour les contributions sociales) et, d’autre part, les modalités de la mise en ‘uvre des déductions pour frais professionnels dans les conditions et limites fixées par l’arrêté interministériel du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, auxquelles il y a lieu de se référer.
En l’espèce, l’inspecteur du recouvrement a constaté lors des opérations de contrôle que le compte « vêtements de travail » de la société fait apparaître deux achats au sein des enseignes « Babou » et « Galeries Lafayettes » en 2015 correspondant à la prise en charge par la société de chemises et de pantalons pour homme.
Considérant que ces vêtements n’entrent pas dans la catégorie des frais d’entreprise en ce qu’ils constituent des vêtements d’usage courant, ne portent pas de marque distinctive et ne restent pas la propriété de l’entreprise, l’inspecteur du recouvrement a procédé à la réintégration des montants TTC correspondant à ces achats dans l’assiette des cotisations et contributions sociales.
Si la société contrôlée, dont il convient de rappeler qu’elle est spécialisée dans la commercialisation de cuisines, a contesté le redressement opéré de ce chef au motif qu’il s’agit de vêtements décoratifs destinés à mettre en situation un dressing dans un hall d’exposition, elle ne verse, comme en première instance, aucun élément à l’appui de son affirmation.
Faute pour l’employeur de justifier de l’exonération qu’il invoque, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a validé le redressement opéré sur ce point.
Sur les frais professionnels : utilisation du véhicule personnel ‘ indemnités kilométriques (point n° 4 de la lettre d’observations ‘ 19.131 euros)
L’article 2, 2° de l’arrêté ministériel du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale dispose que lorsque l’indemnisation des frais professionnels s’effectue sur la base d’allocations forfaitaires, l’employeur est autorisé à déduire leurs montants dans les limites fixées par le présent arrêté, sous réserve de l’utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet.
Cette condition est réputée remplie lorsque les allocations sont inférieures ou égales aux montants fixés aux articles 3, 4, 5, 8 et 9 de cet arrêté.
En application de l’article 4 de l’arrêté du 20 décembre 2002 précité, lorsque le travailleur salarié ou assimilé est contraint d’utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles, l’indemnité forfaitaire kilométrique est réputée utilisée conformément à son objet dans les limites fixées par les barèmes kilométriques annuellement publiés par l’administration fiscale.
En l’espèce, il résulte de la lettre d’observations du 12 octobre 2017 que la société versait des indemnités kilométriques à M. [Y] [I], président et salarié de la société, pour un véhicule de marque Volkswagen Golf dont il est propriétaire, au titre de chacune des trois années visées par le contrôle.
L’analyse des relevés kilométriques produits lors des opérations de contrôle a révélé de nombreuses incohérences et les factures d’entretien du véhicule utilisé n’ont pas été produites, de sorte que l’inspecteur du recouvrement a réintégré les sommes allouées à titre d’indemnités kilométriques dans l’assiette des cotisations et contributions sociales.
Les premiers juges ont validé le redressement en retenant que le tableau des déplacements attribués à M. [I] n’établit pas la présence effective de l’intéressé sur les lieux et qu’aucun élément ne justifie du caractère professionnel des déplacements ayant donné lieu à indemnisation.
L’appelante conteste cette analyse et indique avoir respecté l’ensemble des règles applicables, faisant valoir que le redressement repose sur une appréciation subjective de l’inspecteur du recouvrement qui n’aurait pas pris en considération l’ensemble des éléments et explications fournis, notamment les motifs des déplacements, l’absence de frais de péage dans la mesure où M. [I] bénéficiait d’un badge autoroutier, les locations de véhicule pour les partenaires techniques, les décalages de rendez-vous ainsi que la revente du véhicule utilisé le 9 avril 2016 qui aurait rendu la récupération des éléments sollicités impossible.
Enfin, la société considère que le nombre limité d’incohérences relevées au cours des trois années contrôlées ne pouvait permettre à l’inspecteur du recouvrement de procéder à un redressement forfaitaire sur l’ensemble des indemnités kilométriques déclarées par M. [I].
En réplique, l’URSSAF relève avec pertinence que les relevés kilométriques produits par la société lors des opérations de contrôle sont incohérents.
En effet, il résulte de la lettre d’observations ‘ à laquelle il y a lieu de se référer en l’absence de production aux débats desdits relevés kilométriques ‘ que M. [I] a bénéficié d’indemnités kilométriques au titre de grands déplacements professionnels pour lesquels aucun frais de péage, de restaurant ou d’hôtel n’ont été pris en charge par la société, notamment à [Localité 11] le 1er novembre 2014, à [Localité 3] le 1er juillet 2015 ou à [Localité 12] le 15 février 2016.
A l’inverse, alors que certaines localités étaient mentionnées sur les relevés kilométriques, la société a pris en charge des frais de restauration dans d’autres localités (restaurant Maison rouge à [Localité 14] le 12 avril 2014 alors qu’un déplacement à [Localité 9] était renseigné ce jour-là, prise en charge d’un repas à [Localité 8] le 1er août 2015 alors que le relevé kilométrique mentionne un déplacement à [Localité 10]’).
Aucune preuve d’un aller-retour effectué le même jour, ni d’une quelconque présence du salarié sur les lieux indiqués n’est produite aux débats.
L’explication de la société, selon laquelle les notes de frais étaient établies annuellement, sur la base de l’agenda de rendez-vous de M. [I], ne permet pas de comprendre la discordance entre la date déclarée au titre de la prise en charge de frais de repas et celle renseignée au titre des déplacements professionnels.
De plus, il a été constaté que des déplacements mentionnés sur le relevé kilométrique coïncidaient avec des périodes où M. [I] avait loué un véhicule, ce qui a conduit l’inspecteur du recouvrement à retenir qu’il ne pouvait effectuer des déplacements avec son propre véhicule sachant qu’il était le seul salarié de l’entreprise.
La société ne démontre pas que les véhicules loués par l’entreprise n’ont pas été utilisés par M. [I], unique salarié en 2014 et en 2015, alors qu’il figure en qualité de conducteur dans les contrats de location.
En outre, les factures d’achat du véhicule Golf ainsi que les factures d’entretien et de contrôle technique n’ont, à l’exception de la dernière avant la revente, pas été produites, ce qui n’a pas permis à l’inspecteur du recouvrement de vérifier le kilométrage du véhicule ainsi que son évolution en rapport avec le kilométrage déclaré, sachant qu’à compter de novembre 2011 la société a souscrit un contrat de crédit-bail pour un véhicule de type Citroën C3 et qu’aucun élément du dossier ne permet d’exclure l’usage professionnel de ce dernier véhicule.
Au vu des nombreuses incohérences constatées sur le relevé kilométrique produit par l’employeur et de l’absence de tout élément susceptible de prouver le caractère professionnel des déplacements ayant donné lieu à une indemnisation par la société, c’est à bon droit que les premiers juges ont validé le redressement afférent au point n°4 de la lettre d’observations.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
Sur les frais professionnels non justifiés ‘ principes généraux (point n° 6 de la lettre d’observations ‘ 182 euros)
La cour se réfère aux dispositions législatives et réglementaires applicables au litige qui ont été exactement visées et reproduites par le tribunal judiciaire de Strasbourg.
Il résulte des constats de l’inspecteur du recouvrement que le compte « 62560000 ‘ Mission » de la société fait apparaître la prise en charge de frais de repas pour le compte du salarié ou du mandataire alors que ceux-ci ne se trouvent pas en situation de déplacement professionnel.
En effet, les justificatifs produits se rapportent à des repas pris à [Localité 4] ou à [Localité 5] (67), alors que les locaux de l’entreprise sont situés à [Localité 6].
L’URSSAF a procédé à la réintégration dans l’assiette des cotisations et contributions sociales des sommes prises en charge par l’entreprise à ce titre.
La société se borne à soutenir que ces frais de repas ont le caractère de frais professionnels dans la mesure où M. [I] faisait à cette occasion le point avec son salarié sur les chantiers en cours et à venir, sans toutefois justifier de ses allégations.
Dès lors, c’est à bon droit que les premiers juges ont validé le point n° 6 du redressement litigieux pour son entier montant.
En conclusion, les chefs de redressement contestés (n° 2, 4 et 6) doivent être validés et le jugement déféré confirmé.
Les autres chefs de redressement n’étant pas contestés, la mise en demeure du 7 décembre 2017 doit être validée pour son montant total de 30 819 euros dont 26 555 euros de cotisations et 4 264 euros de majorations de retard.
Sur la fixation au passif de la créance :
La société étant en liquidation judiciaire selon jugement du 14 février 2022 du tribunal judiciaire de Strasbourg, aucune condamnation ne peut être prononcée à son encontre (article L.622-22 du code de commerce).
La cour ne peut que fixer au passif de la liquidation judiciaire la créance de l’URSSAF, qui a justifié de sa déclaration de créance au titre des cotisations. Il est rappelé que l’ouverture d’une procédure collective emporte la remise des pénalités, majorations de retard et frais de poursuite dus par le cotisant à la date du jugement d’ouverture (article L.243-5 du code de la sécurité sociale).
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
Les dépens de première instance et d’appel seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,
DECLARE l’appel recevable,
CONFIRME le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg du 4 novembre 2020 sauf en ce qu’il condamné la Sas [7] à payer à l’URSSAF d’Alsace la somme de 30 819 euros,
INFIRME le jugement entrepris sur ce dernier point compte-tenu de la liquidation judiciaire de la Sas [7],
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,
FIXE la créance de l’URSSAF d’Alsace au passif de la liquidation judiciaire de la Sas [7] à la somme de 26 555 euros en cotisations et contributions sociales,
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
DIT que les dépens, de première instance et en cause d’appel, seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
Le Greffier, Le Président,