Atteinte au droit à l’image du salarié : le préjudice est automatique
Atteinte au droit à l’image du salarié : le préjudice est automatique
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La seule constatation de l’atteinte au droit à l’image ouvre droit à réparation (Soc., 7 nov 2018, pourvoi n°17-16.799 ; plus récemment: Soc., 19 janvier 2022, pourvoi n° 20-12.420, 20-12.421).

Il résulte de l’article 9 du code civil que le droit dont la personne dispose sur son image porte sur sa captation, sa conservation, sa reproduction et son utilisation. L’employeur qui n’a pas sollicité l’autorisation de son salarié afin d’exploiter son image ne peut invoquer l’absence de préjudice subi.

En effet, la seule constatation de l’atteinte au droit à l’image ouvre droit à réparation (Soc., 7 nov 2018, pourvoi n°17-16.799 ; plus récemment: Soc., 19 janvier 2022, pourvoi n° 20-12.420, 20-12.421).

Dans cette affaire, l’employeur a été condamné à payer à la salariée une somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts.

 


 

19 janvier 2023
Cour d’appel d’Angers
RG n°
20/00453

COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00453 – N° Portalis DBVP-V-B7E-EXX6.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANGERS, décision attaquée en date du 19 Novembre 2020, enregistrée sous le n° F19/00330

ARRÊT DU 19 Janvier 2023

APPELANTE :

Association [4] agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Sarah TORDJMAN de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 30190101

INTIMEE :

Madame [I] [U]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Stéphanie CHOUQUET-MAISONNEUVE de la SELARL VITAE AVOCAT, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 19026

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Novembre 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine DELAUBIER, conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Estelle GENET

Conseiller : Madame Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Madame Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 19 Janvier 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Christine DELAUBIER, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [I] [U] née [T] a été embauchée par l’association [4], le 8 septembre 1997, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, au poste d’agent administratif au sein du pôle de veille sociale, statut employée, coefficient 341 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

Par avenant du 1er août 2013, Mme [U] a évolué au coefficient 396.

Suite à un plan de licenciement, son poste a été supprimé et la salariée a été reclassée au poste d’agent d’accueil sur le pôle migrant.

A compter du mois de février 2015, Mme [U] a occupé le poste d’agent d’accueil et de secrétariat au sein du pôle mineurs et jeunes majeurs non accompagnés qui venait d’ouvrir.

Mme [U] a été placée en arrêt de travail du 3 au 6 avril 2017, puis du 27 avril au 8 septembre 2017.

Par lettre du 14 décembre 2018, Mme [U] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s’est tenu le 3 janvier 2019.

Puis elle a été licenciée par une lettre du 11 janvier 2019 en raison d’une part, d’ ‘insuffisances professionnelles persistantes dans l’accomplissement de ses différentes missions’ et d’autre part ‘de fautes d’une particulière gravité’, ne permettant pas son maintien au sein de l’association.

Contestant le bien fondé et la régularité de son licenciement, Mme [U] a saisi le conseil de prud’hommes d’Angers le 13 mai 2019 afin d’obtenir la condamnation de l’association [4], sous le bénéfice de l’exécution provisoire, au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et irrégulier, des indemnités de rupture, d’un rappel de salaire au titre des majorations des heures supplémentaires récupérées, de dommages et intérêts pour atteinte à l’image et d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ association [4] s’est opposée aux prétentions de Mme [U] et a sollicité sa condamnation au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 19 novembre 2020, le conseil de prud’hommes a :

– jugé qu’il n’y a pas faute grave, ni insuffisance professionnelle ;

– dit que le licenciement de Mme [U] pour insuffisance professionnelle et faute grave est sans cause réelle et sérieuse ;

– condamné l’association [4] à verser à Mme [U] les sommes suivantes :

* 3 877,04 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

* 387,70 euros brut à titre de congés payés y afférents ;

* 11 954,21 euros net à titre d’indemnité de licenciement ;

* 15 508,16 euros net au titre des dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle

et sérieuse ;

– ordonné à l’association [4] de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Mme [U] du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage sur le fondement de l’article L 1235-4 du code du travail ;

– ordonné la délivrance des bulletins de salaires correspondant au préavis et des documents de fin de contrat rectifiés (attestation Pôle emploi, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte) sous astreinte de 10 euros par jour de retard et par document à compter du 30ème jour suivant la notification du jugement, le conseil se réservant la possibilité de liquider cette astreinte ;

– condamné l’association [4] à verser à Mme [U] la somme de 88,80 euros brut (congés payés inclus) au titre des majorations des heures supplémentaires récupérées ;

– condamné l’association [4] à verser à Mme [U] la somme de 1200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonné l’exécution provisoire de la décision dans la limite de 50% des sommes ;

– dit que les condamnations de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur par devant le bureau de conciliation et à compter du prononcé du jugement pour les condamnations de nature indemnitaire en application des dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil ;

– débouté les parties de toutes leurs autres demandes considérées comme non fondées ou insuffisamment fondées ;

– condamné l’association [4] aux entiers dépens.

L’association [4] a relevé appel de cette décision par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 18 décembre 2020, son appel portant sur l’ensemble des dispositions lui faisant grief, énoncées dans sa déclaration.

Par jugement en interprétation du 31 décembre 2020, le conseil de prud’hommes a :

– reçu la requête en interprétation, l’a déclarée bien fondée, y faisant droit ;

– dit que le jugement du 19 novembre 2020 doit être interprété comme suit : Mme [U] est en droit de percevoir les sommes suivantes :

* 3 877,04 euros brut à titre d’indemnité de préavis

* 387,70 euros brut à titre de congés payés y afférents

* 11 954,21 euros net à titre d’indemnité de licenciement

* 88,80 euros brut au titre des majorations des heures supplémentaires récupérées

en outre, 50% des condamnations non exécutoires de droit à savoir :

* la moitié de 15 508,16 euros net au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* la moitié de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

soit 8 354,08 euros net.

– dit que la décision interprétative sera mentionnée sur la minute n°20/00361 du jugement du 19 novembre 2020 et sur les expéditions du jugement ;

– débouté les autres parties de toutes leurs autres demandes ;

– laissé les dépens à la charge du Trésor.

Mme [U] a constitué avocat en qualité d’intimée le 11 janvier 2021.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 19 octobre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du conseiller rapporteur du 7 novembre 2022.

*

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

L’association [4], dans ses dernières conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 16 mars 2021 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :

– confirmer le jugement du 19 novembre 2020 en ce qu’il a :

*Débouté Mme [U] de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte à son droit à l’image ;

*Débouté Mme [U] de sa demande de dommages et intérêts relative à l’irrégularité de la procédure de licenciement ;

– infirmer le jugement du 19 novembre 2020 pour le surplus;

En conséquence, faire droit à toutes ses demandes:

– dire et juger que le licenciement de Mme [U] repose sur une cause réelle et sérieuse et sur une faute grave ;

– en conséquence débouter Mme [U] de l’intégralité de ses demandes ;

– condamner Mme [U] à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’association [4] fait valoir en substance qu’en cas de coexistence de motifs, il suffit que la cause réelle et sérieuse d’un seul des deux motifs soit constatée pour emporter validité du licenciement. Elle assure démontrer à la fois l’insuffisance professionnelle et la faute grave reprochées par les pièces qu’elle produit.

Sur le barème des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse elle fait observer que la Cour de Cassation a rappelé le 17 juillet 2019 qu’il était compatible avec l’article 10 de la Convention 158 de l’OIT.

*

Mme [U], par conclusions n°2, régulièrement communiquées, transmises au greffe par voie électronique le 17 octobre 2022, ici expressément visées, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :

– déclarer l’association [4] irrecevable et en tout cas non fondée en son appel, l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, l’en débouter ;

– la recevoir en son appel incident et ses demandes, les dire bien fondées et y faisant droit :

– infirmer le jugement prud’homal en ce qu’il :

* limite à la somme de 11 954,21 euros net la condamnation de l’association [4] au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

*limite à la somme de 15 508,16 euros net la condamnation de l’association [4] à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

*l’a déboutée de sa demande de condamnation à la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à l’image ;

– confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

Y ajouter,

– condamner l’association [4] à lui verser les sommes de :

* 12 277, 30 euros net au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

* 39 739,66 euros net au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et irrégulier et subsidiairement la somme de 1 938,52 euros net au titre des dommages et intérêts pour licenciement irrégulier ;

* 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à l’image ;

– débouter l’association [4] de l’ensemble de ses demandes, fins ou prétentions plus amples ou contraires ;

– condamner l’association [4] à lui verser la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens et à tous les frais éventuels d’exécution forcée par voie d’huissier y compris ceux visés par l’article A.444-32 du code de commerce.

Mme [U] affirme que son licenciement est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse, critiquant tant le motif personnel non disciplinaire (insuffisance professionnelle) que le motif disciplinaire (faute grave) reprochés sans fondement par l’employeur.

Elle estime que l’insuffisance professionnelle n’est pas caractérisée compte tenu de sa surcharge de travail en lien avec l’augmentation du nombre de jeunes accueillis ou pris en charge sur la période de 2016 à 2018. Elle invoque aussi le défaut d’accompagnement et de toute aide apportée sur son dernier poste malgré ses difficultés dont elle n’a cessé de se plaindre auprès de l’association [4].

Par ailleurs, Mme [U] assure que la disparition de la somme de 5000 euros ne lui est pas imputable. Elle fait observer que confier la responsabilité du maniement d’espèces avec des montants si importants à une salariée qui ne peut même pas s’isoler, est propice aux erreurs mais également aux tentations d’indélicatesse de la part de toutes les personnes présentes (collègues, public).

Sur le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse elle demande à la cour de prendre en considération les éléments qu’elle verse dans la valorisation de son préjudice et de constater que l’application du barème de l’article L 1235-3 du code du travail ne permet pas une réparation du préjudice adéquate et appropriée.

Elle souligne que lors de l’entretien préalable, l’employeur n’a pas évoqué l’insuffisance professionnelle, motif apparaissant pourtant dans la lettre de licenciement, ce qui le rend irrégulier puisqu’elle n’a pas pu s’en expliquer.

Enfin, Mme [U] entend faire valoir qu’elle n’a jamais donné son accord pour que soit utilisée son image sur les supports de l’association quels qu’ils soient, en particulier sur le site internet de l’association, ni pendant l’exécution de son contrat de travail ni après la rupture des relations contractuelles comme l’a reconnu l’employeur.

***

MOTIVATION

– Sur le bien fondé du licenciement de Mme [U] :

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige portant sur le licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles et si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur en application de l’article L. 1232-6 du code du travail. Elle doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

L’employeur, à condition de respecter les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement, peut invoquer dans la lettre de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu’ils procèdent de faits distincts (Soc., 11 mars 2016, pourvoi n° 14-27.020 ; Soc., 31 mai 2017, pourvoi n° 15-19.425 ).

Il appartient au juge de qualifier les faits évoqués dans la lettre de licenciement.

En l’espèce, la lettre de licenciement notifiée à Mme [U] le 11 janvier 2019 débute en ces termes :

‘ Vous occupez depuis le 8 septembre 1997 au sein de notre association les fonctions d’agent administratif, puis d’agent administratif principal depuis le 1er août 2003.

En février 2015, à la création du service mineurs et jeunes majeurs non accompagnés, vous avez été affectée dans ce service en qualité d’agent d’accueil et de secrétariat.

A ce titre, vous aviez notamment en charge la gestion physique de la caisse, ainsi qu’un certain nombre de tâches administratives, parmi lesquelles :

– l’enregistrement des navettes et le classement de documents,

– l’enregistrement et la rédaction de PEC pour transmission aux jeunes,

– la préparation du tableau des aides financières mensuelles par jeune,

– la préparation du bon de commande pour les CAP,

– la préparation du tableau statistique mensuel…

La gestion de la caisse qui vous a été confiée suppose de procéder à l’enregistrement régulier des entrées et sorties de la caisse, et de transmettre chaque semaine au service comptabilité , après comptage physique, les justificatifs de caisse de la semaine.

Cette mission de suivi implique de la rigueur et de la fiabilité.

Nous avons décidé de prononcer votre licenciement en raison de vos insuffisances professionnelles persistantes dans l’accomplissement de ces différentes missions, et de fautes d’une particulière gravité, ne permettant pas votre maintien au sein de l’association.(…).’

La lettre énonce ainsi deux motifs distincts, l’un pour insuffisance professionnelle, l’autre de nature disciplinaire pour faute grave, motifs qu’il convient d’examiner successivement.

– Sur l’insuffisance professionnelle :

Il est reproché à Mme [U] au titre de l’insuffisance professionnelle des ‘manquements répétés en matière de transmission des pièces justificatives de caisse et dans le cadre des autres missions administratives confiées’ développés comme suit dans la lettre de licenciement :

‘ Lors de vos derniers entretiens annuels d’évaluation du 17 novembre 2016 et du 7 avril 2017, vous aviez reconnu :

* être en difficulté au regard des missions confiées ;

* que les objectifs fixés n’étaient pas atteints ;

* et cela malgré les procédures et les propositions d’organisation mises en place en novembre 2016 et janvier 2017.

Face à ces constats, nous avons une nouvelle fois revu vos méthodes de travail, en concertation avec vous, pour vous aider à progresser.

Nous avons renouvelé nos conseils à votre égard, et avons mis en place de nouvelles procédures destinées à vous accompagner. Votre responsable a notamment élaboré avec vous au mois d’avril 2017 une fiche d’organisation pour vous aider à mieux répartir vos missions sur la semaine et pallier ainsi aux nombreux retards et carences constatés dans votre travail.

Vos missions ont par ailleurs été allégées, puisque les référents sociaux gèrent désormais la caisse des jeunes qu’ils accompagnent, et que cette mission ne vous incombe donc plus spécifiquement.

Cependant, malgré l’accompagnement personnalisé dont vous bénéficiez, le service comptabilité demeure contraint de vous relancer systématiquement pour obtenir vos justificatifs de caisse, et nous continuons de déplorer la réception tardive de ces documents.

Votre caisse du mois de juillet 2018, par exemple, n’a pu être enregistrée par le service comptabilité que trois mois plus tard, fin octobre 2018.

Par ailleurs, et en dépit des mesures mises en place, vos autres missions administratives de base, sur lesquels des points avaient déjà été faits en 2016 et 2017, ne sont toujours pas réalisées ou avec un retard important.

Vos carences, vos retards récurrents et votre manque de réactivité sont préjudiciables au bon fonctionnement du service. Ils consomment une énergie précieuse et occasionnent un manque total de visibilité sur notre activité, les informations et les flux.

Cettes situation persistante est constitutive d’insuffisance professionnelle’.

L’insuffisance professionnelle, qui traduit l’incapacité objective et durable du salarié à exercer de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu’elle repose sur des éléments concrets et objectifs imputables au salarié.

Toutefois, lorsque l’employeur invoque une insuffisance professionnelle, la mention de celle-ci dans la lettre de licenciement constitue un grief matériellement vérifiable au sens de l’article L. 1232-6 du code du travail qui peut être précisé et discuté devant les juges du fond. Il n’est donc pas nécessaire que tous les éléments objectifs susceptibles d’être invoqués par l’employeur au titre de l’insuffisance professionnelle soient détaillés dans la lettre de licenciement.

L’insuffisance professionnelle se caractérise par une mauvaise qualité du travail due soit à une incompétence professionnelle, soit à une inadaptation à l’emploi. Si l’appréciation des aptitudes professionnelles et de l’adaptation à l’emploi relève du pouvoir de l’employeur, pour justifier le licenciement, les griefs doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables et perturber la bonne marche de l’entreprise ou être préjudiciables aux intérêts de celle-ci.

Pour apprécier si le motif d’insuffisance professionnelle allégué par l’employeur est réel et sérieux, le juge prend en compte l’ancienneté du salarié mais également sa progression dans l’entreprise, les augmentations de salaire allouées, l’existence ou non de constats d’insuffisance déjà effectués par l’employeur.

En l’espèce, sont reprochés à Mme [U] des manquements répétés en matière de transmission des pièces justificatives de caisse mais aussi plus généralement dans le cadre des autres misions administratives confiées, consistant, ainsi que l’employeur le développe devant les juges du fond, en des retards ou négligences récurrents malgré l’accompagnement mis en place et ce, depuis trois ans.

Mme [U] ne conteste pas réellement les missions qui lui avaient été confiées à compter de février 2015 telles que rappelées dans la lettre de licenciement, et détaillées sur une ‘fiche d’organisation du temps de travail hebdomadaire et mensuelle sur les missions secrétariat’ remise en main propre le 17 novembre 2016 et signée par Mme [U] lors de l’entretien d’évaluation du même jour (pièce 3 de l’association [4]).

Mme [U] relève tout au plus que la gestion de la caisse lui a été retirée en novembre 2018, soit quelques jours avant sa convocation à l’entretien préalable à son licenciement, de sorte que, selon elle, son licenciement ne se justifiait plus.

Cependant, les mesures prises par l’employeur pour remédier aux éventuelles carences d’une salariée juste avant son licenciement ne prouvent rien, si ce n’est la nécessité de remédier à des insuffisances déjà constatées. L’appréciation de l’insuffisance professionnelle relève du pouvoir de l’employeur dès lors qu’il se fonde sur des éléments objectifs et concrets et le licenciement sur ce fondement ne revêt pas un caractère subsidiaire obligeant celui-ci, comme en matière d’inaptitude par exemple, à procéder le cas échéant à un reclassement de la salariée à un autre poste au sein de l’association.

Pour établir l’insuffisance professionnelle de Mme [U], l’association [4] verse aux débats les éléments suivants :

– un mail M. [M] [Z], responsable administratif et financier de l’association du 20 novembre 2015, soit 9 mois après la prise de poste de Mme [U] au sein du pôle mineurs et majeurs non accompagnés, par lequel il écrit : ‘Nous avons pu échanger sur les problématiques professionnelles que tu rencontres, avec [F] ([N]), lors d’un entretien physique au siège de l’association : à cette occasion, nous avons abordé les problèmes de caisse. Je constate que cette question n’est toujours pas solutionnée alors que nous t’avions fixé comme objectif que la caisse soit restituée tous les vendredis soirs, et juste’. Il était demandé à Mme [U] d’apporter des explications par écrit de nature à ‘situer les difficultés’ rencontrées par rapport à cette caisse, rappelant aussi que la gestion de la caisse faisait partie de la fiche de poste de la salariée et qu’en outre elle bénéficiait de ‘temps administratifs dédiés’ ;

– le compte-rendu de l’entretien d’évaluation du 17 novembre 2016 réalisé par Mme [F] [N], chef de service, soulignant en commentaire ‘malgré de réelles compétences en informatique, un manque de rigueur et d’organisation dans son travail pour rendre en temps voulu les tâches et commandes qui lui sont signifiées mettant parfois à mal l’organisation du service, et laissant apparaître des tensions avec les professionnels de service’ ; si son dynamisme est reconnu, il est noté que Mme [U] ‘se laisse rapidement débordée par les événements’ et qu’il y a nécessité de ‘rester sur une posture professionnelle ‘; la rapidité de traitement des projets et la réactivité sont qualifiées d’insuffisantes ; l’item ‘Rigueur’ est détaillé en 4 rubriques, telles que ‘respect des plannings’, ‘qualité du travail rendu’, ‘bonne gestion du temps’, ‘remontée des problèmes’, toutes évaluées à ‘insuffisantes’ avec cette observation : ‘un travail important est à engager par [I] ([U]) pour s’organiser dans le rendu de ses missions. De nombreux rappels ont été effectués par la direction sans effet à ce jour. Enfin, le commentaire final confirme que Mme [U] ‘a des efforts à fournir de manière générale sur l’accomplissement de ses missions dans les délais demandés, malgré une mise en place de temps dédiés au secrétariat. Nouvel entretien prévu en mars 2017″. Il est mentionné qu’une fiche d’organisation du temps de travail liée aux missions demandées sur fiche de poste est transmise à la salariée ;

– la ‘fiche d’organisation du temps de travail hebdomadaire et mensuelle sur les missions secrétariat’ remise en main propre le 17 novembre 2016 et signée par Mme [U] lors de l’entretien d’évaluation sus mentionné ; le document planifie pour chaque demi-journée les tâches à accomplir par Mme [U] dont en particulier :

-le mercredi après-midi consacré au temps administratif de 14H à 17H30 pour ‘l’enregistrement et la rédaction de PEC pour une transmission le vendredi après-midi aux jeunes ; point statistique hebdomadaire, l’enregistrement de la navette si documents donnés par l’UED le mardi, pour classement ensuite dans casier des professionnels concernés ; avant le 10 de chaque mois, préparation du tableau des aides financières mensuelles/jeune (alimentation) pour transmission au service comptabilité (…) ; préparation du bon de commande pour les CAP avant le 15 de chaque mois (…)’ ;

– le jeudi matin : ‘tri du courrier et classement administratif ; enregistrement sorties et entrées caisse générale+pochettes des professionnels ; PEC irigo si demande’ ;

– jeudi après-midi/temps administratifs (…);

– le mail adressé par Mme [U] à sa collègue Mme [S] [R] la remplaçant le 16 décembre 2016 reprenant les tâches qu’elle n’avait pas pu réaliser et débutant par ces termes : ‘décidément, tu te tapes encore toutes mes boulettes…crois bien que je le déplore…voici ce qui est en souffrance (…) Et terminant par : ‘sinon, je n’ai pas fini les stats de novembre…ni les stats des apparts…tableau des activités extra-scolaires pas fini non plus…je te souhaite bien du courage’ ;

– le compte-rendu du second entretien professionnel du 7 avril 2017 mentionnant que : ‘depuis 6 mois, des difficultés persistent sur l’organisation et le travail n’est pas rendu comme demandé via des échéances posées sur l’organisation du poste de travail’. Le bilan global de performance tout comme les compétences sont toutes évaluées ‘insuffisantes’ sauf l’esprit d’équipe ‘correct’, avec les commentaires suivants : ‘de moins en moins d’implication dans le travail, des difficultés à être réactive au quotidien, une dégradation dans son ensemble; pas de réponse aux difficultés rencontrées’. Il est conclu sans ambiguïté que ‘depuis le dernier entretien annuel d’évaluation, les objectifs fixés ne sont pas atteints, malgré des propositions de travail, chaque tâche administrative est effectuée en dehors du temps imparti ou non rendu’.

A ce dernier document, est jointe la fiche d’organisation du temps de travail hebdomadaire et mensuelle sur les missions secrétariat précitée annotée de la même écriture que l’évaluation avec les mentions manuscrites suivantes : ‘perte de documents, des délais trop longs, préparation du tableau des aides financières ‘toujours hors délai’, ‘statistiques non transmises depuis trois mois’, et en bas du document : ‘point fait le 7 avril 2017 avec [I] [U] sur tâches administratives non réalisées ou effectuées partiellement’.

Mme [U] ne conteste pas sa signature apposée au bas du document, mais assure que celui-ci n’était pas annoté lorsqu’elle l’a signé. Pour autant, il est aisé de constater que la salariée a bien re-signé un exemplaire de la fiche d’organisation initialement remise et que les mentions critiquées n’ont pas été rajoutées sur le document déjà signé lors de la précédente remise. Or, Mme [U] n’explique pas les raisons pour lesquelles la fiche d’organisation lui aurait été présentée de nouveau à la signature sans bilan réalisé alors qu’un tel bilan faisait justement l’objet de l’entretien du même jour.

Contrairement à ce qu’a indiqué le conseil de prud’hommes, les comptes-rendus annuels écrits ‘logiquement’ de la main de l’employeur sont clairs et suffisamment explicites pour ne pas avoir à être illustrés par des cas concrets, étant rappelé que l’employeur n’est pas tenu légalement d’étayer ses évaluations par des exemples particuliers.

De surcroît, l’association [4] communique en cause d’appel en complément de ces éléments les attestations de M. [Z] et de Mme [N] faisant état d’éléments concrets corroborant les carences avérées de Mme [U].

Ainsi, M. [Z] relève :

– des ‘bons de remise d’argent liquide signés par Mmes [N] et [U] provenant de deux carnets de caisse différents utilisés en même temps sur la période’ ;

– ses interventions sur des problèmes liés à la caisse gérée par Mme [U] entre 2015 et 2018 ;

– des sollicitations faites oralement, par mail ou par courrier en copie par des salariés du service comptabilité qui ne parvenaient pas à obtenir les remontées des éléments de caisse de Mme [U] ou à retracer les erreurs de caisse non justifiées par Mme [U] ;

– des retards souvent longs empêchant un enregistrement comptable régulier et par conséquent l’identification des erreurs.

M. [Z] ajoute que ‘cet état de fait récurrent pénalisait le travail des salariés de la comptabilité et l’établissement des bilans financiers de l’association’. Il mentionne un avertissement délivré en mars 2016 dont il ne justifie pas alors que sa notification est remise en cause par Mme [U].

Mme [N] pour sa part assure que malgré les mesures mises en oeuvre pour permettre à Mme [U] de pallier ses difficultés de gestion de caisse, elle n’a été que très rarement en mesure de rendre les éléments dans les temps impartis sans donner d’éléments concrets sur les difficultés rencontrées liées au travail (pièce 16).

A l’appui de ces deux attestations, sont surtout versés de nombreux courriels adressés entre 2015 et octobre 2018(pièce 17) par lesquels M. [Z], Mme [N] ou Mme [A] [X] directrice, rappelaient à l’ordre Mme [U] concernant l’absence de remontée des justificatifs au service comptabilité, la clôture de la caisse pour envoi en comptabilité, la transmission de la feuille de virements pour le mois d’octobre 2016, l’absence de réception des statistiques mensuelles de septembre 2016, l’absence de réception de la caisse par le service comptabilité empêchant d’établir les bilans trimestriels, l’existence d’anomalies le 17 janvier 2017.

Mme [G], secrétaire comptable, déplore aussi dans un mail du 26 septembre 2018 adressé à Mme [U] et en copie à Mme [N] et M. [Z] que ‘depuis plusieurs mois, nous rencontrons des problèmes avec la caisse mineurs. Malheureusement, comme les années précédentes, la caisse a pris du retard et aujourd’hui on constate des erreurs, exposant diverses anomalies ou erreurs concernant les semaines 20, 26 et 34 extrêmement détaillées. Elle conclut en ces termes : ‘la caisse mineurs nous devons la réclamer, et très régulièrement faire appel aux responsables pour que l’on puisse la traiter (…)nous retrouvons parfois les caisses TS (travailleurs sociaux) mélangées avec les justificatifs de la caisse globale. Il n’est pas rare de retrouver des enveloppes avec de l’argent (…) Une enveloppe de 20cts (semaine 36). On ne peut que constater que les documents ne sont pas vérifiés en amont. Aujourd’hui, le fond de caisse et le fichier excel ne représentent pas la réalité. Il ne suffit pas de récupérer les enveloppes auprès des TS, il faut aussi les vérifier. En espérant que tu tiennes compte des remarques’.

Par mail de même date adressé à réception de ce couriel, Mme [N] sollicitera Mme [U] et M. [D] de la comptabilité afin de remédier en particulier aux caisses des TS manquantes. Mme [N] indique à Mme [U] à cette occasion que ‘pour rappel et pour ce faire tu disposes du lundi et vendredi pour t’organiser au niveau de la caisse, lorsque vous êtes deux et si nécessaire [S] peut être présente’.

Il sera observé que déjà, par mail du 2 février 2017, Mme [G] avait écrit avec sa collègue à Mme [X] et en copie à M. [Z] et Mme [N], pour exposer ‘les difficultés concernant la caisse du service mineurs et plus particulièrement l’absence d’envoi (comme en février, mars, avril, mai, juin et juillet 2016) par Mme [U] d’un état hebdomadaire nécessaire pour enregistrer les mouvements en comptabilité (…)’.

L’ensemble de ces éléments mettent en exergue la matérialité de retards et de carences répétés de Mme [U] pour accomplir ses tâches administratives, en particulier s’agissant de la transmission des données comptables et statistiques, et la gestion de la caisse, révélant des difficultés certaines et récurrentes dans l’organisation de son travail et un manque de rigueur manifeste.

En réplique, Mme [U] invoque le caractère ancien des comptes-rendus d’entretien communiqués par l’employeur et l’absence d’accompagnement ou d’aide apporté pour faire face à ses multiples tâches, soulignant sa surcharge de travail croissante avec l’évolution exponentielle du nombre de jeunes majeurs et de mineurs accompagnés accueillis et/ou pris en charge par l’association [4], surcroît de travail dont elle n’aurait cessé de se plaindre auprès de sa hiérarchie et qui a nécessité l’accomplissement de nombreuses heures supplémentaires.

S’agissant de l’absence d’évaluation réalisée en 2018 par l’employeur, il convient de rappeler d’une part que Mme [U] a été placée en arrêt-maladie du 26 avril au 8 septembre 2017 et que d’autre part, les autres éléments communiqués par l’employeur révèlent que les difficultés actées en 2016 et 2017 se sont poursuivies postérieurement à sa reprise de travail et courant 2018 (courriel récapitulatif de Mme [G] et de Mme [N] du 26 septembre 2018).

Mme [U] n’établit pas qu’elle aurait alerté son employeur sur un nombre trop important de tâches à exécuter ou une surcharge de travail résultant de ses missions telles que confiées lors de sa prise de poste en février 2015. Le compte-rendu d’entretien du 17 novembre 2016 reprend que la salariée ‘nomme lors de l’entretien qu’elle a de réels efforts à faire sur son organisation de travail et d’avoir plus de rigueur dans l’accomplissement de ses tâches’. Il apparaît ainsi que Mme [U] rencontrait dès 2016 des difficultés en termes de compétences organisationnelles pour assurer un poste en concordance avec son volume horaire de travail.

Dans un long courriel adressé le 26 avril 2017 à la suite d’une rencontre du même jour en présence de Mmes [X] et [N], Mme [U] manifeste par écrit pour la première fois auprès de son employeur sa conviction ‘qu’il faut être deux personnes pour tout faire’. Elle liste un certain nombre de difficultés pour :

– trouver des créneaux de temps disponibles pour les collègues et pour remplir chaque bordereau pour chaque sortie d’argent sans oublier de renseigner le classeur de caisse ;

– réaliser l’accueil physique et téléphonique face à un public adolescent exigeant aux demandes diverses et peu urgentes des fois…

– réaliser les documents (dont les statistiques) sur les temps administratifs ou de fermeture du service en temps et en heures alors qu’elle est régulièrement dérangée ou qu’il y a des rendez-vous sur ces temps de fermeture.

Elle invoque aussi notamment : le coffre-fort peu facile d’accès dans le bureau de la chef de service situé à l’étage; le temps important consacré aux fichiers d’aides alimentaires sans omettre les fichiers des activités extra-scolaires associés aux demandes de devis et de licences pour le sport, les billets de train à aller acheter pour les jeunes vivant en dehors d'[Localité 5], la monnaie à faire parfois auprès de sa propre banque, la gêne occasionnée par l’intervention de prestataires de services.

Mme [U] conclut son courrier en ces termes : ‘bref, je laisse ma caisse sans y toucher, je vais voir ma psy pour accepter l’arrêt de travail d’un mois ou plus. Je tombe des nues…je me sens dévalorisée, dévaluée, même pas soutenue par ma chef de service ou mes propres collègues. J’en ai marre, l’asso s’acharne sur moi, sans comprendre le pourquoi du pb sur le poste, sans chercher de réelles solutions…’

Ces doléances confirment incontestablement la spécificité exigeante du poste confié à Mme [U] nécessitant de parvenir à concilier concomitamment les tâches d’accueil et administratives, mais traduisent aussi sa difficulté à convoquer les compétences indispensables pour les assurer en termes d’organisation et de rigueur, d’adaptation et de gestion des situations urgentes.

Pourtant, il ressort des éléments précités que la salariée a bien été accompagnée pour l’aider dans ses difficultés d’organisation en particulier par les échanges qu’elle a pu avoir avec sa hiérarchie, mais aussi par l’élaboration et la transmission de la fiche d’organisation du temps de travail hebdomadaire et mensuelle sur les missions secrétariat’ remise en main propre le 17 novembre 2016 et planifiant par demi-journée le travail à effectuer.

En outre, Mme [N] témoigne dans son attestation que ‘le service a été adapté pour permettre à Mme [U] de pallier ses difficultés de gestion de la caisse, c’est à dire augmentation du temps administratif, remplacement par d’autres professionnels du service pour avoir encore du temps supplémentaire à l’enregistrement de sa caisse’. L’employeur n’est pas contredit par ailleurs lorsqu’il assure que Mme [U] avait été allégée de la charge de la caisse des jeunes.

Mme [G] confirme dans sa lettre jointe à son mail du 2 février 2017 que :

– Mme [R] qui a remplacé Mme [U] durant ses congés d’été en août 2016 est parvenue à rattraper le retard de la caisse (ensuite de l’absence d’enregistrement des éléments en comptabilité par Mme [U] de février à juillet 2016) ce, en sus des missions habituellement assumées par la salariée remplacée ;

– un renfort a été mis en place dans l’année afin de laisser du temps à Mme [U] pour travailler sur la caisse et autres tâches administratives (deux après-midis par semaine).

Mme [G] constate néanmoins l’absence de changement en décembre 2016, et la nécessité de reprendre la caisse depuis le 15 août 2016. Insistant sur les conséquences de ce désengagement par Mme [U] de ses responsabilités sur le service comptable, Mme [G] déplore que ‘depuis deux ans, la salariée laisse le soin à son remplaçant de mettre à jour la caisse avec l’aide du service comptable’.

De plus, il apparaît que lors de son arrêt-maladie de 4 mois subi du 27 avril au 8 septembre 2017, les missions attribuées à Mme [U] ont été confiées à Mmes [E] et [R] qui les ont effectuées, en sus de leurs propres missions, ce qui contredit l’impossibilité objective alléguée par Mme [U] pour faire face à son travail.

De surcroît, l’association [4] fait état de l’augmentation proportionnée de l’effectif salarial opérée pour tenir compte de l’évolution croissante du nombre de jeunes pris en charge par le pôle des mineurs et majeurs non accompagnés, Mme [U] recevant le soutien de Mme [E] (0,20ETP de janvier à juin 2017), auquel s’est ajoutée la venue de Mme [R] pour un effectif total de 2,80 ETP de juillet à décembre 2017 et de 3 ETP à compter de janvier 2018.

Mme [U] invoque l’insuffisance de ce renforcement au regard de l’afflux de public relevée dans le rapport d’activité 2017 de l’association.

Ce rapport confirme concernant le pôle mineurs et jeunes adultes accompagnés qu’au 1er février 2015, date à laquelle l’association [4] a pris en charge cette mission, le nombre de jeunes suivis était de 108. Il y est mentionné que le nombre de professionnels affecté à l’accueil et administratif est de 3 avec 15 référents socio-éducatif.

Il fait état d’une permanence d’accueil de 9H à 21H et le week-end assurée par un travailleur social du service, lequel a reçu en entretien de premier accueil 591 nouveaux mineurs (hors réorientation) contre 211 en 2016, et a accompagné 458 jeunes différents (orientés par le service de l’enfance en danger) sur l’année 2017, soit 49% de plus qu’en 2016 (cf p 132 et 133 du rapport).

L’effectif porté à 2,80 puis 3 ETP est donc proportionnelle à cette croissance étant précisé qu’il s’est accompagné d’un recentrage des missions de Mme [U].

Certes, Mme [U] justifie avoir accompli entre le 30 octobre 2017 et le 12 décembre 2018, un nombre total de 59 heures supplémentaires dont 22H25 ont donné lieu à récupération durant cette même période et 36H75heures à rémunération pour un montant de 541,24 euros brut, ce qui correspond cependant à une moyenne limitée à 4 heures par mois, soit environ une seule heure par semaine, ce qui ne témoigne pas d’une charge de travail excessive.

Si Mme [U] fait valoir qu’elle devait assumer seule la responsabilité de la caisse que Mme [R] ne prenait en charge qu’en cas d’absence de sa part, il doit être rappelé que Mme [R], durant ces remplacements, a régulièrement été amenée à procéder au rattrapage du retard de sa collègue en ce domaine.

Enfin, la salariée souligne la dégradation de ses conditions de travail à son retour de congés maladie en septembre 2017 dans la mesure où elle ne bénéficiait plus d’un bureau individuel mais d’un ‘coin de table’ exigüe à côté d’une autre collègue à l’accueil. Les photos font état d’une table d’une longueur limitée mise à la disposition de Mme [U] mais le caractère plus spacieux de son mobilier précédent ne ressort pas véritablement des photos prises en très gros plan versées aux débats. En tout état de cause, il ne peut être contesté que ce nouvel aménagement du local accueil est en lien direct avec l’augmentation du personnel administratif affecté aux missions d’accueil et administratives du pôle concerné et imposant un partage des espaces de travail de sorte que cet élément ne saurait suffire à justifier les difficultés de Mme [U] à assumer les missions lui restant à accomplir. De la même manière, la salariée ne démontre aucunement qu’elle aurait reçu des incitations à quitter son travail et à chercher un emploi ailleurs ainsi qu’elle le prétend, celle-ci se référant uniquement à son courriel du 26 avril 2017 faisant état de propos qui lui auraient été rapportés.

En définitive, Mme [U] ne justifie pas d’une charge de travail ou d’une absence de moyens de nature à expliquer les insuffisances professionnelles reprochées, à savoir son inaptitude dans la durée à assurer les missions administratives confiées, en particulier s’agissant de la gestion de la caisse et de la transmission des pièces justificatives et états au service comptable dans les délais attendus et de manière complète, et de la réalisation des statistiques, le tout résultant de difficultés récurrentes dans l’organisation de son travail et d’un manque de rigueur auxquels elle n’a pas su remédier. Ces insuffisances ont généré un surcroît de travail pour ses collègues qui la remplaçaient et perturbé en particulier le service de comptabilité dans l’avancée de son propre travail obligeant celui-ci à des vérifications supplémentaires et rappels à l’ordre. Elles ont aussi empêché la remontée de données importantes pour une association tenue à rendre des comptes de ses dépenses.

Par suite, il sera considéré que le licenciement de Mme [U] repose sur une cause réelle et sérieuse résultant de son insuffisance professionnelle.

– Sur la faute grave :

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

L’employeur reproche à Mme [U] la commission d’une faute grave, à savoir ‘un écart de 5 000 euros constaté dans la caisse dont [elle] avait la charge’, expliquée en ces termes dans sa lettre de licenciement :

‘ En outre, vous commettez des fautes dans l’accomplissement de vos missions qui portent gravement préjudice à l’association et aux populations accueillies.

* Ecart de 5 000 euros constaté dans la caisse dont vous aviez la charge.

En fin d’année 2018, un écart significatif de 5 000 euros a été relevé par le service comptabilité dans votre caisse de juillet 2018, qui n’avait pu être contrôlée plus tôt en raison de votre retard dans la transmission des pièces justificatives.

Les vérifications menées par le responsable administratif et financier de l’association et la direction ont confirmé que ces 5 000 euros vous ont bien été remis en espèces par votre responsable, [F] [N], et que vous avez signé un reçu de cette somme, le 5 juillet 2018.

Cette somme n’apparaît toutefois ni sur votre registre de caisse, ni dans l’inventaire physique.

Vous n’avez pas contesté cet écart de caisse mais vous n’y avez apporté strictement aucune explication.

Comme vous l’avez reconnu pendant l’entretien préalable, la caisse était pourtant sous votre seule responsabilité et vous avez bien personnellement signé le reçu de remise des fonds.

Il est totalement inacceptable que vous ne puissiez fournir aucune explication sur la disparition d’une somme aussi importante.

Le préjudice financier est considérable pour l’association et les populations accueillies auxquelles cette somme était destinée.

Cet incident constitue un grave manquement à vos obligations professionnelles.

Il démontre que nous ne pouvons pas vous faire confiance pour gérer les biens et l’administratif du service.’

– Sur la prescription des faits reprochés :

Aux termes de l’article L.1332-4 du code du travail, ‘aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même temps à l’exercice de poursuites pénales’ .

Lorsque les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires, il incombe à l’employeur de prouver qu’il en a eu connaissance dans les deux mois ayant précédé l’engagement de ces poursuites.

C’est la date de la convocation à l’entretien préalable qui constitue l’engagement des poursuites disciplinaires ou la date du prononcé d’une mise à pied conservatoire, soit en l’espèce le 14 décembre 2018.

L’association [4] soutient que l’écart de caisse reproché a été constaté à la fin du mois de novembre 2018. Elle explique que Mme [U] n’a communiqué les pièces comptables de la caisse du mois de juillet 2018 qu’à la fin du mois d’octobre suivant de sorte que l’enregistrement comptable a été clos le 29 octobre 2018.

Par mail du 22 novembre 2018, M. [Z] informait Mme [X] que :

– suite à la réception tardive des caisses du service mineur, l’enregistrement a été terminé au 29 octobre 2018 ;

-Mme [G], secrétaire comptable, a alors constaté après pointage des comptes 580 (mouvements de fond) qu’il y avait une incohérence entre les sorties de la caisse de Mme [N] et les entrées dans la caisse globale gérée par Mme [U] ;

– les deux autres secrétaires sollicités par Mme [G] pour vérification eu égard à l’importance de l’écart constaté, ont aussi relevé l’écart litigieux ;

– alerté de la situation le 6 novembre 2018, il a lui-même procédé à un contrôle le conduisant au même constat : ‘il manquait une écriture d’entrée de 5000 euros dans la caisse globale gérée par Mme [U] alors que l’écriture figurait en sortie dans la caisse de Mme [N].’ ;

– il s’est déplacé le 8 novembre 2018 au service mineurs pour récupérer le carnet à souches des dépenses afin de voir si les écritures n’avaient pas été oubliées, ce qui n’était pas le cas.

Mme [U] considère que ce courriel est insuffisant pour établir la connaissance par l’employeur du fait reproché dans les deux mois précédant sa convocation à l’entretien préalable au licenciement.

Néanmoins, Mme [U] n’apporte aucun élément de nature à remettre en cause la chronologie ainsi exposée par M. [Z] alors qu’il incombait à la salariée de transmettre l’ensemble des éléments nécessaires au service de la comptabilité à l’expiration du mois de juillet 2018. Au surplus, par mail adressé à Mme [U] le 12 octobre 2018, Mme [G] relevait qu’à cette date si des caisses et justificatifs avaient été déposés le jour même, il manquait encore plus de la moitié des justificatifs empêchant le service de comptabilité d’avancer (en particulier il manquait la caisse de Tatiana à partir du 5 juillet 2018). Cette pièce est de nature à conforter le retard imputable à Mme [U] ayant reporté d’autant le contrôle opéré par le service de comptabilité à la toute fin du mois d’octobre 2018, et la remontée de l’écart de caisse constaté le 6 novembre 2018.

En conséquence, les faits dont l’employeur a eu une exacte connaissance après contrôle et vérifications nécessaires le 8 novembre 2018, soit moins de deux mois avant la délivrance de la convocation à l’entretien, ne sont pas prescrits.

– Sur l’imputabilité de l’écart de caisse à Mme [U] :

Pour justifier du grief reproché à Mme [U], l’employeur communique la feuille de caisse attribuée à Mme [N] pour le mois de juillet 2018 mentionnant trois mouvements de sortie de caisse ‘[I]’ pour un montant de 5 000 euros chacun, mouvements qu’il estime confirmés par la production des deux carnets à souches produits en original attestant par reçus signés de Mmes [N] et [U] de la remise de ces fonds aux dates et aux montants correspondants.

L’employeur indique également que lors du comptage physique de la caisse globale de Mme [U] une somme de 5000 euros était manquante.

Enfin, il verse aux débats la feuille de caisse de Mme [U] établie pour le mois de juillet 2018 reprenant les deux sommes de 5000 euros chacune remises les 3 et 6 juillet 2018 mais la somme de 5000 euros remise le 5 juillet 2018 n’y apparaît pas.

L’employeur considère que la faute grave est ainsi caractérisée dès lors que Mme [U], après avoir réceptionné la somme de 5000 euros, ne l’a pas inscrite comme entrée dans sa caisse et que ces fonds ont disparu physiquement de la caisse de la salariée.

Tout d’abord, Mme [U] affirme partager la responsabilité de la caisse avec Mme [R] qui assurait également cette mission pendant les congés de la salariée.

Mais il n’est pas contesté que Mme [U] n’était pas en congé le 5 juillet 2018. Le compte-rendu de l’entretien préalable au licenciement rédigé par M. [H], membre du CSE ayant assisté Mme [U], indique que sur ce grief, ‘Mme [U] n’a aucune explication à donner, elle dit qu’elle ne sait pas, que ça ne lui parle pas. Mme [U] a reconnu sa signature sur les documents produits attestant que 5000 euros sont sortis de la caisse de [F] [N] pour sa caisse le 5 juillet 2018.’.

En cause d’appel, Mme [U] entend contester la régularité du reçu (numéroté 10) correspondant à la somme litigieuse issu d’un autre carnet à souches que celui ayant donné lieu aux reçus établis pour les deux autres sommes de 5000 euros remises les 3 et 6 juillet 2018 et portant les numéros 45 et 47. Elle relève au surplus que les signatures qui lui sont attribuées sur les trois reçus ‘ne sont pas exactement les mêmes’.

Néanmoins, l’examen des deux carnets à souches révèle que ces derniers sont utilisés de manière alternative et non chronologique et que tous les exemplaires de signature comportent de très légères différences propres à la répétition impossible d’une signature à l’identique. Au demeurant, Mme [U] ne conteste pas expressément sa signature sur le reçu du 5 juillet 2018 et ne demande pas à la cour de procéder à la vérification d’écriture obligée en ce cas.

En revanche, Mme [U] observe avec raison qu’il n’est pas établi que celle-ci ait conservé par devers elle la dite somme. Le vol de la somme ne lui est pas reproché et il n’est pas fait état d’éventuelles poursuites engagées à son encontre ensuite du dépôt de plainte effectué le 23 mai 2019 par l’association [4] ‘contre X avec des soupçons contre Mme [U]’.

Mme [U] n’est pas contredite lorsqu’elle indique que les 5 et 6 juillet 2018 qui ont précédé son départ en congé, la période était chargée, que si le service était fermé le 5 juillet elle n’était pas seule à y travailler et qu’enfin, une soirée du pôle mineurs et jeunes majeurs non accompagnés était organisée le 6 juillet au soir avec des allées et venues incessantes à l’accueil.

Il reste que Mme [U], qui n’a pas inscrit la somme de 5000 euros remise comme entrée de caisse, n’a rien pu dire sur le ‘devenir’ de la somme ainsi confiée et dont elle avait alors la responsabilité. Aucun élément ne permet de déterminer si celle-ci a déposé la dite somme dans le coffre situé dans le bureau de la responsable. A tout le moins, elle aurait dû se rendre compte de sa disparition dans le cadre du suivi de la gestion de ces fonds. Or, la découverte de l’écart de caisse ne résulte que d’un contrôle effectué tardivement -faute de transmission dans les délais par Mme [U] des justificatifs- par le service de comptabilité et non de l’alerte donnée par Mme [U] quant à la disparition de la somme confiée.

Il n’est pas contesté que le service était fermé les 5 et 6 juillet avant le départ en congé de Mme [U], laquelle à son retour début août n’a pas procédé aux vérifications ni au pointage des sommes dépensées.

Mme [U] a commis une faute grave en ne procédant pas aux formalités d’inscription de la somme comme entrée dans sa caisse ni au suivi de gestion d’une somme importante qui lui avait été remise en numéraires et dont elle avait la responsabilité, se désintéressant de son devenir, sans s’apercevoir de sa disparition ni en donner l’alerte. La faute grave résultant de ces négligences est caractérisée, alors que l’attention de la salariée avait été attirée de nombreuses fois sur son manque de rigueur, de sorte qu’elle empêchait la poursuite de la relation contractuelle.

En conséquence, le licenciement doit être considéré comme reposant sur une cause réelle et sérieuse constitutive d’une faute grave en plus de l’insuffisance professionnelle.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les demandes présentées par Mme [U] à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre d’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, à titre d’indemnité de licenciement  ainsi que sa demande de délivrance de documents de fin de contrat seront rejetées.

– Sur les dommages et intérêts pour procédure irrégulière :

L’association [4] a sollicité la confirmation de la décision en ce qu’elle a débouté Mme [U] de sa demande de dommages et intérêt relative à l’irrégularité de la procédure.

Mme [U] n’a pas relevé appel incident du chef de jugement l’ayant déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement puisque le dispositif de ses conclusions d’intimée se borne à solliciter l’infirmation de la décision en ce qu’elle limite à la somme de 15 508,16 euros net la condamnation de l’association [4] à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sollicitant la confirmation pour le surplus.

Il en résulte que la cour n’est pas saisie d’un appel contre cette disposition laquelle est par conséquent définitive.

– Sur les majorations afférentes au repos compensateur de remplacement :

L’employeur ne conteste pas que les heures supplémentaires accomplies par Mme [U] ont donné lieu pour certaines à majoration salariale et pour d’autres (22h25) à un repos compensateur de remplacement. Toutefois, il ne justifie pas avoir accordé à la salariée un repos compensateur de remplacement équivalent tenant compte de la majoration afférente aux heures supplémentaires.

Il n’établit pas avoir respecté les règles en la matière étant observé que les bulletins de paie de la salariée ne sont pas renseignés sur ce point en violation de l’article D. 3171-11 du code du travail tel qu’invoqué par Mme [U] à juste titre.

Dès lors, il conviendra d’allouer à la salariée la somme réclamée de 88,80 euros au titre des majorations non prises en compte pour les heures supplémentaires (22H25) ayant donné lieu à récupération, non contestée subsidiairement quant son montant. Le jugement sera confirmé à ce titre.

– Sur les dommages et intérêts pour atteinte au droit à l’image :

Il résulte de l’article 9 du code civil que le droit dont la personne dispose sur son image porte sur sa captation, sa conservation, sa reproduction et son utilisation.

Mme [U] affirme qu’elle n’a jamais donné son accord pour que soit utilisée son image sur les supports de l’association [4] quels qu’ils soient et ce, ni au cours de l’exécution du contrat ni postérieurement jusqu’au mois de mai 2019. Elle produit des pages extraites du site internet de l’association dédié au pôle des mineurs et jeunes majeurs où son image apparaît.

L’employeur invoque l’absence de préjudice subi par la salariée.

Néanmoins, la seule constatation de l’atteinte au droit à l’image ouvre droit à réparation (Soc., 7 nov 2018, pourvoi n°17-16.799 ; plus récemment: Soc., 19 janvier 2022, pourvoi n° 20-12.420, 20-12.421).

En conséquence, l’association [4] sera condamnée à payer à Mme [U] une somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts et le jugement sera infirmé de ce chef.

– Sur les intérêts :

Les condamnations au paiement de sommes de nature salariale doivent produire intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2019, date de notification de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation valant citation en justice.

Les condamnations au paiement de sommes de nature indemnitaire doivent produire intérêts au taux légal à compter de la date de la décision qui les prononce.

– Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

L’équité comme la solution apportée au présent litige ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’une ou l’autre des parties.

L’association [4], qui succombe même partiellement en cause d’appel, sera condamnée aux dépens de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant dans les limites de l’appel, par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement rendu le 19 novembre 2020 par le conseil de prud’hommes d’Angers sauf en ce qu’il a condamné l’association [4] à payer à Mme [I] [U] la somme de 88,80 euros brut (congés payés afférents inclus) ‘au titre des majorations supplémentaires récupérées’ et la somme de 1200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

Statuant à nouveau, du chef des dispositions infirmées et y ajoutant :

DIT que le licenciement de Mme [I] [U] repose sur une insuffisance professionnelle et sur une faute grave ;

REJETTE les demandes présentées par Mme [I] [U] à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre d’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, à titre d’indemnité de licenciement  ainsi que la demande de délivrance de documents de fin de contrat ;

CONDAMNE l’association [4] à payer à Mme [I] [U] la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte au droit à l’image ;

DIT que les condamnations portant sur des sommes de nature salariale doivent produire intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2019 et que les condamnations portant sur des sommes de nature indemnitaire doivent produire intérêts au taux légal à compter de la date de la décision qui les prononce ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article L. 1235-4 du code du travail ;

DÉBOUTE chaque partie de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée à hauteur d’appel ;

CONDAMNE l’association [4] aux entiers dépens de la procédure d’appel.

LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,

Viviane BODIN Marie-Christine DELAUBIER

 


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