Travail dissimulé : 20 juillet 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00841

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Travail dissimulé : 20 juillet 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00841
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[O] [H]

C/

SELARL MJC2A en la personne de Maître [C] [F] ès qualités de «Mandataire ad’hoc » de la SARL «LA FRANCILIENNE»

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 20 JUILLET 2023

MINUTE N°

N° RG 21/00841 – N° Portalis DBVF-V-B7F-F25X

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DIJON, section Commerce, décision attaquée en date du 23 Novembre 2021, enregistrée sous le n°

APPELANT :

[O] [H]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Isabelle-Marie DELAVICTOIRE de la SCP GAVIGNET ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON substituée par Me Charlène NOBLET, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE :

SELARL MJC2A en la personne de Maître [C] [F] ès qualités de «Mandataire ad’hoc» de la SARL « LA FRANCILIENNE »

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Pierre TONOUKOUIN de la SELARL CAUSIDICOR, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Juin 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Olivier MANSION, Président de chambre chargé d’instruire l’affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [H] (le salarié) a été engagé le 11 mars 2019 sans contrat écrit en qualité de chauffeur livreur par la société La francilienne (l’employeur), laquelle a été dissoute le 14 mars 2020 puis radiée du RCS.

Estimant avoir subi un licenciement nul, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes qui, par jugement du 23 novembre 2021, a rejeté toutes ses demandes.

Le salarié a interjeté appel le 22 décembre 2021.

Il demande l’infirmation du jugement, au regard, à tire principal d’un licenciement nul ou, à titre subsidiaire d’une résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, le paiement des sommes de :

– 3 500 euros de dommages et intérêts pour violation des temps de pause et de repos,

– 9 127,50 euros d’indemnité pour travail dissimulé,

– 1 521,25 euros d’indemnité de préavis,

– 152,12 euros de congés payés afférents,

– 1 404,20 euros d’indemnité de congés payés,

– 15 212,50 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul ou, à titre subsidiaire, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

et réclame la délivrance sous astreinte de 50 euros par jour de retard, des bulletins de paie sur toute la période contractuelle à l’exclusion des mois de mars et avril 2019, d’un certificat de travail et de l’attestation destinée à Pôle emploi.

A titre subsidiaire, en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail :

– 44 116,25 euros de rappel de salaires pour la période d’octobre 2019 à la date de la résiliation judiciaire,

– 4 411,62 euros de congés payés afférents.

L’employeur représenté par la société MJC2A prise en la personne de Me [F] ès qualités de mandataire ad hoc (le mandataire) conclut à la confirmation du jugement.

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties échangées par RPVA les 22 mars et 11 avril 2022.

MOTIFS :

Une note en délibéré a été autorisée afin que le salarié justifie du nombre de salariés dans l’entreprise au moment de la rupture du contrat de travail.

Celui-ci a indiqué qu’il travaillait en équipe avec un autre salarié mais qu’il ignore l’effectif total.

Il a été demandé au conseil du salarié de s’adresser au mandataire sur ce point.

Aucune réponse n’a été communiquée à la cour.

Sur l’exécution du contrat de travail :

1°) Le salarié soutient que l’employeur lui faisait exécuter des journées de plus de dix heures sans pause et se reporte aux bordereaux de groupage des 21, 31 mars et 12 juin 2019 aux termes desquels aucune pause n’est prévue et alors que ces bordereaux visent comme conducteurs, notamment [O], soit le prénom du salarié.

Le mandataire se borne à soutenir que la violation des temps de pause n’est pas établie.

Il est jugé qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne que le dépassement de la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire fixée à l’article 6, sous b), de la directive 2003/88 constitue, en tant que tel, une violation de cette disposition, sans qu’il soit besoin de démontrer en outre l’existence d’un préjudice spécifique (CJUE, 14 octobre 2010, C-243/09, Fuß c. Stadt Halle, point 53), que cette directive poursuivant l’objectif de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d’un repos suffisant, le législateur de l’Union a considéré que le dépassement de la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire, en ce qu’il prive le travailleur d’un tel repos, lui cause, de ce seul fait, un préjudice dès lors qu’il est ainsi porté atteinte à sa sécurité et à sa santé (CJUE,14 octobre 2010, C-243/09, Fuß c. Stadt Halle, point 54). La Cour de justice de l’Union européenne a précisé que c’est au droit national des États membres qu’il appartient, dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité, d’une part, de déterminer si la réparation du dommage causé à un particulier par la violation des dispositions de la directive 2003/88 doit être effectuée par l’octroi de temps libre supplémentaire ou d’une indemnité financière et, d’autre part, de définir les règles portant sur le mode de calcul de cette réparation (CJUE, 25 novembre 2010, Fuß c. Stadt Halle, C-429/09, point 94).

Dès lors, le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail permet réparation.

Ici, les bordereaux produits émanent de l’employeur et vise le salarié, au moins par son prénom.

L’employeur, alors que la charge de la preuve lui incombe, n’apporte aucun élément sur le décompte de la durée de travail, notamment sur les trois jours visés par ces bordereaux.

Il en résulte un dépassement de la durée maximale journalière de travail et une absence de prise de pause.

Le préjudice subi par le salarié entraîne indemnisation fixée à 500 euros et l’infirmation du jugement sur ce point.

2°) En application de l’article L. 8221-5 du code du travail, il incombe au salarié qui demande l’application des dispositions de l’article L. 8223-1 du même code, de démontrer que l’employeur s’est intentionnellement soustrait aux obligations rappelées à l’article L. 8221-5.

En l’espèce, le salarié indique que l’employeur s’est abstenu de délivrer des bulletins de paie et soutient qu’il a commencé à travailler avant la date officielle d’embauche et sans que l’employeur n’ait déclaré les salaires versés.

Toutefois, le salarié produit deux bulletins de paie de mars et avril 2019, ce qui démontre que l’employeur a, au moins partiellement, délivré les documents dus et correspondant au travail effectué.

Par ailleurs, l’intention de dissimulation ne résulte pas de la seule absence de contrat écrit, dès lors qu’un contrat de travail verbal est valide, ou encore du défaut de réponse à l’inspection du travail.

Enfin, l’intention requise par la loi n’est pas démontrée pour le surplus, de sorte que la demande d’indemnité sera rejetée.

Sur la rupture du contrat de travail :

1°) Le salarié invoque la nullité de son licenciement dès lors qu’il était en arrêt de travail au moment de la rupture du contrat, après un accident du travail survenu le 12 juin 2019 et ayant justifié un arrêt de travail jusqu’au 16 octobre 2019.

Il est établi qu’après son arrêt de travail, le salarié a adressé à l’employeur une lettre recommandée datée du 4 novembre 2019 lui rappelant qu’il ne pouvait être licencié sans motif, devant le refus de l’employeur de le reprendre à son service.

L’inspection du travail lui avait écrit dans ce sens dès le 22 octobre 2019.

Par ailleurs, les certificats médicaux relatifs à l’accident du travail ont été dressés du 13 juin au 16 octobre 2019 et l’employeur ne soutient pas ne pas les avoir reçus.

En application de l’article L. 1226-13 du code du travail, la rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions de l’article L. 1226-9 du même code, lequel vise la possibilité de rompre le contrat de travail uniquement pour faute grave ou pour une impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident du travail, est nul.

Ici, la rupture du contrat est intervenue le 17 octobre 2019, soit après la période de suspension du contrat de travail, puisque, selon le salarié, l’employeur n’a plus voulu le reprendre à son service lors de son retour dans l’entreprise, soit le 17 octobre 2019.

La rupture du contrat de travail est donc intervenue en dehors de l’hypothèse prévue à l’article L. 1226-9 précité, de sorte que la nullité ne peut être prononcée.

2°) Le salarié forme, à hauteur d’appel, une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, laquelle est recevable.

Le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en démontrant que l’employeur est à l’origine de manquements suffisamment graves dans l’exécution de ses obligations contractuelles de telle sorte que ces manquements ne permettent pas la poursuite du contrat de travail.

Si la résiliation est prononcée, elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Si le contrat de travail n’a pas été rompu avant cette date, la prise d’effet de la résiliation judiciaire intervient à la date de la décision la prononçant à condition que le salarié soit toujours au service de l’employeur. A défaut, c’est à cette date que la résiliation produira effet.

Ici, le salarié invoque une absence de fourniture de travail et une privation de rémunération.

Il a été retenu que l’employeur n’a pas fourni de travail au salarié lors de son retour d’arrêt de travail pour cause de maladie, de sorte que la résiliation judiciaire du contrat doit être prononcée.

Cette résiliation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et prend effet au 17 octobre 2019, le salarié ne démontrant pas être resté au service de l’employeur après cette date qu’il retient, dans ses conclusions page 7, comme étant celle de la rupture du contrat de travail par l’employeur.

3°) Le salarié est fondé à voir ses créances fixées au passif de la liquidation judiciaire de l’employeur pour les sommes demandées au titre de l’indemnité de préavis et des congés payés afférents.

Il est réclamé une indemnité de congés payés sur laquelle le salarié n’apporte aucune explication et qui n’est afférente à aucune autre créance.

Cette demande sera donc rejetée.

Au regard d’une ancienneté de moins d’une année, d’un salaire mensuel de référence de 1 521,25 euros et du barème prévu à l’article L. 1235-3 du code du travail, l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est sans objet (moins de 11 salariés).

4°) En conséquence de la résiliation du contrat de travail, le salarié demande un rappel de salaire d’octobre 2019 à la date de résiliation.

Toutefois, cette résiliation produisant ses effets au 17 octobre 2019, cette demande devient sans objet.

Sur les autres demandes :

1°) Le mandataire remettra, sans astreinte, au salarié les documents ci-après listés.

2°) Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne le mandataire à payer au salarié la somme de 1 500 euros.

Le mandataire supportera les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :

– Confirme le jugement du 23 novembre 2021 sauf en ce qu’il rejette les demandes de M. [H] en paiement de dommages et intérêts pour non-respect du temps de pause et en ce qu’il statue sur les dépens ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

– Fixe au passif de la liquidation amiable de la société La francilienne la créance suivante de M. [H] :

* 500 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale du temps de travail ;

Y ajoutant :

– Prononce la résiliation du contrat de travail liant M. [H] à la société La francilienne, avec effet au 17 octobre 2019 ;

– Fixe au passif de la liquidation amiable de la société La francilienne la créance suivante de M. [H] :

* 1 521,25 euros d’indemnité de préavis,

* 152,12 euros de congés payés afférents ;

– Dit que la société MJC2A prise en la personne de Me [F] ès qualités de mandataire ad hoc de la société La francilienne remettra, sans astreinte, à M. [H] les bulletins de paie de mai à octobre 2019, un certificat de travail et l’attestation destinée à Pôle emploi conformes au présent arrêt ;

– Rejette les autres demandes ;

– Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société MJC2A prise en la personne de Me [F] ès qualités de mandataire ad hoc de la société La francilienne à payer à M. [H] la somme de 1 500 euros ;

– Condamne la société MJC2A prise en la personne de Me [F] ès qualités de mandataire ad hoc de la société La francilienne aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier Le président

Frédérique FLORENTIN Olivier MANSION

 


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