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Vidéosurveillance : 8 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/15607

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Vidéosurveillance : 8 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/15607

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 10

ARRÊT DU 08 JUIN 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/15607 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCSHV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Janvier 2020 – Tribunal judiciaire de PARIS – RG n° 17/06531

APPELANT

Monsieur [G] [N]

Né le [Date naissance 1] à [Localité 8] (SERBIE)

[Adresse 3]

[Localité 7] (SERBIE)

Représenté par Me Fernando RANDAZZO de la SELEURL EUROPAVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : B1054

INTIMÉES

SNC ANNE DE FRANCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assistée de Me Arnaud BRUGUIERE de la SCP BRUGUIERE EMIR ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0315, substitué à l’audience par Me Sophie KOCH, avocat au barreau de PARIS, toque : P0315

AREAS DOMMAGES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée et assisté à l’audience de Me Xavier FRERING de la SELARL CAUSIDICOR, avocat au barreau de PARIS, toque : J133

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée le 06 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Valérie MORLET, chargée de rapport, Conseillère et Madame Florence PAPIN, Présidente.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Valérie MORLET, Conseillère

Monsieur Lionel LAFON, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Ekaterina RAZMAKHNINA

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Florence PAPIN, Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, greffier, présent lors de la mise à disposition.

***

Faits et procédure

M. [G] [N], chanteur compositeur serbe, à l’occasion d’un concert humanitaire organisé avec son groupe « Riblja Corba » le 21 novembre 2015 au [9] à [Localité 2], a réservé quatre chambres pour la nuit du 21 au 22 novembre 2015 à l’hôtel Best Western situé [Adresse 5] à [Localité 2], exploité par la SNC Anne de France.

M. [N] explique que le 22 novembre 2015, après avoir quitté sa chambre et restitué ses clés vers 11 heures 15, il a déposé deux valises et un sac de toile à la réception, pour la journée, mais qu’il n’a, dans l’après-midi vers 17 heures, pu récupérer que ses valises, son sac restant introuvable.

Il a le 23 novembre 2015 déposé plainte pour vol, laquelle a été classée sans suite par le procureur de la République le 23 décembre 2015, l’auteur du vol n’ayant pu être retrouvé.

M. [N] a par courrier du 25 novembre 2015 mis en demeure la société Anne de France de le dédommager et, faute de solution amiable, l’a par acte du 4 mai 2017 assignée devant le tribunal de grande instance de Paris en responsabilité et indemnisation.

La SAM Aréas Dommages, assureur multirisque de la société Anne de France, est volontairement intervenue à l’instance.

*

Le tribunal, devenu tribunal judiciaire, par jugement du 30 janvier 2020, a :

– débouté M. [N] de l’ensemble de ses demandes,

– condamné M. [N] à payer à la société Anne de France et à la compagnie Aréas Dommages, chacun, la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civil,

– condamné M. [N] aux dépens, avec distraction au profit de la SELARL Causidor,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes.

M. [N] a par acte du 30 octobre 2020 interjeté appel de ce jugement, intimant la société Anne de France et la compagnie Aréas Dommages devant la Cour.

*

M. [N], dans ses dernières conclusions signifiées le 25 novembre 2020, demande à la Cour de :

A titre principal,

– infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

– le déclarer recevable et bien-fondé en ses demandes et y faisant droit,

– constater les manquements aux obligations contractuelles commis par l’hôtel Best Western,

– par conséquent, condamner solidairement la société Anne de France, exploitante de l’hôtel Best Western, et la compagnie Aréas Dommages à lui verser la somme de 7.319,56 euros au titre de son préjudice matériel,

– condamner solidairement la société Anne de France et la compagnie Aréas Dommages à lui verser la somme de 100.151,33 euros au titre de son préjudice économique,

– condamner solidairement la société Anne de France et la compagnie Aréas Dommages à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de son préjudice moral,

A titre subsidiaire,

– condamner solidairement la société Anne de France et la compagnie Aréas Dommages à lui verser la somme de 47.200 euros au titre de l’article 1953 alinéa 3 du code civil,

En toute hypothèse,

– condamner solidairement la société Anne de France et la compagnie Aréas Dommages à lui payer la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner solidairement la société Anne de France et la compagnie Aréas Dommages aux entiers dépens.

La société Anne de France, dans ses dernières conclusions signifiées le 11 mai 2021, demande à la Cour de :

– se juger saisie d’aucune demande au titre de l’appel interjeté par M. [N], en l’absence d’effet dévolutif attaché à sa déclaration d’appel du 30 octobre 2020,

En tout état de cause, à titre principal,

– déclarer M. [N] aussi irrecevable que mal fondé en son appel ainsi qu’en toutes ses demandes,

– en conséquence, l’en débouter,

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire,

– juger que sa responsabilité ne saurait excéder la somme de 5.900 euros,

– condamner et déclarer la compagnie Aréas Dommages tenue de la garantir à hauteur de 15.000 euros avec une franchise en 350 euros en cas de condamnation à la réparation du préjudice matériel subi par M. [N],

– condamner et déclarer la compagnie Aréas Dommages tenue de la garantir à hauteur maximum de 500.000 euros avec une franchise en 450 euros en cas de condamnation à la réparation du préjudice économique et moral subi par M. [N],

– débouter M. [N] du surplus de ses demandes,

– confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions,

Et en tout état de cause et y ajoutant,

– condamner M. [N] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en sus des condamnations prononcées par le jugement de ce chef,

– condamner M. [N] aux entiers dépens, avec distraction au profit de Me François Teytaud.

La compagnie Aréas Dommages, dans ses dernières conclusions signifiées le 12 février 2021, demande à la Cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [N] de toutes ses demandes,

Et statuant à nouveau, à titre principal,

– juger que le dépôt des valises et du sac de M. [N] est un dépôt volontaire,

– juger que la responsabilité de la société Anne de France n’est pas engagée,

– débouter M. [N] de toutes ses demandes,

A titre subsidiaire,

– juger que le dommage prévisible au moment du dépôt des sacs doit être évalué à 5.000 euros et de limiter en conséquence la condamnation des intimés à ce montant, tous préjudices confondus,

– juger à défaut que la responsabilité de la société Anne de France est limitée à 11.800 euros,

En tout état de cause,

– juger que M. [N] a commis une faute ayant contribué à son propre préjudice,

– réduire son droit à indemnisation de moitié,

– juger que seule la preuve du dépôt d’un sac en toile d’une valeur de 12,95 euros est rapportée,

– en conséquence, débouter M. [N] du surplus de ses demandes,

– juger que sa garantie est limitée à 5.000 euros, avec une franchise de 150 euros, au titre des dommages matériels,

– juger que ce plafond de garantie et cette franchise sont opposables à M. [N] et la société Anne de France,

– condamner tout succombant « à 4.500 euros » sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, avec distraction au profit de la SELARL Causidor.

*

La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 15 mars 2023, l’affaire plaidée le 6 avril 2023 et mise en délibéré au 8 juin 2023.

Motifs

Liminaire

La société Anne de France se prévaut de l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel de M. [N], qui n’a pas expressément mentionné dans celle-ci les chefs de jugement critiqués sur lesquels repose sa demande d’infirmation. Elle ajoute que M. [N] n’énonce pas clairement les moyens qu’il invoque. Elle en conclut que la Cour n’est pas valablement saisie des demandes de l’appelant, et que ses demandes doivent être jugées aussi irrecevables que mal fondées.

M. [N] fait valoir la recevabilité de son appel et son absence de caducité, répliquant que sa déclaration d’appel est régulière, alors qu’elle indique l’ensemble des chefs du jugement critiqué, sollicitant notamment son infirmation en toutes ses dispositions, et reprenant dans ses conclusions subséquentes le dispositif du jugement critiqué et déterminant parfaitement l’objet du litige porté devant la Cour.

Sur ce,

L’article 562 du code de procédure civile dispose que l’appel défère à la cour la connaissance des chefs du jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. L’article 901 du même code, en son point 4°, énonce que la déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l’article 58, et à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité. L’article 954 du code de procédure civile ajoute que la partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

Or force est de constater en l’espèce que la déclaration d’appel de M. [N] régularisée le 30 octobre 2020 vise bien le jugement dont appel, rendu le 30 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Paris et ainsi parfaitement identifié, et présente une demande d’infirmation de celui-ci en toutes ses dispositions et en ce qu’il l’a débouté de ses demandes, mentionnant ainsi régulièrement les chefs de jugement critiqués.

Ensuite, si la société Anne de France fait valoir l’irrecevabilité de la déclaration d’appel de M. [N], elle ne soulève pourtant aucune fin de non-recevoir, et si elle prétend au caractère mal fondé de ses demandes, il est rappelé que celui-ci ne peut être évalué qu’en suite d’un examen au fond des moyens et prétentions de l’intéressé.

La déclaration d’appel de M. [N] répond parfaitement aux prescriptions des articles 562, 901 et 954 du code de procédure civile et la Cour la dira valable et se dira valablement saisie des demandes de l’intéressé.

Sur les demandes indemnitaires de M. [N]

Les premiers juges ont dit M. [N] recevable en ses demandes et ont considéré qu’il ne pouvait plus, ayant restitué les clés et quitté l’hôtel, se prévaloir d’un contrat hôtelier, mais seulement d’un dépôt volontaire de sorte que l’hôtel Best Western exploité par la société Anne de France n’était tenu que d’une obligation de moyens, à laquelle il n’a pas failli (système de vidéosurveillance, précautions, etc.). Les magistrats ont ajouté que M. [N] ne démontrait pas la réalité du contenu de son sac, ni avoir prévenu l’hôtel de celui-ci, ayant ainsi contribué à son propre préjudice, et que la perte de gains futurs ne pouvait être analysée que comme une perte de chance, en l’espèce insuffisamment caractérisée. Ils ont donc débouté l’intéressé de toute demande indemnitaire contre l’hôtel et de toute demande de garantie contre son assureur.

M. [N] reproche aux premiers juges d’avoir ainsi statué. Il met en premier lieu en jeu la responsabilité de la société Best Western/Anne de France en sa qualité de dépositaire, faisant valoir un dépôt nécessaire qu’il a effectué en sa qualité de voyageur (dont il rapporte la preuve par la production d’un ticket de dépôt). Il évoque en second lieu l’étendue de la responsabilité de l’hôtel, faisant à titre principal valoir sa responsabilité illimitée en qualité de dépositaire, puis pour faute (méconnaissance de l’obligation de surveillance) et à titre subsidiaire sa responsabilité limitée. M. [N] argue de l’absence de toute faute de sa part, fait état de la valeur des objets volés et de la preuve de la matérialité du dépôt des objets se trouvant dans le sac disparu. Il présente enfin sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de la réparation, estimant que les conditions de la responsabilité de l’hôtelier sont réunies (faute, préjudice certain, direct et personnel, lien de causalité) puis évalue cette demande (préjudice matériel : objets dérobés, frais occasionnés par la perte, puis préjudice économique : perte de gains professionnels actuels et futurs, et enfin préjudice moral).

La société Anne de France considère que les bagages en cause n’étaient pas placés sous le régime du dépôt hôtelier et que sa responsabilité a pris fin avec le contrat hôtelier lorsque M. [N] a payé et rendu ses clés, mais qu’ils lui étaient alors confiés sous le régime du dépôt volontaire. Dans ce cadre, elle soutient n’avoir commis aucune faute et fait valoir la propre faute du déposant. Elle ajoute que celui-ci n’apporte aucune preuve de la matérialité du dépôt, ni de sa valeur et que le montant des dommages et intérêts réclamés est injustifié et établi de mauvaise foi. Elle appelle en tout état de cause la garantie de la compagnie Aréas Dommages.

La compagnie Aréas Dommages considère que le dépôt par M. [N] de ses valises et de son sac était un dépôt non nécessaire mais volontaire et que l’intéressé ne prouve pas la faute de la société Anne de France. A titre subsidiaire, elle fait valoir les limites de la responsabilité de cette dernière au dommage prévisible et en tout état de cause en sa qualité d’hôtelier. A titre plus subsidiaire, elle oppose à M. [N] sa propre faute et l’absence de toute preuve de ses préjudices. Elle estime enfin que sa garantie, dans le cadre de sa responsabilité en qualité de dépositaire hôtelier (et non dans le cadre de la garantie contre le vol), est limitée à 5.000 euros, avec une franchise de 150 euros.

Sur ce,

Le dépôt, en général, est aux termes de l’article 1915 du code civil, un acte par lequel on reçoit la chose d’autrui, à charge de la garder et de la restituer en nature (article 1915 du code civil).

Il est volontaire ou nécessaire (article 1920 du code civil).

Les articles 1921 et suivants du code civil concernent le dépôt volontaire, qui se forme par le consentement réciproque de la personne qui fait le dépôt et de celle qui le reçoit.

Les articles 1949 et suivants concernent le dépôt nécessaire, forcé par quelque accident, tel qu’un incendie, une ruine, un pillage, un naufrage ou autre événement imprévu.

Si le dépôt hôtelier (ou chez un aubergiste) n’est pas un dépôt forcé par un événement imprévu, il est néanmoins traité dans cette même section du code civil, au titre des articles 1952 et suivants, alors que le client est, logeant à l’hôtel, dans l’obligation d’y déposer ses effets. L’article 1952 du code civil dispose que les aubergistes ou hôteliers répondent, comme dépositaires, des vêtements, bagages et objets divers apportés dans leur établissement par le voyageur qui loge chez eux, précisant que le dépôt de ces sortes d’effets doit être regardé comme un dépôt nécessaire.

Le dépôt hôtelier imposant un régime spécifique, il est d’interprétation stricte.

La durée du contrat d’hôtellerie commande la durée du dépôt hôtelier, le point de départ et le terme de la responsabilité de l’hôtelier. Ainsi, cette responsabilité prend fin avec le contrat d’hôtellerie, dont le terme correspond au départ effectif du client.

Ainsi, alors qu’il n’est contesté d’aucune part que M. [N] a bien séjourné dans l’hôtel Best Western exploité par la société Anne de France dans la nuit du 21 au 22 novembre 2015, ses bagages – à ce moment déposés dans la chambre qui lui avait été attribuée – étaient au cours de ce séjour bien soumis au régime du dépôt hôtelier tant qu’il logeait à l’hôtel Best Western.

Le site internet de l’hôtel Best Western indique que le « check in » (enregistrement de l’arrivée du client) peut se faire à partir de 14 heures et que le « check out » (enregistrement de son départ) doit être fait avant 12 heures (midi). M. [N] ne peut contester ce point, ayant réservé sa chambre en ligne et ayant alors nécessairement accepté les conditions générales de l’hôtel pour valider sa réservation. Les débats à ce sujet sont en tout état de cause inopérants en l’espèce et sans effet, alors que M. [N] a bien respecté l’heure d’enregistrement de son départ, affirmant lui-même qu’il a eu lieu vers 11 heures 15. Telles sont en tout état de cause les déclarations qu’il a faites lors de son dépôt de plainte au commissariat de police (circonscription de sécurité publique – CSP – du [Localité 2]), le 23 novembre 2015.

Il n’est pas contesté que M. [N], dont l’avion de retour vers [Localité 7] ne prenait son envol que dans la soirée du 22 novembre 2015, n’a pas laissé ses bagages dans la chambre qu’il libérait bel et bien et qu’il les a laissés à la réception, dans une remise, en échange de trois tickets qui lui permettaient de les récupérer en fin de journée, service proposé gratuitement par l’hôtel.

Il n’est justifié d’aucune reconduction – expresse ni tacite – du contrat hôtelier. M. [N] devait d’ailleurs rentrer à [Localité 7] pour y donner un nouveau concert le 23 novembre 2023. Le dépôt des bagages à la réception de l’hôtel, en dehors de la chambre, ne caractérise aucunement une telle reconduction.

Ayant bien réglé l’intégralité de son séjour et restitué les clés de sa chambre, M. [N] a ainsi mis fin à son séjour dans l’hôtel et au contrat hôtelier et ne pouvait plus être considéré comme un voyageur logeant à l’hôtel Best Western. Il a par voie de conséquence été mis fin, à ce moment, au dépôt hôtelier nécessaire de ses bagages, tel que défini par l’article 1952 du code civil précité.

Malgré les termes des conclusions de la société Anne de France, celle-ci ne conteste pas la matérialité du dépôt par M. [N] de ses bagages à la réception, avec l’accord du réceptionniste, après l’enregistrement de son départ (« check out ») et pour ne pas être encombré pendant sa journée à [Localité 10] dans l’attente de son vol vers [Localité 7], prévu seulement en soirée. Trois tickets ont été remis à l’intéressé, correspondant au dépôt de trois bagages, afin qu’ils puissent être récupérés en soirée.

Après l’enregistrement du départ de M. [N], ce dépôt ne se place plus dans un cadre hôtelier, ni même dans le cadre d’un dépôt nécessaire, mais constitue un dépôt volontaire régi par les dispositions des articles 1921 et suivants du code civil. M. [N] a volontairement laissé – déposé – ses bagages à l’hôtel, avec l’accord de celui-ci, actant ainsi le consentement réciproque des deux parties, conformément à la définition du dépôt volontaire posée par l’article 1921 du code civil cité plus haut. L’intéressé ne démontre pas que son consentement à ce dépôt ait été vicié.

M. [N] ne peut donc se prévaloir d’une responsabilité illimitée de la société Anne de France, exploitante de l’hôtel Best Western, prévue par l’article 1953 du code civil au titre du seul dépôt hôtelier.

Dans le cadre du dépôt volontaire ainsi identifié en l’espèce, la société Anne de France, exploitant l’hôtel Best Western dépositaire des bagages de M. [N], était tenue d’apporter dans la garde desdits bagages les mêmes soins qu’au titre de la garde de ses propres biens, conformément aux termes de l’article 1927 du code civil.

Est ainsi posée, à la charge de l’hôtelier dépositaire, une obligation de moyens.

L’article 1928 du code civil précise que cette obligation doit être appréciée avec plus de rigueur si le dépositaire s’est offert lui-même pour recevoir le dépôt (1°), s’il a stipulé un salaire pour la garde du dépôt (2°), si le dépôt a été fait uniquement pour l’intérêt du dépositaire (3°) ou s’il a été convenu expressément que le dépositaire répondrait de toute espèce de faute (4°).

L’hôtel Best Western dispose, au titre de ses services, d’une bagagerie gratuite et donc sans mention d’aucune rémunération, et il n’est pas justifié – ni prétendu – qu’ait été en l’espèce convenu entre l’hôtel et M. [N] que le premier devait répondre de toute espèce de faute. Le dépôt des bagages des clients, avant l’enregistrement de leur arrivée et l’attribution d’une chambre, ou après l’enregistrement de leur départ et la restitution de la chambre, n’est pas fait dans l’intérêt du dépositaire, mais dans celui seul du déposant. Il ne peut enfin être retenu que l’hôtel s’est en l’espèce lui-même offert pour recevoir le dépôt des bagages de M. [N], ce service n’étant proposé qu’aux voyageurs qui le réclament eux-mêmes après leur départ. Ne se trouvant dans aucun des quatre cas prévus par l’article 1928 du code civil, l’hôtel n’était donc pas tenu d’une obligation de moyens renforcée.

Or M. [N] a indiqué aux services de police saisis de sa plainte pour vol qu’il n’avait pas eu lui-même accès à la remise dans laquelle devaient être entreposés ses bagages, ce qui constitue une protection mise en place par l’hôtel contre les intrusions intempestives. Il n’est en outre pas contesté que la société Anne de France, exploitante de l’hôtel en cause, avait mis en place, dans le local recevant les dépôts volontaires des clients, un système de vidéosurveillance, auquel les services de police ont d’ailleurs pu avoir accès lors de leur enquête. Il ne peut être reproché à la société Anne de France l’absence d’image exploitable permettant d’identifier un voleur. La société Anne de France démontre ainsi être étrangère au vol de l’un des bagages de M. [N], établissant avoir donné aux objets déposés les soins attentifs qu’elle aurait donnés à la garde de biens lui appartenant, et justifiant de moyens mis en place pour répondre à ses obligations de dépositaire. Elle n’a nullement méconnu son obligation de surveillance, contrairement aux affirmations de M. [N] en ce sens.

Dans le cadre d’un service gratuit de garde de bagages, la société Anne de France ne peut être assimilée à un dépositaire professionnel. Aussi, ne justifiant pas avoir alerté l’hôtel de la valeur des biens déposés, et notamment de la valeur des objets que contenait le sac en toile qu’il dit avoir été volé, M. [N] a lui-même commis une faute ayant contribué à son préjudice. Si l’intéressé apporte aux débats des témoignages pour justifier a posteriori du contenu du sac volé, ce contenu allégué, que l’intéressé évalue à la somme de 90.000 euros (carte d’identité, passeport, carnet de santé, clés de son domicile, paire de lunettes, sac de marque Lush, sac aux armoiries serbes, boite de souvenirs, clé USB, chaussette brodée d’une valeur de 1.500 euros, agendas, carnets contenant les textes originaux des chansons d’un prochain album, recueil de poèmes auxquels il était particulièrement attaché), n’a pas été porté à la connaissance de l’hôtel. Ce contenu, dans un sac de toile et sans l’apport d’aucune précision, ne pouvait être prévu -ni même prévisible – par le personnel de l’hôtel et apparaissait même imprévisible ainsi que le soutient la société Anne de France, qui ne pouvait donc non plus prévoir le dommage. M. [N] n’a pas mis en mesure l’hôtel de prévoir des précautions et mesures de sécurité supplémentaires ni même de refuser le dépôt.

En conséquence, et sans qu’il soit nécessaire de statuer sur le caractère probant des éléments permettant d’évaluer le préjudice de M. [N], que les premiers juges ont estimé insuffisant, leur jugement sera confirmé en ce qu’il a écarté la responsabilité de la société Anne de France, exploitante de l’hôtel Best Western dans lequel l’intéressé a séjourné dans la nuit du 21 au 22 novembre 2015 et a, ensuite et avant de prendre son vol de retour, déposé ses bagages, le déboutant de l’ensemble de ses demandes indemnitaires contre celle-ci.

Il n’y a donc pas lieu d’examiner la garantie de la compagnie Aréas Dommages, assureur de l’hôtel dont la responsabilité n’est pas engagée. Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a débouté M. [N] de toute demande de garantie de l’assureur.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Le sens de l’arrêt conduit à la confirmation du jugement en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance, mis à la charge de M. [N].

Ajoutant au jugement, la Cour condamnera M. [N], qui succombe en son recours, aux dépens d’appel avec distraction au profit des conseils de la société Anne de France et de la compagnie Aréas Dommages qui l’ont réclamée, en application des articles 696 et suivants du code de procédure civile.

Tenu aux dépens, M. [N] sera également condamné à payer à la société Anne de France et à la compagnie Aréas Dommages la somme équitable de 3.000 euros, chacun, en indemnisation des frais exposés en cause d’appel et non compris dans les dépens, conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La Cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [G] [N] aux dépens d’appel, avec distraction au profit de l’AARPI [E] (Me François Teytaud) et de la SELARL Causidor (Me Xavier Frering),

Condamne M. [G] [N] à payer la somme de 3.000 euros à la SNC Anne de France, d’une part, et à la SAM Aréas Dommages, d’autre part, en indemnisation de leurs frais irrépétibles d’appel.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

 


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