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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 21 JUILLET 2023
N° 2023/252
Rôle N° RG 20/02603 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFUBY
[C] [K]
C/
S.A.S. SOFITER (SOCIETE FINANCIERE DE TERRASSEMENT)
Copie exécutoire délivrée
le :
21 JUILLET 2023
à :
Me Nadia DJENNAD, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Nicolas DRUJON D’ASTROS, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
+ 1 copie Pôle-Emploi
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Marseille en date du 11 Février 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00388.
APPELANT
Monsieur [C] [K], demeurant [Adresse 3] – [Localité 1]
représenté par Me Nadia DJENNAD, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
S.A.S. SOFITER (SOCIETE FINANCIERE DE TERRASSEMENT) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 4] – [Localité 2]
représentée par Me Nicolas DRUJON D’ASTROS, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Juillet 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Juillet 2023,
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Monsieur [C] [K] a été embauché en qualité de foreur mineur le 4 juillet 1995 par la SOCIETE FINANCIERE DE TERRASSEMENT (SOFITER).
Il a été par la suite promu au poste de chef de chantier et percevait en dernier lieu un salaire mensuel brut moyen de 2615,40 euros.
Le 26 novembre 2013, Monsieur [K] a été en arrêt de travail pour des lombalgies chroniques. À compter de cette date, il a été à plusieurs reprises en arrêt de travail. Il a été reconnu travailleur handicapé le 9 septembre 2014 par la MDPH.
Monsieur [K] a sollicité auprès de la CPAM la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie (sciatique par hernie discale L4-L5 avec atteinte articulaire de topographie en constante), ce qui lui a été refusé par la Caisse le 28 mars 2014. Suite au recours exercé par Monsieur [K], le Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale a, par décision du 4 septembre 2018, reconnu le caractère professionnel de la maladie du salarié.
Une rupture conventionnelle a été signée le 23 octobre 2015 par les parties.
Contestant la validité de la rupture de son contrat de travail et réclamant le paiement d’indemnités de rupture, Monsieur [C] [K] a saisi la juridiction prud’homale par requête du 15 février 2016. L’affaire a été radiée le 27 février 2017, puis a été réenrôlée le 27 février 2019.
Par jugement du 11 février 2020, le conseil de prud’hommes de Marseille a :
-constaté que la rupture conventionnelle conclue entre la SASU FINANCIERE DE TERRASSEMENT (SOFITER) et Monsieur [K] est régulière,
-débouté Monsieur [C] [K] de sa demande pour non-respect de la procédure de licenciement, de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis, des indemnités de congés payés, de l’indemnité spéciale de licenciement, de sa demande à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-débouté Monsieur [C] [K] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-débouté la SASU FINANCIERE DE TERRASSEMENT (SOFITER) de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
-condamné Monsieur [C] [K] aux entiers dépens.
Ayant relevé appel, Monsieur [C] [K] demande à la Cour, aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 2 juin 2020, de :
RECEVOIR Monsieur [K] en son appel et le dire bien-fondé,
INFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Marseille le 11 février 2020 en ce qu’il a :
– Débouté le salarié de requalification de la rupture du contrat ainsi intervenue en un licenciement nul,
– Débouté le salarié des demandes indemnitaires suivantes :
– 2615,40 euros nets pour non-respect de la procédure de licenciement,
– 7466,52 euros nets au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 746 euros nets au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,
– 29’684,79 euros nets à titre d’indemnité spéciale de licenciement,
– 80’000 euros nets à titre de dommages-intérêts licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– Débouté le salarié de sa demande de condamnation sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 10e jour suivant la notification de la décision, de l’employeur à remettre au salarié ses documents de fin de contrat rectifiés,
– Débouté le salarié de sa demande de condamnation de l’employeur à rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées dans la limite de 6 mois,
– Débouté le salarié de sa demande visant à dire que toute condamnation portera intérêts de droit au taux légal à compter de la demande en justice, outre capitalisation annuelle des intérêts échus depuis une année (art. 1154 Code civil),
– Débouté le salarié de sa demande de condamnation de l’employeur au paiement de la somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conséquent et statuant à nouveau
FIXER le salaire moyen à la somme de 2615,40 euros
CONSTATER que le salarié bénéficie de la législation sur la protection et accidentée du travail,
CONSTATER que le consentement du salarié a été vicié
DIRE ET JUGER que la rupture du contrat de travail est nulle
CONDAMNER la société SOFITER à payer au salarié les sommes suivantes :
– 2615,40 euros nets pour non respect la procédure de licenciement
– 7466,52 euros nets au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 746 euros nets au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,
– 29’684,79 euros nets à titre d’indemnité spéciale de licenciement,
– 80’000 euros nets à titre de dommages-intérêts licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNER, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 10e jour suivant la notification de la décision, l’employeur à remettre au salarié ses documents de fin de contrat rectifiés,
CONDAMNER l’employeur à rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées dans la limite de 6 mois,
DIRE que toute condamnation portera intérêts de droit au taux légal à compter de la demande en justice, outre capitalisation annuelle des intérêts échus depuis une année (art. 1154 Code civil),
CONDAMNER l’employeur au paiement de la somme de 5000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
La SAS SOFITER demande à la Cour, aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 5 décembre 2022, de :
A TITRE PRINCIPAL
CONSTATER que la rupture conventionnelle conclue entre la société SOFITER et Monsieur [K] est régulière,
CONSTATER que le consentement de Monsieur [K] n’a aucunement été vicié ou fait l’objet d’une fraude,
CONSTATER que Monsieur [K] n’a jamais fait l’objet d’un avis d’inaptitude,
En conséquence,
CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Marseille le 11 février 2020,
DÉBOUTER Monsieur [K] de l’intégralité de ses demandes au titre de la procédure de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, du reliquat d’indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
A TITRE SUBSIDIAIRE
Si, par extraordinaire, la Cour venait à réformer le jugement entrepris et à prononcer la nullité de la rupture conventionnelle, objet du présent litige, il conviendrait alors de LIMITER l’éventuelle indemnisation octroyée à Monsieur [K] aux sommes suivantes :
– Indemnité pour procédure irrégulière : 1 euro symbolique,
– Indemnité de licenciement : le débouter,
– Indemnité compensatrice de préavis : 7466,52 euros ainsi que 7466,65 euros au titre des CP,
– Dommages et intérêts : 1 euro compte tenu de l’absence de preuve de toute préjudice,
– Reconventionnellement, condamner Monsieur [K] à rembourser la somme de 30’000 euro perçue au titre de la rupture conventionnelle qui serait annulée.
EN TOUT ETAT DE CAUSE
DÉBOUTER Monsieur [K] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNER Monsieur [K] à verser à la société SOFITER la somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Le CONDAMNER aux entiers dépens de première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés par la SELARL DU PAR CET ASSOCIES, représentée par Maître Pierrick BECHE, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée par ordonnance du 13 avril 2023, notifiée aux parties le 13 avril 2023 à 16h34.
Le conseil de Monsieur [C] [K] a notifié des conclusions d’appel n° 2 par RPVA le 13 avril 2023 à 19h19, maintenant ses précédentes prétentions.
Le conseil de la SAS SOFITER a notifié des conclusions d’intimé n° 2 par RPVA le 2 mai 2023, sollicitant la révocation de l’ordonnance de clôture prononcée le 13 avril 2023 aux fins de voir admettre ses conclusions et, à défaut, à ce que soient écartées les conclusions communiquées le 13 avril 2023 dans les intérêts de Monsieur [K].
Le conseil de Monsieur [C] [K] a notifié des conclusions d’appel n° 3 par RPVA le 9 mai 2023 et communiqué de nouvelles pièces numéros 17 à 19.
SUR CE :
Sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture :
Il convient d’observer que Monsieur [C] [K] ne sollicite pas, dans ses conclusions d’appel numéros 2 et 3 la révocation de l’ordonnance de clôture en date du 13 avril 2023 (notifiée à 16h34).
La SAS SOFITER sollicite la révocation de l’ordonnance de clôture aux fins de voir admettre ses conclusions n° 2 notifiées le 2 mai 2023, au motif qu’elle n’a pas été en mesure d’étudier les nouvelles conclusions du 13 avril 2023 de l’appelant et d’y répondre dans le respect du principe du contradictoire et, à titre subsidiaire, à ce que soit écartées des débats les conclusions déposées le 13 avril 2023.
Maître Nadia DJENNAD, dans son message adressé à la Cour le 9 mai 2023, indique ne pas avoir été en capacité de conclure dans un délai raisonnable en raison d’un arrêt de travail pour grossesse pathologique (du 1er septembre au 16 novembre 2022) puis d’un congé maternité jusqu’au 26 mars 2023 (selon justificatifs produits).
Toutefois, la Cour constate que les conclusions d’intimée notifiées le 5 décembre 2022 ne comportent aucune modification par rapport aux précédentes conclusions de la SAS SOFITER notifiées le 30 juillet 2020, à l’exception d’une modification concernant l’en-tête des conclusions (avocat plaidant : la SARL PBY AVOCATS représentée par Maître Pierrick BECHE, au lieu de la SELARL du PARC représentée par Maître Pierrick).
En conséquence, suite aux conclusions de l’intimée en date du 30 juillet 2020, Monsieur [C] [K] avait le temps d’y répondre avant l’arrêt de travail de son conseil à partir du 1er septembre 2022.
De même, le conseil de Monsieur [C] [K] disposait d’un délai de 18 jours, postérieurement à la fin de son arrêt de travail, entre le 27 mars 2023 et le 13 avril 2023, pour déposer de nouvelles conclusions antérieurement à l’ordonnance de clôture du 13 avril 2023 notifiée aux parties à 16h34.
Or, il n’a déposé ses conclusions d’appelant n° 2 que postérieurement à l’ordonnance de clôture, le 13 avril 2023 à 19h19.
Il n’est justifié d’aucune cause grave qui se serait révélée postérieurement à la clôture, en sorte que l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée en vertu de l’article 803 du code de procédure civile.
La Cour rejette la demande de la SAS SOFITER de révocation de l’ordonnance de clôture.
En conséquence, la Cour écarte les conclusions de l’appelant numéros 2 et 3 notifiées postérieurement à l’ordonnance de clôture, ainsi que les pièces nouvelles 17 à 19 communiquées le 9 mai 2023 par l’appelant, postérieurement à l’ordonnance de clôture, conclusions et pièces qui sont irrecevables. De même sont écartées les conclusions irrecevables n° 2 notifiées le 2 mai 2023 par la société intimée, postérieurement à l’ordonnance de clôture, à l’exception de la demande présentée à titre liminaire de révocation de l’ordonnance de clôture.
Sur la validité de la rupture conventionnelle :
Monsieur [C] [K] soutient que la rupture conventionnelle doit être annulée dès lors que son consentement a été vicié et que le recours à une telle procédure n’a été dicté que par la seule volonté de l’employeur de s’affranchir de son obligation de reclassement ; que la Cour de cassation exclut la possibilité de conclure une rupture conventionnelle en cas d’inaptitude ; que la chronologie des faits démontre que la décision de l’employeur de mettre en place une procédure rapide de rupture conventionnelle faisait suite à l’imminence d’une visite médicale auprès de la médecine du travail en novembre 2015, qui allait indiscutablement conduire au constat de l’inaptitude physique du salarié ; que le jour même de la visite médicale de reprise du 23 octobre 2015, Monsieur [K] a été sommé par l’employeur de se présenter de toute urgence dans le bureau de son responsable ; qu’au cours de cet entretien, il lui a été remis pour signature une convocation à entretien antidatée au 12 octobre 2015, ainsi que la deuxième page d’un formulaire de rupture conventionnelle datée au 23 octobre 2015 ; qu’il s’agissait pour l’employeur de mettre un terme au contrat avant que ne puisse être prononcée l’inaptitude physique du salarié à son emploi et de contourner son obligation de reclassement ; qu’au regard de ce qui précède, il conviendra de prononcer la nullité de la rupture conventionnelle en raison du fait que l’inaptitude du salarié était en passe d’être déclarée.
Monsieur [K] fait valoir qu’aucune convocation à un entretien du 6 octobre 2015 n’a été adressée au salarié ; que la réalité de la tenue de cet entretien ne résiste d’ailleurs pas à l’analyse, dès lors que Monsieur [K] était en arrêt de travail à cette date et qu’il ne pouvait se présenter à un tel entretien ; que le salarié n’a jamais été destinataire de la moindre convocation à entretien le 12 octobre 2015, comme soutenu fallacieusement par l’employeur, et pour cause puisqu’il était arrêté pour maladie à cette date, de sorte qu’il lui était matériellement impossible de récupérer ledit courrier en main propre à la date indiquée ; qu’aucune convocation n’a été adressée au salarié pour le prétendu entretien du 23 octobre 2015, à 10h30, alors qu’il était justement en examen médical auprès de la médecine du travail durant ce laps de temps (fin du rendez-vous à 10h20, ce qui compte tenu de la distance entre le local médical et le lieu de travail – 35 minutes minimum en voiture – rendait impossible au salarié d’être présent à l’heure revendiquée par l’employeur) ; qu’en réalité, Monsieur [K] a été expressément « convié » le 23 octobre 2015 par son employeur à se rendre sur son lieu de travail à l’issue du rendez-vous chez la médecine du travail ; que c’est lors de cet entretien informel que la société SOFITER lui a imposé la signature d’une convocation antidatée au 12 octobre 2015, ainsi que la signature de la deuxième page d’une convention de rupture conventionnelle datée au 23 octobre 2015 ; qu’aucun exemplaire ne lui a été remis lors de cet entretien ; qu’en l’état de l’absence de remise d’un exemplaire de la convention de rupture, celle-ci doit être déclarée nulle.
Enfin, Monsieur [K] fait valoir que l’exemplaire de la rupture conventionnelle communiqué par l’employeur indiquait comme date de rupture du contrat de travail le 4 décembre 2015, alors que l’homologation était acquise le 5 décembre 2015 et que la rupture du contrat de travail ne pouvait intervenir qu’à compter du lendemain de l’homologation ; que la rupture du contrat de travail prononcée antérieurement à l’homologation tacite de la rupture conventionnelle doit être annulée.
La SAS SOFITER réplique que Monsieur [K] n’était aucunement « en passe d’être déclaré inapte » comme il le prétend ; qu’il a été déclaré apte avec réserve par le médecin du travail le 22 mai 2015 et le 23 octobre 2015 ; que le médecin du travail, dans son dernier avis, prévoyait uniquement de revoir le salarié dans le cadre d’une visite périodique ; que la Cour de cassation s’est prononcée sur la validité d’une rupture conventionnelle conclue entre un salarié apte avec réserves et son employeur, et également sur la validité d’une rupture conventionnelle entre un salarié inapte pour des raisons professionnelles à son poste de travail et son employeur ; qu’à défaut pour Monsieur [K] de rapporter la preuve d’un vice de consentement ou d’une fraude, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a constaté que la rupture conventionnelle conclue entre les parties était régulière et en ce qu’il a débouté Monsieur [K] de ses demandes.
La SAS SOFITER soutient que la Cour de cassation a validé implicitement l’absence de nullité de la rupture conventionnelle pour un salarié qui prétendait ne pas avoir reçu d’exemplaire de la rupture conventionnelle, alors que le document a été effectué en plusieurs exemplaires, et qu’en tout état de cause, il n’avait jamais contesté avoir reçu un exemplaire avant la saisine du conseil de prud’hommes (Cass. soc. 09 mai 2019 n° 17-28.767) ; que Monsieur [K] ne peut invoquer au soutien de la nullité d’une rupture conventionnelle le défaut de remise d’un exemplaire de la rupture conventionnelle alors que ce dernier ne s’en était jamais prévalu avant de saisir le conseil de prud’hommes ; qu’il convient de confirmer le jugement de ce chef.
La SAS SOFITER fait valoir que la demande d’homologation de la rupture conventionnelle a été reçue par les services de la DIRECCTE le 17 novembre 2015 ; que le délai d’instruction commençait à courir le 18 novembre 2015 et expirait le 4 décembre à minuit ; que si la rupture du contrat de travail du salarié était effective au 5 décembre 2015, le dernier jour travaillé et payé était bien le 4 décembre 2015, raison pour laquelle les documents de fin de contrat ont été datés et établis le 4 décembre 2015 ; que la rupture conventionnelle signée par les parties est tout à fait régulière et qu’il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [K] de l’intégralité de ses prétentions.
***
Monsieur [C] [K] a été en arrêt de travail pour maladie à partir du 24 août 2015 jusqu’au 21 octobre 2015.
Dans le cadre de la visite médicale de reprise du 23 octobre 2015, le médecin du travail a déclaré le salarié « Apte S/Réserve port d’une protection antibruit.
Aménagement d’un poste évitant la manutention lourde et répétée, et les contraintes rachidiennes, est à favoriser
A revoir dans 1 mois pour refaire le point
sollicitation du Sameth si besoin ».
Si le médecin du travail avait adressé au médecin conseil de la Sécurité Sociale un courrier le 2 juillet 2014, après une visite de pré reprise, indiquant que « l’état de santé de ce salarié est actuellement encore incompatible avec une reprise à son poste de travail. Il n’existe a priori à ma connaissance aucune possibilité d’aménagement de son poste ou de mutation sur un poste compatible avec son état de santé actuel’ », de même qu’il écrivait le 2 juillet 2014 à Monsieur [C] [K] que son état de santé « va entraîner à terme une inaptitude à son poste de travail», il n’en reste pas moins que le médecin du travail a déclaré le salarié « Apte S/Réserve port d’une protection antibruit. A revoir à nouveau à 6 mois » le 22 mai 2015 et l’a à nouveau déclaré apte avec réserves le 23 octobre 2015. Si le médecin du travail avait prévu de revoir Monsieur [K] en novembre 2015 et avait contacté l’employeur, lors de la consultation du 23 octobre 2015, « pour lui faire part de (ses) conclusion et recommandations » (courrier du 24 février 2016 du médecin du travail – pièce 9 versée par le salarié), il ne peut pour autant en être déduit que le salarié allait être déclaré inapte par le médecin du travail lors de la prochaine visite médicale, tel que soutenu par l’appelant.
En tout état, une rupture conventionnelle peut être conclue avec un salarié déclaré apte avec réserves.
La SAS SOFITER produit un courrier daté du 12 octobre 2015, remis en main propre et signé par Monsieur [C] [K], indiquant que les parties s’étaient mises d’accord sur le principe de la signature d’une rupture conventionnelle et invitant le salarié à un entretien le vendredi 23 octobre 2015 à 10h30. Elle produit également un formulaire Cerfa de rupture conventionnelle d’un contrat de travail signé le 23 octobre 2015 par Monsieur [C] [K], ayant écrit “Lu et approuvé” avant sa signature. Il est mentionné dans la convention de rupture un premier entretien à la date du 6 octobre 2015 et un deuxième entretien à la date du 23 octobre 2015, la date de fin du délai de rétractation le 6 novembre 2015, la date envisagée de la rupture du contrat de travail le 4 décembre 2015 et le montant brut de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle de 30’000 euros.
Il ne résulte pas des éléments versés par l’employeur que la convention de rupture ait été établie en deux exemplaires et qu’un exemplaire ait été remis à Monsieur [K].
Or, il résulte des articles L.1237-11 et L.1237-14 du code du travail que la remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié est nécessaire à la fois pour qu’il puisse, comme l’employeur, demander l’homologation de la convention et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en toute connaissance de cause. En cas de contestation, il appartient à celui qui invoque cette remise d’en rapporter la preuve.
À défaut pour l’employeur de justifier de la remise d’un exemplaire de la convention de rupture à Monsieur [K], il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle. La Cour constate que la rupture conventionnelle signée le 23 octobre 2015 par les parties est nulle, en sorte que la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et emporte obligation à restitution des sommes perçues en exécution de cette convention.
Sur les demandes indemnitaires formulées au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Sur l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement
L’indemnité sollicitée par Monsieur [K] au titre d’une irrégularité de la procédure de licenciement ne se cumule pas avec l’indemnité due au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence, la Cour confirme le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [K] de sa demande d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement.
Sur l’indemnité de licenciement
Monsieur [K] fait valoir que l’indemnité conventionnelle de licenciement qui lui est due s’élève à 14’842,40 euros, en application de l’article 8.5 de la Convention collective nationale des Entreprises du BTP ; qu’il est constant qu’en imposant au salarié la signature d’une rupture conventionnelle dans un contexte où son inaptitude d’origine professionnelle allait être reconnue, l’employeur a privé le salarié du bénéfice de l’indemnité spéciale de licenciement visée à l’article L.1226-14 alinéa 5 du code du travail ; que dès lors, Monsieur [K] aurait dû bénéficier, dans le cadre de la rupture de son contrat de travail, d’une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l’indemnité prévue par l’article L.1234-9 du code du travail et qu’il est fondé à solliciter la condamnation de l’employeur au paiement de la somme de 29’684,79 euros au titre de l’indemnité spéciale de licenciement.
La SAS SOFITER réplique que Monsieur [K] n’a jamais été déclaré inapte et qu’il n’y a donc nullement lieu de faire application des dispositions relatives au doublement de l’indemnité de licenciement pour inaptitude ; qu’en tout état de cause, les dispositions du code du travail sont autonomes par rapport au droit de la sécurité sociale et il appartient aux juges du fond de rechercher eux-mêmes l’existence du lien de causalité entre l’origine professionnelle de l’affection et l’activité du salarié ; que la demande de Monsieur [K] n’a aucun sens, faute pour lui d’avoir était déclaré inapte et d’établir le lien de causalité entre l’origine de sa maladie et son inaptitude, et pour cause faute d’inaptitude, et qu’il convient de débouter Monsieur [K] de sa demande à titre d’indemnité spéciale de licenciement.
***
Outre que l’indemnité spéciale de licenciement, prévue par l’article L.1226-14 du code du travail, est égale au double de l’indemnité légale de licenciement et non au double de l’indemnité conventionnelle de licenciement, l’indemnité spéciale n’est due qu’en cas de déclaration d’inaptitude du salarié consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle et en cas de licenciement prononcé en raison de l’impossibilité de reclassement du salarié déclaré inapte à son poste par le médecin du travail. En l’espèce, Monsieur [K] a été déclaré apte à son poste par le médecin du travail le 23 octobre 2015 et il ne peut donc prétendre au règlement de l’indemnité spéciale de licenciement.
La Cour accorde à Monsieur [C] [K] la somme de 14’842,40 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, dont le calcul du montant n’est pas discuté.
Sur l’indemnité compensatrice de préavis
Monsieur [C] [K] réclame le paiement d’une somme de 7466,52 euros correspondant à trois mois de préavis, outre les congés payés afférents, en application de l’article 8.1 de la convention collective et également en application de l’article L.5213-9 du code du travail.
La SAS SOFITER fait valoir que l’indemnité compensatrice de préavis sollicitée par le salarié alors que la rupture du contrat de travail est intervenue par le biais d’une rupture conventionnelle régulière n’est pas due.
***
Monsieur [C] [K], bénéficiant du statut d’agent de maîtrise selon les bulletins de paie versés aux débats et d’une ancienneté supérieure à 15 ans dans l’entreprise, n’était toutefois pas âgé de 55 ans à la date de l’expiration du préavis, effectué ou non, étant né le 7 janvier 1966 et la rupture du contrat de travail étant intervenue le 4 décembre 2015 – il était alors âgé de 50 ans. Il ne peut donc solliciter l’indemnité compensatrice de préavis de 3 mois prévue par l’article 8.1 de la convention collective.
Toutefois, Monsieur [K] justifie de la décision de la MDPH des Bouches-du-Rhône en date du 2 septembre 2014 lui ayant reconnu le statut de travailleur handicapé à compter du 2 septembre 2014 jusqu’au 2 septembre 2017 (pièce 6 versée par le salarié).
Il a donc droit, en application de l’article L.5213-9 du code du travail, à une indemnité compensatrice de préavis doublée, sans toutefois que la durée du préavis puisse excéder 3 mois.
En conséquence, la Cour accorde à Monsieur [C] [K] la somme brute de 7466,52 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis correspondant à 3 mois et dont le calcul du montant n’est pas discuté par l’employeur, ainsi que la somme brute de 746 euros au titre des congés payés y afférents.
Sur les dommages et intérêts
Monsieur [C] [K] fait valoir qu’au vu de son ancienneté de plus de 20 ans dans l’entreprise, de son âge et de l’absence d’emploi retrouvé, il est en droit de réclamer la somme de 80’000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La SAS SOFITER fait valoir que Monsieur [K] ne justifie pas de son préjudice, que la demande du salarié est infondée et qu’il conviendra de réduire les sommes pouvant être allouées à Monsieur [K] à l’euro symbolique tout au plus.
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Monsieur [C] [K] ne verse aucun élément sur l’évolution de sa situation professionnelle et sur ses ressources.
En considération de son ancienneté de 20 ans dans l’entreprise occupant plus de 10 salariés, de son âge et de son salaire mensuel brut, la Cour accorde à Monsieur [C] [K] la somme brute de 30’000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article L.1235-3 dans sa version applicable au présent litige.
Sur le remboursement de l’indemnité de rupture conventionnelle :
La rupture conventionnelle ayant été jugée nulle, il convient d’ordonner la restitution par Monsieur [C] [K] des sommes perçues en exécution de la convention de rupture, soit la somme brute de 30’000 euros.
Sur la remise des documents sociaux :
Il convient d’ordonner la remise par la SAS SOFITER d’un bulletin de paie récapitulatif et d’une attestation Pôle emploi rectifiée en conformité avec le présent arrêt, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette condamnation d’une astreinte.
Sur le remboursement des indemnités de chômage :
Il convient d’ordonner d’office, en application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par l’employeur fautif au Pôle emploi PACA des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limité de six mois d’indemnités.
Sur l’article 700 du code de procédure civile :
Il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,
Rejette la demande de la SAS SOFITER de révocation de l’ordonnance de clôture,
Déclare irrecevables les conclusions numéros 2 et 3 de l’appelant ainsi que ses pièces 17 à 19 et les conclusions n° 2 de l’intimée, notifiées postérieurement à l’ordonnance de clôture du 13 avril 2023,
Infirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté Monsieur [C] [K] de sa demande en paiement d’une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
Statuant à nouveau sur les points infirmés,
Dit que la rupture conventionnelle conclue entre les parties est nulle et qu’elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la SAS SOCIETE FINANCIERE DE TERRASSEMENT (SOFITER) à payer à Monsieur [C] [K] les sommes suivantes :
– 7466,52 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 746 euros brut au titre des congés payés sur préavis,
– 14’842,40 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 30’000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Ordonne la restitution par Monsieur [C] [K] à la SAS SOFITER de la somme brute de 30’000 euros à titre d’indemnité de rupture conventionnelle,
Ordonner la remise par la SAS SOFITER d’un bulletin de paie récapitulatif et de l’attestation Pôle emploi rectifiée en conformité avec le présent arrêt,
Dit que les sommes allouées de nature salariale produiront des intérêts au taux légal à compter de la citation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes, soit à compter du 17 février 2016, et que les sommes allouées de nature indemnitaire produiront des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Ordonne la capitalisation des intérêts échus et dus pour plus d’une année, conformément aux dispositions légales,
Ordonne le remboursement par la SAS SOFITER au Pôle emploi PACA des indemnités de chômage versées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d’indemnités de chômage, en vertu de l’article L.1235-4 du code du travail,
Condamne la SAS SOFITER aux dépens de première instance d’appel et à payer à Monsieur [C] [K] 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe de la Cour au Pôle Emploi PACA.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction